vendredi 28 février 2014

Un test concluant ?

Une entreprise. Un poste à pourvoir. Huit candidats. Point positif pour lui: Exam ne s'encombre pas d'explication superflue. L'histoire démarre par courtes petites séquences introductives des personnages principaux. On ne voit même pas encore leurs visages. Cravates resserrées, vestes ajustées, mains lavées... à chacun son petit rituel avant d'aller affronter l'ultime processus de sélection pour rejoindre peut-être une mystérieuse société. Des plus prometteurs, le résumé du film que j'avais lu un peu avant trouve là une parfaite illustration.

Exam peut facilement être présenté comme un vrai thriller. L'épreuve qui va permettre à la société mystère d'identifier sa nouvelle recrue est particulière. Enfermés dans une pièce et surveillés par un garde armé, les postulants n'ont à leur disposition qu'une feuille de papier vierge et un crayon. Objectif: répondre à une question... qui ne leur a pas été posée, sans entrer en contact avec l'examinateur, sans gâcher leur papier et sans quitter les lieux, sous peine de disqualification immédiate. Temps imparti: 80 minutes. Parce que le film est tourné en temps (presque) réel, le suspense et la tension vont crescendo. Parce que chaque candidat veut le poste, il est aussi question d'élimination des supposés faibles au profit des prétendus forts. Même si ce thème peut sembler banal, son traitement ne l'est pas.

Deux aspects du film m'ont moins convaincu. Il  y a tout d'abord le fait qu'il se nourrit trop vite d'invraisemblances ou disons de caricatures. Quand on commence à connaître les personnages, certains s'avèrent un peu trop "beaux" pour être crédibles. C'est vrai qu'on nous a dit aussi que ces huit-là étaient déjà les rescapés d'une longue sélection antérieure, mais bon... leur profil semble parfois un peu trop conçu pour la seule efficacité cinématographique. L'autre point que j'ai jugé décevant, c'est la conclusion. Quand, en fin de métrage, la lumière est faite sur tout ce qu'il fallait comprendre, la réponse à la question apparaît assez triviale. Pire: le propos devient consensuel, sur la base de la dichotomie habituelle, bons d'un côté, méchants de l'autre. Exam aurait pu aller plus loin, mais reste d'une perversité bien sage.

Exam
Film britannique de Stuart Hazeldine (2010)

Je me répète: il y avait mieux à faire à partir de cet excellent point de départ. Parler des rivalités au sein de l'entreprise m'apparaît vraiment tout à fait pertinent aujourd'hui, mais la drôle de note réconciliatrice finale m'a dépité. Chacun aura son opinion, bien sûr. La mienne est que ce petit film, sorti en 2012 et dans trois salles seulement en France, a réveillé mon envie de voir Le couperet. Merci alors de bien vouloir attendre encore un peu avant que j'en reparle...

jeudi 27 février 2014

Arranger les choses

Je ne sais pas à quel point mon impression est bonne. C'est un fait toutefois: bien qu'il partage la même langue d'expression, le cinéma anglais me paraît souvent plus original que le septième art américain. Je ne sais plus ce qui m'a poussé à vouloir voir Submarine. L'écho lointain que c'était un film sympa, je suppose. Je me dois d'admettre aussi que j'ai eu quelque difficulté à entrer dans cette histoire adolescente. Oliver, 15 ans, est un collégien un peu timide. Il arrive toutefois à sortir avec une fille, Jordana. Rien n'était gagné d'avance.

Submarine n'est pas le récit d'une bluette. Car Oliver, personnage principal, a une autre préoccupation que d'entretenir sa flamme amoureuse: sauver le couple de ses parents. Les Tate ont en effet l'ex de Madame comme voisin immédiat. Il n'y aurait pas des kilomètres avant que Jill, subjuguée par ce gourou de pacotille, n'abandonne Lloyd, triste spécialiste des poissons. Leur fils, choqué, s'efforce donc de préserver l'unité, se mêle de ce qui ne le regarde pas et en oublie finalement de s'occuper de sa propre liaison. Ce scénario a été primé lors de la 14ème cérémonie des British Independent Film Awards. Personnellement, je le trouve bon, même s'il m'a paru joué de façon un peu décalée. Bien des critiques lues après coup comparent le style de Richard Ayoade à ceux de Wes Anderson. J'y avais pensé aussi...

Le fait est que j'ai encore assez peu de références en cinéma indépendant pour être tout à fait affirmatif. Ce que je peux dire toutefois sans plus atermoyer, c'est que je me suis petit à petit pris au jeu de ce récit à la première  personne. Sans que je puisse m'identifier à lui, j'ai fini par m'attacher à Oliver et à vouloir le voir régler ses problèmes. Le côté sombre du film a fini par me séduire. J'ai alors apprécié la façon dont Submarine nous montre un territoire méconnu: les côtes du Pays de Galles. J'ai aussi aimé sa bande originale, écrite par Alex Turner, le chanteur des Arctic Monkeys. Enfin, penaud, j'ai noté au générique le nom d'une actrice que j'aime bien et que je n'avais pas reconnue, Sally Hawkins. Un mot encore pour saluer le talent des deux ados, Craig Roberts et Yasmin Paige.

Submarine
Film britannique de Richard Ayoade (2010)

J'ignore si nous verrons débarquer le second film du réalisateur. Apparemment, il mettrait en oeuvre Jesse Eisenberg, qui découvre qu'il a un double, trame dramatique puisée chez... Fédor Dostoïevski. Maintenant, c'est vrai: son tout premier opus ne manque pas d'atouts pour séduire. Submarine n'est pas un film facile, mais c'est un film qui peut vous surprendre et s'avérer attachant. Un peu comme ceux de Wes Anderson, donc. Il est plus que probable que je reparle bientôt de ce cinéaste américain. Et d'ici là, (re)voyez Moonrise Kingdom !

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Une autre solution, pour en savoir plus sur le film du jour...

Je vous propose de lire David, qui lui rend trois fois (!) un hommage sincère sur "L'impossible blog ciné". Vous aurez aussi à en entendre parler en bien sur "La cinémathèque de Phil Siné". À vous de plonger !

lundi 24 février 2014

Lulu... par Sólveig

Ma rubrique "La parole aux artistes" était restée sans mise à jour depuis trop longtemps. Je suis heureux de pouvoir y présenter aujourd'hui Sólveig Anspach, qui a porté Lulu femme nue à l'écran. Jointe au téléphone chez elle, la réalisatrice, de retour d'une tournée de promotion à l'étranger, a très gentiment répondu à mes questions. Je l'en remercie vivement. Voici ce qu'elle a bien voulu me raconter...

Avant votre film, Lulu est d'abord l'héroïne d'une bande dessinée. Comment avez-vous rencontré ce personnage ?
C'est Caroline Roussel, la productrice du film, qui était fan. Elle m'a envoyé la bande dessinée et m'a dit qu'elle l'adorait, qu'elle rêvait donc que j'en fasse l'adaptation, que je la réalise et que Karin Viard joue Lulu. Je me suis alors dit que j'avais quelque chose à raconter avec cette histoire, même si cette femme est très loin de moi. Justement, pour cette même raison, j'avais envie de la comprendre, d'en faire le portrait. J'ai pris mon vélo et apporté les deux volumes de la BD à Karin. Elle les a lus, je lui ai demandé si elle serait intéressée dans l'absolu et voilà: elle a dit oui...

Lire des bandes dessinées, c'est habituel pour vous ?
Non, mais j'ai aimé cette histoire, l'esprit et les personnages. Ensuite, il a fallu réaliser un gros travail d'adaptation pour que ça me parle. La BD étant publiée par Futuropolis, nous avons eu une réunion chez Gallimard. Je ne m'attendais pas à ce que ça se passe comme ça, avec plein de gens autour de la table. J'étais accompagnée par Caroline Roussel et Jean-Luc Gaget, mon co-scénariste. On a rencontré Étienne Davodeau, l'auteur, son éditeur et plein de stagiaires qui prenaient des notes. On m'a dit: "On vous écoute". J'ai eu l'impression de passer une sorte de grand oral ou le bac à nouveau.

Racontez-moi...
Je me suis essentiellement adressé à Étienne. J'ai essayé de lui dire tout ce que j'aimais dans la BD, tout ce qui m'interpellait, mais aussi ce que j'aimais moins et ce que j'avais envie de changer si j'en faisais l'adaptation. Tout le monde était très sérieux. J'ai appris à cette occasion que d'autres cinéastes étaient auditionnés. Je me suis donc dit qu'il fallait que je retienne leur attention et que je les fasse sourire. C'est pour ça que j'ai dit ne pas connaître les autres réalisateurs, mais avoir un avantage sur eux: je sais tricoter !

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Une précision: et c'est ainsi que Sólveig Anspach a, en plus du film, offert à Étienne Davodeau et son éditeur deux écharpes de laine islandaise, qu'ils ont ensuite portées lors du Festival BD d'Angoulême. Echarpes qu'elle a tricotées tout au long de l'écriture du scénario...
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C'est ainsi qu'on peut convaincre un auteur de BD ?
Ce n'est pas ce qui l'a convaincu, mais ça l'a fait rire ! J'ai distribué des DVD d'un de mes films précédents, Back soon, tourné en Islande, pour montrer l'esprit burlesque que je voulais donner aux personnages des deux frères de Charles, entre autres. Étienne et moi sommes devenus très proches. Il m'a dit avoir pris sa décision vingt minutes après notre rencontre. En fait, il ne voulait pas voir de photocopie de la BD, tandis que les autres cinéastes en prévoyaient une adaptation très fidèle. Mon côté beaucoup plus radical, ça l'a rendu curieux...

C'était la première fois qu'une de ses oeuvres est adaptée...
Oui. Il y avait eu d'autres tentatives, mais aucune n'a abouti à l'écran.

Parlons de Karin Viard. Vous la connaissiez déjà et, avec le César en 2000, lui aviez permis d'obtenir une belle récompense...
Le choix s'est fait tout de suite. J'ai trouvé que c'était une bonne idée de lui proposer un rôle à contre-emploi, celui d'une femme assez effacée, timide. Au fil d'un road movie de 50 kilomètres, Lulu va retrouver des couleurs grâce aux personnages hauts en couleurs, eux, qu'elle rencontrera sur la route. Elle retrouve en fait ses rêves perdus et reprend sa vie en main. Il y a eu un travail sur la voix de Karin, sa manière de marcher, etc... avec l'idée qu'elle se recolore petit à petit. Comme on a tout tourné dans le désordre, évidemment, elle a également eu beaucoup de boulot sur la continuité du personnage.

Un travail que l'on ne mesure pas forcément, quand on imagine que Karin Viard peut tout jouer...
C'est vrai, mais elle joue très rarement des personnages transparents. C'est comme sur le tournage de Haut les coeurs ! Jamais encore elle n'avait joué de personnage dans un film dramatique, même s'il y avait quand même un peu d'humour...

Un mot sur Bouli Lanners, que j'aime beaucoup, pour ma part ?
Oui... je l'adore ! Je l'ai rencontré à la gare du Nord, quand il tournait à Liège. J'avais vu ses films et savais que c'était un superbe acteur. Je pensais qu'il formerait un très beau duo avec Karin. Je lui ai amené la bande dessinée sans que nous ayons encore écrit une ligne de scénario. Je lui ai proposé de le recontacter un an et demi / deux ans plus tard, mais il m'a répondu: "J'ai vu tous vos films et je vous dis oui dès aujourd'hui" ! Une fois qu'on a su pour Karin et Bouli, on a pensé qu'en sortant du film, Charles et ses frères nous manqueraient. C'est pour ça qu'on les a fait revenir à la fin, ce qui n'est pas le cas dans la bande dessinée, où elle retourne auprès de son mari. J'avais dit à Étienne Davodeau que ça, je ne pouvais pas...

Quand j'ai vu le film, je me suis dit que vous aviez transformé Bouli Lanners. Mais tout en le laissant rester lui-même...
Oui. On en a beaucoup parlé avec lui. Le défi était d'en faire un homme charmant, beau, séduisant, à l'écoute... un homme bon, quoi. La scène de danse, par exemple, on l'a beaucoup travaillée. Ce n'était pas facile au début, même si ça peut vous paraître réussi au final. Karin l'a accompagné. Elle disait: "Tiens-toi droit, tu es beau", etc...

Au départ, le personnage est sur la plage, couché. Il paraît mort. Lulu s'inquiète pour lui, d'ailleurs. Pourquoi cette introduction ?
C'est comme ça que ça se passe dans la bande dessinée. L'idée, c'est que Lulu ne serait pas allée vers un homme sans ça. Elle n'aurait jamais osé. Mais là, comme elle croit qu'il est en danger, elle y va.

Et les autres personnages féminins, alors ? J'étais ravi de revoir Claude Gensac et de découvrir la toute jeune Solène Rigot. Finalement, c'est une histoire de femmes...
Effectivement, on peut se dire qu'il s'agit des différentes facettes d'une même femme. Marthe est un peu le personnage que Lulu pourrait devenir en vieillissant, si toutefois elle arrivait à dire plus souvent ce dont elle a envie. Peut-être d'ailleurs qu'elle y arrivera. Quant à Morgane, elle voit sa mère rentrer chez elle après avoir fait tout ce chemin: ce sera peut-être ensuite une meilleure mère, puisqu'elle aura un support identificatoire meilleur, plus fort. Il y a aussi le personnage de la soeur, joué par Marie Payen que j'adore. J'avais envie de deux soeurs qui se ressemblent - les deux actrices viennent de Rouen - et j'avais envie, en face, de trois frères différents les uns des autres. Des frères de route, pas de sang. Disons un peu comme les Pieds Nickelés ou les Dupond/Dupont...

Je retiens également Corinne Masiero, à qui vous n'avez pas donné un rôle très sympathique ! C'est une vraie Thénardier !
La tenancière est pire dans la bande dessinée ! Quand j'ai rencontré Corinne, elle avait reçu le scénario, mais elle m'a dit: "Je ne lis jamais les scénarios, raconte-moi le personnage, ma poule !". J'ai parlé d'un rôle d'une méchante, d'une salope tyrannique: ça l'a fait rigoler, elle m'a dit qu'elle avait envie de jouer ça. Ce qui est génial sur Lulu, c'est que tous les acteurs auxquels j'avais pensé ont dit oui.

C'est une histoire de transmission, entre tous ces personnages féminins, non ?
Absolument.

Est-ce que c'est aussi une histoire terminée ? Ou lui voyez-vous une suite ? La fin demeure assez ouverte...
J'ai fini comme ça parce que je crois que les personnages doivent vivre leur vie. Ça les regarde. Chacun imagine ce qu'il veut. On sait que Lulu va revenir, puisque sa fille, Morgane, dit qu'elle est allée faire un tour. Peut-être fera-t-elle un bout de route avec Charles. Peut-être pas toute la vie, mais qui sait ?

Je voulais dire un petit mot sur la technique. J'ai vu qu'il y avait très souvent la même équipe dans vos films. Ce sont des fidèles qui vous accompagnent. Avec la même ambiance des deux côtés de la caméra, donc ?
Oui. C'est important: on ne perd pas de temps avec les susceptibilités des uns et des autres. On peut se dire les choses. C'est donc beaucoup plus rapide. En dehors d'être des bons techniciens, ce sont aussi des êtres humains que j'aime et que je respecte. Il m'est arrivé aussi de tourner avec des équipes que je ne connaissais pas, Back soon en Islande, par exemple, avec seulement des techniciens islandais. J'ai tourné aussi un court-métrage en Irlande, avec une équipe irlandaise. Ça s'est très bien passé. C'est vrai que je travaille généralement avec des gens que je connais depuis quinze ans, souvent avec la même monteuse aussi, Anne Riegel. On est content de se retrouver, d'être ensemble, de travailler ensemble.

Vous avez fait aussi beaucoup de documentaires...
Oui, pendant dix ans, en effet. Avant Haut les coeurs !

Est-ce qu'il en reste quelque chose dans vos films d'aujourd'hui ? Une technique ou une certaine vision du cinéma ?
Je pense, oui. Dans la manière de travailler avec les comédiens. J'essaye de ne pas les brider. Je les laisse respirer. Je regarde d'abord ce qu'ils font, leurs premières propositions, et ensuite, je réajuste éventuellement en fonction de ce que je crois être la bonne direction.

J'ai lu que vous ne croyez pas trop à la direction d'acteurs...
Je n'aime pas trop ce mot, en effet. Réalisateur et acteurs, je crois qu'on cherche ensemble. Il faut se faire confiance.

Autre caractéristique de vos films récents: la présence d'animaux. Mais il n'y en a pas autour de Lulu...
Non, effectivement. C'est qu'en fait, les animaux appartiennent à ce que j'appelle ma trilogie islandaise. Dans Back soon, il y a des oies. Dans Queen of Montreuil, une otarie. Dans le troisième, L'effet aquatique, il y aura un autre animal, mais tout ça, ça fait donc partie d'un groupe de films qui n'est pas celui de Lulu.

Vous êtes aussi souvent la scénariste de vos films...
Oui, mais je les co-écris. À deux, c'est beaucoup plus amusant.

Dans quelle partie de votre travail prenez-vous le plus de plaisir ? Le scénario ? La caméra ?
J'aime beaucoup écrire, beaucoup tourner et beaucoup monter.

Un mot sur Jean-Luc Gaget, donc, votre co-scénariste ?
On s'est rendu compte que cela faisait dix ans qu'on travaillait ensemble. C'est super: on adore ça ! Je crois qu'on est assez efficace. On va vite. Je n'imagine pas écrire seule. Ce serait très ennuyeux. La répartition du travail ? C'est assez mystérieux. Je ne travaille pas toujours comme avec Jean-Luc. Ça dépend de chaque combinaison. Nous, en gros, on passe trois après-midis par semaine à l'ordinateur. On se parle, on joue les scènes, on tire des hypothèses. On reprend toujours le métier, on met le tissu sur la table...

Il ne s'agit donc pas de confronter des travaux effectués chacun de votre côté...
Avec Jean-Luc, non. On ne travaille que quand on est ensemble.

Vous avez également réalisé un film sur Louise Michel. Sauf erreur de ma part, c'est la seule fois où vous avez abordé un personnage historique. Pourriez-vous être tentée par d'autres ?
On m'a fait cette proposition de Louise Michel. Je ne connaissais rien sur elle, rien non plus à la Nouvelle-Calédonie. Je me suis alors dit qu'un film, c'est à chaque fois deux ou trois ans d'une vie, que j'allais apprendre plein de choses. En faire un autre ? Tout dépend du genre de film historique. Je trouve ça très lourd à tourner. Il faut compter des heures pour habiller les comédiens, avoir des lieux sans nuisances sonores contemporaines, avoir beaucoup d'argent pour un tournage dans Paris, vider les voitures... ça m'amuse moins.

Louise Michel, c'est pourtant une autre histoire de femme...
Oui. C'est d'ailleurs pour ça qu'on me l'a proposée.

Quels sont vos projets pour la suite ? Vous avez déjà d'autres films en préparation, il me semble...
Oui, il y en a trois. L'effet aquatique, tout d'abord, qui sera une suite de Queen of Montreuil, qui commencera à Montreuil et se poursuivra en Islande, pour les deux tiers du film. Ensuite, je prévois l'adaptation d'un roman noir de Fredric Brown, La fille de nulle part. Quant au dernier, il s'appellera La dernière histoire d'amour. Voilà. Je les tournerai probablement dans cet ordre.

Une idée des dates de sortie ? Ou au moins de celle du premier ?

Non. Il faut déjà tourner. Pour le prochain, tout dépend si on le fait cet été ou pas.

Les deux derniers que vous avez réalisés se sont vite enchaînés...
C'est vrai. J'ai pu en faire deux en un an, mais c'est un peu le hasard des circonstances. Certains scénarios ne se montent pas. J'en écris toujours plusieurs en même temps. Il m'est arrivé auparavant de ne travailler que sur un scénario pendant deux ans. Quand il n'y a pas de film au final, c'est horrible. On a plus de chance de voir un projet aller au bout quand on en a plusieurs.

Que devient un scénario, faute de tournage ?
Poubelle ! Après, on peut se dire qu'on fera revenir les personnages dans une autre histoire, mais on se le dit surtout pour se consoler.

Avez-vous des rêves de cinéma ? Des choses que vous aimeriez faire ? Des acteurs avec qui vous voudriez travailler ?
Les trois films dont je vous ai parlé, ce sont eux, mes rêves. Pouvoir les réaliser tous les trois. J'y tiens beaucoup. Cela devrait m'occuper au moins six ans. Sept, peut-être.

Comment voyez-vous votre carrière, jusqu'à présent ? 
Je n'ai jamais réellement pensé en ces termes. Je commence maintenant à voir quelques liens entre les films, même s'ils partent dans plein de sens différents. J'ai l'impression, si je peux en juger d'après mes rencontres avec les gens, qu'il y a toujours quelque chose d'humain. C'est ce que je cherche et c'est peut-être ça, le fil.

On termine avec votre pays, l'Islande ?
Mon prochain film sera donc tourné là-bas. Même si j'y retourne souvent, elle me manque. J'aime y travailler: il y a des paysages extraordinaires et les gens là-bas sont tellement frappadingues ! Franchement, ça, ça me plait !

Il n'y a pas qu'en Islande, non ? Le cinéma peut donner l'impression que les Nordiques sont tous un peu frappadingues...
Ceux que je choisis, oui. Il y en a aussi de plus conformistes.

Ce sont vos racines, mais vous avez une double culture, non ? Vous êtes aussi un peu américaine...
J'ai la nationalité, en effet. Mon père est américain. J'y avais tourné un documentaire pour le cinéma, qui s'appelle Made in the USA, consacré à la peine de mort au Texas. C'est un sujet qui m'importe également, mais cela dit, je n'ai pas de rêve particulier pour tourner aux États-Unis. J'aime autant raconter des histoires qui me plaisent.

samedi 22 février 2014

Reconquête

Magie de mes sorties cinéma: en tout juste une semaine, Karin Viard est passée du rôle d'une soeur étouffante, quasi-incestueuse, à celui d'une modeste femme au foyer en quête d'autonomie. J'ai vu Lulu femme nue en second, mais c'est lui que j'avais repéré le premier. L'idée de cette adaptation d'une BD me plaisait. Le fait qu'une femme soit le personnage principal, devant la caméra d'une femme, aussi. J'ai donc retrouvé Karin / Lulu sur le quai d'une gare. Elle était sortie d'un entretien d'embauche raté et avait loupé son train de retour...

C'est peut-être la première fois que ça lui arrive: Lulu s'écoute, pense à elle et prend des décisions. Plutôt que de rentrer chez elle "sagement", elle s'octroie une pause à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Quelques jours durant, elle va se libérer, enfin oser laisser de côté quelques-unes des contraintes de son quotidien. Ce que sa fille venue la chercher résume en un laconique "vivre son truc à fond". Film utopique, Lulu femme nue ? Assurément. Mais que ça fait du bien aussi, parfois, de rêver, de se dire qu'au fond, rien n'est impossible ! Le rêve de Lulu est d'ailleurs très modeste: pouvoir toujours compter sur les autres, mais, au fond, ne dépendre que d'elle-même, vivre finalement ce dont elle a envie, comme elle en a envie. Et Karin Viard joue parfaitement cette femme d'abord fragile partie à la reconquête de ce qu'elle est. La délicatesse du film est d'abord la sienne. Il faut voir son visage s'illuminer petit à petit et gagner en assurance...

Il y a aussi quelques autres personnages, bien entendu. Lulu "grandit" au gré des rencontres et il fallait bien que d'autres viennent l'aider dans sa démarche personnelle. J'ai retenu deux catalyseurs: Charles et Marthe, l'ex-taulard gardien de camping et la vieille dame solitaire qui ne prend des bains que quand elle a de la compagnie. J'ai eu plaisir à retrouver Bouli Lanners, un acteur - et réalisateur ! - belge que je connais de mieux en mieux et que j'aime de plus en plus. Ancienne "biche" de Louis de Funès, Claude Gensac, elle, demeure une mamie tout à fait épatante, à 86 ans bien portés. Je veux citer aussi Pascal Demolon et Philippe Rebbot, duo de frangins trouillards et rigolos, avant de vous laisser découvrir par vous-mêmes le reste de la distribution. Lulu femme nue flatte l'optimisme, le courage. Certains y verront une forme de naïveté. Je n'ai pas lu la BD et évite de comparer. J'ai bien aimé ces images, voilà. C'est l'essentiel, non ?

Lulu femme nue
Film français de Sólveig Anspach (2014)
Ce qui m'a tout d'abord attiré vers ce film ? Le fait de pouvoir, un an plus tard, retrouver la réalisatrice du joli Queen of Montreuil. Sûrement un peu plus concret et/ou moins personnel, le projet 2014 n'a pas forcément la poésie de son prédécesseur. À noter toutefois quelques jolis plans sur la côte vendéenne et une approche touchante d'un personnage engagé sur le chemin de sa vie. En l'accompagnant pour les premiers pas, je pensais à Thelma et Louise (Ridley Scott). La démarche de Lulu est un peu le même, pas son aboutissement...

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Deux de mes "voisines" internautes parlent du film...
Dasola l'a trouvé joli et très sympathique: "Le blog de Dasola". Pascale, elle, doux, frais, drôle et tendre ("Sur la route du cinéma").

vendredi 21 février 2014

Un coeur simple

Que Gustave Flaubert me pardonne: si j'emprunte pour ma chronique le titre de sa nouvelle, c'est bien évidemment sans la prétention d'écrire aussi bien que lui. Je trouve simplement que la désignation "colle" au personnage d'Ariane Ascaride dans Marius et Jeannette. Jeannette, fille de Marseille, est caissière dans un supermarché. Après une énième prise de bec avec son patron, elle est licenciée. Quelques jours plus tôt, elle avait été surprise dans une cimenterie désaffectée à voler de la peinture. Situation plus qu'inconfortable.

En dépit du contexte de crise économique, c'est le soleil qui domine l'imagerie de Marius et Jeannette. La personne qui a interrompu Jeannette alors qu'elle avait la main au collet est un brave type. Marius aurait d'ailleurs lui aussi quelque chose à se reprocher: il a simulé un handicap pour obtenir son poste de vigile. L'histoire commune commence quand, pris de remords, il débarque inopinément chez la voleuse pour lui offrir... deux pots de peinture et son aide pour les travaux. Une romance s'ensuit entre ces deux-là, écorchés par la vie. Je vous passe les détails. Robert Guédiguian lui-même présente son film comme un conte de l'Estaque, le quartier marseillais où il a été tourné. Et si quelques esprits chagrins pourront reprocher au réalisateur une certaine naïveté, sa véritable empathie sociale fait presque partie du décor. On reste libre d'être insensible à cette quête d'un bonheur non-marchand, mais elle conserve une vraie pertinence.

Le scénario se développe autour d'une série de courtes discussions entre les personnages. On y parle politique, football et difficulté d'élever des enfants dans de bonnes conditions. Le propos tourne autour de trois couples et d'une poignée de mômes. Les discours enflammés, le prosélytisme militant, Robert Guédiguian les laisse volontiers à d'autres. Même s'il parsème son film d'indices - visuels - de sa conscience d'homme de gauche, il s'en amuse aussi, au cours notamment d'un aparté jubilatoire sur l'existence supposée de Dieu. Marius et Jeannette est un film généreux, voilà, avec une troupe d'acteurs investie et crédible. Outre la lumineuse Ariane Ascaride césarisée à l'occasion, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin tiennent lieu d'habitués. Également au générique, Pascale Roberts, Frédérique Bonnal et Jaques Boudet composent une belle distribution. 2,6 millions de spectateurs l'applaudirent dans les salles françaises.

Marius et Jeannette
Film français de Robert Guédiguian (1997)

J'avais vu le film au cinéma, je l'ai revu avec plaisir sur la Chaîne parlementaire ! Ne vous en détournez pas pour de simples motifs politiques: cette histoire est vraiment filmée au plus près des gens. Robert Guédiguian pose sur la situation de ses personnages un regard moins désabusé que dans Les neiges du Kilimandjaro - ce qu'on peut expliquer par l'époque des tournages, peut-être. À vous d'en juger. L'histoire s'achève sur une dédicace aux ouvriers de l'Estaque. Il y a là une approche collective qu'on ne retrouve pas chez d'autres cinéastes.

mercredi 19 février 2014

Le bout de l'enfer ?

Je vais commencer cette chronique par une longue liste de noms d'acteurs: Christian Bale, Casey Affleck, Sam Shepard, Willem Dafoe, Forest Whitaker, Woody Harrelson, Zoe Saldana... il faut bien dire que, sur le papier, un tel aréopage promet un spectacle de qualité. Pourtant, Les brasiers de la colère, le film qui vient juste de réunir tout ce beau monde, est bien loin de m'avoir enthousiasmé. Preuve une nouvelle fois que les bons comédiens ne suffisent pas pour signer un chef d'oeuvre. Honnêtement, j'en suis ressorti plutôt frustré...

Reprenons. Les brasiers de la colère, c'est l'histoire de Russell. Russell est un brave type, bon fils, honnête travailleur, amoureux d'une femme visiblement très éprise, elle aussi. Tout pourrait aller parfaitement bien si Russell ne devait pas travailler dur pour soigner son père et, périodiquement, rembourser les - grosses - dettes de jeu de Rodney, son jeune frère, revenu d'Irak sans véritable perspective d'avenir. La vraie qualité du film réside dans sa description clinique de l'Amérique pauvre, à l'ombre des usines en fin de vie. Il y avait quelque chose de bien à faire dans un tel décor, c'est une évidence d'autant plus flagrante que la caméra "flatte" ces friches industrielles bientôt laissées à l'abandon. Le chef-opérateur Masanobu Takayanagi réalise des prouesses pour les rendre belles: elles en paraissent finalement indissociables du destin des personnages. Le scénario tient mal la comparaison, qui brode le banal récit d'une vengeance...

En compétition au 8ème Festival international du film de Rome courant novembre, le long-métrage est reparti bredouille. Je reste sceptique sur ses qualités et, pour tout dire, je m'en suis vite lassé. Les comédiens ne sont pas en cause: ils sont tous plutôt bons. L'opposition de style Casey Affleck à fleur de peau / Christian Bale sensible et mesuré fonctionne parfaitement bien. C'est vraiment l'histoire elle-même qui plombe leurs efforts: quand Rodney déraille franchement et se met en danger en contrariant quelques poissons plus gros que lui, on comprend rapidement où tout cela va mener. Certes, la réalisation est assez chiadée pour nous épargner l'effusion d'hémoglobine, mais la violence du long-métrage est bien réelle. Quant à sa morale, elle peut finalement sembler assez douteuse. J'aurais aimé que Les brasiers de la colère fassent réfléchir. D'avoir ancré le propos dans la réalité ne le rend pas politique pour autant...

Les brasiers de la colère
Film américain de Scott Cooper (2013)

Je n'irai pas jusqu'à qualifier le film de racoleur, mais son affiche l'est, elle, osant une comparaison avec le Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino. Il me faudrait revoir ce classique pour en parler sciemment, mais je crois me souvenir qu'il était bien plus marquant. Peut-être parce qu'à l'époque, il était parmi les premiers films américains à montrer les ravages psychologiques causés par la guerre du Vietnam. Ici, l'arrière-plan social paraît vu et revu. Autant reparler de Brothers ou bien préférer citer à nouveau Dans la vallée d'Elah...

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Il me semble que mon opinion est assez partagée...

Vous en jugerez sur le blog de Pascale ("Sur la route du cinéma").

mardi 18 février 2014

Joan de la jungle

Ça m'enquiquine: je ne parviens pas à me souvenir si j'avais déjà vu À la poursuite du diamant vert ou non. En le regardant l'autre jour lors d'une diffusion télé, j'ai en fait eu l'impression de le découvrir. Chose certaine: le titre m'était familier. Sachant que j'avais neuf ans et demi quand il est sorti dans les salles françaises, il est possible toutefois que j'en aie entendu parler sans jamais le visionner. Situons donc le concept en deux mots: Joan, une Américaine d'une trentaine d'années, écrit des romans d'amour. Une vie sage jusqu'au jour où...

Un après-midi aussi ordinaire que les précédents, la jeune femme apprend que sa soeur a été kidnappée en Colombie ! Ses ravisseurs exigent de récupérer une mystérieuse carte avant de la libérer. Joan s'arme de courage et, contre la logique, la vraisemblance et le conseil de son éditrice, s'embarque pour l'Amérique du Sud. À la poursuite du diamant vert est un titre assez explicite pour vous avoir laissé comprendre qu'une chasse au trésor va commencer. En deux temps trois mouvements, l'improbable héroïne se frotte à une panne de bus au beau milieu de la jungle amazonienne, croise par chance la route d'un baroudeur au coeur tendre et révèle un talent caché pour l'usage de la machette en milieu hostile. Tout cela n'est pas très sérieux. Vous voulez que je vous dise ? On s'en moque, en fait. Éperdument.

Loin d'être génial, À la poursuite du diamant vert fait partie intégrante de ces films des années 80 conçus en divertissements purs et durs. Voir Michael Douglas là-dedans peut à la limite surprendre aujourd'hui, mais c'est oublier qu'ici producteur, il n'a pas 40 ans. Kathleen Turner, qui en a (toujours) dix de moins, est une partenaire sympathique, même si moins expérimentée: en un mot, le duo fonctionne et c'est tout ce qui compte, je suppose. On notera encore la présence d'un Danny DeVito dans un rôle secondaire, ce qui permet de sourire quand on est "nostalgeek". Sans crier au génie, j'aime bien ces petites productions, légères en effets spéciaux. Nommé à l'Oscar du montage, le film rapporta onze fois ce qu'il avait coûté. Sur le sol français, il finit 9ème du box-office 1984 avec 3,1 millions d'entrées.

À la poursuite du diamant vert
Film américain de Robert Zemeckis (1984)

Si vous ne connaissez pas Robert Zemeckis, un petit tour vers l'index des réalisateurs pourrait éclairer votre lanterne. Le film ? Caractéristique de son époque, il est l'un des nombreux représentants de ces longs-métrages d'aventure, dits familiaux parce qu'accessibles à tout public. La même année, Steven Spielberg régalait son monde avec Indiana Jones et le temple maudit, avant que la bonne recette soit réutilisée dans Allan Quatermain et les mines du roi Salomon ou Crocodile Dundee. Des films dans ce genre-là, on n'en fait plus...

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Je ne suis pas le seul à en reparler trente ans après, mais...
Aelezig est moins enthousiaste: cf. "Mon cinéma, jour après jour". 

dimanche 16 février 2014

Un labyrinthe blanc

Je suis arrivé en retard au cinéma pour voir mon premier film français de l'année. J'ai raté la scène où Mathieu Amalric, prof d'université, couche avec l'une de ses étudiantes. Coup de chance ! Même s'il ne révèle rien de fondamental, ce pré-générique ajoute quelque chose d'explicite à une production cinéma qui laisse une part importante à l'imagination. L'amour est un crime parfait est un film double, à la fois thriller policier et observation d'un esprit perturbé. Un suspense un peu oppressant parcourt le métrage de bout en bout.

Marc, donc, est prof d'université, quelque part dans les montagnes suisses. Il se sait et se dit écrivain raté, mais enseigne pourtant l'art de l'écriture. Plus qu'accessoirement, il séduit nombre de ses élèves. Aussi, quand la plus brillante d'entre elles disparaît, la police l'interroge aussitôt. Marc cache mal son goût pour les jeunes femmes. Cela dit, sur cette Barbara, il ne sait rien... ou plutôt ne se souvient de rien. Le "héros" de L'amour est un crime parfait cacherait-il quelque chose ? Pas sûr, mais c'est un drôle de type. Son doyen l'encourage à éviter tout comportement ambigu, mais le conseil paraît lui glisser dessus, sans effet. On découvre alors que Marc continue d'attirer les regards et notamment ceux d'Annie, une autre étudiante sexuellement extravertie, et d'Anna, qui, un beau jour, se présente directement à lui comme la belle-mère de la disparue. Et il y a aussi Marianne, sa soeur, qui partage son toit et peut-être davantage...

Ce que je retiens de cette histoire, c'est d'abord une atmosphère. L'énigme initiale est vite passée au second plan de mes pensées. Doucement mais sûrement, le scénario avance et distille des indices quant à sa résolution ultime, mais j'ai trouvé que c'était subsidiaire. C'est d'abord par l'image et les décors que l'essentiel s'exprime. Tourné sur le campus de l'école polytechnique de Lausanne, bâtiment blanc, sinueux et ouvert à la lumière, le film joue sur les paradoxes. Le mystère plane au coeur d'un labyrinthe de verre où rien ne semble pouvoir rester dans l'ombre. Seuls les sommets enneigés voisins pourraient éventuellement étouffer les secrets en barrant l'horizon. L'amour est un crime parfait doit beaucoup à ce cadre. Il m'a suffi pour occulter plusieurs - petits - défauts. J'ai plutôt apprécié le trio d'actrices, Maïwenn Le Besco, Karin Viard et surtout Sara Forestier. Denis Podalydès complète honorablement cette distribution efficace.

L'amour est un crime parfait
Film français d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu (2014)

Hormis un titre un rien alambiqué, tout au plus pourrais-je reprocher au film une tendance à s'encombrer de références "intellos". Il faut noter qu'il s'inspire d'Incidences, un roman de Philippe Djian (2010). Tout ça est peut-être un peu trop écrit pour être tout à fait sur le ton juste, d'où ma note un peu mitigée, au final. Il y a là quelque chose d'assez sophistiqué, qui peut faire écho à Une histoire d'amour. Autre thriller en montagne, Possessions, lui, reste bien loin derrière.

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Un autre avis vous intéresse ?

Pascale livre le sien sur son blog, "Sur la route du cinéma". Elle note l'aspect quelque peu érotique du film: ça ne lui a pas beaucoup plu...

samedi 15 février 2014

Un regard sur l'Italie

Certains d'entre vous s'en souviennent... peut-être: la belle aventure de ce blog a débuté avec un film italien. Les longs-métrages transalpins demeurent pourtant sous-représentés dans ces pages. C'est aussi avec un certain retard que j'ai découvert dernièrement mon premier Ettore Scola. Il me faudra en voir d'autres pour mesurer plus précisément mon goût pour ce cinéaste, mais ce premier essai m'a déçu. La terrasse - puisque c'est de ce film qu'il s'agit - m'a paru un peu vieillot. Ses qualités d'écriture n'ont pas suffi à m'embarquer.

Le film débute sur un balcon. De très nombreuses personnes devisent sur toutes sortes de sujets plus ou moins compréhensibles. On a vite l'impression d'observer tour à tour plusieurs membres d'une classe sociale élevée, pour ne pas dire des intellectuels. La caméra virevolte et passe presque sans arrêt d'un petit groupe à un autre, au moins jusqu'à ce qu'une femme qu'on imagine être la maîtresse de maison informe ses convives que le buffet dînatoire est prêt. On s'attarde alors sur l'un des invités - Jean-Louis Trintignant - et on le découvre plus en détails, sur la durée et en d'autres lieux. Un bon quart d'heure passe et on revient à la maîtresse de maison, avant de faire connaissance avec un autre personnage. Ils seront cinq à être placés sous les feux de la rampe. Un procédé un peu lassant, à la longue...

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit: le film possède d'indéniables qualités. Il dresse sans aucun doute un panorama subtil de l'Italie de 1980. Ettore Scola y parle très franchement des mondes du cinéma, de la politique, de la critique, entre autres. Le propos évoque probablement quelques-unes des problématiques sociétales chères au cinéaste. En reconnaissance, le film a été primé à Cannes pour son scénario et ses dialogues. J'ai très probablement manqué d'une meilleure connaissance du cinéma italien pour apprécier le tout à sa juste valeur. Deux heures et demie plus tard, je me dois d'évoquer l'excellente distribution de La terrasse: vous y verrez certainement avec plaisir Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman et Serge Reggiani. Il est de pires compagnies...

La terrasse
Film italien d'Ettore Scola (1980)

Je vous autorise à mettre ces trois pauvres petites étoiles sur le dos de ma relative inexpérience du cinéma d'auteur italien. J'ai ressenti quelque chose qui ressemblait à un décalage, un peu comme en 2013 devant Vincent, François, Paul et les autres... de Claude Sautet. J'espère être plus sensible une autre fois: je souhaite pouvoir combler une partie de mes lacunes en matière de septième art transalpin. N'hésitez donc pas à m'orienter vers d'autres pistes mieux balisées...

vendredi 14 février 2014

La dame des antipodes

Vous le savez peut-être déjà: Jane Campion sera la présidente du jury du 67ème Festival de Cannes, qui commencera dans pile trois mois. Elle est la dixième femme à accéder à ces fonctions, la première ayant été Olivia de Havilland en 1965. La réalisatrice néo-zélandaise connaît bien la Croisette: elle y a présenté plusieurs films et gagné deux récompenses, la Palme d'or du court-métrage pour Peel en 1986 et la Palme d'or "tout court" pour La leçon de piano en 1993. Ex-étudiante en anthropologie, elle va célébrer ses 60 ans le 30 avril.

Jane Campion n'est pas forcément la plus prolifique des réalisatrices. Elle travaille depuis 1982 et, si j'en crois Wikipédia, a tourné depuis sept courts-métrages, sept longs-métrages et quatre programmes télé. Elle a consacré une partie de sa vie à la peinture, une forme d'expression artistique qui l'a déçue. Elle vit en Australie, là où elle a appris le cinéma, qu'elle dit avoir découvert avec Luis Bunuel. Tentée par la vie d'ermite, elle a mené l'expérience sur... trois jours. "Je suis rentrée avec la conviction que je n'étais pas encore mûre", dit-elle.

Quatre ans après la Palme de La leçon de piano, un déjeuner réunit quelques lauréats et Jacques Chirac, alors président de la République. Jane Campion demanda à être assise à une autre table. Elle entendait ainsi dire son mécontentement à l'égard des essais nucléaires décidés par le chef de l’État dans l'atoll de Mururoa. Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, dit qu'elle "fait partie de ces cinéastes qui incarnent à la perfection cette idée que l'on peut faire du cinéma en artiste et séduire un public planétaire". Et donc... vivement mai !

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Ah oui, au fait, un tout dernier mot...
Désolé pour les amoureux qui espéraient un film romantique le jour de la Saint-Valentin... j'ai préféré privilégier cette autre "actualité".

mercredi 12 février 2014

Parents ?

Pas de chiffres pour le prouver, mais je m'avance quand même: sortir un film le jour de Noël ne me semble pas vraiment être un cadeau fait à ses concepteurs. En fait, j'ai même craint un temps que ce choix étonnant me prive de Tel père, tel fils, Prix du jury à Cannes l'année dernière. Découvert un peu par hasard, le travail du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda m'avait déjà séduit à deux reprises: c'est la raison pour laquelle je ne voulais pas rater sa nouvelle création. Ouf ! Je l'ai vue en janvier, finalement. Sa finesse m'a beaucoup plu !

Le film commence dans le Tokyo bourgeois. Avec sa jeune épouse Midori, Ryota, architecte, élève un petit garçon de six ans, Keita. Papa n'est pas très présent, souvent au travail. Maman s'en sort correctement. L'imprévu survient après un coup de fil de la maternité où est né l'enfant: les médecins ont découvert qu'un échange de bébés avait eu lieu et que Keita n'est donc pas le fils de Midori et Ryota. L'avocat de l'établissement a retrouvé l'autre famille trompée, celle qui élève comme le sien le véritable enfant des "faux" parents. L'idée serait d'organiser une rencontre afin de restituer chacun des bambins à sa famille de sang. Vous l'imaginez bien: ce n'est pas si simple ! Frontalement, Tel père, tel fils pose la question de la parentalité. Avec de nombreux développements tendres ou cruels, le film explique combien le fait d'être parent n'est pas que la conséquence d'un acte charnel et que l'éducation est sans doute au moins aussi importante que la conception. À chacun d'y repenser selon ses propres valeurs...

Tel père, tel fils invite à cette introspection. L'un des grands mérites du film tient justement à ce qu'il fait réfléchir, à mon avis. Il offre même plusieurs opportunités, à travers les diverses situations présentées et l'évolution des quatre parents, assez différents les uns des autres. Bon point: le scénario se garde de porter un jugement définitif sur les personnages et évite du même coup toute dérive manichéenne. Il n'y a ni bon ni méchant, juste des gens ordinaires confrontés à une situation intime extraordinaire. Ils ressemblent finalement à tous ceux que l'on croise dans la rue, à vous, à moi. Hirokazu Kore-eda touche à quelque chose d'universel. Ce qu'il évoque est d'autant plus touchant qu'il fait preuve de pudeur, ses "héros" d'autant plus émouvants que leurs échanges s'opèrent dans la retenue. Pas de cri, peu de larmes... la douleur est rentrée, quasi-muette. N'ayez toutefois pas peur d'une expression tragique: le long-métrage est également porteur d'espoir. Je vous laisse découvrir comment.

Tel père, tel fils
Film japonais de Hirokazu Kore-eda (2013)

Deux pistes à évoquer au petit jeu des comparaisons. Celle qui mène aux autres films du même réalisateur est la plus évidente: mon index des réalisateurs vous place à deux clics d'autres (re)découvertes. Restez-y pour l'autre parallèle: pour ce que j'en connais, je suis d'accord avec ceux qui ont déjà relié le cinéma de Hirokazu Kore-eda avec celui de Yasujiro Ozu. Et je confirme: c'est un vrai compliment !

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Et maintenant, d'autres regards, peut-être ?

"Sur la route du cinéma" et "Le blog de Dasola": je vous invite cordialement à lire ces deux chroniques (positives) du même film.

lundi 10 février 2014

Golden boy

Le loup de Wall Street est-il, comme je l'ai lu, "un cocktail Molotov cinématographique, alliant la folie d'un Terry Gilliam à la grandeur d'un Milos Forman et à l'acidité d'un Oliver Stone" ? Ou bien serait-il plutôt, au contraire, "un navet racoleur enfilant les clichés pour plaire aux admirateurs de Jean-Luc Mélenchon" ? Ni l'un ni l'autre, dirais-je. Je dois avant tout reconnaître que j'ai pris beaucoup de plaisir à voir en salles le nouveau film de Martin Scorsese. Ces trois heures passées chez les plus fous des traders m'ont fasciné. Je vais vous expliquer...

Tout part d'un personnage réel, dont le nom est d'ailleurs conservé dans le film: Jordan Belfort. Le loup de Wall Street, c'est lui. Disons plutôt que c'était lui, puisqu'après un peu de prison, l'ex-golden boy doit encore rembourser une somme XXL à ceux qu'il a floués jadis. Nous sommes à la fin des années 80. Embauché comme assistant courtier chez Rothschild, Belfort perd son emploi un jour où la Bourse dévisse un peu trop fort. Déjà marié, il tâche d'assurer ses arrières en privilégiant un petit boulot rémunérateur. Il comprend vite toutefois qu'il peut gagner plus d'argent en revenant sans tergiverser à ses premières amours financières. Belfort lance sa propre société de gestion et part à la chasse aux petits porteurs. D'abord tournée vers les valeurs non cotées, Stratton Oakmont devient rapidement l'une des plus grosses sociétés de courtage sur la place de New York. Pognon, drogues et putes: ses hauts dirigeants multiplient les excès.

N'attendez pas du film qu'il vous décrypte le fonctionnement régulier de la haute finance: ce n'est pas le but recherché. Le scénario détaille plutôt par le menu les mille et un délires d'un groupe de jeunes gens dénués de tout scrupule. Le spectacle est pour le moins frénétique. Dans la vie des yuppies, pas de place pour autre chose que le plaisir permanent: on a nécessairement la femme la plus classe, la maîtresse la plus soumise, la bagnole la plus tape à l'oeil et le yacht le plus gros. Quand on en a marre, on en change... et on recommence. Il y a quelque chose d'incroyablement amusant à voir tourner le manège enchanté. Martin Scorsese lance une idée à la seconde pour emballer encore l'effroyable machine. Le loup de Wall Street ne connaît donc aucun véritable temps mort. Trois heures de cinéma à haute vitesse. C'est un style caractéristique, qui ne fera pas l'unanimité. Il paraît que le seul mot fuck apparaît 506 fois dans le texte des dialogues...

Il me semble que ceux qui réduisent le film à sa (réelle) vulgarité commettent une erreur. Même appréciation pour ceux qui taxent Martin Scorsese de complaisance. Pour commencer, on ne peut éviter de noter que le réalisateur poursuit ici sa fructueuse collaboration avec son acteur fétiche, Leonardo DiCaprio. Le loup de Wall Street trouve une remarquable incarnation: de tous les plans, "Leo" envoie du lourd dans toutes les situations. Qu'il mène une négociation bancaire de haut vol ou qu'il tente de garder le contrôle de sa Ferrari sous l'emprise de l'une de ses pilules, le jeune homme assure, crédible dans toutes ses addictions. Il donne le tempo d'un film aussi explosif que totalement débridé et, par moments, furieusement drôle. Exemple: la discussion commerciale avec notre Jean Dujardin national sur l'opportunité d'un placement en Suisse est tout à fait jubilatoire. C'est un fait: le long-métrage fait rire avec ce qu'il a de plus immoral.

Est-ce bien raisonnable ? Non, probablement pas. Ce n'est pas parfait non plus, loin de là. On retrouve dans le film un schéma narratif relativement classique: ascension, chute et rédemption. Trois heures sont utilisées pour dire ce qui pourrait certainement tenir en deux. C'est du cinéma au pudding: les scènes spectaculaires s'enchaînent et, à la toute fin, quand le "méchant" tombe, on se dit qu'il pourrait aisément repartir à zéro, ne rien modifier et prospérer de plus belle. C'est après avoir lu d'autres critiques que je me suis rendu compte que Le loup de Wall Street ne montre le monde des "vraies gens" qu'à la conclusion du métrage. Libre, Belfort y a retrouvé l'oreille attentive des petits. Il a écrit sa biographie et donne des conférences sur la vente. C'est peut-être là que réside véritablement le message de Martin Scorsese: au fond, les choses n'ont pas changé. Le monde n'évolue guère et, à la fin, ce sont toujours les mêmes qui rigolent...

Le loup de Wall Street
Film américain de Martin Scorsese (2013)

Parmi les qualités que je reconnais au long-métrage, je veux citer celle de s'inscrire dans une logique de continuité thématique cohérente. Je dresse un parallèle avec Les affranchis, sorti 22 ans plus tôt. Ce qui ne veut pas dire que le style ne se renouvelle pas. Leonardo DiCaprio, lui, s'offre un nouveau grand rôle, noire antithèse de son Gatsby le magnifique. Pour une tout autre lecture des affres de la finance, on reverra avec plaisir le Blue Jasmine de Woody Allen. J'espère aussi un passage télé pour Margin call, de J.C. Chandor.

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Allez, histoire de, une petite citation du film... 
"L'année de mes 26 ans, je me suis fait 49 millions de dollars. Ça m'a carrément fait chier, parce qu'à trois près, ça aurait fait un million par semaine". Régulièrement au cours du métrage, on entend penser Jordan / Leonardo. Quand il ne parle pas directement à la caméra...

Maintenant, si vous voulez rejoindre ceux qui crient au loup...

Vous pourrez entendre parler de Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio sur de nombreux autres blogs, parmi lesquels trois que je visite fréquemment: "Liv/raison de films", "La cinémathèque de Phil Siné" et "Sur la route du cinéma". Le film y fait pour ainsi dire l'unanimité ! Sur "Le blog de Dasola", en revanche, l'avis est moins enthousiaste.

dimanche 9 février 2014

L'avion et rien d'autre

Un aveu, d'abord: je ne suis pas très fier de mon titre, décalage baroque de celui d'un excellent film que Bertrand Tavernier a écrit autour de la première guerre mondiale. Je dois en fait vous parler aujourd'hui d'un long-métrage sans point de comparaison: In the air. George Clooney y sillonne les États-Unis pour exécuter ses contrats. "Tueur" moderne, il est chargé par quelques sociétés américaines déclinantes de recevoir pour leur compte leurs personnels en passe d'être licenciés. Un boulot rentable et son quotidien 320 jours par an.

Je crois qu'on peut dégager deux parties, dans In the air. L'intrigue offre également au beau (non ?) George deux partenaires féminines. Natalie, la première, fait le même boulot que lui. Elle vient d'être embauchée dans sa boîte et, arriviste, entend démontrer qu'il est possible d'être plus efficace en bossant autrement - par écran d'ordinateur interposé et à distance, en l'occurrence. Alex, elle, fait probablement un métier différent: Ryan (George, oui !) la croise pourtant souvent dans les aéroports. Parce qu'elle lui ressemble malgré tout dans son mode de fonctionnement, il en tombe amoureux et, évidemment, ça marche ! Deux parties dans le film, donc, l'une consacrée à la formation de la petite jeune aux dents longues, l'autre à la séduction de la quadra sensuelle. Ces deux sous-intrigues contenues dans l'intrigue principale se croisent, évidemment. Je dois dire que j'ai préféré les joutes verbales de la première. What else ?

Le long-métrage commence comme une comédie et dévie progressivement vers quelque chose de moins amusant. Je pense finalement qu'il n'a pas été conçu pour faire rire, même s'il est vraiment drôle par moments. George Clooney sort son cabotinage habituel et je dois dire qu'il est très bon, plein de charme, bien sûr. Je ne connaissais pas les filles, Anna Kendrick et Vera Farmiga. Prestations assez honorables de leur part, je dois dire. Les rôles secondaires sont également bien tenus, en général, avec des visages familiers, mais assez effacés, aussi. In the air m'a plutôt surpris. Seule (petite) déception: les derniers moments voient le rythme décroître et le scénario dériver vers un sentimentalisme ordinaire. Qu'aurait-on pu attendre d'autre ? Je ne saurais dire. Quelque chose d'un peu plus explosif, peut-être, une critique frontale du système capitaliste. Au lieu de ça, on prend un autre vol et voilà. Dommage...

In the air
Film américain de Jason Reitman (2009)

Vous tenez là, chers lecteurs, un bon petit programme plateau-télé. Sincèrement, les premiers dialogues m'ont emballé: ça pétille fort ! Malheureusement, le rythme n'est pas tenu et, comme je l'ai déjà dit précédemment, le long-métrage est un peu moins convaincant ensuite, quand il s'agit de conclure. Je tiens quand même à en parler comme d'une bonne surprise. Je préfère juste le Clooney délirant révélé par les Coen, dans Burn after reading ou Intolérable cruauté.

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Ce qui est sûr, cela dit, c'est que George reste bankable...
Trois blogs amis pour vous en convaincre: "L'oeil sur l'écran" évoque aussi la baisse de rythme que j'ai observée dans la seconde partie. "Sur la route du cinéma", Pascale n'a pas franchement aimé. L'avis publié sur "La cinémathèque de Phil Siné" est, lui, un peu meilleur.

samedi 8 février 2014

Beautés volées

Il ne faut pas se raconter d'histoires: la vocation première de ce blog demeure de parler de cinéma. Même si j'avais d'abord pensé écrire une rétrospective pour cette 1001ème chronique, je me suis vite dit que c'était aussi bien d'enchaîner tout de suite avec un nouveau film. Pique-nique à Hanging Rock m'a littéralement embarqué. Je suis souvent sensible au charme particulier des oeuvres contemplatives. J'ai d'autant plus apprécié celle-là qu'elle se déroule loin dans l'espace et dans le temps, puisqu'en Australie, début 1900. Vous m'y suivez ?

Un jour de Saint-Valentin, la vingtaine de pensionnaires d'une école de filles sort des murs de l'établissement  pour passer un après-midi dans la nature. Après le déjeuner, un petit groupe de quatre s'éloigne pour faire l'ascension d'un piton volcanique voisin. Quand vient l'heure de rentrer, trois d'entre elles ont disparu. On constate aussi l'absence d'une des femmes chargées de leur surveillance. Les recherches menées sur le site ne donnent rien. Pique-nique à Hanging Rock déploie alors son mystère. La magnificence des paysages aborigènes fait de ce décor naturel un personnage à part entière. On voudrait comprendre, mais on n'y parvient pas. Agréable au regard, cette terre lointaine paraît soudain porteuse d'une sourde menace. L'être humain y est-il véritablement à sa place ? Pas sûr. "Tout ce que nous voyons ou paraissons n'est qu'un rêve dans un rêve": le vers d'Edgar Poe cité en préambule du film paraît devoir confirmer le danger des illusions.

C'est finalement tout Pique-nique à Hanging Rock qui semble nager dans un certain onirisme. On a dit que, pour donner à ces images l'allure cotonneuse, un voile de mariée avait été utilisé comme filtre pour la caméra. La beauté diaphane des jeunes actrices fait le reste et confère au film une atmosphère unique. Il est d'ailleurs à signaler que le long-métrage adapte un roman lui-même réputé et populaire pour le mystère qu'il laisse planer sur la frontière exacte entre fiction et réalité. Si j'ai choisi d'illustrer également mon propos par la photo d'un garçon, c'est pour symboliser le fait que certains des personnages s'accrochent à cette même réalité. Eux vivent dans l'espoir d'obtenir une explication rationnelle à ce qui s'est passé. Le doute demeure pourtant, avec des conséquences violentes et désastreuses. À chacun d'apporter sa réponse. La mienne serait qu'à l'aube d'un siècle nouveau, les filles auront enfin su se libérer d'un certain corset social.

Pique-nique à Hanging Rock
Film australien de Peter Weir (1975)

C'est le deuxième long-métrage du cinéaste: vous le connaissez probablement pour d'autres oeuvres, comme Le cercle des poètes disparus, Master and commander ou The Truman show. J'aime vraiment son travail et j'ai franchement apprécié cette opportunité d'appréhender ses presque-débuts. Il y a là une certaine parenté thématique et stylistique avec Délivrance ou Duel. Les spécialistes disent aussi que Sofia Coppola a retenu la leçon pour Virgin suicides.

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Vous avez envie d'en savoir plus pour vous lancer ?

Ce n'est pas illégitime. Deux des blogs que je visite régulièrement disent leur avis: "L'oeil sur l'écran" et "Mon cinéma, jour après jour".

vendredi 7 février 2014

Les débuts de Chaplin

Je vous ai parlé il y a quelques jours de l'anniversaire de mon père. Aujourd'hui, si ce n'est déjà fait, ce sera au tour de mon grand-père maternel de souffler une nouvelle bougie. Et le blog ? Il atteint également un cap symbolique: chers lecteurs, vous lisez actuellement la 1000ème chronique de Mille et une bobines. J'ai décidé de marquer le coup en vous parlant d'un très vieux film (muet): Le roman comique de Charlot et Lolotte aura un siècle avant la fin de l'année ! C'est bel et bien le premier long-métrage d'un certain Charles Chaplin.

Tillie's punctured romance - en version originale - porte mal son titre français. D'abord, parce qu'il a pour vedette une ventripotente star d'opérette, Marie Dressler. Ensuite, parce que Charlot, le personnage de clochard magnifique composé par Chaplin, n'apparaît pas encore. D'ailleurs, le film est aussi connu pour avoir le premier et le dernier que le grand Charles a accepté de jouer sous la direction d'un autre. Ce contexte pris en compte, Le roman comique de Charlot et Lolotte ne manque pas d'attraits. D'aucuns y voient l'apparition du genre comique au cinéma. L'intrigue, elle, surprend: le prétendu Charlot interprète ici un aigrefin de la pire espèce. Quand ce garçon croise une jeune femme aussi laide que naïve, il s'aperçoit bien rapidement que la donzelle est l'héritière d'une fortune colossale. Il décide donc qu'elle surpasse sa fiancée légitime, abandonne alors cette dernière sans l'ombre d'un remords et épouse la millionnaire. Jusqu'à ce que...

Vous lirez peut-être que le film est tiraillé entre un propos moraliste et la volonté burlesque de son réalisateur. Je ne suis pas convaincu. J'ai personnellement pris les choses au tout premier degré et j'ai eu beaucoup de plaisir à apprécier cette production vintage. Peu habitué au rythme propre au cinéma muet, je n'ai pas pour autant ressenti d'ennui. Au contraire, bien que dépassé, l'humour qui se manifeste dans ces images demeure assez plaisant, d'une simplicité charmante. Le roman comique de Charlot et Lolotte mérite le détour. Chaplin n'a que 25 ans: il est apparu dans de très nombreux courts-métrages de la Keystone. Aussitôt après, il rejoindra un autre studio, Essanay. C'est en 1921, et pour sa propre société de production, qu'il créera son premier long: Le kid. Avant que j'y revienne, je ne peux qu'encourager chacun à se replonger dans cette belle filmographie. Tout juste naissant alors, le cinéma de divertissement brillait déjà...

Le roman comique de Charlot et Lolotte
Film américain de Mack Sennett (1914)
Clairement sous-représenté sur ce blog, le cinéma muet mériterait meilleur traitement. Laissez-moi m'y (re)mettre: j'en ai l'intention. L'aimable représentant du genre burlesque dont j'ai parlé aujourd'hui ne fera que renforcer cette envie de remonter aux premiers âges cinématographiques. S'il n'est pas encore question d'un chef d'oeuvre comme Les temps modernes, j'y vois un pas pour prendre le chemin.

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Pour finir, je vous recommande un petit tour ailleurs...
Mes amis de "L'oeil sur l'écran" connaissent bien le cinéma de Chaplin. De très nombreuses chroniques lui sont consacrées sur leur blog.

Dernière minute et mise à jour tardive...
Mercredi 8, 0h45: j'apprends à l'instant que le personnage emblématique de Charlot, lui, est apparu pour la toute première fois dans un court-métrage sorti le... 7 février 1914 ! Sacrée coïncidence !

jeudi 6 février 2014

Totalement givré !

Truls, Sigrid, Espen... dans Le roi du curling, la bizarrerie contamine même le prénom des personnages. Bienvenue en Norvège, les amis ! On connaît le goût des gens du (grand) Nord pour l'étrangeté cinématographique. En 2012, entre autres distinctions, ce film a reçu le Prix du peuple au Festival du film grolandais. S'il reste encore parmi vous des gens qui ignorent la localisation du Groland, j'ajoute que ce pays imaginaire ressemble à une France peuplée de tarés seulement. Et je retourne sans attendre dans la folle Scandinavie...

Comme son titre l'indique, Le roi du curling s'intéresse à ce sport incroyable, sorte de pétanque sur glace et... véritable discipline olympique, tout de même ! Le roi du curling ? C'est Truls. L'affaire marche si bien pour lui qu'avec son équipe, le team Paulsen, l'athlète gagne toutes les compétitions dans lesquelles il est engagé. Problème: son épanouissement sportif tient lieu de monomanie. Devenu givré, Truls est placé sous la tutelle de sa femme et se voit interdit l'accès aux halles de curling. Quand son mentor et entraîneur est hospitalisé pour un cancer, il est pourtant bien obligé de rempiler pour décrocher un nouveau titre et la prime qui va avec. Vous avez compris ? Truls veut que l'on consacre l'argent aux soins de son ami.

Il y a aussi une love story dans Le roi du curling, mais je vais éviter d'entrer dans trop de détails. Vous dire plutôt mon plaisir d'avoir pu découvrir un film norvégien, le premier que j'ai eu l'occasion d'appréhender depuis mars 2009. Comédie décalée, le long-métrage joue efficacement des codes du genre. Son improbable univers dégage même une réelle poésie, burlesque et colorée. Il faut dire également que les acteurs jouent très bien le coup et composent habilement des personnages variés, des fous plutôt attachants. N'allez pas chercher là-dedans un second degré qui n'y est pas forcément ! Objectivement, ce genre de production se savoure par immersion. Soit vous acceptez le côté absurde, soit vous restez à l'écart. J'espère simplement que vous aurez envie d'essayer. Trop sérieux, s'abstenir.

Le roi du curling
Film norvégien d'Ole Endresen (2011)

Même si ceux de ses films que j'ai présentés ici ne sont pas forcément les plus dingues, le Finlandais Aki Kaurismäki vous donnera une autre bonne idée de la folie nordique. Je vous laisse regarder l'index des réalisateurs avant de le compléter ? En attendant, j'attire votre attention sur ma liste "Cinéma du monde" pour y découvrir l'autre film norvégien déjà présenté sur les Bobines, bien différent d'ailleurs. Dans le décalage, vous avez aussi Ni à vendre ni à louer.

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Une dernière petite chose à ajouter, si vous voulez bien...

Le film est brièvement évoqué sur "L'impossible blog ciné". David fait même une toute petite erreur dans le titre en français. Je dis ça...