vendredi 24 décembre 2021

Quinze jours au plus

Salut ! Vous êtes sur Mille et une bobines, le blog cinéma de Martin ! Un aveu: il n'a rien prévu de spécial pour la soirée au pied du sapin. Vous lisez donc actuellement sa dernière chronique de l'année 2021. Au cours de ce même millésime, 171 films auront déjà été présentés. Martin en a certes vu quelques autres: il en parlera ici début janvier et publiera ses différents tops des douze mois écoulés dans la foulée. D'ici là, il vous souhaite à tous, parents, amis et inconnus, lecteurs fidèles ou visiteurs de passage, un joyeux Noël et d'agréables fêtes. La page des commentaires reste ouverte à vos possibles messages. Rendez-vous dans quinze jours grand maximum pour la reprise du fil !

mercredi 22 décembre 2021

Une femme, deux visages

Chronique d'actu: je vais vous présenter un film qui sort aujourd'hui ! Personnellement, je l'ai découvert il y a déjà quinze jours, à l'occasion de l'une des avant-premières surprises dont j'ai parlé fin novembre. Avant cela, Madeleine Collins n'était pas passé(e) devant mon radar. C'est avec un vrai plaisir que j'ai découvert cet opus "à l'aveuglette"...

La quarantaine épanouie, Judith Fauvet passe fréquemment d'un pays à un autre pour mener une double vie: en Suisse, elle est interprète institutionnelle, mariée à un chef d'orchestre et mère de deux garçons adolescents, tandis qu'en France, on la connaît comme Margot Soriano et compagne d'un certain Abdel, avec qui elle élève une petite Ninon. Évidemment, dans ce - beau - rôle complexe, une aura de mystère entoure d'emblée Virginie Efira. D'ailleurs, le long-métrage lui-même démarre de manière très surprenante: une autre femme venue s'offrir une robe dans un grand magasin chic a un malaise en plein essayage. Inutile d'insister: je n'ai aucune intention de vous en révéler la cause. Madeleine Collins ne dévoile d'ailleurs ses secrets que petit à petit. Alfred Hitchcock aurait pu signer le scénario, sauf si les producteurs l'avaient confié à David Lynch. Toute influence mise à part, je note que ce récit, écrit à quatre mains, avait reçu le Prix du jury Sopadin dès 2007 (et donc bien avant de débarquer dans les salles obscures). Le labyrinthe mental ici déployé n'aura pas volé ces lauriers précoces !

Je vous ai parlé de Virginie Efira, qui brille bien sûr au centre du jeu. N'oublions pas le reste de la troupe: à vrai dire, je n'y ai guère croisé de visages connus, si ce n'est ceux de Jacqueline Bisset, très à l'aise dans un rôle ingrat de grand-mère autoritaire, et de Bruno Salomone, peu vu dans ce registre, mais pour le coup absolument convaincant. Citons également Valérie Donzelli, dans un petit rôle plutôt ambigu. Enfin, parmi les jolies révélations, je m'efforcerai de retenir le nom d'un acteur espagnol, Quim Gutiérrez, dont le talent m'était inconnu jusqu'alors, et celui de Thomas Gioria, 17-18 ans et tout à fait juste. Pour me résumer, je n'ai repéré aucun mauvais choix dans ce casting. Un atout décisif, dans la mesure où la quasi-totalité des personnages de Madeleine Collins a toujours un coup d'avance sur le spectateur. Autant le souligner: j'adhère fort au côté ludique de ce type de films. La finesse et l'intelligence de l'histoire qui nous est offerte cette fois nous font vivre un bon moment de cinéma, à savourer comme tel. Tous mes compliments à qui aura deviné la chute avant le générique !

Madeleine Collins
Film franco-belgo-suisse d'Antoine Barraud (2021)

Un titre imprévu parmi toutes mes envies de cinéma (et pour cause). Je suis sorti ravi de ma séance... et prêt à d'autres avant-premières de cette nature, vu mon "carton plein" réalisé après deux tentatives. J'aimerais en outre pouvoir découvrir d'autres histoires de double vie et, dans le genre, envisage prochainement de regarder L'adversaire. D'ici là, je conseille Un héros très discret: du bon Audiard-Kassovitz !

lundi 20 décembre 2021

Destins croisés

J'avais manqué les deux dernières sorties ciné de Pedro Almodóvar. Pas question donc d'enchaîner sur une troisième impasse: j'ai "bondi" sur Madres paralelas cinq jours à peine après son arrivée en salles. Le réalisateur espagnol y retrouve Penélope Cruz, un autre argument fort pour... ne pas résister longtemps à l'envie d'une nouvelle séance !

Photographe de mode, la belle Janis Martinez rencontre un homme capable de l'aider dans sa quête personnelle: l'ouverture d'une fosse commune oubliée dans une campagne isolée, ce qui permettrait enfin aux habitants du voisinage de récupérer les cendres de leurs parents pour les enterrer dignement. Or, avant que cette procédure aboutisse finalement, Janis - la quarantaine - tombe enceinte d'Arturo et donne naissance à une petite fille, Cecilia. En outre, à la maternité, elle fait la connaissance d'Ana, une adolescente perdue qu'elle accompagne dans ce moment difficile pour elle, puisqu'elle semble en rupture familiale. Un autre bébé, Anita, entre alors dans l'équation. Le titre du film trouve sa justification et une touchante histoire d'amitié féminine paraît dès lors devoir se déployer devant nos yeux attendris. Ce serait mal connaître Almodóvar d'imaginer que Madres paralelas s'en tiendra à cela: le scénario laisse vite planer un certain malaise...

Hitchcockien, le récit possède en réalité plusieurs niveaux de lecture. Enfant d'une Espagne libre, le cinéaste remonte ici le cours du temps et ose revenir sur le passé franquiste du pays - ce qu'il n'avait fait qu'une seule fois jusqu'alors, si ce que j'ai lu après la projo est exact. "Je crois que les deux éléments (...) sont étroitement unis entre eux parce qu'ils appartiennent au même univers: celui de Janis. Il est vrai que c'est le film le plus explicitement politique que j'ai fait jusque-là": c'est ce qu'il a expliqué dans une interview récente à LCI. Madres paralelas serait-il en fait porteur d'un message ? Almodóvar refuse d'accabler les jeunes de 2021, qu'il dit certes "moins sensibles à cette question", mais qui ont selon lui "d'autres problèmes en tête". Il explique qu'en Espagne, le silence sur la période de la guerre civile était encore de mise il y a peu et que certains arrière-petits-enfants réclament désormais que la lumière soit faite sur ce qui a été occulté. "Je pense qu'il est important que les jeunes connaissent leur passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs". Difficile de ne pas adhérer...

Madres paralelas
Film espagnol de Pedro Almodóvar (2021)

Une oeuvre complexe et moins romanesque que certains des opus précédents du même auteur. À 72 ans, ce dernier se montre capable d'innover encore: c'est une bonne nouvelle pour le cinéma européen ! Et même si le meilleur reste pour moi ses superbes Étreintes brisées. Sur 1936, peut-être touchera-t-il plus juste que le Land and freedom d'un Ken Loach sincère, mais "coupé" des vieilles rivalités espagnoles.

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Pour prolonger le débat...

Vous  pouvez compter sur une fidèle de ce cher Pedro: l'amie Pascale. Strum, lui, propose l'une de ces analyses en détails dont il a le secret !

dimanche 19 décembre 2021

Ce que vivent les roses

Je peux bien l'avouer: j'ai une certaine tendresse pour Paul Vecchiali. Certes, les choses seraient sans doute bien différentes si nos chemins ne s'étaient pas croisés deux fois, mais, depuis, je me réjouis plutôt des (rares) occasions de découvrir ses films. Et, puisqu'il était projeté près de chez moi, je suis donc allé voir Rosa la rose, fille publique...

Comme le titre et l'image ci-dessus le suggèrent, Rosa est prostituée. Elle n'a que vingt ans et attire de nombreux hommes, sans tabou véritable autre que celui de coucher avec de trop jeunes garçons. Serait-elle frivole ? Assez "solide" pour éviter les risques du métier ? Elle a malgré tout un souteneur. Et, dans un dialogue, la très jolie fille rappelle à deux de ses clients qu'il faut absolument se méfier du Sida. Dans les années 80 du tournage, le propos est ô combien important ! Oui, c'est à juste titre que vous pourriez me dire qu'il l'est encore ! Sans oublier que cette saleté de virus circule toujours, je m'interroge sur ce que je peux, moi, raconter de la modernité de Paul Vecchiali aujourd'hui. Une certitude: en Marianne Basler, il a trouvé une actrice impliquée dans son rôle et qui, comme lui, n'a pas froid aux yeux. D'ailleurs, ensuite, ils ont continué à collaborer: elle était notamment dans son dernier film à ce jour, Un soupçon d'amour (sorti en 2020).

Reste que je me demande comment tout cela sera perçu désormais par un public "découvreur", ignorant tout de la carrière du réalisateur. Un cinéaste méconnu, il faut bien le dire - et sans doute le regretter. Une précision, cependant: audacieux, Rosa... demeure le Vecchiali qui a rencontré le plus de succès à sa sortie. Et, avec une élégance particulière, il confirme le goût de son auteur pour le mélodrame. L'intéressé affirme qu'il a ici recréé ce qui lui était venu en rêve. Surprenantes images qui paraissent d'abord donner de la prostitution une représentation amusante et délurée, avant que la pauvre héroïne perde ses illusions et doive finalement payer le prix de sa liberté. Franchement, je peux tout à fait admettre que ce sujet dramatique n'intéresse qu'assez peu de monde, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi l'homme à la caméra, à 91 ans, aura moins fait parler de lui que Demy, Truffaut et Rivette, nés comme lui aux alentours de 1930. Est-ce parce qu'il n'a pas surfé sur la Nouvelle Vague ? C'est possible. Avant de vous l'affirmer, je souhaiterais mieux connaître son travail !

Rosa la rose, fille publique
Film français de Paul Vecchiali (1986)

Un bel opus triste qui m'en a vite rappelé un autre, que j'avais aimé davantage: Corps à coeur, sorti en 1979 et signé du même auteur. Lequel a présenté Rosa... comme "un mélodrame à la fois plus froid et plus romantique" que son prédécesseur. À noter que les deux films s'inscrivent peu ou prou dans un cadre populaire parisien - les Halles pour celui que j'évoque aujourd'hui. On peut alors songer à d'autres...

samedi 18 décembre 2021

Sauvagerie

Le cinéma, c'est (aussi) l'art de la débrouille: je suis bien convaincu qu'une partie non négligeable des oeuvres majeures du septième art existe à partir de quelques bouts de ficelle intelligemment utilisés. Avant d'écrire une chronique sur la question, je vais parler aujourd'hui d'un long-métrage culte et peu coûteux: Massacre à la tronçonneuse.

Le budget du dernier James Bond est évalué à 220 millions d'euros. Sorti l'année de ma naissance, Massacre... aura coûté 140.000 dollars de l'époque, c'est-à-dire l'équivalent d'environ 639.000 euros actuels. Cela aura suffi pour inventer l'un des films d'épouvante de référence. Anecdote importante: il n'aura été admis dans les salles de France qu'au printemps 1982 - et avec une interdiction aux moins de 18 ans !

Le scénario est minimaliste: cinq jeunes, deux filles et trois garçons, roulent sur les routes du Texas pour ce qui ressemble à des vacances. Un sixième larron les rejoint après qu'ils l'ont embarqué en autostop. D'abord bizarre, le gugusse devient effrayant lorsqu'il sort un couteau pour se taillader la main et semble se délecter de son propre sang. Peu de temps auparavant, il avait distribué les photos d'un abattoir ! Bienvenue chez les cinglés: de s'être débarrassé de ce psychopathe supposé n'empêchera pas nos amis de connaître de vrais gros soucis quelques kilomètres plus loin, au moment de se ravitailler en essence. Bon... je ne vais pas tout vous dire. Massacre à la tronçonneuse demeure un film poisseux, qui met mal à l'aise plutôt qu'il fait peur. Chaque élément de la mise en scène semble ici porteur d'une facette angoissante, si bien que la violence paraît naturelle - presque, oui... - lorsqu'elle se manifeste (avec davantage de cris que d'hémoglobine). L'extrême brièveté du tout renforce l'aspect coup-de-poing de ce film privé de la moindre explication logique. Pour les amateurs du genre...

Massacre à la tronçonneuse
Film américain de Tobe Hooper (1974)

Trois étoiles seulement, au final: une pour ma meilleure connaissance encore de ce type de cinéma, une pour le statut d'oeuvre référentielle et une dernière pour quelques images et plans objectivement réussis. Maintenant, ce n'est pas tout à fait ma tasse de thé: dans un registre voisin, je préfère Psychose, qui pourrait bien avoir servi de modèle. Et le kitsch d'un Evil dead ou le mystère de Phenomena, par la suite !

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Une anecdote rigolote...

Dès 1979, avant d'être admis dans nos salles, l'opus avait été exploité en vidéo par le célébrissime promoteur de l'outil VHS: René Chateau. Et en collection "Les films que vous ne verrez jamais à la télévision" !

Le début d'une histoire...
Le long-métrage compte à ce jour huit suites, préquelles et remakes. Précision: Tobe Hooper, mort en 2017, n'y a pas toujours été associé. Au départ, cet auteur espérait nous faire croire à une histoire vraie...

Un film avec une aura...
Je l'ai repéré dans les archives de Pascale, à ma grande surprise. Moins étonnant peut-être, il est aussi chez Princécranoir et Benjamin.

jeudi 16 décembre 2021

Une idée de la suite

C'est vrai: en choisissant - sauf exception - de vous parler des films dans l'ordre exact dans lequel je les ai vus, il doit arriver que j'évoque une sortie récente... alors qu'elle a déjà été retirée de l'affiche. Pascale, en m'incitant à vite défendre Les magnétiques, m'a rappelé que ma méthode présente cet inconvénient. Je le sais et je l'assume !

Autant être très clair: je souhaite même que Mille et une bobines conserve cette ligne qui aborde nouveaux longs-métrages et créations anciennes de manière (quasi-)égalitaire. Chez moi, seules la longueur des textes et leur durée de vie parmi les dix de la page d'accueil peuvent varier. Cela dit, ce jeudi, je voulais attirer votre attention sur le fait que, très récemment, j'ai innové ! De manière assez soft...

Regardez donc à droite: il y a désormais un agenda de mes chroniques consacrées aux films "frais" que j'ai vus dans une salle de cinéma. Avec en prime la date de parution de leur chronique et la note prévue. Cela ne changera rien à votre vie, mais, si vous me faites l'honneur de votre confiance, cela peut favoriser vos choix de films... à temps. Et sans que cela empêche d'en rediscuter - en connaissance de cause !

mardi 14 décembre 2021

Petit frère

Quel bonheur ! Mis en confiance par une critique positive de Pascale et une bande-annonce pleine de jus, je suis allé voir Les magnétiques en imaginant découvrir une chronique de l'émergence des radios libres dans les années 80. Ouais... mais pas seulement: ce (premier) film s'est avéré bien plus riche ! L'une des grandes réussites du millésime !

Le récit nous transporte dans un petit village de France, à l'aube d'événements majeurs. 10 mai 1981: François Mitterrand est élu président de la République, le premier dirigeant orienté à gauche depuis Léon Blum en 1936-37-38 et Pierre Mendès France en 1954-55. Le lendemain, le 11 mai, le cancer emporte Bob Marley, à 36 ans seulement. Ces deux dates disent tout (ou presque) de l'idée même du film: raconter l'espoir d'une jeunesse et ses désillusions profondes. Pour cela, le scénario - volontairement écrit à six rédacteurs ! - présente Philippe, 20 ans, fils d'un patron de garage, et son frère aîné, Jérôme, écorché vif et rebelle rêvant d'une vie moins ordinaire. Ensemble, les deux garçons font donc de la radio, le plus âgé au micro et l'autre à la technique. Une belle répartition des rôles, mais un souci quand 1) Philippe tombe amoureux de Marianne, la copine de Jérôme et 2) il doit partir à Berlin pour effectuer douze mois de service militaire. Bon... je crois en avoir dit assez (et peut-être même trop). Sachez juste que la suite déploie une énergie folle et communicative !

Autant le signaler: Les magnétiques, c'est un sacré yoyo émotionnel ! J'attendais une "simple" comédie rythmée et j'ai eu droit à un film beaucoup plus solide sur les vicissitudes du passage à l'âge adulte. Très dur parfois, mais jamais plombant, ce long-métrage sort du lot grâce à sa forme épatante, à la hauteur finalement de son sujet complexe. La photo est souvent à tomber: je n'ai pu trouver d'image pour illustrer mon propos, mais la grisaille d'une certaine France périphérique n'a que trop rarement été aussi bien filmée. J'ajoute que, dans cette histoire où le son est décisif, le travail sur la musique et en fait tout l'aspect auditif du film sont absolument remarquables. Deux ou trois César à la fin de l'hiver à venir ne seraient pas usurpés. Atteindront-ils les interprètes ? Ce serait mérité aussi, en particulier pour le tout premier d'entre eux, Thimotée Robart, technicien du son pro, qui n'en est pourtant ici qu'à sa seconde apparition à l'écran. Comme lui, Marie Colomb et Joseph Olivennes sont incandescents. J'espère que l'on soufflera sur ce feu pour ne pas le laisser s'éteindre !

Les magnétiques
Film français de Vincent Maël Cardona (2021)
Un bel opus mélancolique, mais pas nostalgique: le réalisateur est âgé de 40 ans et, avec ses (jeunes) coscénaristes, parle donc... de l'année de sa naissance. Oui, il s'agit bien d'une belle inspiration collective ! D'ailleurs, à la toute fin, le ton est plutôt positif. Bien plus notamment que dans Tonnerre, autre beau film sur un amour né en terre rurale. Pour d'autres facettes, je comparerai le film à Leto (et/ou à Control).

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Un petit aparté...

Juste... le premier film avec Thimotée Robart était très beau aussi. Et hop ! J'en ai d'ailleurs déjà fait la chronique: il s'appelle Vif-argent.

Et pour finir...
Je dédie donc ce modeste texte à Pascale, la première dont les étoiles m'ont aussitôt donné envie de découvrir mon film du jour. Merci, toi !

lundi 13 décembre 2021

Doutes... et profits ?

Je crois que j'en ai déjà parlé ici: j'éprouve une certaine fascination pour la justice criminelle. Devoir juger une personne pour un meurtre doit être très difficile. Je l'imagine après avoir suivi quelques procès dans des affaires moins graves (encore que...). Une intime conviction pour acquitter ou condamner ? C'est d'abord une lourde responsabilité.

Je vous fais part de cela après avoir vu Acusada, un puissant film argentin tournant précisément autour de ces questions. Une fiction dont le personnage principal est Dolores, 21 ans, étudiante accusée d'avoir tué celle qui, aux yeux de beaucoup, était sa meilleure amie...

C'est lentement que le scénario va lever le voile sur les circonstances de ce drame scabreux: les "détails" sont dévoilés au compte-gouttes et le spectateur n'a d'autre solution que de se faire sa propre opinion. Or, Dolores restant constamment au centre du récit, il est difficile d'endosser le parti de la victime. Plus encore, de connaître la vérité devant une accusée tourmentée et peu loquace ! Je comprends bien que cela frustre certain(e)s d'entre vous de ne pas savoir le fin mot de l'histoire, mais à mes yeux, l'intérêt du film est ailleurs, à savoir dans la réflexion qu'il apporte sur le doute, justement, mais aussi dans sa démonstration de la violence d'un procès pour la personne poursuivie. J'ignore comment la loi argentine envisage la présomption d'innocence, mais Acusada m'a bien conforté dans l'idée qu'il doit être très douloureux de n'avoir rien fait et de comparaître devant une cour d'assises. Je ne reprocherai dès lors pas au film ses petits défauts, facilités et effets sonores très appuyés: rien de cela ne m'a dérangé. Bilan: je le recommande vivement aux amateurs du genre. Au moins !

Acusada
Film argentin de Gonzalo Tobal (2018)

Une claque ? Peut-être pas, mais un film pertinent sur un sujet difficile, où la question de la vérité est bien évidemment centrale. Entre prétoires, rues et réseaux sociaux, diverses versions coexistent jusqu'au bout (comme la rumeur d'un puma... étonnante parabole !). Sur un sujet proche ou connexe, je conseille plusieurs films anciens de France: Le 7ème juré, L'honneur d'un capitaine et Le corbeau...

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Vous en voulez encore ?

Sachez que le film a aussi un remake français: La fille au bracelet. Sorti en février 2020 et innovant, dit-on. J'espère le voir pour juger !

Cela ne vous suffit toujours pas ?
J'imagine qu'il vous faut d'autres pièces pour un verdict de clémence. OK: je vous laisse le soin de fouiller les archives de Pascale et Dasola.

dimanche 12 décembre 2021

Périple avec l'ennemi

Il n'est pas exclu qu'un jour, je me fende d'une chronique sur la figure de l'Indien dans le cinéma américain. Motivé par le lointain souvenir d'une recommandation (salut Pascale !), j'ai d'abord regardé Hostiles voilà deux grosses semaines, profitant de sa diffusion sur France 3. En France, le film n'avait pas décollé: 370.330 spectateurs en salles...

1892. Les guerres indiennes s'achèvent et le capitaine Joseph Blocker se doit d'accomplir une ultime mission: ramener une famille cheyenne sur ses terres, après qu'elle a été sa prisonnière pendant sept ans. Souci: l'officier voue une haine féroce aux "Peaux Rouges" en général et au patriarche de la famille qu'il est censé escorter en particulier. C'est qu'il n'a pas oublié - et encore moins pardonné ! - les exactions commises par son ennemi. Mais parce que son supérieur lui explique qu'il pourrait tout perdre en refusant de s'exécuter, il finit par obéir. Débute un dangereux périple pour Blocker, ses hommes de confiance et un bleu, très vite rejoints par une femme victime des Comanches !

Vous voudrez bien ne pas trop réfléchir en termes de vraisemblance. Ouais... si vous évitez cela, Hostiles pourrait vraiment vous plaire. C'est un très beau film, intelligent et remarquablement interprété. Christian Bale - en photo - se montre parfaitement investi, à l'image d'ailleurs du tandem Rosamund Pike / Wes Studi (entre autres). Complexe, le film entre vite dans le vif du sujet, pose des questions pertinentes et n'a eu aucun mal à retenir mon attention sur la durée. Seul bémol pour moi: il est un peu trop centré sur les personnages blancs et, en quelques occasions, m'a paru un tantinet condescendant avec ces pôôôvres Indiens. Les héros, eux, se tirent toujours de tout. Je chipote et, comme vous le voyez, je mets quatre étoiles pleines. Voyez-y sans hésiter la preuve que je veux ne retenir que le meilleur !

Hostiles
Film américain de Scott Cooper (2017)

Introduit par une citation de D.H. Lawrence (1923) quant au caractère meurtrier et inflexible de l'âme américaine, le film dit des choses intéressantes sur l'idée de réconciliation. Mais au vu de la condition des Indiens en 2021, je le trouve moins fort que Danse avec les loups ou Little big man (et a fortiori que le premier opus de Chloé Zhao). Pour une proposition insolite, je vous recommande Les loups blancs !

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Et si seul le film du jour vous intéresse...

Je vous renvoie aux blogs de Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.

samedi 11 décembre 2021

In the bayou

Je l'ai déjà souligné: une certaine forme d'utopie m'amène à penser que les films ont la nationalité de leurs auteurs et/ou de leur cadre géographique, alors qu'ils ont en réalité celle(s) de leurs producteurs. Cela précisé, je ne suis pas choqué que Dans la brume électrique soit dit "américain" - même s'il a été réalisé par Bertrand Tavernier...

J'ai certes cru comprendre que le très emblématique cinéaste lyonnais avait dû batailler ferme contre ses partenaires financiers étasuniens. Maintenant qu'il a quitté notre monde, la question m'intéresse moins que le film lui-même, tel qu'il a pu être présenté au public français. J'ai appris par ailleurs qu'aux States, le film avait surtout été exploité dans une version "bis" (et hors des salles). Bon, cela m'importe peu...

Ce que j'ai vu, moi ? Rien de moins que la traque par un enquêteur d'un serial killer s'en prenant aux jeunes femmes de petite condition sociale. Tout cela est un peu plus complexe, en fait, car l'enquêteur en question voit aussi ressortir une affaire non élucidée de crime racial et que nous sommes ici en Louisiane, avec toute l'imagerie convoquée par cet État marécageux, à peine relevé de la désolation causée par l'ouragan Katrina. Que vous dire ? Que Tommy Lee Jones demeure l'atout numéro 1 de ce long-métrage au suspense poisseux. Juste derrière vient le fait que le film a également une dimension fantastique, son principal protagoniste s'entretenant régulièrement avec... le fantôme d'un officier sudiste de la Guerre de Sécession ! Problème: Dans la brume électrique m'a semblé avancer à pas comptés, en cherchant sa route entre deux genres bien trop distincts pour être 100% compatibles. Cela peut s'expliquer par un tournage compliqué, mais chercher d'autres infos là-dessus ne me tente guère. Je reste sur une idée confuse: le film aurait pu être encore meilleur...

Dans la brume électrique
Film américain de Bertrand Tavernier (2009)

Une bonne note quand même pour cet opus que je juge plus inabouti que réellement décevant. Le casting n'est pas fautif: j'ai été content de revoir Tommy Lee Jones, John Goodman et 2-3 autres visages connus. Dès lors, pas question de jeter la bobine au fond du bayou ! Simplement, au rayon polars glauques, j'avais préféré La isla mínima. Et, pour cet aspect de l'Amérique, Mud ou Les bêtes du Sud sauvage.

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Pour finir, une recommandation...

N'oublions pas le Tavernier défricheur du cinéma américain classique !

Et d'autres avis pour forger le vôtre...
Vous pourrez retrouver le film chez Pascale, Dasola, Benjamin et Lui.

jeudi 9 décembre 2021

Au beau fixe

Je ne le dirai jamais assez: le cinéma international est riche de films méconnus et de pépites cachées. J'en ai eu une nouvelle confirmation fin novembre, en découvrant - un peu par hasard - un moyen-métrage venu d'Afrique. À vrai dire, je ne savais même rien du réalisateur ! Comme quoi, parfois, s'intéresser à l'inconnu est un gage de plaisir...

Sorti en 1999, La petite vendeuse de soleil est une oeuvre posthume du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty (1945-1998). Considéré comme l'un des auteurs majeurs de sa génération, l'artiste évoque ici le parcours d'une jeune fille handicapée, élevée par une grand-mère aveugle et qui tient à travailler, en vendant des journaux à la criée. Sa conviction: "Ce que les garçons peuvent faire, les filles le peuvent aussi". Plus qu'un film militant lambda, cet opus est plutôt le portrait d'une gamine bien déterminée à avancer, malgré les inévitables coups du sort et les diverses injustices dont elle pourrait être la victime. Tourné à Dakar, il est dédié à ces enfants des rues dont l'Afrique regorge et qui, pour s'en sortir, ont pour eux le sens de la débrouille. Pas de misérabilisme: le scénario est porteur de valeurs contraires. Bref, cette perle est très recommandable (à toutes les générations) ! Même si je ne pense pas que beaucoup de cinémas la programment...

En toute logique, tout cela m'amène à vous parler aussi des conditions de ma propre découverte. Elles sortent du lot: si j'ai eu la chance d'apprécier La petite vendeuse de soleil sur grand écran, c'est en fait d'abord parce que le moyen-métrage a fait l'ouverture du Tympan dans l'oeil, un festival totalement dédié aux ciné-concerts, ouverture qui avait lieu à la Source, une salle de spectacles près de chez moi. Résultat: en guise de "bonus", j'ai pu profiter, dans un auditorium d'une grosse centaine de places, d'une superbe musique originale créée par le Trio Oriki et le chanteur Woz Kaly, lui aussi sénégalais. Évidemment, l'expérience live est on ne peut plus enthousiasmante ! Après une première tournée, j'espère donc pour eux que les artistes auront l'occasion de se produire devant de nombreux autres publics. Un point intéressant: dans le cadre d'un programme de coopération internationale, ils devraient prochainement le faire sur le sol africain. Plusieurs étapes sont même possibles si tout se passe comme prévu. Et moi ? Je reste à l'affût d'un album qui pourrait en garder la trace...

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En ai-je terminé ? Pas sûr...

Je n'ai pas de certitude, mais il se peut que je parle une seconde fois de cette belle aventure artistique. On verra bien (peut-être en 2022). D'ici là, je suis bien sûr à l'écoute de vos remarques et commentaires.

mercredi 8 décembre 2021

La guerre des femmes

Mais non ! Ce n'est pas parce que je n'en ai rien dit le 11 novembre dernier que je me fiche désormais de la Première Guerre mondiale. Au contraire: c'est "en léger différé" mais avec un véritable intérêt que j'ai regardé Les gardiennes, l'adaptation du roman éponyme d'Ernest Pérochon (1924), sur la vie des femmes entre 1915 et 1920...

Le livre avait pour décor le Pays poitevin. Le film, lui, vient s'inscrire dans un cadre à peine plus à l'est: la campagne de Haute-Vienne. Qu'importe, finalement ! L'évidente photogénie de cet environnement rural nous propose de superbes images à contempler, avec un plaisir d'autant plus vif que les saisons apportent des couleurs et sensations très diverses. Il n'en faut pas plus pour s'immerger dans cette histoire d'une famille meurtrie, où les femmes se trouvent soudain contraintes d'assumer les tâches dévolues aux hommes, ces derniers étant partis combattre un ennemi qui, d'après certains, leur ressemble beaucoup. Intense, le récit tourne avant tout autour d'Hortense, une vieille mère courageuse, bien décidée à faire face, et Francine, la jeune servante qu'elle embauche pour l'aider. Les gardiennes, ce sont elles, bien sûr. Gardiennes du foyer, des traditions, d'un mode de vie calqué sur celui de la nature, dans l'attente de l'hypothétique retour des êtres chers. Se tenir à l'écart du front pour rappeler le souvenir de cette France-là était une belle idée. Voilà ce que j'appelle du grand cinéma populaire !

Les gardiennes
Film français de Xavier Beauvois (2017)

Oh ! Je ne vous ai rien dit des actrices: Nathalie Baye et Iris Bry forment un remarquable duo, mais d'autres s'illustrent par leur talent manifeste (je citerai Laura Smet et Marie-Julie Maille, notamment). N'oublions pas les hommes, de toutes les générations: Cyril Descours mérite des éloges, tout comme Olivier Rabourdin et Gilbert Bonneau. Je songe alors à L'odeur de la mandarine, à La vie et rien d'autre...

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Il ne faudrait pas négliger mes comparses...
Je dédie ce texte à deux autres blogueurs: Princécranoir et Eeguab. Mon récent débat avec eux sur les films en lien avec la Grande Guerre est tombé à pic, avant de découvrir Les gardiennes... et deux ans après avoir produit ma liste de références possibles. Merci, les amis !

Et surtout, ne pas oublier mes propres traditions...
C'est pourquoi je tiens à "linker" d'autres avis: ceux de Pascale et Lui.

lundi 6 décembre 2021

Made in France

J'ai vu six de ses dix films, dont cinq en salle, et ne peux donc nier que j'apprécie le travail de Wes Anderson. Il est d'ailleurs à signaler que le réalisateur texan rend bien l'affection que lui voue une partie du public français: il a des bureaux à Paris et certains de nos acteurs ont déjà tourné plusieurs films avec lui. Y compris le dernier en date !

En compétition pour la Palme d'or cette année, The French Dispatch nous présente le personnage d'Arthur Howitzer Jr., rédacteur en chef de l'hebdo made in France du même nom. Ce pendant d'un périodique américain est édité dans une ville imaginaire répondant au doux nom d'Ennui-sur-Blasé. Une précision géographique: bien que le tournage ait eu lieu à Angoulême, certains y ont reconnu notre chère capitale. Quoi qu'il en soit, pas question de tourisme: notre ticket de cinéma vaut pour une introduction, trois historiettes et un court épilogue. L'idée serait de mettre en images les articles des plumes du journal précité: l'un concerne un peintre (de génie ?) enfermé dans une prison après avoir décapité deux innocents, un autre une manifestation étudiante analysée par une reportrice de terrain, le dernier un dîner privé organisé par un officier de police adepte de la grande cuisine. C'est farfelu, ouais, et souvent étonnant. Mais ça manque d'humour...

Anderson reste fidèle à lui-même et à ses petits univers "décalés". Sur le plan purement formel, The French Dispatch est une merveille esthétique, tout à fait digne de celles qu'il avait créées auparavant. Seul bémol: cela défile tellement vite que l'on n'a que peu de temps pour profiter de l'ensemble des détails de ce décor, ô combien soigné. C'est d'autant plus vrai quand on regarde le film en V.O.: une voix off quasi-permanente nous impose alors la lecture d'un récitatif complexe et difficile à suivre, ce qui nuit sans doute à une bonne appréciation des images - dont beaucoup nous sont proposées... en noir et blanc. Autre point: les dialogues sont tantôt en anglais, tantôt en français. Autant vous dire qu'il faut dès lors s'accrocher pour tout comprendre ! Quand on y parvient, on ne trouve pas pour autant de fil conducteur pour nous accompagner jusqu'au joli générique final. Les saynètes s'enchaînent sans qu'on s'intéresse trop à ce que les uns et les autres racontent, tout cela ressemblant au fond à un banal exercice de style. J'en attendais mieux. Mais sans rancune, OK ? J'irai voir le prochain...

The French Dispatch
Film américain de Wes Anderson (2021)

Deux étoiles seulement: une pour la technique, l'autre pour le casting. C'est sévère, je sais, mais c'est aussi histoire de "marquer le coup". J'ignore ce que le cinéaste compte faire, mais renouveler son style pourrait lui être profitable. Bref... pour observer le fonctionnement d'une rédaction depuis l'intérieur, autant (re)voir Pentagon papers. Autre bon film: Good night, and good luck. ! Oui, là, c'est sérieux...

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Si vous cherchez quelques références...
Je n'ai certes pas dressé la liste de nos comédiens et comédiennes engagés par ce brave Wes. À la place, je vais citer les cinq films français qui, selon ses dires, ont inspiré le cinéaste: Les diaboliques et Quai des orfèvres de Clouzot, Vivre sa vie de Godard, Le plaisir d'Ophüls et Les 400 coups de Truffaut. Cela ne saute pas aux yeux...

Si vous souhaitez recouper les sources...

Je me fais un plaisir de relayer les points de vue de Pascale et Strum.

samedi 4 décembre 2021

Un appel de la forêt

"Il est important d'aller au-delà de ce qui paraît rassurant. De s'ouvrir à l'inconnu". Ce n'est certes pas moi qui le dis, mais je suis d'accord avec Tomm Moore, coréalisateur du dessin animé Le peuple loup. Sortie en octobre, cette pure merveille visuelle puise son inspiration dans de vieilles légendes irlandaises. Retour prévu au 17ème siècle...

Hommes et femmes parmi les plus pauvres, les habitants de Kilkenny ne voient pas forcément d'un bon oeil l'installation de colons anglais au coeur de leur petit village. Certains considèrent le Lord Protecteur qui les gouverne comme un véritable despote. C'est dans ce contexte tendu qu'un brave type, le bien nommé Bill Goodfellowe, est chargé d'abattre les loups qui, à ce que l'on dit, prolifèrent dans la forêt voisine. Le chasseur élève une fille, Robyne, inconsciente du danger et, par conséquent, déterminée à accompagner son père à la chasse. Ce qu'elle fait en lui désobéissant... au point de tomber nez à nez avec une drôle de gamine sauvage. Au vu de la première image choisie pour illustrer ma chronique, je pense que vous aurez compris qu'ensuite, elle n'aura pas tellement à le regretter ! Encore heureux...

Riche de mille petits détails, Le peuple loup s'adresse principalement au jeune public, ce qui ne m'a pas empêché de l'apprécier beaucoup. Tomm Moore fait oeuvre de pédagogie: "J'espère que les enfants ressentiront ce lien avec la nature, mais aussi un peu de crainte". J'aime tout à la fois sa démarche et son explication: "Il peut être bon de prendre conscience que la nature n'est pas juste cette chose bienveillante et douce, mais aussi une force impressionnante (...). Elle est capable de bien des choses que beaucoup ignorent". Pas faux. Pour illustrer ce propos, l'artiste et son équipe technique donnent vie à un univers très coloré, sur la base d'importantes études de terrain. Kilkenny est d'ailleurs la ville d'origine des deux auteurs principaux. D'après ce que j'ai ensuite pu lire par ailleurs, leur intention commune était de dépasser l'imagerie des contes de fées et d'aborder le sujet du rapport de l'homme à son environnement de manière complexe. Soyez rassurés, au besoin: il n'est cependant pas interdit de rêver. Bref, si le film tente vos bambins, vous feriez bien d'y aller avec eux !

Le peuple loup
Film irlandais de Tomm Moore et Ross Stewart (2021)

Une très belle occasion de rappeler que le loup est plutôt inoffensif pour l'homme, tout en s'amusant des mythes qu'il continue d'inspirer. Tomm Moore indique avoir découvert le cinéma de Hayao Miyazaki sur le tard, mais admet un lien possible avec Princesse Mononoké. Faute d'avoir revu ce film, j'en suggère deux autres pour une plongée dans la nature: Le jour des corneilles et/ou Les enfants de la mer...

jeudi 2 décembre 2021

L'ami retrouvé

Il y a une bonne quinzaine d'années, il me semble avoir lu un article annonçant le souhait de Clint Eastwood de ne plus faire l'acteur. L'aurais-je rêvé ? En tout cas, à 91 ans désormais, le vieux cowboy vient à nouveau de cumuler les postes, derrière et devant la caméra. Qui d'autre y serait parvenu ? Je l'ignore. Et peu m'importe, au fond...

Je vais l'écrire sans plus attendre: Cry Macho est plein de défauts. Mais, heureusement, ils n'apparaissent pas aussitôt, quelques plans superbes nous accueillant d'abord au lancement de ce nouvel opus eastwoodien. D'emblée, les admirateurs du maître seront en terrain connu: leur idole est devenue Mike Milo, ancien grand nom du rodéo tombé de cheval et, par conséquent, du piédestal où on l'avait placé. "J'ai été beaucoup de choses que je ne suis plus", confie-t-il un matin au garçon qu'il ramène au Texas depuis le Mexique, tenant la parole donnée au père de cet ado, soudain inquiet du sort de sa progéniture. "Je ne sais pas comment guérir la vieillesse", ajoutera-t-il plus tard. Dans la bouche d'un nonagénaire qui a longtemps tutoyé les sommets de la gloire, ces dialogues n'ont bien évidemment rien d'anodin. D'aucuns parlent d'un désir de transmission, mais je ne suis pas sûr que cela soit réellement ce qui anime notre bon ami Clint. Je suppose qu'il se livre à un bilan de vie, plutôt, comme il l'a d'ailleurs déjà fait dans plusieurs films antérieurs. Tant mieux si on en tire des leçons...

Une fois encore, dans ce Cry Macho, Eastwood, le sage aux flingues rouillés, partage la lumière avec de jeunes acteurs, souvent inconnus. Vous avez peut-être lu - ou entendu - des critiques assez véhémentes contre Eduardo Minett (ci-dessus), son jeune partenaire pour ce film. Il est vrai que son talent est discutable, mais j'ai trouvé que l'alchimie fonctionnait correctement, même si tout cela patine un peu au début. Une fois lancé, le long-métrage tient honorablement son cap d'oeuvre "mineure"... que je ne veux surtout pas qualifier de testamentaire. Même si ce film pourrait être son dernier, il est impossible d'affirmer que l'ex-star de Rawhide a désormais l'envie de tirer sa révérence. Vous n'êtes pas convaincus ? Les quelques punchlines "à l'ancienne" des premiers dialogues pourraient vous remettre les idées en place. J'en profite pour vous faire remarquer qu'à présent, celui qu'on juge parfois comme une baderne réactionnaire utilise plus souvent sa ruse qu'un quelconque six-coups. Et qu'ici, à l'évidence, il considère la vie plus douce auprès d'une belle Mexicaine que dans un ranch américain !

Cry Macho
Film américain de Clint Eastwood (2021)

Des défauts, donc, des faiblesses, mais aussi  - et surtout - le travail d'un homme qui suit son chemin en assumant pleinement sa manière d'être et ses idées. À mes yeux, cela justifie une bonne note étoilée ! Une mention spéciale pour le duo jeune-vieux: il peut vous rappeler ceux de Honkytonk man (avec Eastwood fils) et Un monde parfait. Moi, j'ai également repensé à La barbe à papa ! Rêves d'Amérique...

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Une petite précision de calendrier...
L'action du film est censée se dérouler au tout début des années 70. Le président des États-Unis était alors un Républicain: Richard Nixon. Rectificatif (dimanche 5, 13h15): Me suis-je trompé ? C'est possible. Du côté commentaires, Princécranoir m'assure que l'histoire se passe au début des années 80. Le roman de base, lui, a été publié en 1975 !

Envie de confronter les points de vue ?
Vous pouvez: Princécranoir a dégainé le premier, juste avant Pascale. Et Strum, quant à lui, n'a mis en ligne son avis "que" samedi dernier !

mercredi 1 décembre 2021

Immortels

Je n'ai pas mon livre des "premières fois au cinéma" sous la main pour vérifier, mais je suppose que le grand sujet de la fin du monde nourrit d'innombrables scénarios depuis des lustres ! Jim Jarmusch évoque ce risque dans The dead don't die, film dont l'étrange titre programmatique reprend celui d'une chanson... créée pour l'occasion !

C'est indiscutable: les morts ne meurent pas. Un fait on peut plus clair dans ce film où ils abandonnent le joli petit cimetière d'un village américain pour se remettre à leurs occupations d'avant leur trépas supposé. La faute à qui ? Sûrement à ceux qui ont négligé les cris d'alerte des scientifiques qui affirmaient que l'exploitation des pôles ferait sortir la Terre de son axe, sans qu'on mesure les conséquences. Bref, maintenant, il faut se coltiner tout un troupeau de zombies ! Croyez-le ou non: The dead don't die est une vraie bonne comédie...

J'ai ri et souri plusieurs fois de son récit improbable ! Et jusqu'à la fin du long-métrage, laquelle délivre une toute dernière fois le message politique et, de ce fait, s'avère un tantinet lourdaude. Ce qui précède m'aura suffisamment fait marrer pour que je m'en plaigne vraiment. L'humour absurde et de répétition est ici au mieux de ses possibilités narratives, bien aidé par la bande d'acteurs: aux côtés d'Adam Driver, Chloë Sévigny et Bill Murray présents sur la photo, Tilda Swinton, Danny Glover et Steve Buscemi (entre autres) nous offrent le meilleur de leur talent et entrent donc dans le délire sans la moindre retenue. Sans vouloir vous gâcher la découverte, j'ajoute qu'il arrive parfois qu'on s'égare entre les personnages et ceux qui les joue: le scénario n'hésite pas à se moquer de lui-même et c'est vraiment très drôle. Bon... honnêtement, je ne suis pas sûr que cela soit aussi désopilant pour tout le monde, mais ça marche avec moi. Et à merveille, même !

The dead don't die
Film américain de Jim Jarmusch (2019)

Pile ou face: ça passe... ou ça casse. Je le redis: moi, j'ai savouré ! Une importante précision toutefois: le ton est beaucoup plus décalé encore que dans Only lovers left alive, le (superbe) film de Jarmusch dont les personnages vivent à Detroit et sont en fait des vampires. Parmi tout ce que j'ai vu du côté cinéma, le parallèle le plus évident serait sûrement avec Shaun of the dead. Du rire parmi les frissons...

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Hé ! Le film a d'autres défenseurs bien vivants...

Il a notamment trouvé un bon avocat en la personne de Princécranoir. M.A.J. (samedi 4, 10h50): l'avis de Pascale, bien moins enthousiaste.

mardi 30 novembre 2021

La peur par quatre

Allez... j'enchaîne dès aujourd'hui avec une chronique d'un format quelque peu différent de celui dont je me sers habituellement ! Objectif: évoquer La quatrième dimension, le film à tendance geek venu prolonger la série télé éponyme (1959 - 1964). Un autre temps...

Sorti en salles en 1983, le film dure un peu plus d'une heure et demie. Le long-métrage ayant été confié à de jeunes réalisateurs ambitieux qui l'ont découpé en plusieurs segments, je vous en parle de manière descriptive. Ce qui ne veut pas dire que je vais TOUT vous dévoiler...

Prologue: Something scary (John Landis)
Deux gars sur une route, la nuit: un conducteur et un autostoppeur. Image classique de la mythologie américaine contemporaine. Entente parfaite entre les deux larrons, qui reprennent à tue-tête une chanson de Creedence Clearwater Revival. Bref, tout roule ! Jusqu'à ce que...

Premier segment: Time out (John Landis)
Trois copains se retrouvent dans un bar après le travail. L'un d'eux vient d'apprendre qu'il n'aurait pas d'augmentation. Aigreur et colère. Notre homme juge les Juifs, les Noirs et les Asiatiques responsables de son malheur. Des déclarations qu'il pourrait regretter ! Angoisse...

Deuxième segment: Kick the can (Steven Spielberg)
Un peu d'optimisme dans ce monde de peur: Peter Pan n'est pas loin ! Nous voilà envoyés dans une maison de retraite avec tout un groupe de petits vieux pas pressés (et un peu inquiets) à l'idée de vieillir. Est-ce pénible ? Vu chez Kubrick, Scatman Crothers va leur montrer...

Troisième segment: It's a good life (Joe Dante)
Le parfait opposé du segment précédent ? En somme, ce court parle d'enfermement, lui aussi, mais en mode négatif. Une jeune femme qui a abîmé le vélo d'un petit garçon le ramène chez lui en voiture. Bien accueillie par toute la famille, va-t-elle déchanter ? Pas certain...

Quatrième segment: Nightmare at 20,000 feet (George Miller)
Les statistiques sont claires et nettes: elles démontrent que l'avion est le moyen de transport le plus sûr. John Valentine, lui, en a peur. Avec de bonnes raisons, peut-être ? C'est l'enjeu de ce mini-récit. Attachez vos ceintures, ça va secouer fort ! Vivement l'atterrissage...

Épilogue: Even scarier (John Landis)
Arrivée à destination, enfin ! On boucle la boucle dans un aéroport américain lors de l'inspection de l'appareil, arrivé en catastrophe. Alors, causes naturelles ou délire paranoïaque d'un passager lambda ? Pour le savoir, je vous suggère de monter avec lui dans l'ambulance...

La quatrième dimension
Film américain - J. Landis, S. Spielberg, J. Dante, G. Miller (1983)

Un bilan très nuancé à mes yeux: j'aime le concept de ce film original associant quatre réalisateurs emblématiques de l'époque, mais trouve que le résultat déçoit tout de même compte tenu de leur standing. Notons également que la plupart des segments reprennent les thèmes originaux de la série - seul John Landis a proposé des idées nouvelles. D'où aussi la forme de mon billet... et deux "bonus" à lire ci-dessous !

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De ma part, un malentendu au départ...
J'ai longtemps cru que La quatrième dimension était l'hommage sincère de cinéastes débutants, sorti avant le début de leur carrière personnelle. Très grosse erreur ! Le film demeure toutefois méconnu par beaucoup, il me semble. Sans doute parce que ses quatre "papas" ont fait mieux ensuite, mais également parce qu'il a dû être tourné dans un contexte tendu, à la suite d'un accident d'hélicoptère mortel pour un acteur important et deux enfants comédiens ! Foutu destin...

Aussi, pour éviter à d'autres ma confusion...
Je me suis dit que ce serait bien de préciser l'âge des réalisateurs quand le film est sorti, ainsi que ce qu'ils ont tourné avant et après. L'occasion aussi de mieux situer le cinéma américain des années 80...

-> pour John Landis - 33 ans, le film arrive...
: après Un fauteuil pour deux (1983)
: avant Série noire pour une nuit blanche (1985)

-> pour Steven Spielberg - 37 ans, le film arrive...
: après E.T. l'extra-terrestre (1982)
: avant Indiana Jones et le temple maudit (1984)

-> pour Joe Dante - 37 ans, le film arrive...
: après Hurlement (1982)
: avant Gremlins (1984)

-> pour George Miller -38 ans, le film arrive...
: après Mad Max 2, le défi (1981)
: avant Mad Max: au-delà du Dôme du Tonnerre (1985)

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Et je termine par un ajout tardif...

Samedi 4 décembre, 10h45: c'est que j'avais zappé le lien de Pascale !

lundi 29 novembre 2021

À l’aveuglette

Ne rien savoir et faire confiance: je crois que ce n'est pas si facile. Pourtant, face à une représentation artistique, quoi de mieux au fond que de ne pas avoir d'attentes précises et de se laisser surprendre ? Hé ! Revenez ! Si je me risque à ouvrir cette nouvelle semaine d'automne par une question philosophique, ce n'est pas pour la frime !

Je voulais juste vous dire quelques mots sur l'initiative qui m'a permis de voir Tre piani deux jours avant sa sortie officielle: l'organisation par l'Association française des cinémas d'art et d'essai (alias AFCAE) de séances-surprises dans environ 200 de ses salles adhérentes. L'idée: l'exploitant reçoit en avance deux, trois ou quatre films inédits et en choisit un pour le diffuser en avant-première, "à l'aveuglette". L'espoir est par ailleurs de favoriser les échanges entre spectateurs directement après la projection. Un concept très sympa, je trouve. Reste dès lors à convaincre le public d'y adhérer: ne découvrir le titre du film qu'au moment où la lumière s'éteint, c'est une p'tite aventure !

Dans le cinéma où j'ai testé ce nouveau format, la jolie salle réservée pour l'occasion était assez correctement remplie. Une bonne partie des personnes présentes est restée pour discuter. J'ai donc bien envie d'assister à la prochaine séance de ce type, prévue le 7 décembre. Franchement, ça peut valoir le coup de vous renseigner également auprès du personnel de votre salle de prédilection: l'AFCAE a prévu que l'opération se prolonge jusqu'en avril prochain, les premiers lundis et/ou mardis de chaque mois, et devrait publier une liste des cinémas concernés sur son site Web. Le secret des films, lui, est bien gardé. Désolé, je n'ai aucune info sur celui qui sera choisi le mois prochain...

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Il y a des "pionniers", dans la salle ?

Certain(e)s d'entre vous ont peut-être participé à la première séance. J'avoue qu'une fois encore, je me sens curieux de... l'avis des autres !

samedi 27 novembre 2021

Leurs façons de vivre

Je pense que vous pourrez mieux comprendre le titre de ma chronique d'aujourd'hui quand vous aurez vu le nouveau le film de Nanni Moretti. Après un documentaire sur le Chili de Pinochet, le cinéaste italien revient à la fiction en adaptant un roman (ce qu'il n'avait jamais fait). Un livre de l'Israélien Eshkol Nevo qu'il a prolongé et resitué à Rome...

Tre piani
- le film - se passe presque entièrement dans un immeuble bourgeois. Plusieurs groupes de personnes s'y croisent et recroisent constamment. Il y a d'abord Dora et Vittorio, un couple de magistrats dont le fils (Andrea, une vingtaine d'années) a causé un accident mortel. Il y a aussi Monica, qui vient d'accoucher seule, son mari travaillant sur une lointaine plateforme pétrolière. Il y a encore Sara et Lucio, des quadras qui confient parfois la garde de leur petite fille à leurs si gentils voisins de palier, Giovanna et Renato, retraités. C'est à partir d'événements relativement banals de la vie quotidienne que cette communauté va petit à petit devoir renoncer à l'harmonie...

Il paraît qu'à Cannes, cette année, certains ont reproché à Moretti d'avoir renoncé à écrire un scénario original. C'est gonflé ! J'ai bien vu en Tre piani l'une de ces oeuvres ambitieuses dont sa filmographie est pleine. J'oserai même dire que, cette fois, elle déborde un peu. D'une grande finesse et d'une intelligence rare, le propos du cinéaste souffre légèrement d'une surcharge de circonstances dramatiques. Deux heures durant, les personnages n'ont pas vraiment de répit lorsqu'il s'agit ici de rendre compte de leurs malheurs enchevêtrés. Encore me faut-il préciser que la trame du film est censée se dérouler sur dix ans, le métrage étant découpé en trois parties d'importance égale - avec un (vague) marquage temporel en 2010, 2015 et 2020. Nanni, hier autarcique, mise sur l'intelligence des spectateurs. Merci !

Tre piani
n'est pas forcément le plus politique des films du maestro. Quoi qu'il en soit, c'est à mes yeux une oeuvre d'un humanisme profond (et qui a bien des choses à nous dire, même mezza voce). Qu'importe les qualificatifs, au fond: ces histoires ont su me toucher. Il paraît qu'en réalité, seule la première partie correspond au livre originel, le reste étant "brodé" à partir de ce modeste fil conducteur. Nous pouvons donc bien parler d'une oeuvre tout à fait personnelle. Moretti y fait toujours l'acteur, certes, mais il laisse aussi beaucoup de champ à sa troupe pour s'exprimer pleinement. Certains acteurs sont connus, d'autres peut-être moins: j'ai souhaité que mes photos vous les montrent nombreux, car ils sont tous bons, femmes, enfants et hommes confondus. Tel un concentré d'Italie que je juge crédible...

Un constat: certaines critiques sont sévères avec le film, lancé donc sur la Croisette et qui aurait dû sortir en salles beaucoup plus tôt. Honnêtement, tout n'est pas parfait dans Tre piani: les quatre étoiles que je vais lui attribuer témoigneront également du respect que j'ai pour le réalisateur en tant que figure centrale et militante du cinéma européen. Vous avez bien entendu le droit de ne pas être d'accord. Histoire de chipoter un peu, je dirais que ce (long) long-métrage demeure constamment d'un sérieux proverbial: quelques respirations par l'humour n'auraient pas forcément été malvenues. Si cela continue de me convaincre, c'est aussi parce qu'il me semble que l'optimisme finit par prévaloir et favorise ce que j'appellerai de nouveaux départs. À tout le moins, il y a là, sans doute, matière à débat. Et tant mieux !

Tre piani
Film italien de Nanni Moretti (2021)

Je n'ai pas encore vu assez de films de Nanni Moretti pour les classer selon mes préférences, mais celui-ci est assurément un bon cru. L'immeuble m'a parfois fait penser à celui d'un film iranien: Le client. Le quasi huis clos a souvent, au cinéma, quelque chose d'oppressant dont on se libère difficilement. Les bruits de Recife, le démontre superbement et Le locataire, ô combien ! Il me faut encore digérer...

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Je ne suis pas le seul à avoir apprécié...

Vous pourrez vérifier que Pascale a, elle aussi, beaucoup aimé le film. Je tiens à vous signaler également qu'il en est de même pour Dasola. Et que Strum, fidèle à son habitude, nous offre une analyse détaillée !

jeudi 25 novembre 2021

Antoine en deux temps

C'est curieux: alors que François Truffaut est l'un des réalisateurs français que je connais le mieux, ses films continuent de m'étonner. Aujourd'hui, je vous propose un diptyque avec deux longs-métrages autour du personnage d'Antoine Doinel, personnage apparu dès 1959 dans Les 400 coups. Pour le suivre, nous retournerons donc à Paris...

Baisers volés (1968)
Antoine a grandi: il a désormais une vingtaine d'années et travaille dans l'armée. Enfin, en théorie, puisque son comportement rebelle cadre mal avec les besoins de la cause militaire. Chassé, le bougre retrouve sa vie d'avant et Christine Darbon, une fille qui lui plaisait. Très vite, on se rendra toutefois compte... qu'elle n'est pas la seule ! Insouciant, Antoine passe d'un petit boulot à un autre et a des coups de foudre successifs (qu'il a parfois un certain mal à "concrétiser"). Inutile que j'en dise plus si ce n'est pour souligner que cette intrigue est le moteur d'une surprenante - et ma foi très délicate - comédie. Souvent inspiré par sa propre vie, Truffaut s'amuse visiblement derrière la caméra et a trouvé en Jean-Pierre Léaud l'alter ego idéal. Claude Jade, elle aussi, s'avère excellente en vraie-fausse ingénue. Chaque second rôle est bien choisi, avec une mention particulière pour la grande Delphine Seyrig. Belle fiction sur la réalité de l'époque !

En bonus: vous pouvez lire aussi la chronique de "L'oeil sur l'écran".

Domicile conjugal (1970)
Attention à ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte (complète) si vous n'avez pas vu le film précédent ! Truffaut avait certes tourné deux longs-métrages dans l'intervalle, mais il livre ici une suite immédiate aux aventures d'Antoine, à présent marié avec Christine. Ensemble, les tourtereaux ont même eu un petit garçon, que son père a prénommé Alphonse, alors que sa mère aurait préféré Ghislain. Antoine n'a pas changé: il vit d'expédients, a aussitôt pour son fils des ambitions pharaoniques et conserve une frivolité qui confine parfois à l'arrogance, ce qui peut alors le rendre assez antipathique. Bref, si c'est un autoportrait de Truffaut, il n'est pas complaisant ! Mon avis, maintenant: on renoue bien ici avec le ton enlevé du film premier, mais j'ai trouvé le personnage de Doinel moins attachant. Rien de grave. C'est logique, oui, et juste un peu frustrant pour moi. Je prendrai sûrement plaisir à le croiser encore. Une prochaine fois...

En bonus:
je vous propose un lien, à nouveau vers "L'oeil sur l'écran".

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Juste un "détail" à ajouter...
Jean-Pierre Léaud n'avait que 24 ans à la sortie de Baisers volés. Claude Jade en avait encore 19 et François Truffaut 36. Jeunesses...

Soyons précis, voulez-vous ?
Pour compléter la série des Doinel, il me faudra tôt ou tard continuer sur la lancée: revoir Les 400 coups et voir L'amour en fuite (1979). Et Antoine et Colette, un segment du film L'amour à 20 ans (1962) ! Quant à vous, vous n'êtes pas tenus au même délai pour en reparler. Notez bien que l'ami Eeguab, vrai passionné, ne m'aura pas attendu...