vendredi 30 septembre 2011

La force du destin

Une chronique de Martin

Ce soir-là, il n'était pas spécialement prévu que je regarde la télé. Invité chez mon ami Philippe, j'ai découvert une chaîne dont j'avais déjà entendu parler en bien: TCM. On y diffusait L'impasse, film signé Brian de Palma, avec Al Pacino et Sean Penn dans les rôles principaux. Devant telle opportunité, je ne résiste pas longtemps...

J'aime bien le titre original du film, Carlito's way. Son double sens résume parfaitement l'esprit du scénario. Le chemin de Carlito, c'est celui de ce criminel sorti de prison grâce au vice de procédure soulevé par son avocat, un chemin vers une inattendue rédemption. L'ancien tueur et trafiquant a compris des choses sous les verrous, notamment que la vie peut être courte pour les truands. Il essaye donc de changer, à la manière de Carlito, renoue avec le monde comme avec ses anciens complices et son ex-petite amie, danseuse. Porté par l'espoir qu'il est possible d'effacer les erreurs d'un passé encore proche, le mauvais sujet repenti comprend finalement vite combien le destin est implacable: à part sa compagne, justement, personne ne prend au sérieux son idée de se ranger. Et, pour gagner l'argent dont il a besoin pour tourner la page, il n'a finalement guère d'autre choix que de prendre le risque de replonger du mauvais côté.

Après avoir tourné Scarface avec... Al Pacino, Brian de Palma aurait d'abord refusé de réaliser un autre film de gangsters latino - Carlito est portoricain. On dit aussi qu'il a changé d'avis après avoir finalement lu le scénario. Bonne idée. J'ai du mal à comprendre pourquoi L'impasse a été petitement accueilli à sa sortie en salles. Sur le plan formel, le film est très réussi, prenant le temps de poser une ambiance et de développer une galerie de personnages, à la fois crédibles et convaincants. À ce titre, Al Pacino n'est évidemment pas le dernier à éclairer ce film noir et je donnerais une mention spéciale à Sean Penn: même avec son nom au générique, j'ai mis un moment avant de le reconnaître sous les traits de l'avocat véreux. La femme, c'est Penelope Ann Miller, une inconnue pour moi, venue renforcer l'équipe, recommandée par Pacino: pas de doute, ce cher Al sait s'entourer. Le reste du casting apporte une puissance graphique indéniable, que vient encore sublimer la caméra de Brian de Palma. Un vrai régal pour les yeux, classique, sobre et efficace.

Sans être révolutionnaire, l'histoire ici racontée a le mérite d'offrir une bonne dose de suspense aux amateurs du genre. Le titre choisi pour ma chronique dit tout: les toutes premières scènes laissent bien peu de doute sur ce qui se présente au bout du chemin de Carlito. Celui du film en français était d'ailleurs déjà, à lui seul, un aveu. Reste que L'impasse tient en haleine: l'intrigue principale connaît réellement de nombreux rebondissements, pas imprévisibles, logiques, mais porteurs de sens. Petite fresque, le long-métrage dure un peu plus de deux heures et j'ai apprécié qu'il sache ainsi prendre son temps, sans pour autant tomber dans l'ennui et/ou la torpeur. Vraiment, il y a ce qui ressemble à une fuite en avant, une montée en puissance d'une force obscure et irrépressible qui pourrait finir par tout broyer sur son chemin. Plus qu'un simple pensum de plus consacré aux gangs de New York, Brian de Palma signe une oeuvre chiadée sur la difficulté d'un homme à passer un cap, à changer significativement, sans pour autant se renier. Le propos convainc d'autant plus nettement qu'il est porté par d'excellents comédiens.

L'impasse
Film américain de Brian de Palma (1993)
C'est surpris que je constate avec vous que ce 466ème film chroniqué sur Mille et une bobines est aussi le premier Brian de Palma. Il serait temps que je découvre la filmographie de ce grand nom du cinéma made in USA. À ce jour, je crois que seul Les incorruptibles figure déjà dans ma liste de films vus ! Avec Scarface qu'il me faut encore voir, il peut plaire aussi à ceux qui aiment les gangsters à l'écran. Vous conseiller plus avant m'est difficile: je ne suis pas un spécialiste du genre. Public enemies ? Les sentiers de la perdition ? J'ai su également les apprécier, tout comme True romance, une proposition plus déjantée. J'attends d'appréhender Il était une fois en Amérique et Le parrain, dans l'idée de passer rapidement au cran supérieur.

mercredi 28 septembre 2011

Le dernier jour d'un condamné

Une chronique de Martin

Victor Hugo aurait-il aimé Clint Eastwood ? La question m'est venue l'autre soir quand j'ai découvert (merci Arte !) Jugé coupable, film de et avec la star américaine. Ce n'est pas son meilleur, mais j'ai apprécié d'y retrouver quelques-uns des habituels grands thèmes eastwoodiens: froid conformisme des élites, ambiguïté du fait religieux et écrasement de l'individu par le groupe. Et ce au moins jusqu'à ce qu'un type, las d'être cabossé, redresse la tête et dise non.

Ses détracteurs pourraient juger qu'Eastwood se réserve le beau rôle. C'est un peu plus compliqué que ça: si, dans la peau d'un journaliste, il s'efforce ici d'innocenter un condamné à mort, c'est d'abord l'incroyable fumisterie de son personnage qui transparaît à l'écran. Steve Everett n'est pas franchement un mec bien. Mégalo et porté sur la boisson, il trompe son épouse avec une série d'autres femmes, y compris celle de son patron. Le flair de son tout début de carrière n'est qu'un lointain souvenir et, s'il finit par reprendre l'enquête lancée par une de ses jeunes consoeurs, c'est sans intention d'aller chercher bien loin et seulement parce que cette dernière a été tuée dans un accident de la route, quelques minutes après avoir... passé la soirée avec lui ! Devant le "héros" de Jugé coupable, on notera d'ailleurs que Clint la malice ne se gêne pas pour, non pas dénoncer, mais bel et bien égratigner un certain cynisme des médias. Et pan !

Son propos va plus loin. Jugé coupable ne peut manquer de faire réfléchir à la question de la peine de mort - a fortiori quand on sait que le criminel du titre est prétendument l'auteur d'un meurtre particulièrement sauvage. La peine capitale laisse-t-elle une place quelconque à la révision d'une erreur judiciaire ? Le film permet d'appréhender une nouvelle fois cette problématique fondamentale que j'ai pour ma part réglée depuis longtemps, en militant inconditionnel de l'abolition. Bref. Pour ne parler que de la vision propre à Clint Eastwood, il me semble difficile de passer complètement à côté du cheminement de l'acteur-metteur en scène. Jugé fascisant aux heures de ses premières réalisations, le cinéaste a ici considérablement adouci son propos. Signe de maturité ? Possible. Il porte avec lui la croix de la remise en question. Opinion certes moins radicale, mais potentiellement tout aussi intéressante.

Je ne veux pas la dévoiler, mais la fin m'a paru un modèle d'ambiguïté. Eastwood a-t-il voulu ainsi illustrer ses deux facettes ? Je n'en écarte pas l'hypothèse. Au premier regard, tout est clair, presque rassurant. Rien n'interdit toutefois de laisser se développer un second ressenti, pathétique et désabusé. Jugé coupable brille entre autres de cette conclusion aux contours imperceptibles, presque oniriques. Chacun y lira ce qu'il voudra et c'est très bien comme ça. Pour ma part, j'accroche petit à petit les wagons du train Clint et, au fur et à mesure, je me réjouis de trouver une constance dans cette incroyable filmographie. J'en termine avec ses films récents et je vois un homme vieillissant, mais à qui son art permet d'avancer petit à petit vers plus de lumière. Agréable sentiment. L'oeuvre d'aujourd'hui n'est sans doute pas la pièce la plus éclatante du puzzle, mais elle en fait toutefois partie. Le fait qu'elle ait été façonnée à l'aube du 21ème siècle apporte une charge symbolique forte à un long-métrage imparfait, mais d'une indéniable sincérité.

Jugé coupable
Film américain de Clint Eastwood (1999)
Le Clint qui prend ici, en solitaire, fait et cause pour un homme désespéré m'a rappelé, dans une autre dimension, le Walt Kowalski de Gran Torino - qu'il me faut définitivement revoir. L'empathie d'Eastwood pour ceux qui diffèrent de lui est certes plus manifeste dans un film comme Lettres d'Iwo Jima, mais, oui, on retrouve ici quelques-unes des thématiques classiques de l'oeuvre du maître américain. Et, personnellement, je ne m'en lasse toujours pas.

samedi 24 septembre 2011

Franck Mancuso au rapport

Propos recueillis par Martin

Nouveau film, nouvelle rencontre: presque aussitôt après avoir vu R.I.F. - Recherches dans l'intérêt des familles, le polar dont j'ai parlé mercredi, j'ai eu la chance d'avoir un long échange téléphonique avec son réalisateur, Franck Mancuso. Je le remercie de s'être ainsi prêté au jeu. Merci aussi à Isabelle Sauvanon, qui m'a mis en contact avec lui, et à Roger Do Minh, qui a réalisé l'ensemble des superbes photographies de tournage qui illustrent la chronique d'aujourd'hui. Merci enfin à mon ami Philippe Joseph, au soutien technique de l'interview. Je vous laisse désormais la découvrir...

Après Contre-enquête, R.I.F. est le second film que vous réalisez. Comment est-il né ?
En tant qu'ancien flic, je n'ai pas besoin d'inventer des histoires policières. J'en ai suffisamment vécu, mes potes m'en ont assez raconté... je n'ai qu'à puiser dans mes souvenirs. Ce film-là, au départ, c'est une histoire réelle, qui commence comme ça et qui se déroule à peu près pareil. J'ai juste changé la fin pour faire quelque chose de plus cinématographique. C'était déjà la même façon de travailler pour Contre-enquête. Finalement, je n'ai pas d'idées préconçues. Je ne me dis jamais vraiment que je vais faire un film sur la vengeance ou la disparition, par exemple. Les choses peuvent juste venir de discussions que je peux avoir avec mes ex-collègues sur d'anciennes enquêtes.

C'est l'occasion d'en dire un peu plus sur votre carrière dans la police...
J'y ai passé vingt ans. J'ai d'abord travaillé dix ans à la brigade des stups du Quai des Orfèvres, où je faisais de l'infiltration. Ensuite, j'ai bossé cinq ans à la division anti-terroriste, notamment lors des attentats de 1995. J'ai fini par l'Office central de répression du banditisme, à chasser ceux qui braquaient les fourgons au lance-roquettes. On peut dire que j'ai fait des services assez pointus. Curieusement, mes films, ce ne sont pas des histoires que j'ai vécues personnellement.

Comment passe-t-on alors d'une carrière de policier de terrain au monde du cinéma ?
Pour moi, c'est d'abord lié au hasard d'une rencontre. J'ai fait la connaissance d'Yves Rénier en 1989: il tournait alors un Commissaire Moulin au Quai des Orfèvres. Lui s'est dit que notre rencontre n'était pas dû au hasard: il voulait depuis longtemps écrire un épisode qui parle d'infiltration. Amicalement, je suis un peu devenu son conseiller technique et, finalement, j'ai écrit un premier scénario avec lui. Après, ça a été l'enchaînement. J'ai rencontré Olivier Marchal, un flic qui bossait la nuit et qui voulait devenir comédien. Il écrivait aussi un peu et m'a demandé si je pouvais lire un scénario. J'ai accepté, je l'ai trouvé sympa et là-dessus, on en a écrit des dizaines pour Rénier. Le truc, c'est que, moi, j'étais toujours dans la police. C'est en 1999 que Rénier m'a demandé d'écrire un scénario pour le cinéma. J'en avais l'envie, mais pas forcément le temps: c'était autre chose que de la télé. Il a donc fallu que je me mette en disponibilité pendant six mois. Voilà comment Marchal et moi, on a écrit un synopsis pour 36, quai des Orfèvres. Même si c'est finalement Marchal qui l'a réalisé, c'est comme ça que je suis passé à l'écriture cinéma. Après, j'ai simplement continué. Et je me suis demandé ce que ça donnerait si j'écrivais tout seul, ce qui nous mène donc jusqu'à Contre-enquête.

Il reste des traces de ce passé dans la police, pas vrai ? Il paraît qu'au moment de retenir tel ou tel acteur, vous cherchez le possible flic en lui...
En fait, jamais je ne tiens compte de ce que je connais du comédien en question. Avant de confier un rôle de flic, je rencontre l'acteur concerné, je discute avec lui et je me demande si, en lui donnant une arme, il serait crédible au moment d'interpeller un mec. Il y a d'excellents comédiens qui, avec un flingue entre les mains, me feraient marrer. Je m'attache autant à la personnalité du lascar que du comédien en tant que tel, même si certains vous diront qu'un bon acteur peut tout jouer.

Et vos personnages, ce sont toujours des hommes...
Ouais, c'est vrai, mais franchement, dans les services auxquels j'ai appartenu, des femmes, il n'y en avait pas des masses. Ce n'est pas que je ne connaisse pas la nature humaine féminine, mais ça ne m'intéresse pas de me mettre à ce point dans la peau d'un personnage féminin. Je préfère faire parler les mecs, simplement parce que ça, je sais faire. Honnêtement, aujourd'hui, faire un film autour des femmes, je ne m'y vois pas. C'est juste que ça ne me fait pas envie, pas aujourd'hui en tout cas. Peut-être que ça viendra, hein ? Dans mon prochain film, déjà, les femmes seront un peu plus au centre de l'histoire.

Le fait est aussi que R.I.F. comporte un personnage féminin assez fort, un autre de petit garçon important lui aussi. Vous les choisissez comment, ces rôles secondaires ?
À vrai dire, pour moi, il n'y a pas véritablement de rôle secondaire. Certains sont moins mis en avant, c'est vrai, mais je me dis à chaque fois qu'il faut que je trouve le meilleur flic possible, la meilleure nana possible ou le meilleur plombier possible. Je rencontre donc absolument tous mes comédiens. Je refuse de passer par un directeur de casting qui en recevrait certains, dont, au final, je ne verrais que des vidéos ou des photos. Agir ainsi, pour moi, ce serait se priver de belles rencontres.

Mais le test du flic dont nous parlions, il ne marche pas avec tout le monde...
Non, bien sûr, mais vous savez, quand j'ai un comédien en face de moi, je n'essaye pas de le tester par rapport à la police. Je veux juste savoir à qui j'ai affaire. C'est très subjectif. C'est vrai que je suis, malgré tout, à la recherche de gueules que j'ai croisées pendant vingt ans. Certaines sont encore très présentes dans ma mémoire.

Cela dit, vous restez dans le registre de la fiction...
Oui, en étant aussi très ancré dans la vraisemblance. Je ne peux pas me permettre de raconter des conneries. Je n'en ai pas le droit non plus: le soir de l'avant-première de R.I.F. par exemple, il y avait plein d'anciens collègues flics. Parmi eux, Frédéric Péchenard, Martine Monteil, Noël Robin et FX Achard, respectivement aujourd'hui, directeur général de la police nationale, préfet de la zone de défense de Paris, sous-directeur du 36, quai des Orfèvres et chef de l'Office central de lutte contre le crime organisé. Franchement, en plus, ça ne m'intéresse pas de faire une totale fiction: je considère que, dans le domaine du polar en tout cas, c'est mieux de partir d'une histoire vraie.

Il y a d'autres films qui vous ont plu, dans ce registre ?
En fait, je n'ai pas de modèles. Mes références sont plutôt américaines ou anglo-saxonnes. Des types comme Michael Mann, Ridley Scott ou James Gray: s'il fallait citer rapidement quelques noms, ce sont ceux-là que je donnerais. Je les trouve très forts, et, étant un dévoreur de making of, je vois à quel point ils maîtrisent tout, à quel point ils s'impliquent dans leurs projets. Après, sans me jeter des fleurs, un film comme 36, quai des Orfèvres me paraît vraiment réussi. On a aussi de bons réalisateurs en France: un Schoendoerffer avec Scènes de crimes, un Tavernier avec L.627, un Pialat avec Police, un Beauvois avec Le petit lieutenant. On a aussi de très bons comédiens.

Et vous, après vos deux premiers films, avez-vous encore le sentiment de toujours apprendre votre métier de réalisateur ?
Complètement ! C'est vrai que je n'ai fait aucune école de cinoche et que j'ai appris sur le tas, en allant sur les plateaux. Je n'ai jamais eu de plan de carrière: c'est plus une succession de choses. Au début, alors que je n'aurais jamais pensé être réalisateur, j'avais toujours dans un coin de ma tête l'idée que c'était vachement bien de mettre en scène un truc qu'on a écrit. C'était sans doute un peu présomptueux: quand mes scénarios étaient mis en scène par quelqu'un d'autre, je ne pouvais pas m'empêcher de penser, de temps en temps, que je n'aurais pas fait comme ça. Sans dire que j'aurais fait mieux, hein ? Mais quand j'ai eu l'opportunité de mettre en scène, je me suis dit que j'aurais les moyens de faire ce que je voulais. Ou en tout cas que ça ne serait pas la faute d'un autre si je n'obtenais pas ce que j'espérais...

Et finalement, ce métier de cinéaste, il est plus dur que vous ne l'imaginiez ? Ou plus simple ?
En fait, c'est exactement conforme à ce que j'imaginais. Grâce à Rénier, je connaissais déjà toutes les étapes du boulot. On écrivait les scénarios ensemble, je participais souvent au casting, aux repérages... comme tout tournait toujours autour de la police, j'étais sollicité très souvent. Après, je ne participais pas au montage en tant que tel, mais je le voyais bosser avec son monteur et il arrivait qu'il me demande mon avis. C'est vraiment lui qui m'a tout appris du métier. Là, on ne parle que de la partie live. Après, dans chaque DVD, il y a les making of: j'aime vraiment ça et on y apprend aussi beaucoup de choses. Au fond, peut-être que c'est bien d'avoir fait une école, d'avoir été directeur photo ou comédien avant d'être réalisateur, mais je pense qu'il y a d'excellents cinéastes qui n'ont rien fait de tout ça. En France, c'est possible de faire ce boulot sans avoir fait d'école et, personnellement, je trouve ça génial.

Vous avez l'impression d'avoir progressé, entre vos deux films ?
Oui. On apprend des choses à chaque fois. Sur Contre-enquête, j'étais beaucoup plus focalisé sur l'aspect technique de la chose, sans doute un peu au détriment des comédiens. Je ne dis pas que je les ai délaissés, mais simplement qu'il y a toujours un équilibre à trouver. Sur un premier film, ce n'est pas qu'on s'emmerde, mais on a un peu plus de mal à prendre son plaisir quand il est là. Pour moi, c'était plus évident sur R.I.F. et aussi parce que j'étais alors très bien entouré. Avec mes collaborateurs, on savait exactement ce qu'on allait faire: tout cela se travaille en amont. Plus serein par rapport à la technique, j'ai pu me concentrer davantage sur les comédiens. Il y a eu aussi une petite différence sur la mise en scène en tant que telle: Contre-enquête se déroule sur trois ans, R.I.F seulement sur trois jours. Je me suis dit que je pouvais utiliser la caméra à l'épaule: c'est davantage ce cinéma-là que j'aime et, cette fois, c'était mieux adapté à l'histoire que je racontais. Et il y a eu des moments où j'ai vraiment eu le sentiment de faire ce que je voulais et où tout se passait bien.

Et le résultat final, il vous satisfait donc davantage ?
Pour les raisons que je viens d'évoquer, j'ai l'impression que mon travail est plus abouti sur R.I.F. La mise en scène y est meilleure, même si je revendique aussi celle de Contre-enquête. C'est juste qu'aujourd'hui, je procéderais un peu différemment. En revanche, du côté du scénario, c'est celui de Contre-enquête que je trouvais plus fort. En fait, je pense que ce que certains ont pu apprécier dans R.I.F., c'est de pouvoir s'identifier, de se dire que ce que je montrais ne relevait pas d'un truc tordu. On a un certain réalisme, une simple conjonction d'événements, le genre d'événements qui fait que la vie, parfois, bascule dans le drame. Je crois d'ailleurs que c'est aussi ce qui a pu déplaire à d'autres, comme si le film n'était qu'un bon épisode de FBI portés disparus. Je préfère la première analyse, mais je peux entendre cette critique-là.

Votre prochain film, ce sera encore un polar ?
Oui. Un polar mythologique contemporain. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus pour l'instant. Pas de la science-fiction, parce que ça, je ne sais pas faire, mais une histoire étrange, disons. Avec une fin je crois inattendue, comme je les aime en tant que spectateur.

Vous avez choisi vos comédiens ?
Non, toujours pas. J'ai fait des propositions de casting à mon producteur: nous sommes d'accord. On fignole actuellement le scénario et on va très vite envoyer tout ça aux acteurs en question...

Un film qui ne serait pas du tout policier, ce serait dans vos cordes ?
Je pense, oui, mais pour l'instant, je n'en ai pas spécialement envie. Et puis, encore une fois, je ne me dis pas que je vais écrire sur tel sujet après en avoir terminé avec tel autre. Les idées me viennent comme ça et, pour l'instant, c'est beaucoup plus facile pour moi d'avoir un héros flic. Je sais par coeur comment un flic se comporte quand il est au travail, quand il est chez lui, quand il est en week-end avec sa femme. Si vous me demandez d'avoir pour héros un boulanger-pâtissier, ce n'est pas que ça ne m'intéresserait pas, juste que je ne saurais pas faire. Quand j'aurai fait le tour avec les policiers, peut-être bien que je ferai autre chose...

Le tour n'est donc pas encore fait...
Non, pas pour l'instant. J'ai encore quelques histoires policières en magasin.

Et en tant que spectateur, c'est quoi, votre genre de films ?
J'essaye en fait d'aller tout voir. Je sors très souvent au bout d'un quart d'heure ou 20 minutes, mais j'essaye d'aller tout voir. Quand j'ai un coffret de DVD pour les Césars, pareil: je pioche au hasard, je mets le film dans le lecteur et j'attends de voir. À peine si je jette un coup d'oeil sur la pochette. Les films, je ne les finis pas tous, mais je les commence tous. Il y a des films étonnants qui parviennent à me tenir en haleine jusqu'au bout, d'autres que j'apprécie pour leur beauté formelle. Un exemple, c'est Tony Scott: à part peut-être pour Spy game, où le scénario est superbe, on a d'abord là un faiseur d'images extraordinaire, un talent fou. Autre exemple: The tree of life de Terrence Malick. Quand je l'ai vu, j'ai failli partir au moment des dinosaures, mais je suis finalement resté. Malgré cette demi-heure, c'est un film qui m'a scotché, avec une lumière et des plans formidables. Sur le fond, j'en ai vu des meilleurs, mais ça reste un chef d'oeuvre sur le plan formel.

Et parmi les toutes dernières sorties, des choses vous ont-elles particulièrement emballé ?
Sincèrement, cinématographiquement parlant, mon dernier coup de coeur, c'est le Terrence Malick. Après, je reconnais volontiers que, généralement, ma préférence va au cinéma américain. À vrai dire, je ne suis pas allé au cinéma depuis un petit moment: on a tourné le film, on l'a monté et on a fait la promo. J'ai vu quelques films avec mon fils, mais des trucs comme La planète des singes ou Captain America, je les oublie dès que j'en suis sorti. Ce sont de bons divertissements, mais ce n'est pas ma came...

En tout cas, on n'a pas l'impression que la police vous manque beaucoup...
Franchement, quand on a fait un métier pendant vingt piges, ça ne vous manque pas. Ce que la police est en train de devenir ne me donne de toute façon pas envie d'y revenir. J'ai connu une autre époque où les magistrats nous faisaient confiance et où il fallait simplement leur rendre des comptes. Aujourd'hui, on doit demander l'autorisation pour serrer un voyou. Les flics de mon âge font ce qu'ils peuvent, mais je crois que la police ne les fait plus bander. Autre temps, autres moeurs, comme dirait l'autre. On ne peut d'ailleurs pas imaginer que la police reste la même pendant dix, vingt, trente ou quarante ans. Tout ça n'empêchera pas que le citoyen soit bien protégé, ne vous inquiétez pas. De mon côté, sauf pour ceux qui ont été mutés, je revois mes potes très régulièrement. La seule chose qui pourrait me manquer, c'est peut-être l'esprit de corps, la camaraderie: quand on monte au feu avec les mêmes gens pendant des années, on se confie nos histoires. C'est sûr que ça crée des amitiés qui n'existent pas dans le cinéma. On peut s'entendre très bien avec son équipe et ses comédiens pendant un tournage, mais on sait qu'après, ce sera fini: il est rarissime de pouvoir toujours travailler avec les mêmes. Le boulot est plus ou moins agréable, mais il n'est fait que de petits moments.

Vous pensez que le cinéma peut apporter quelque chose à la police, aujourd'hui ?
Oui, bien sûr et, de toute façon, les deux mondes sont étroitement liés. La police a toujours inspiré le cinéma. Réciproquement, il n'y a pas un service de police où il n'y ait pas une affiche type Steve McQueen dans Bullitt. C'est presque indissociable. Au-delà des affaires qui ont pu inspirer certains films, quand un mec comme Tavernier tourne L.627 et décrit les conditions de travail, ça fait pratiquement l'unanimité et c'est aussi grâce à un film comme ça que les flics sont mieux traités derrière. Avant, l'opinion publique ne savait pas que ça se passait comme ça dans certains commissariats. Raconter la police telle qu'elle est, sans idéaliser les choses ni les pervertir, ça ne peut faire que du bien. En général, raconter la vérité, c'est bénéfique pour tout le monde: ça fait de beaux films et ça peut rendre service.

On a quand même l'impression que c'est l'amour vache, parfois, entre le cinéma et la police. Non ?
Seulement quand les mecs qui font le film n'ont pas pris la peine de se documenter et racontent n'importe quoi. Comme beaucoup de gens, les policiers ne font pas un métier facile. C'est un métier objectivement cinématographique, les flics adorent qu'on parle des flics, mais ils n'aiment pas que les choses soient déformées. On n'a pas spécialement envie d'être considérés comme des héros, mais pas non plus que le job ne soit observé que par le petit bout de la lorgnette.

Dans vos films à vous, pour l'instant, c'est toujours à un flic qu'il arrive quelque chose. Démarche volontaire ?
Oui, bien sûr, c'est même mon point de départ. L'histoire originale de R.I.F. n'est pas arrivée à un flic, mais moi, j'ai voulu me demander ce qui se serait passé si ça avait été le cas. Contre-enquête, c'est l'affaire Patrick Dils et Francis Heaulme: je me suis demandé ce qui aurait pu survenir si le papa d'un des deux petits garçons avait été policier. Vous savez, on se projette toujours un peu dans ses histoires. L'avantage, pour moi, c'est que je maîtrise le sujet. L'inconvénient, c'est qu'on peut trouver ça un peu réducteur. D'autres que moi pourraient s'embarquer sur des terrains que je n'aborderai pas personnellement. En tout cas, personne ne pourra prétendre que mes scénarios ne tiennent pas la route, même si certains ont pu l'écrire. Ceux-là, ils feraient mieux de réviser leurs faits divers: ça ne leur ferait pas de mal...

Vous avez parlé de rencontres et d'opportunités. Y en a-t-il une que vous aimeriez pouvoir faire, dans ce milieu du cinéma ?
Non, je laisse faire le destin. J'ai certes saisi des opportunités, personne ne m'a forcé la main, mais je continue de laisser faire les choses. Ce qui doit se faire se fera. Je suis fataliste, dans le sens positif du terme. Cela ne veut pas dire qu'il faille simplement rester les mains dans les poches: je fais toujours tout ce que je peux pour parvenir à mes fins. Simplement, quand ça ne marche pas, par exemple quand un comédien n'accepte pas mon scénario et ne veut pas faire mon film, je me dis que ce n'est pas grave. J'en trouverai un autre et il sera encore meilleur. En général, jusqu'à présent, les faits m'ont plutôt donné raison.

Du coup, qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter, pour la suite ?
Peut-être de continuer à écrire des sujets qui touchent le public. Contrairement à ce que certains ont pu écrire à l'époque de la sortie de Contre-enquête, je ne fais pas de films politiques. Je fais du cinéma comme j'aimerais en voir. Pour l'instant, c'est du polar et j'espère juste que ça peut permettre aux gens de s'impliquer pendant une heure et demie, de se sentir proche d'un personnage. J'aime à penser qu'ils ressortent au moins avec le sentiment d'avoir bien dépensé les dix euros de leur place de cinoche.

mercredi 21 septembre 2011

Une disparition

Une chronique de Martin

Stéphane Monnereau est un flic. Un flic ordinaire, aurais-je pu dire, qui, après une opération musclée, emmène sa femme en vacances pour renouer des liens que la routine a distendus. Sur une route rectiligne de Lozère, avec son petit garçon à l'arrière, le couple est victime d'une panne. La tension reprend le dessus et Monnereau laisse Valérie seule dans une station-service, le temps de retourner vers son véhicule avec la dépanneuse. À son retour, elle a disparu. Rien que par son titre, R.I.F. claque comme un coup de feu. Recherches dans l'intérêt des familles, seconde réalisation cinéma de l'ex-policier Franck Mancuso, démarre fort pour ne plus ralentir.

Avec Yvan Attal dans le rôle principal, c'est sa première qualité. C'est donc à une nouvelle enquête policière que le public est ici convié. Une investigation qui sera double: celle du mari "abandonné" progressera en parallèle avec les recherches officielles, diligentées par un gendarme, Bertrand Barthélémy - alias Pascal Elbé à l'écran. La deuxième réussite de R.I.F. tient à l'efficacité de la confrontation qui s'instaure entre les deux flics, alliés objectifs de circonstance, mais suffisamment opposés quant à la méthode à suivre pour ouvrir le champ à une belle opposition de style. Attal, tendu, rentre-dedans, fait face à Elbé, autoritaire et méthodique. Que, du fait justement de leur métier, ils aient dû être sur la même longueur d'ondes renforce le réalisme du film. Comme un dialogue l'explicite, à la place de l'autre, chacun aurait agi de la même façon: aux mépris des règles procédurales pour Monnereau, de manière organisée pour Barthélémy.

R.I.F. ne se contente toutefois pas de faire vivre un (bon) duo d'acteurs. Sur la base d'un suspense appréciable, il crée un univers âpre, sec, où les états d'âme et les regrets n'ont guère de place. Jusque dans ses petits rôles, la distribution est remarquable: j'ai beau avoir lu plusieurs fois le contraire, je trouve que chacun est ici à sa juste place, avec l'allure, le style, qui va à son personnage. Nimbé d'une musique de Louis Bertignac parfois décalée, le film s'illustre par une très belle photo et une bonne technique pour filmer. Calmes ou non, les plans sont d'une parfaite lisibilité. Pas de temps mort dans cette histoire: si son dénouement peut peut-être sembler expéditif, c'est bien aussi que le rythme ne faiblit jamais vraiment.

R.I.F. - Recherches dans l'intérêt des familles
Film français de Franck Mancuso (2011)
Après avoir notamment écrit le scénario de 36, quai des Orfèvres, le réalisateur de Contre-enquête signe un nouveau long-métrage sans concession, qui va droit au but. Peut-être pas encore l'oeuvre cinéma la plus aboutie qui soit, mais une base solide et efficace, pour une carrière qui n'en est encore qu'à son début. Je surveillerai donc la suite avec intérêt. Sur un thème étrangement identique, mais sans qu'il s'agisse cette fois d'une "simple" adaptation, j'ai retrouvé ici un peu de la qualité de Ne le dis à personne, le polar réalisé par Guillaume Canet. Une preuve encore que les Américains ne sont pas les seuls à savoir utiliser l'univers policier pour la fiction.

------------
Une petite précision:
Les photos qui illustrent cette chronique sont signées Guy Ferrandis.

dimanche 18 septembre 2011

Ceux qui auraient pu

Une chronique de Martin

Son idée d'en faire un film l'a incité à la développer, mais c'est bien une histoire vraie qu'a choisi de conter Nick Hamm dans son oeuvre sortie en France cet été. Le cinéaste britannique a voulu se tourner vers Neil et Ivan McCornick, frères et musiciens rock dans l'Irlande des années 70. Encore au lycée, les deux frangins ont pour camarade Paul Hewson, qui ne demande pas encore à ce qu'on l'appelle Bono.

Sur une durée d'une dizaine d'années, Killing Bono évoque l'ascension fulgurante d'un petit gars de Dublin et de son groupe, U2, référence planétaire en devenir, le tout en suivant les pas de ceux qui ont laissé le train partir sans eux. Neil est le personnage principal. C'est lui qui, dès le début, est persuadé de pouvoir rivaliser avec les stars du rock. Lui aussi qui, méfiant malgré tout, n'informe pas son frère d'une proposition pour les rejoindre. Ne vous y trompez pas: le film s'intéresse de beaucoup plus près aux diverses pérégrinations musicales des McCormick qu'au parcours de leurs brillants copains d'école. Comme son titre le suggère, il est ici question d'une rivalité lancinante, aux confins de la jalousie, le coeur même de l'intrigue. C'est dur à imaginer, mais tout est donc bien tiré de faits réels.

Ce n'est certes pas la première fois que le cinéma dresse le portrait d'un loser attachant. L'admiration que Nick Hamm porte à U2 s'efface devant l'empathie qu'il ressent pour ce pauvre Neil McCormick. Drôle le plus souvent, le film prend parfois un accent pathétique, surtout quand Ivan réalise que, depuis le premier jour, son grand frère ment régulièrement, pour la seule sauvegarde de ses propres intérêts. L'air de ne pas y toucher, Killing Bono pose alors la très délicate question de ce qu'il est juste de sacrifier à l'ambition. De manière intelligente, il renverse également la perspective et interroge Ivan - ainsi bien sûr que le spectateur avec lui - sur ce qu'il aurait fait s'il avait tout su. Étant alors entendu qu'il est toujours facile d'avoir de quoi répondre quand le temps a passé, une fois l'histoire connue dans sa globalité. Toute sa (relative) complexité. On parle bien ici de choix de vie.

Killing Bono, c'est aussi et surtout un vrai bon moment de cinéma. Quelques longueurs plombent légèrement le film, mais c'est finalement sans vraie impatience que l'on attend de connaître le fin mot de l'histoire. La reconstitution de l'époque est parfaite, grâce notamment aux costumes et bien sûr à une bande son 100% adaptée au sujet. Cette Europe des seventies parle également d'un temps passé, un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. La misère sociale existait déjà, mais, avec juste un peu de détermination, les choses semblaient encore pouvoir changer. Conséquence, le long-métrage est traversé par une énergie communicative: j'en suis ressorti avec le sourire. Dans la vraie vie, et c'est bien ce qui permet finalement d'en rire, Ivan McCormick est toujours musicien et Neil, lui, est resté l'ami de Bono. Devenu journaliste, il a écrit un livre qui raconte son histoire "avec" lui. Quand il a appris que ce bouquin serait adapté au cinéma, il paraît qu'il s'est félicité d'obtenir finalement une forme de reconnaissance que le leader de U2 attend toujours. Simplement fidèle à lui-même.

Killing Bono
Film britannique de Nick Hamm (2011)
Un point important, encore: nul n'est besoin de connaître la carrière de U2 pour apprécier le film. C'est bien une comédie, là où Control, le long-métrage consacré au groupe Joy Division, doit sûrement être davantage une biographie en images. Je n'ai pas tant de références de films avec la musique rock comme univers sonore. J'irai voir celui sur Queen, qui doit sortir l'année prochaine. Pour retrouver l'atmosphère des années 70-80, je me dis qu'il faudrait aussi m'offrir Haute fidélité ou Presque célèbre. D'ici là, je crois utile de rester sur la musique et de retourner vers ma collection d'albums CD...

jeudi 15 septembre 2011

Bébel, Vanel, le duel

Une chronique de Martin

Je n'ai pas fini d'explorer la filmographie de Jean-Pierre Melville. Sûrement, je sais déjà qu'on le présente souvent comme un maître du septième art, mais j'ai constaté que son style pouvait être vivement décrié. Je ne suis donc pas en mesure de prendre position pour l'instant: il me faut attendre d'avoir vu plus de ses films. Si j'ai regardé L'aîné des Ferchaux l'autre jour, lors d'un passage télévisé, c'est d'abord pour Jean-Paul Belmondo, ici âgé d'à peine trente ans dans la peau d'un des deux personnages principaux. Le rôle titre, lui, revient à Charles Vanel. Le long-métrage marque leur confrontation.

Belmondo est Maudet, un boxeur sans gloire qui décide de changer radicalement de vie en s'engageant comme secrétaire d'un patron voyou, en partance vers l'Amérique du sud. Ce patron, vous l'aurez compris, c'est donc Vanel, L'aîné des Ferchaux, un homme puissant et arrogant que son passé douteux a fini par rattraper. L'enjeu premier du film est de montrer l'évolution de la relation de ces êtres que tout semble devoir opposer. Vanel-Ferchaux se demande en fait dans quelles catégories d'hommes il faut classer Belmondo-Maudet. Lui en compte trois: d'abord celle des moutons, qu'il exclut d'emblée, ensuite celle des léopards et enfin celle des chacals. C'est à la fois sur cette question et sur ses conséquences que l'intrigue progresse.

Avant d'être un film, L'aîné des Ferchaux est un livre, un roman signé Georges Simenon. Je ne l'ai pas lu. Parfois, le contexte général est raconté par Maudet, en voix off. C'est donc bien son histoire à lui que le long-métrage évoque avant tout, à un rythme dont la lenteur peut surprendre, voire déstabiliser, le public des créations contemporaines. Les acteurs sont restés en France, mais Melville entrecoupe leurs scènes de longs plans de villes américaines, histoire de se situer dans le décor. Le tournage fut éprouvant, le cinéaste vexant coup sur coup ses deux acteurs. On notera que son oeuvre a connu un remake, réalisé d'ailleurs par l'un de ses anciens assistants, Bernard Stora. 38 ans plus tard, mouvement d'inversion, Belmondo reprenait le rôle de Vanel, le sien étant alors offert à Samy Naceri.

L'aîné des Ferchaux
Film français de Jean-Pierre Melville (1963)
Au tout départ, c'est Jean Valère, un autre cinéaste, qui devait ici tenir la caméra. Il était question qu'Alain Delon et Spencer Tracy incarnent les personnages, un petit rôle revenant à Romy Schneider. Tel qu'il se présente aujourd'hui, le film reste une oeuvre intéressante, même si son auteur a fait mieux - Le cercle rouge, par exemple. Dans la relation qui s'instaure entre Belmondo et Vanel, j'ai retrouvé un peu de celle qui unit Romain Duris et Niels Arestrup dans De battre mon coeur s'est arrêté. Et dans le personnage ambigu de Maudet, un opportunisme désabusé qui m'a rappelé celui de Barry Lyndon. Même si ses motivations sont tout autres, la fuite en avant du film peut également évoquer celle de Pierrot le fou. Quatre autres films qui, autant le préciser, sont sortis plus tard.

mercredi 14 septembre 2011

Clint en approche

Une chronique de Martin

Pile trois mois pour les Américains, presque quatre pour nous pauvres Français: il faut garder encore patience avant de découvrir le prochain film de Clint Eastwood, intitulé J. Edgar et qui racontera la vie de... J. Edgar Hoover, l'un des anciens patrons du FBI. Je crois bien que je ne suis pas le seul à en attendre beaucoup. Le réalisateur pourrait revenir à un cinéma moins optimiste, compte tenu du sujet. Sur le papier, ça peut donner quelque chose d'exceptionnel, surtout qu'il y a Leonardo DiCaprio dans le rôle titre. Reste à transformer l'essai. Sortie dans les cinémas français le 12 janvier prochain.

Je m'amuse de publier cette chronique aujourd'hui, soit une dizaine de jours seulement après avoir parlé du film avec Ségo, une amie également fan de Clint. J'ajoute qu'Eastwood n'a pas l'intention d'arrêter sa carrière après ce tournage: à 81 ans passés, il doit également être le réalisateur d'un nouveau Une étoile est née, histoire classique du cinéma hollywoodien, racontée plusieurs fois déjà et notamment en 1954 par George Cukor. Il semble toutefois que le projet prenne du retard du fait de la future maternité annoncée de l'actrice principale, la star R&B Beyoncé Knowles. Rassurez-vous: je compte bien en reparler à la première occasion.

mardi 13 septembre 2011

La guerre buissonnière

Une chronique de Martin

Les soldats Pithiviers et Tassin font la guerre parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Leur chef, Chaudard, les rappelle souvent à l'ordre, mais lui aussi aimerait bien pouvoir rentrer chez lui. Éclaireurs maladroits d'un groupe de soldats français cernés par les Allemands au coeur de la France profonde, les trois larrons échappent pourtant à la capture et, un peu perdus, cherchent alors mollement à rejoindre leur bataillon. Pieds nickelés vaguement pacifistes, ils croisent vite la route d'un officier aviateur, à pied depuis que son engin a été abattu. Ensemble, ils s'illustreront à leur manière, héros malgré eux. Question du jour: Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?

C'est mon cousin Mathieu qui a fait entrer ce standard du comique troupier dans ma collection de films à voir. Le tirage au sort a ensuite choisi pour moi de le regarder rapidement. Pas bien folichon à l'heure actuelle, Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? n'en a pas moins attiré d'innombrables Français en salles, en fait presque quatre millions en tout, médaille de bronze du box office national 1973. Son mérite est d'aller droit au but et de s'achever après moins d'une heure et demie d'un scénario assez convenu. Visiblement, il faut croire qu'un tiers de siècle après les événements qu'il décrit, nos compatriotes avaient déjà retrouvé le goût de rire sur la funeste époque que fut celle de la Débâcle, en mai-juin 1940.

Si le film de Robert Lamoureux, ici dans le petit rôle d'un général désinvolte, est resté ancré dans l'inconscient collectif, c'est peut-être aussi grâce à son trio d'acteurs. Certes, Pierre Mondy, Jean Lefebvre et Aldo Maccione ne sont pas les plus brillants ambassadeurs du rire de leur génération, mais je crois qu'ils restent des comédiens sympas aux yeux du public. Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? les place dans la peau du Français moyen qui est en chacun de nous. S'il manque quelque chose au film, c'est peut-être bien l'équivalent féminin de ces drôles de zozos. Peut-être qu'au fond, c'est aussi là que le réalisateur a voulu placer sa limite, à la frontière du réalisme.

Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?
Film français de Robert Lamoureux (1973)
Comme mon smiley du jour, j'étais un peu honteux quand le film a démarré sur ma platine DVD. Je n'en ai pas retiré un plaisir immense, je ne pense pas voir ses deux suites, mais, et c'est bien une surprise en soi, je ne me suis pas ennuyé. Cette réécriture de l'histoire m'apparaît en fait plus potache - et donc moins discutable - que celle d'un Quentin Tarantino dans Inglourious basterds. Il est vrai aussi que les deux longs-métrages n'ont guère d'autres points communs que leur arrière-plan de seconde guerre mondiale. Ici, on est plutôt sur le modèle La grande vadrouille, en moins rigolo tout de même.

dimanche 11 septembre 2011

Colts et blasters

Une chronique de Martin

C'est sûrement plus ou moins la même chose pour tout le monde. Parmi les innombrables raisons qui m'inciteront à pousser les portes d'une salle de cinéma, la nostalgie tient sa place et la défend vaillamment. Au-delà du plaisir pris devant un spectacle régressif, c'est je crois d'abord pour retrouver Harrison Ford que j'ai voulu voir Cowboys et envahisseurs. L'acteur fêtera ses 70 ans l'an prochain: je l'ai beaucoup aimé et il me fait plaisir de le revoir de loin en loin, même si c'est vrai qu'à présent, les limites de son jeu m'apparaissent beaucoup plus flagrantes qu'à l'époque de sa gloire. Bref...

Le héros de Cowboys et envahisseurs, c'est Daniel Craig, en fait. Délaissant provisoirement la panoplie de James Bond, le Britannique renoue avec la grande tradition du western, en jouant un cavalier solitaire... et sans nom ! Quand le film démarre, celui qu'on appellera Jake Lonergan a tout oublié de qui il était et de ce qu'il faisait allongé dans le désert, lesté d'un curieux bracelet. Quelques minutes plus tard, après avoir dessoudé des chasseurs de prime qui passaient par là, il aura récupéré un cheval, un chien et un chapeau, mais aussi et surtout assez de lucidité pour prendre la route sans attendre davantage. C'est ainsi qu'il débarquera à Absolution, petit village paumé et forcément poussiéreux, qu'il se créera quelques ennuis avec le fiston d'un propriétaire terrien du voisinage et que, du fond d'un convoi pénitentiaire, il assistera à l'attaque de... vaisseaux extra-terrestres et à l'enlèvement de quelques braves Américains sans défense. Le début des choses sérieuses, pour résumer.

Dans Cowboys et envahisseurs, il y a aussi une femme, mystérieuse et jouée par la jolie Olivia Wilde, mais je vous laisse la découvrir plus avant. L'important pour apprécier le film, c'est de ne surtout pas le prendre trop au sérieux. On appelle ça un crossover: la fusion volontaire de deux univers de fiction disparates afin d'y puiser matière à un troisième, hybride. C'est casse-gueule, mais le fait est qu'ici, ça marche plutôt bien. Il faut dire aussi que le film s'inspire d'une BD, ce qui a dû faciliter la tâche des scénaristes et permettre au réalisateur de se concentrer sur l'aspect spectaculaire de la chose. De ce point de vue, mission accomplie: les créatures qui débarquent sur notre pauvre planète sont assez convaincantes, dans le genre féroce et visqueux. Les scènes d'action ne manquent pas, ce qui fait qu'on ne s'ennuie guère. Enfin, si, un peu... une fois qu'on a compris le principe, certains passages traînent un peu en longueur. D'autres sont aussi plombés par une morale très américaine. On pouvait l'anticiper, mais j'aurais apprécié plus d'originalité sur ce point.

Cowboys et envahisseurs reste un bon film d'action pour le repos des neurones. Comme je l'ai suggéré, il lui manque peut-être juste un peu de fantaisie, voire de folie. L'univers dépeint n'est certes pas une coquille vide, mais reste d'une épaisseur relative. Il ne faut pas trop en demander: c'est comme ça qu'on peut passer un bon moment. Quant à Harrison Ford, même si on peut regretter qu'il n'étende plus sa panoplie d'expressions, il s'offre un personnage de vieux briscard sympa, un peu ambigu parfois et qui aurait sans doute gagné à avoir un peu plus de noirceur. Daniel Craig, lui, incarne bien le héros classique, sans peur et sans reproche: il joue très correctement, mais n'éclabousse tout de même pas l'écran d'un talent hors-norme. Disons que, pour un Anglais, se couler aussi bien dans les oripeaux d'un mec de l'Ouest, c'est un signe de bonne maîtrise de son art. Maintenant, j'en arrive à me demander ce qu'il manquerait au film pour être une totale réussite: trois fois rien, sans doute, un peu plus de corps, probablement. Oui, c'est ça: le plat est bon, il est copieux, mais la sauce, elle, aurait mérité d'être un peu plus corsée.

Cowboys et envahisseurs
Film américain de Jon Favreau (2011)
Je n'ai pas vu Iron Man, le film qui a fait connaître le réalisateur. Partie remise. En attendant donc de l'évaluer dans un autre domaine, j'ai envie de dire que ce nouvel opus reste un spectacle honorable, mais que j'ai vu mieux cette année. Si le True grit des frères Coen semblait renouer avec la tradition, c'est pour moi Rango qui mérite la Palme du western décalé 2011. À voir si d'autres prétendants débarquent sur nos écrans, quitte à encore renouveler le genre.

samedi 10 septembre 2011

Couverture musicale

Une chronique de Martin

Je suis un peu fâché avec Tom Hanks. Je n'aime pas vraiment classer les acteurs et j'ai donc du mal à identifier qui sont mes préférés, mais je crois que lui, je l'aurais placé parmi les tout premiers rangs de ma liste... si elle avait existé. Certaines de ces interprétations m'ont refroidi. Et j'ai vu Ladykillers. Sans crier au génie, je me suis un peu réconcilié avec le comédien, qui s'y est tant amusé à changer de look et à cabotiner qu'il a fini par emporter le morceau. Finalement, j'ai pu en douter, mais, en lui accordant leur confiance, les frères Coen ont fait un (énième) très bon choix de casting.

Il faut dire aussi qu'à la base, les frangins disposaient d'un matériau d'une très grande qualité. Souvenez-vous: Ladykillers, c'est en effet le remake du film anglais éponyme, distribué en France et présenté ici en version francisée: Tueurs de dames. Une occasion de noter encore une fois que les meilleurs thèmes ne vieillissent pas. Bonus appréciable de cette redite: les Coen ont su transposer l'intrigue londonienne dans une Amérique stylisée qui, musique gospel oblige, rappelle La Nouvelle-Orléans. Je redis que l'idée est de raconter comment cinq prétendus musiciens s'installent chez une grand-mère un peu solitaire pour y préparer un braquage. Sauf qu'évidemment...

Ladykillers est souvent présenté comme un Coen mineur. Je peux bien admettre qu'ils ont fait mieux. Là où ils demeurent constants, et pour tout dire très forts, c'est dans l'aspect visuel de leur travail. La photo est toujours léchée, les décors parfaits pour matérialiser une ambiance, vraisemblable et imaginaire à la fois. Mais, à l'image donc de Tom Hanks, c'est par leurs acteurs que les deux frères s'expriment le mieux. Ici, encore une fois, ils ont déniché une série de "gueules" aux petits oignons. Les citer toutes serait fastidieux, surtout que certains de ces comédiens ne partagent pas la notoriété du personnage principal. Pas question toutefois d'ignorer totalement Irma P. Hall, la mémé de l'histoire: elle est tout simplement parfaite. C'est elle, je crois, la star. Celle qui m'a fait la plus forte impression.

Ladykillers
Film américain d'Ethan et Joel Coen (2004)
Remake oblige, je vous recommande l'original, le remarquable Tueur de dames. Autre lieu, autre époque, mais même humour décalé, avec un génial - et méconnaissable - Alec Guinness. Plutôt envie d'originalité ? Puisque j'évoquais l'idée d'un classement des acteurs pour ouvrir cette chronique, j'ajoute que, des films des frères Coen, c'est encore et toujours Fargo que je place au sommet. Il me reste malgré tout quelques trous à combler. Ici, dans l'esprit, j'estime qu'on s'approche plutôt d'un film comme Intolérable cruauté...

jeudi 8 septembre 2011

Penn de coeur

Une chronique de Martin

Le miracle du cinéma, c'est, parfois, de parvenir à émouvoir à partir de l'incongru. J'ai découvert dernièrement un film européen évoquant la Shoah à partir d'un univers quasi-onirique. Un certain réalisme cru ne peut masquer la bizarrerie d'un scénario porté sur la connaissance du génocide par la génération baby boom. Un peu tel le Costa-Gravas de Music box, le cinéaste m'a parlé d'un enfant et de son père méconnu, de ce qui disparaît et de ce qui reste, des grandes illusions et de la triste réalité, de la vie et de la mort. Et c'était très touchant.

L'affiche de This must be the place le dit aussitôt: le nouveau film du réalisateur italien Paolo Sorrentino place Sean Penn dans la peau d'un drôle de personnage. Cheyenne est une ancienne rock star rangée des concerts. On découvrira au cours du film la raison qui l'a poussé à mettre un terme à sa carrière. Désormais, il erre à pas feutrés dans sa vaste demeure de milliardaire, ne s'estime pas digne de l'amour de sa femme et tente d'aider un jeune serveur à séduire enfin la fille de ses rêves. Une âme en peine et tombée dans l'oubli.

Après avoir suivi Cheyenne et découvert autour de lui un Dublin populaire décalé, le spectateur qui verra ce film suivra l'ex-musicien sur les routes des États-Unis. Retrouvant après la mort de son père une famille qu'il avait quittée de peur de ne pas être aimé, le héros de This must be the place apprendra le terrible et double secret conservé par son géniteur: un passé de déporté et sa volonté farouche de retrouver l'officier nazi qui l'avait humilié à Auschwitz. En pleine tourmente affective, il se lancera à son tour à la recherche du criminel de guerre oublié. Le début d'un road movie initiatique comme Hollywood sait si bien les tourner. Chaque étape du parcours sera pour Cheyenne l'occasion de rencontres, qui lui démontreront que les choses ne sont jamais aussi simplistes qu'elles peuvent paraître et qu'il y a parfois, sur la scène de sa vie passée, des gens au moins aussi malheureux que lui. Et bien qu'il prétende à sa femme ne pas être parti pour se trouver, cette quête d'une vengeance encore indéfinie tient aussi du rituel de passage vers l'âge adulte.

Pour porter cette drôle d'aventure, il fallait à coup sûr des acteurs investis. Sean Penn l'est, indubitablement, sous l'improbable tignasse de Cheyenne. La plupart du reste de la distribution m'a paru bien loin de partager son statut de star et, pour la plupart, les acteurs choisis par Paolo Sorrentino sont pour moi des inconnus. Exception qui vient confirmer la règle: une très belle Frances McDormand, dans un rôle d'épouse attentive, moins étrange que son mari et en fait touchante pour cette même raison. Une galerie d'autres personnages parcourt continuellement le long-métrage et lui apporte beaucoup d'humanité, en dépit de quelques redites et d'un rythme étonnamment lent. Finalement, This must be the place est une oeuvre qu'il faut apprivoiser, à laquelle il faut savoir laisser une petite porte ouverte pour mieux apprécier ce qui y est montré. Le tout n'est pas exempt de quelques maladresses et pourra titiller de manière déplaisante l'émotion de ceux qui sont sensibles sur le lourd sujet de l'Holocauste. Moi, je reste séduit par le charme particulier de cette production italo-franco-irlandaise, à nulle autre pareille, portée par une bande originale rythmée et mélancolique à la fois. De quoi donner envie, après la projection, de s'intéresser de plus près à son réalisateur.

This must be the place
Film italien de Paolo Sorrentino (2011)
Revenu bredouille du dernier Festival de Cannes, le long-métrage divise, loin de faire l'unanimité. J'aime son originalité, son côté fantasque, pathétique et amusant à la fois. Il y a là quelque chose auquel je suis sensible, sans que je parvienne à dire quoi. Un peu comme son héros devant l'imprévu, d'ailleurs. J'ai, oui, un intérêt particulier pour les road movies et, bien que très différent, celui-là m'a d'une certaine façon fait penser à Into the wild. Conséquence directe du caractère débonnaire - et un peu dépassé par la société - de son principal protagoniste. Et effet Sean Penn, aussi, sûrement.

mercredi 7 septembre 2011

Pif paf boum vlan !

Une chronique de Martin

J'avais dit que je le ferai et j'ai tenu ma promesse. Pour faire plaisir à mon pote Alexis, j'ai regardé l'un de ses films préférés: Expendables - Unité spéciale. Pas franchement ma came habituellement, mais ça fait du bien de déconnecter les neurones pour goûter au plaisir du film d'action pur et dur. Ici, il n'y a pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent que des bagarres musclées et des échanges de coup de feu, mais ça, je le savais pertinemment avant même que le DVD ne tourne sur ma platine. Aussi, j'ai laissé au film une chance de me surprendre... autrement.

Alors ? C'est raté. Sylvester Stallone ne m'a pas étonné, qu'il soit devant ou derrière la caméra. Son film raconte l'histoire ordinaire d'un groupe de six gros bras, censés libérer les otages de pirates somaliens, puis s'attaquer à la véritable petite armée qui ose oppresser le modeste peuple d'une petite île aux faux airs de Cuba. Seule - courte- innovation: les mercenaires de cette banale mission ont déjà un âge avancé et, dans un premier temps, n'ont pas envie de se faire descendre pour la seule liberté de quelques miséreux. Sauf que voilà, au milieu des victimes du général corrompu, il y a aussi une jolie fille avide de paix et capable, elle, de subir la torture sans sourciller. Du coup, retour en arrière: Expendables - Unité spéciale sera bien le récit d'une révolution assistée, avec explosions et combats en tout genre. Et comme un air de déjà vu ailleurs...

Si le film a fait parler de lui, c'est surtout parce que Sly a réuni autour de lui quelques copains prêts à bastonner sec: Jason Statham pour représenter la "jeune" génération, les figures d'autrefois, Mickey Rourke et Dolph Lundgren, comme vieux de la vieille, Jet Li en tant que spécialiste évident des arts martiaux ou même encore Bruce Willis, en obscur commanditaire de la mission - et à vrai dire personnage au potentiel le plus intéressant, malheureusement sacrifié au bout de quelques minutes seulement. Alexis m'avait assuré que je rigolerai bien devant Expendables - Unité spéciale. Mouais. Si quelques répliques peuvent sortir du lot, il n'y a pas franchement de quoi sauter au plafond. Le film reste cloué au sol dans ses grandes largeurs, la faute à son intrigue à 99% prévisible. Je peux admettre que les acteurs se soient bien amusés, à l'image d'un Arnold Schwarzenneger goguenard, en plein (et bon) numéro d'auto-dérision. À mon goût, tout ça manque quand même beaucoup de second degré. Ça bouge, ça d'accord, mais ça n'avance guère.

Expendables - Unité spéciale
Film américain de Sylvester Stallone (2010)
Pas question de tirer sur l'ambulance: le long-métrage respecte même probablement son cahier des charges. Moi, je préfère simplement des films comme Red ou à la limite Machete, un brin plus ironiques. J'aurais également pu citer L'agence tous risques, mais je me suis dit qu'un scénario adapté de série télé n'était pas aussi séduisant qu'une histoire originale, aussi basique soit-elle.

mardi 6 septembre 2011

Kirsten, jolie frimousse multiple

Une chronique de Martin

Une nationalité américaine, mais aussi du sang allemand et suédois dans les veines: la jolie Kirsten Dunst est un mélange réussi. Au-delà de sa plastique, la jeune femme - 30 ans l'année prochaine - a déjà une belle filmographie derrière elle, débutée en... 1989. Connue comme la Mary Jane des trois premiers Spider-Man, je constate avec plaisir qu'elle se tourne souvent vers un cinéma plus exigeant. Je pense en fait l'avoir découverte grâce au petit rôle qu'elle tenait dans Eternal sunshine of the spotless mind, chouette film signé Michel Gondry. On m'a dit du bien de Rencontres à Elizabethtown.

J'aime ces jeunes comédiennes qui osent prendre quelques risques avec leur image et souhaite donc que son Prix d'interprétation cannois ouvre toujours plus les portes de son art à Kirsten Dunst. Déjà, je suis assez curieux de voir la prestation qu'elle pourra proposer dans Sur la route, la future adaptation du roman éponyme de Jack Kerouac. Sacrée trois fois meilleure jeune actrice au cours des galas américains des années 90, la jeune femme pourrait avoir une belle longévité et se consacrer alors désormais à d'autres rôles plus matures. Ce sera probablement intéressant de suivre l'évolution de sa carrière. On devrait la retrouver prochainement dans un projet de film fantastique baptisé Upside down. Sur le sujet, je crois savoir qu'auprès d'un soldat, elle devrait y jouer une demoiselle venue d'un monde d'abondance et justement prénommée Eden !

dimanche 4 septembre 2011

Un drame adolescent

Une chronique de Martin

Voir un nouveau film avec Kirsten Dunst m'a donné envie de revenir en arrière pour regarder à nouveau Virgin suicides. En repartant depuis le début, ce sera également l'occasion d'avoir enfin présenté sur ces pages l'ensemble des longs-métrages de Sofia Coppola, la fille de Francis Ford. Je me suis d'ailleurs une nouvelle fois demandé comment, alors même pas trentenaire, la jeune femme avait pu tourner une première oeuvre aussi triste. Et pourquoi je n'arrive pas à le comprendre. Peut-être bien parce qu'à l'image d'un médecin psychiatre du film, petit rôle joué par Danny de Vito, censé analyser le mal-être d'une jeune patiente, je n'ai pas été une fille de 14 ans.

Virgin suicides évoque sans détours la mort d'adolescentes, celle d'abord de la plus jeune d'une fratrie, vite suivie de celle de chacune des quatre autres soeurs. Toute l'originalité tient à ce que l'histoire nous soit racontée par un narrateur garçon, homme invisible à l'écran qui aurait fréquenté les jeunes femmes au cours des années 70. Lux, Mary, Bonnie, Therese et Cecilia Lisbon paraissent aussi fascinantes qu'inaccessibles aux garçons de leur entourage. Elles sont également les cinq filles de parents aux principes stricts, qui les étouffent doucement dans la prison dorée de leur grande maison. Sont-elles malheureuses pour autant ? Ce n'est pas si évident. Trop simpliste.

Si Virgin suicides parvient à émouvoir, ce n'est pas vraiment parce que ses protagonistes semblent vivre une situation désespérée: c'est plutôt, je crois, parce qu'un début de bonheur simple leur tend progressivement les bras et qu'elles n'arrivent pas à le saisir, allant même jusqu'à le casser quand il semble enfin se présenter. Un bémol tout de même: à vrai dire, les petits mecs de cette histoire paraissent eux aussi assez cabossés, ne trouvant à communiquer qu'à travers les paroles symboliques des chansons à la mode. Sincèrement, sans surligner son propos, Sofia Coppola compose vraiment de belles images et sait jouer à merveille sur la suggestion pour faire passer la violence de son propos. C'est un paradoxe possible: dans cette méthode, il y a finalement beaucoup de douceur.

Virgin suicides
Film américain de Sofia Coppola (1999)
Après la sortie de cette première oeuvre, la jeune femme commençait déjà à se faire un prénom. Son étoile a un peu pâli depuis, mais je trouve une logique à son début de filmographie venue d'une relative constance dans le traitement de l'adolescence, ce temps de passage entre le monde des enfants et celui des adultes. De Lost in translation à Somewhere sorti en janvier, sans oublier Marie-Antoinette, je vous renvoie aux autres films, sans préférence particulière. Je crois pouvoir dire que je les aime à peu près tous.