lundi 28 février 2022

Oï oï oï oï oï...

Mireille Darc. Michel Constantin. Jean Lefebvre. Michel Galabru. Jean-Pierre Marielle. Casting aidant, j'avais gardé un vague souvenir de La valise, fameuse comédie franchouillarde: celui d'un type plombé par l'improbable série de catastrophes qu'il affronte depuis l'intérieur d'un accessoire de voyage ! Pourquoi ? Lisez, vous allez comprendre...

Sorti pile en pleine guerre du Kippour, le film s'ouvre par un carton étonnant, qui rappelle à qui s'y intéressera que l'équipe de tournage était composée à la fois de chrétiens, de juifs et de musulmans. "Nous sommes des amis et comptons bien le rester", est-il précisé. Divertissement revendiqué, le long-métrage met en scène un espion israélien, démasqué lors d'une mission en Libye. Le dénommé Bloch trouve refuge à l'ambassade de France, mais il est aussi ennuyeux pour la nation de le garder sous clé que dangereux de le lâcher. Résultat: Paris envoie un homme de confiance, le capitaine Augier, pour exfiltrer au plus vite cet encombrant allié vers une destination moins sensible. Seulement voilà: l'homme est aussi tombé amoureux d'une femme rencontrée par hasard... et refuse de partir sans elle ! Près de cinquante ans plus tard, La valise n'est certes pas le classique que certaines autres pochades de cette époque ont pu / su devenir. Cela reste un vide-neurones acceptable: le prendre au premier degré s'avère bien suffisant pour comprendre la signification de mon titre...

La valise
Film français de Georges Lautner (1973)

Rien d'indispensable, mais un bon moment pour qui aime les acteurs cités en tout début de chronique. La preuve aussi que la comédie d'espionnage n'est pas née avec OSS 177 (sa "référence" récente). Casino Royale et L'espion qui venait du surgelé ont des arguments. Cela étant dit, Ne nous fâchons pas restera mon Lautner préféré quelque temps encore. Et oui, n'en déplaise aux sacro-saints tontons !

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Pour aller (un peu) plus loin...

Vous pourrez vérifier que le film est brièvement évoqué chez Vincent. "L'oeil sur l'écran" n'est pas plus bavard et l'élimine en quelques mots !

dimanche 27 février 2022

Une si longue route

Où diable trouver la lumière la plus réconfortante ? Dans la flamme éphémère d'une dernière allumette ? L'éclat plus constant d'une lampe posée sur le chevet d'un enfant ? Et finalement, lequel de ces objets dégage-t-il le plus de chaleur ? Les réponses à ces questions cruciales résumeraient L'épouvantail, film-phare du Festival de Cannes 1973...

Cette année-là, Ingrid Bergman préside le jury, première personnalité suédoise à occuper ces fonctions (il n'y en a pas eu d'autres depuis). La dernière Palme d'or a été remise en 1963, la suivante ne le sera qu'en 1975, mais, le 25 mai, la Croisette peut applaudir deux lauréats ex-aequo, récompensés l'un et l'autre d'un "Grand Prix international". L'épouvantail fait donc partie des heureux élus et, autour d'un duo formé par les superbes Gene Hackman et Al Pacino, nous présente l'errance de deux vagabonds sur une (vaste) partie du territoire US. Max Millam et Francis Lionel Delbuchi se rencontrent par hasard lorsqu'en quasi-antagonistes, ils font du stop sur le bord d'une route californienne peu fréquentée. Le premier vient juste d'en terminer avec une longue peine de prison. Après avoir récupéré ses économies dans une banque de Pittsburgh, il s'imagine couler des jours heureux comme proprio d'un car wash. Son compère, lui, sort de missions maritimes à peine plus brèves et espère renouer avec son ex, mère d'un gosse qu'il n'a jamais rencontré - et dont il ignore même le sexe !

Aucun doute: nous sommes bel et bien dans l'Amérique des déclassés. D'autres vous expliqueront mieux que moi à quel point cette oeuvre synthétise idéalement certaines des tendances et lignes esthétiques de ce que l'on a pu regrouper sous l'appellation "Nouvel Hollywood". Sublimé par son cadre naturel et une photo du grand Vilmos Zsigmond qui semble le magnifier encore, l'opus est une merveille esthétique sur laquelle le temps n'a eu qu'assez peu de prise. J'ai pu lire ici et là que ces images paraissaient hors d'âge aujourd'hui: cette remarque visiblement dépréciative m'apparaît infondée - si ce n'est injuste. Chacun ses goûts, évidemment, mais l'alternance de plans extérieurs captés à la lumière naturelle et d'autres passages aux couleurs vives saturées offre à mes yeux un tableau vivant très agréable à regarder. L'épouvantail porterait-il mal son nom ? Je vous laisse le découvrir avec l'étonnante explication que le long-métrage donne à ce titre incongru - qui est la respectueuse traduction du Scarecrow originel. Moins réputé que d'autres "palmés", le film m'a fait forte impression !

L'épouvantail

Film américain de Jerry Schatzberg (1973)
La scène d'ouverture donne le ton: qui s'attachera aux protagonistes dès les premières images devrait ensuite se plaire à les suivre jusqu'au bout de leurs pérégrinations. Ce tandem pas-si-mal-assorti en rappelle d'autres et par exemple celui de Macadam cowboy (1969). J'ai aussi repensé à La dernière séance, dans une moindre mesure. Et, plus tard, aux Américains pauvres du Nomadland de Chloé Zhao...

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Les avis paraissent assez contrastés...
Pour un (léger) contrepoint, je vous suggère de lire "L'oeil sur l'écran". MAJ tardive (7 septembre 2023, 0h40): je relaye un texte de Vincent !

vendredi 25 février 2022

Tous en scène !

Hé ! Vous avez vu ? C'est le grand raout du cinéma français, ce soir ! Désolé pour les amateurs, mais je ne compte pas en faire le résumé détaillé demain. Le titre du lauréat du César 2022 du meilleur film sera mentionné sur la page dédiée, OK, et je passerai à autre chose. Tout en conservant, oui, quelque intérêt pour l'histoire du palmarès...

Une fois n'est pas coutume: ce midi, le septième art cède sa priorité "bobinesque" à d'autres formes d'expression culturelle. J'ai souhaité vous parler de mon nouveau blog: Envies de partages, que j'ai ouvert au début du mois de décembre dernier. Il se focalise essentiellement sur ce que j'apprécie dans les salles de théâtre, danse, concert, etc... de l'agglo grenobloise. Je recherche un emploi: il est aussi une vitrine de mes compétences rédactionnelles - que je travaille à compléter - et un outil pro que je vous invite à consulter. En restant sages, hein ?

Allez... les artistes de l'Isère gagnent à être connus, mais je vous dis quand même un mot sur les César ! J'ai confiance en une cérémonie de relative bonne tenue, notre cher cinéma français nous ayant offert de belles choses l'an dernier (cf. le top que j'ai proposé le 28 janvier). Je ne me suis pas plongé dans le détail de la liste des longs-métrages nommés, mais le retour d'Antoine de Caunes à la baguette me séduit davantage que la perspective d'un show de Florence Foresti. J'ai noté avec satisfaction que Cate Blanchett allait recevoir une statuette d'honneur et que deux nouvelles catégories seront désignées: le César des meilleurs effets visuels et celui du meilleur court-métrage documentaire - qui, lui, avait déjà été décerné entre 1977 et 1991. On peut bien sûr en reparler dans les commentaires, si vous voulez. Sinon, ma prochaine chronique de film ? Elle sera publiée dimanche. Je n'ai vraiment aucune intention d'abuser de votre patience, promis !

jeudi 24 février 2022

Ne pas être vu

C'est l'histoire d'un type, à l'approche de la quarantaine. Un type sympa, a priori, bien qu'un peu solitaire. Pas vraiment motivé à l'idée de gagner du galon dans son entreprise et assez peu démonstratif avec sa copine - qui se pose des questions sur son engagement à lui. Ce type, c'est moi. C'est peut-être vous. Un Français dit "ordinaire"...

C'est l'histoire d'un type, à l'approche de la quarantaine. Un type discret qui cache un secret: depuis tout petit, il a appris à maîtriser sa vraie spécificité, c'est-à-dire sa capacité... à se rendre invisible. Dominick vit-il ce don comme un privilège ou s'en moque-t-il autant que de l'idée de sortir du lot ? C'est l'une des nombreuses questions que pose L'angle mort, un chouette film fantastique "à la française" que j'ai découvert voilà tout juste quelques jours. Un peu par hasard !

Ç'a été l'occasion d'apprécier le talent d'un jeune comédien français d'origine togolaise: Jean-Christophe Folly - j'en ignorais encore tout. Mon seul point de repère était ici la présence active de deux actrices que j'aime particulièrement: Isabelle Carré et Golshifteh Farahani. Mon avis ? Malgré quelques petites longueurs, j'ai vu un long-métrage fascinant, bien joué, intelligemment écrit et joliment mis en scène. Est-ce que cela en fait une oeuvre indispensable ? Peut-être pas, non. Mais il y a bien assez d'imagination dans cet opus pour le démarquer de la masse des images qui arrivent chaque jour sur nos écrans. Bravo et merci aux deux coscénaristes et coréalisateurs, bien inspirés par une idée originale du fameux Emmanuel Carrère. C'est à (re)voir !

L'angle mort
Film français de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic (2019)

Quarante copies en circulation et seulement 11.622 entrées: j'avoue que je ne comprends pas que les chiffres puissent être aussi bas ! Évidemment, ce n'est pas un film "grand public", mais ce que j'ai vu fait marcher le cerveau sans être trop pointu: un effort des diffuseurs aurait donc été le bienvenu. Pour une autre histoire de personnage d'exception, je vous suggère Vif-argent. 52 copies, 17.442 entrées...

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Cela étant dit, j'accepte la contradiction...

Mais si ! Je "linke" donc la chronique de Pascale, en léger contrepoint.

mercredi 23 février 2022

Chemin de vie(s)

Faudrait-il dire merci à la Faucheuse ? Souvent, lorsqu'un grand nom du cinéma disparaît, les chaînes télé daignent lâcher quelques euros pour payer les droits de tel ou tel film que la plupart d'entre elles semblaient pourtant avoir oublié. Je ferme les yeux sur cette manie opportuniste. Je les ai ouverts devant IP5 - L'île aux pachydermes...

S'il n'était pas mort le 13 janvier, ce bon vieux Jean-Jacques Beineix aurait pu célébrer les 30 ans de la sortie du film le 12 juin prochain. Ses acteurs le feront-ils en sa mémoire ? Ce sera en tout cas possible pour certains (Géraldine Pailhas, Olivier Martinez, Sekkou Sall...). Pas pour Yves Montand, décédé, lui, avant même la fin du tournage. Bon ! Avant de complètement plomber l'ambiance, je veux vous dire que IP5... demeure l'oeuvre d'un cinéaste rare et un film émouvant pour qui voudra bien y croire - ou à tout le moins s'y laisser prendre. Sans doute moins naïf que la première fois que je l'ai vu, j'ai marché quand même, simplement pour le plaisir de cette longue escapade avec ces trois beaux personnages: l'enfant rêveur, le minet au coeur d'artichaut et le vieux un peu fada, mais surtout plein de regrets existentiels. Quand son terme approche, ce très mélancolique voyage nous conseille d'aimer la vie et de ne pas nous fâcher avec les autres. Enfin... pas sûr, mais disons en tout cas que c'est ce que j'ai ressenti. Et ? Et cela m'a tout simplement... fait du bien ! Merci à toi, Beineix !

IP5 - L'île aux pachydermes
Film français de Jean-Jacques Beineix (1992)

Vous aurez bien sûr remarqué que je n'ai presque rien dit du scénario. En fait, j'ai écrit au feeling - et c'est ce que mon premier jet a donné. Peu importe au fond les circonstances qui font qu'un jeune loulou sommé de se rendre à Grenoble préfère en fait filer vers Toulouse ! Pour moi, le film joue plus sur les sensations que les idées et faits. Vous me pardonnerez de ne pas en citer un autre pour comparaison...

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En attendant d'éventuels commentaires...

Vous pouvez faire comme moi: chercher une autre chronique ailleurs. Désolé, mais je n'ai rien trouvé chez mes petits camarades habituels. Rien de long, en fait: juste une mention dans l'hommage de Pascale...

lundi 21 février 2022

Dracula en Chine

Quel duel ! À ma droite, la Hammer, société britannique née en 1934 et référence internationale pour le fantastique, l'horreur et l'aventure. À ma gauche, fondée en 1958, la célèbre Shaw Brothers, sa consœur hongkongaise, adepte du cinéma d'arts martiaux. Le choc des titans n'a pas eu lieu: La légende des 7 vampires d'or est un film commun !

La légende des 7 vampires d'or
- parfois cité en "version courte" comme Les 7 vampires d'or, tout simplement - est en réalité le fruit d'une improbable rencontre entre le comte Dracula et d'autres suceurs de sang diablement efficaces pour terroriser le même village chinois depuis des siècles ! Naturellement plus que lassé de ces exactions répétées, l'un des jeunes habitants de cette très modeste bourgade décide d'en appeler au professeur Van Helsing, grand spécialiste européen des morts-vivants, pour l'aider à s'en débarrasser enfin. Vous vouliez de la baston ? Une bonne nouvelle: vous allez en avoir. J'ajoute qu'il vaut mieux ne surtout pas prendre ce film au sérieux pour l'apprécier à sa juste valeur: il est à vrai dire bourré d'effets assez piteux et d'incohérences grossières. Et en fait, c'est plutôt fun !

Mine de rien, c'est donc avec la Shaw Brothers que la célèbre Hammer aura réalisé son dernier film de Dracula ! J'ai lu après la projection que l'immense Christopher Lee avait alors renoncé à ce rôle mythique qui a participé de sa belle réputation (dans dix films, tout de même !) et passé la main à l'obscur John Forbes-Robert, bien moins inspiré. Heureusement pour les geeks aux dents longues, une autre vedette continue d'occuper le haut de l'affiche: j'ai nommé Peter Cushing, chef de Dark Vador dans le premier des Star Wars, mais que sa curiosité scientifique et son courage ont poussé ici à rallier le camp du bien. Soutien de poids, mais qui se passe des acrobaties: une soixantaine bien entamée n'incite pas nécessairement à ce genre d'excentricités. Bref... La légende des 7 vampires d'or a conservé toute la saveur d'un certain cinéma vintage: je suppose que ce n'est déjà pas si mal. Et non, je ne dirai pas qu'il a vieilli, vu qu'il a le même âge que moi...

La légende des 7 vampires d'or
Film britannico-hongkongais de Roy Ward Baker (1974)

Je ne verrai pas ce genre de films tous les jours, mais je vous assure que je me suis bien amusé (en quasi-clôture du festival déjà évoqué). En gros: même principe que pour le film d'hier et même résultat d'ensemble à l'arrivée. Et c'est le premier Dracula du blog, si j'occulte celui du redoutable Hôtel Transylvanie ! D'autres que lui (ef)fraient dans Nosferatu, Morse, Only lovers left alive, Petit Vampire, etc...

samedi 19 février 2022

Naufragés...

Ce n'était pas prémédité, mais il se trouve que j'ai vu deux films italiens coup sur coup, un vendredi et un samedi. La comparaison s'arrête là: le second - intitulé Le continent des hommes poissons - n'avait rien à voir avec le premier (cf. la chronique d'hier). J'ai profité d'un festival dédié au cinéma de genre pour le voir sur un vrai écran !

Souvent à la lisière du nanar, Le continent des hommes poissons s'intéresse aux passagers d'un voilier qui fait naufrage sur une île inconnue, aux environs du début du siècle dernier. L'un des survivants risque gros: militaire, il avait été chargé de superviser un transfert de criminels condamnés vers le bagne de Cayenne... et il semble être l'ultime représentant de l'autorité dite légitime, face à un groupe d'ex-futurs taulards potentiellement prêts à l'éliminer. Le scénario l'ayant cependant choisi comme héros, il reprend bien vite l'ascendant sur les dernières brebis galeuses qui avaient imaginé en découdre. Ouf ? Pas sûr, parce que, même après avoir rencontré une jolie fille dénuée d'animosité à son égard, il va se frotter à d'autres dangers imprévus, à l'image de ceux qu'invente le simili-dictateur moustachu arrivé avant lui sur la terre tout-sauf-promise. J'en ai assez dit ! Malgré ses défauts, ce truc pourrait plaire aux esprits "aventureux"...

S'il est difficile de faire abstraction de son look de production fauchée, on peut éventuellement convenir (et souligner) que le film arrive dans la lignée d'une certaine tradition du cinéma d'action. Arrivée tardive, c'est évident, à l'heure où les studios américains commençaient à produire du blockbuster XXL destiné à un public international. N'empêche ! Si Le continent des hommes poissons garde un certain pouvoir de séduction, c'est bien qu'il parle de choses relativement émoustillantes pour les jeunes de son temps: de lieux inexplorés, de chasse au trésor et de monstres, par exemple. Le tout enrobé d'une romance entre un homme épris de justice et une blonde pas assez forte pour se sauver elle-même. Cette damsel in distress digne d'un vieux conte de fées est jouée par Barbara Bach, connue pour avoir été James Bond girl et être restée Madame Ringo Starr. Chères lectrices, après cette pique macho, je veux aussi me moquer d'un homme: le grand Joseph Cotten, venu cachetonner dans un rôle presque indigne de lui - et ce sans la plus petite vergogne apparente !

Le continent des hommes poissons
Film italien de Sergio Martino (1979)

Je n'ai pas vu assez de nanars pour faire un classement, mais le fait est que ça se marrait bien, dans la salle où j'ai découvert ce machin ! Mes trois étoiles et demie sont généreuses, mais n'ont d'autre visée que de témoigner de la relative réussite du film... "dans son genre". Pour la chasse au trésor englouti, autant (re)voir Les grands fonds. Ou alors Le ruffian, qui jouit d'ailleurs d'une petite touche italienne...

vendredi 18 février 2022

Un garçon si gentil

Je me souviens d'avant la crise sanitaire, quand quelque 600 films sortaient chaque année sur les écrans français. Il m'a semblé entendre qu'en 2021, les cinémas ont vu débouler plus de 400 longs-métrages. Malgré cinq gros mois de fermeture, dénicher un scénario original n'arrive sans doute pas tous les matins. La cinéphilie reste une quête.

Bon... avant de me faire passer pour un preux chevalier, je veux dire que, l'autre jour, je suis tombé - un peu par hasard - sur une histoire différente du lot commun et qu'évidemment, cela m'a fait très plaisir. Parti de l'Italie voisine, Heureux comme Lazzaro est arrivé en France un soir de Festival de Cannes, en mai 2018. Triomphant, il est revenu de la Croisette quelques jours plus tard avec un Prix du scénario ! Comme le jury, j'ai moi aussi aimé découvrir la petite communauté rurale qu'Alice Rohwacher - scénariste et réalisatrice - présente ici. Parmi tous ces gens de peu, la caméra s'attarde plus particulièrement sur le dénommé Lazzaro, garçon aussi discret que serviable, au point qu'on l'imagine vite dominé par d'autres, eux-mêmes sous la coupe d'une soi-disante marquise, qui semble être restée à l'heure féodale...

Stop ! J'arrête mon descriptif avant de vous dire ce qui arrive ensuite lorsque Lazzaro devient l'ami du fils de cette grande bourgeoise. Simplement signaler que, de manière franche, le film tourne sa page réaliste et va alors prendre les attributs d'un conte moral des temps anciens - et ce sans quitter notre monde moderne, bien au contraire. Ce faisant, Heureux comme Lazzaro réalise une véritable prouesse et, à ce titre, il a su m'émerveiller et m'émouvoir. Ce ressenti double fait donc que je juge le film rare et précieux: une petite perle arrivée d'une contrée qui a un peu oublié quel grand pays de cinéma elle fut. C'est dans ces moments-là que je suis content et fier de la culture latine que nous avons en partage avec nos amis et voisins italiens. Filles d'un Allemand, les soeurs Rohrwacher (Alice et Alba, actrice) creusent un sillon de plus en plus large dans mon Panthéon personnel. Les grands maestros de leur pays leur font une place. Et c'est mérité !

Heureux comme Lazzaro
Film italien d'Alice Rohrwacher (2018)

Que ce long-métrage m'a touché ! Il prouve que le cinéma dit social peut ne pas se limiter à quelques oeuvres (froidement) réalistes. Adapté à l'Italie d'aujourd'hui, j'ai ici revu quelque chose du monde rural décrit dans le 1900 de Bertolucci - toutes proportions gardées. L'impression de voir un conte atténue au passage quelques aspérités. Voilà donc du cinéma très digne ! Comme jadis le superbe Stromboli !

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Envie d'aller voir ailleurs ?

C'est noté ! Je vous recommande donc un tour chez "L'oeil sur l'écran".

mercredi 16 février 2022

La couleur rouge

Tiens, tiens ! J'ai appris récemment que l'immense Donald Sutherland avait fait ses débuts au cinéma en 1963 dans un film d'horreur italien. Réalisé en Italie par un cinéaste britannique, Ne vous retournez pas pourrait en être un, qui convoque l'acteur - et avec lui Julie Christie - dans la lagune vénitienne, les sommant de faire le deuil d'un enfant...

Christine, la fille de Laura et John Baxter, s'est noyée par accident alors qu'elle jouait sagement dans le jardin de la maison de campagne de ses parents. Après une éprouvante scène d'ouverture, le couple réapparaît du côté de la Sérénissime. C'est l'hiver et Madame s'ennuie en attendant Monsieur, chargé par un évêque de restaurer une église. Bientôt, elle retrouve cependant le sourire, au terme d'une rencontre avec deux compatriotes anglaises: deux soeurs dont l'une est aveugle et possède un don de médium, qui lui permet donc de "voir" Christine et, en quelque sorte, de rassurer ses parents sur le repos de son âme. Tout cela fait du bien à Laura, mais irrite John au plus haut point. Maintenant, c'est à vous de découvrir la suite, où Venise est filmée sous son jour le plus sombre, ses facettes les moins touristiques. Nous perdons nos rares repères à mesure que Ne vous retournez pas gagne en efficacité. Jusqu'à nous faire ressentir une sorte de vertige.

Le film est un jeu de piste entre le parcours du personnage principal et les images mentales que le scénario tient résolument à lui imposer. Résultat: comme lui, nous sommes dans l'incertitude et ne parvenons à séparer le vrai de l'irréalité qu'à grands renforts de suppositions aléatoires. Et, oui, ce flou fait tout le sel de Ne vous retournez pas ! J'ai ainsi particulièrement apprécié que la version originale du film parle aussi bien anglais qu'italien: cela vient renforcer l'idée même d'un piège dans lequel deux malheureux étrangers se seraient égarés. Ensuite, tout est question d'empathie: si ces pauvres protagonistes peuvent atteindre votre corde sensible, je suppose que ce sera gagné et que vous passerez dès lors un bon moment en leur compagnie. N'allant pas jusqu'à faire du long-métrage un incontournable, je dirais toutefois qu'il s'agit presque d'un classique, au moins dans son genre. Nota bene: il circule en copie restaurée depuis bientôt un an et demi !

Ne vous retournez pas
Film britannique de Nicolas Roeg (1973)

Avis aux amateurs de frissons: cet opus peut marquer chaque esprit sensible, mais je l'ai trouvé moins gore que je n'avais pu le craindre. C'est une petite leçon de cinéma en tension, d'autant plus frappante que l'intrigue concerne aussi un enfant. S'il est vrai que Mort à Venise peut également glacer le sang, c'est en fait d'une bien autre manière. En guise de labyrinthe, autant revoir Frantic. Et Shining, à la limite !

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Si jamais vous avez envie de creuser le sujet...

Je vous suggère de le faire sans hésitation aux côtés de Strum et Lui.

lundi 14 février 2022

Un rituel immuable ?

Est-ce logique ou paradoxal ? Le mieux est encore que vous décidiez. Alors même que j'aime le cinéma japonais classique, je connais mal celui qui lui a aussitôt succédé (au cours des années 1970-80, disons). Je viens ainsi de voir mon premier Masahiro Shinoda, parfois cité comme l'un des maîtres de la Nouvelle Vague nippone ! Il était temps !

Bon... je n'ai pas de chance: le film en question - L'étang du démon - est arrivé assez tardivement dans la carrière de ce cinéaste méconnu. De ce fait, on peut dire qu'il reprend une part des récits traditionnels auxquels d'autres artistes de sa génération avaient osé tourné le dos. C'est ainsi qu'il nous raconte une histoire franchement abracadabrante sur la malédiction pesant de longue date sur un village: ses habitants doivent absolument faire sonner une énorme cloche trois fois par jour afin d'éviter de réveiller le terrible dragon endormi dans un lac voisin. On découvre cette superstition en suivant les pas d'un professeur d'université, Yamasawa, qui retrouve un vieil ami disparu, en charge d'accomplir au quotidien les gestes censés protéger la communauté. Ce qu'il fait aussi, semble-t-il, parce qu'il est amoureux d'une femme qu'il a rencontrée dans cette partie du Japon, loin des grandes villes. Il semble bon d'ajouter que tout cela se passe au cours de l'été 1913...

À ce stade, vous vous demandez sûrement si j'ai aimé ce que j'ai vu. Réponse: oui... et non. Oui, parce que le film fait d'emblée la preuve d'une originalité scénaristique certaine, même s'il s'inspire d'oeuvres antérieures, qu'il s'agisse de pièces du théâtre kabuki ou d'un roman d'abord écrit par le grand écrivain japonais Kyoka Izumi (1873-1939). Cela a d'ailleurs bien failli m'égarer en chemin: une partie du monde déployé à l'écran est d'essence encore plus fantastique que le village maudit dont j'ai fait mention plus haut. Le personnage de la femme navigue d'ailleurs d'une dimension à l'autre et surprend d'autant plus qu'il est joué par un homme, Bandō Tamasaburō, star des planches. Parfois, et c'est l'explication de mon bémol, j'ai eu quelque difficulté lorsqu'il a fallu passer à une autre strate de la fiction. J'ose supposer que les habitué(e)s s'y retrouveront mieux que le profane que je suis. Si tel est le cas, le plaisir et les émotions en découleront sans tarder !

L'étang du démon
Film japonais de Masahiro Shinoda (1979)

Cet opus n'est pas sans qualité, même s'il m'a paru trop ésotérique face à mes (maigres) références relatives au Pays du soleil levant. Objectivement, c'est tout de même moins abscons que les mythes thaïlandais évoqués dans le toujours très décrié Oncle Boonmee. Ponctuellement, j'ai cette fois repensé au cinéma de Shôhei Imamura et surtout à Profonds désirs des dieux. Un Japon version hardcore...

dimanche 13 février 2022

Quelque chose de pourri

Vous l'aurez peut-être remarqué: en ce début d'année, je n'arrive pas à me fixer sur un genre de cinéma particulier. J'enchaîne donc ce midi sans me soucier de transition et avec un thriller politique: El reino. L'un des grands gagnants des Goya espagnols en 2019, avec sept Prix reçus, dont celui du meilleur réalisateur - et après treize nominations.

Tout a l'air de réussir à Manuel López Vidal, homme politique local influent et qui se verrait bien défendre ses convictions au plus haut. Seulement voilà: bien que parfaitement huilée, sa belle mécanique s'enraye soudain lorsqu'il est impliqué dans un probable détournement de subventions européennes, source présumée d'un enrichissement personnel pour lui et plusieurs cadres de son parti... notamment. Débute alors pour Manuel une longue course de fond contre les médias et l'opinion publique, afin de rétablir au mieux sa réputation écornée. Faut-il le croire blanc comme neige ? Je vais vous laisser l'envisager. Au rythme de la parfaite B.O. d'Olivier Arson, compositeur français né à Paris en 1979, El reino est un film qui ne cesse jamais d'avancer. Toute la question est très précisément de savoir si c'est vers l'abîme ou vers la lumière, ce qui, au fil des révélations, favorise un suspense haletant. Et, dans le rôle principal, Antonio de la Torre est superbe. L'absence d'autres visages connus ne nuit en rien à la force du propos. Bien que pourri, ce "royaume" (la traduction du titre) reste fascinant !

El reino
Film espagnol de Rodrigo Sorogoyen (2018)

Une belle réussite que ce brûlot consacré aux arcanes de la politique locale et à ses brebis galeuses: une fois encore, toute ressemblance éventuelle avec de vrais leaders n'est pas nécessairement fortuite. Président, côté français, n'avait pas tout à fait la même intensité. Quant à L'exercice de l'État, il ne traite pas pile du même sujet. Autant donc s'amuser de tout cela avec Guibord s'en va-t-en guerre !

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Vous préférez rester aux environs de Madrid ?

D'accord ! C'est peut-être l'occasion d'aller voir Pascale, Dasola et Lui.

vendredi 11 février 2022

Pavarotti et lui

On dit de la musique qu'elle adoucit les moeurs. Permettrait-elle aussi de "tout regarder différemment" ? C'est bien possible, à mon avis. C'est ce que prétend l'un des personnages de Mes frères et moi. Suscité par les notes de Verdi dans la bande-annonce, mon vif attrait pour ce film m'a conduit à le voir dans un cinéma. Je suis sorti ravi...

Nour est le dernier d'une branche de quatre, après Abel, Mo et Hedi. Mère dans le coma et père absent. Un été, à 14 ans et sans raison évoquée par le film, il est contraint d'effectuer un travail d'intérêt général: repeindre les couloirs de son école. C'est là que le hasard l'attrape par le bras et le conduit auprès de Sarah, une jeune femme qui anime un atelier de chant lyrique. Or, Nour chante, lui aussi ! Désormais, c'est à vous de découvrir pourquoi et comment un gosse logé dans une cité HLM peut avoir un goût prononcé pour Pavarotti. Naturel au possible, l'étonnant Maël Rouin-Berrandou constitue l'atout numéro 1 du fort joli récit que nous propose Mes frères et moi. Adaptation d'une pièce de théâtre, le long-métrage amuse et émeut dans le même temps ! Et en ce sens, il a "quelque chose de l'opéra"...

J'ai cité le jeune acteur principal, mais l'ensemble de la distribution joue une belle partition, à l'unisson. Outre les frangins, il est possible que vous ayez reconnu Judith Chemla, impeccable en éducatrice obstinée et surtout bien déterminée à entraîner Nour vers le haut. L'ancienne pensionnaire du Français est juste, forte de l'intelligence des grand(e)s comédien(nes): elle ne tire jamais la couverture à elle. Et au contraire, elle fait briller le plus jeune de ses partenaires de jeu et nous aide à croire à cette histoire plutôt rocambolesque ! Sans aller jusqu'à parler de conte initiatique, je veux souligner l'aspect solaire et l'optimisme de cette histoire: oui, Mes frères et moi est un film positif, avec quelques scènes bouleversantes et également parsemé de petites touches d'humour. La lumière estivale et les couleurs chaudes qu'elle invente procurent une douce sensation d'apaisement. On se dit alors que l'avenir, incertain par nature, pourrait être beau...

Mes frères et moi
Film français de Yohan Manca (2022)

Courez ! Un tel film sur la banlieue, ça ne se présente pas souvent ! Très sincèrement, je n'ai aucune fausse note à relever aujourd'hui. Pour mémoire, je vous rappelle que, l'année dernière, j'étais tombé sous le charme de Gagarine et de son immeuble-vaisseau spatial. Sortir des sentiers balisés d'un certain cinéma social "à la française" fait du bien ! C'est vrai: Mercuriales le permet aussi, à sa manière...

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Le mot de la fin ?

Je veux le réserver à Pascale qui, elle aussi, a beaucoup aimé le film.

mercredi 9 février 2022

Envols

Je ressens à chaque fois une fascination particulière pour les films produits par le cinéma français aux heures de la seconde guerre mondiale. Mis sur pellicule de juin à octobre 1943, Le ciel est à vous aurait reçu un bon accueil deux fois: la presse vichyste l'a soutenu avant qu'il fasse le bonheur des ciné-clubs de gauche à la Libération...

Connaissez-vous Maryse Bastié ? Hélène Boucher ? Jacqueline Auriol ? Toutes ces femmes sont citées comme des pionnières de l'aviation. Voler est aussi au programme de mon film, où un garagiste de talent doit quitter la maison dont il a été exproprié en vue de la construction d'un aérodrome. Or, il se trouve que Pierre Gauthier a aussi un passé militaire auprès de Guynemer, ce qui fait de lui un professionnel chevronné et... un inconscient pour sa femme. Les charmes aériens n'ont vraiment aucune prise sur Thérèse, à ce stade de la discussion ! Dans Le ciel est à vous, vous verrez bien vite que seuls les imbéciles conservent toujours la même opinion sur les choses. Pour un film sorti voilà presque 80 ans, le propos est d'une indéniable modernité. Étonnante et réjouissante, dirais-je: les surprises sont nombreuses...

Subtilement complémentaires, Madeleine Renaud et Charles Vanel convainquent sans aucune difficulté de la qualité de jeu de leur duo. Derrière eux, le scénario a aussi l'intelligence de laisser une place importante à toute une galerie de personnages secondaires dignes d'intérêt, d'où émergent par exemple une belle-mère envahissante (Raymonde Vernay) et un généreux prof de piano (Jean Debucourt). Sans aller jusqu'à flatter l'âme de la Résistance, Le ciel est à vous rend à sa manière hommage à ces petites gens qui ployaient alors sous le joug nazi - c'est même dès le début son intention annoncée. Toute ressemblance avec des personnes existantes n'est pas fortuite. Ce parallèle possible avec la terrible réalité de la France occupée donne au film une aura spéciale, même s'il est permis de le regarder au "premier degré", sans arrière-pensée belliciste et/ou patriotique. D'une certaine façon, c'est bien une oeuvre en avance sur son temps. La chance a fait qu'elle échappe aux ciseaux de la censure pétainiste !

Le ciel est à vous
Film français de Jean Grémillon (1944)

Le cinéma français de cette époque n'a pas toujours cette "coloration" positive. Je suis donc bien content d'avoir découvert cette référence d'un réalisateur encore méconnu - et sur grand écran, s'il vous plaît ! Cela dit, de ce même cinéaste, je préfère Gueule d'amour, qui date d'avant la guerre. Loin de ce réalisme poétique qui nous a donné tant de merveilles, j'ai également aimé Lumière d'été et Pattes blanches.

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Pas envie d'atterrir tout de suite ?

Je comprends - et vous suggère de vous poser vers "L'oeil sur l'écran".

lundi 7 février 2022

L'île aux enfants

Qui peut tuer un enfant ? Ceci n'est pas une question, mais le titre original d'un film espagnol que j'ai vu récemment sous un intitulé français fantaisiste (et moins provocant): Les révoltés de l'an 2000. Programmé en off d'un festival consacré au genre, ce long-métrage imagine le pire et joue sur nos angoisses. Un jeu cruel... et efficace !

Eve et Tom forment un couple harmonieux. Ces deux jeunes Anglais partent passer quelques jours de vacances dans le sud de l'Espagne. Ils sont ravis de pouvoir participer d'abord à une sorte de carnaval géant: de quoi s'amuser et réaliser de nombreuses photos-souvenir. Eve, enceinte, est malgré tout un peu fatiguée, et Tom croit bon d'embarquer sa belle à destination d'Almanzora, la petite île au calme qu'il a visitée vingt ans plus tôt. Les deux tourtereaux y voguent seuls sur une barque qu'on leur a louée - ce qui ressemble à une erreur. Dans ce qu'ils croyaient être le paradis, ils ne croisent que des enfants et se posent alors dans un hameau écrasé par le soleil, aux faux airs de ville fantôme. Entre les murs blancs, quelques habiles mouvements de caméra suffisent ensuite à faire monter un sentiment paranoïaque bien assez solide pour être à l'origine de nos tous premiers frissons. Audacieux, malin et fascinant, Les révoltés de l'an 2000 montre peu et suggère beaucoup. Des maisons vides, un store qui se baisse soudain, une voix étouffée au téléphone... nos nerfs passent un test !

Le film étant ce qu'il est, je vous le déconseille si les plus jeunes d'entre nous attirent votre sympathie et plus encore si votre famille s'apprête à accueillir un nouveau-né ! Il faut vraiment que je sois clair avec vous: j'ai trouvé le spectacle peu aimable et même dérangeant. Pour autant, je n'ai pas regretté ma soirée, au contraire: le propos n'est pas conforme aux "bonnes moeurs", mais c'est avec un talent indéniable que l'idée de départ est traitée. L'impression de malaise grimpe petit à petit jusqu'à la toute fin du métrage, ce que j'ai trouvé brillant en soi et malgré toutes les réserves morales qu'un tel récit peut légitimement susciter. J'ai apprécié Les révoltés de l'an 2000 pour son mystère: quoi qu'on en dise et pense, les deux personnages principaux agissent de manière logique et se frottent à une violence qui, elle, semble n'avoir aucune véritable explication rationnelle. Bon... le générique placé au début du film propose une explication possible sous forme de retour de bâton, mais ne convainc qu'à moitié. C'est donc à vous de vous faire une opinion. Si toutefois vous l'osez...

Les révoltés de l'an 2000
Film espagnol de Narciso Ibañez Serrador (1976)

Inconfortable et glaçant: cet opus a de quoi satisfaire les amateurs d'un cinéma qui ne ménage pas son public et lui impose un suspense poisseux. Cerise sur le gâteau: les images sont souvent magnifiques. Face à cela, la première comparaison qui m'est venue spontanément est Le village des damnés (dans sa version première). Autres plans B à découvrir: Les innocents ou Le ruban blanc. J'en tremble encore...

dimanche 6 février 2022

Le Japon au crible

Ce n'est certes pas la première fois que je vous propose un retour chiffré sur une filmographie particulière ! Il se trouve simplement qu'après le Mizoguchi dont je vous ai parlé hier, je me suis demandé comment les films japonais d'aujourd'hui étaient accueillis en France. J'ai étudié le box-office depuis 2007, année où j'ai commencé ce blog.

Sans véritable surprise, j'ai constaté que ce sont surtout les films d'animation qui tirent au mieux leur épingle du jeu: huit d'entre eux occupent l'une des dix premières places - et j'ai vu les deux premiers. Et voici donc, copié-collé, le classement complet de ce top ten nippon:

1. Arrietty, le petit monde des chapardeurs / 934.073 entrées,
2. Ponyo sur la falaise / 906.455 entrées,
3. Une affaire de famille / 778.673 entrées,
4. Le vent se lève / 776.769 entrées,
5. Demon slayer - Le train de l'infini / 727.889 entrées,
6. Albator, corsaire de l'espace / 724.788 entrées,
7. Dragon Ball Super : Broly / 571.483 entrées,
8. La colline aux coquelicots / 409.766 entrées,
9. Tel père, tel fils / 387.594 entrées,
10. Mary et la fleur de la sorcière / 341.159 entrées.

Face à ces statistiques, le très talentueux Hirokazu Kore-eda apparaît presque comme l'arbre qui cache la forêt de l'insuccès des films japonais tournés en images réelles. Aux deux opus qu'il a su imposer au sommet du classement général, le cinéaste en ajoute trois autres dans les bestsellers hors-animation. Moi ? Sur les dix, j'en ai vu sept !

1. Une affaire de famille / 778.673 entrées,
2. Tel père, tel fils / 387.594 entrées,
3. Les délices de Tokyo / 309.838 entrées,
4. Drive my car / 197.008 entrées,
5. Après la tempête / 158.602 entrées,
6. Notre petite soeur / 155.848 entrées,
7. Still walking / 135.653 entrées,
8. Dans un jardin qu'on dirait éternel / 119.104 entrées,
9. Still the water / 102.481 entrées,
10. Asako I et II / 101.529 entrées.

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Bien sûr, votre avis m'intéresse...

Je compte sur vous pour me renseigner sur les films japonais récents et intéressants que j'aurais cependant pu laisser filer. Un opus inédit sorti en 1979 au Pays du soleil levant arrive ici très prochainement. En outre, ma ville accueille ces jours-ci un festival dédié aux femmes réalisatrices, les Saisons Hanabi ! Il se peut que j'en reparle bientôt...

samedi 5 février 2022

Un amour maudit

Coutumier des grands écarts, j'enchaîne aujourd'hui avec un classique du cinéma japonais: Les amants crucifiés, un film qui nous propulse vers la fin du 17ème siècle et du côté de Kyoto, la capitale impériale. Ce monde féodal impose à toutes et tous un carcan social très serré. Les classes les plus modestes n'ont guère d'opportunités d'évolution...

C'est dans ce cadre que nous découvrons Mohei, talentueux employé d'une imprimerie. Travailleur, le jeune homme suscite l'admiration transie d'une servante pour laquelle il n'a pourtant que peu d'égards. En revanche, on découvre vite qu'il nourrit un sentiment plus profond pour une autre femme: O-San, la (jeune) épouse d'Ishun, son patron. Je vous laisse découvrir seuls comment le scandale va alors éclater. Sans concession, Les amants crucifiés nous décrit un Japon gangréné par les oppositions de classes, enfermé dans une tradition d'inégalité séculaire. Seule la fortune régit les relations humaines dans ce "jeu" constamment malsain, parce que biaisé, entre dominants et dominés. Nous, spectateurs de 2022, avons cependant la chance de profiter d'une reconstitution quasi-parfaite de ce vase clos: les superbes plans s'enchaînent les uns aux autres, dans la tradition du meilleur cinéma nippon. Comme j'ai pu le lire par ailleurs, la critique sociale se double d'un romantisme éperdu, quasi-mystique. Le film marque les esprits et, autant le dire, peut aisément prétendre au rang de chef d'oeuvre !

Les amants crucifiés
Film japonais de Kenji Mizoguchi (1954)

Le septième art nippon brille ici de toute sa classe. Il paraît évident que de nombreux autres films pourraient satisfaire votre curiosité pour le Japon médiéval: Les sept samouraïs est de la même année. Pour être très honnête, Les contes de la lune vague après la pluie conservent ma préférence dans la filmographie de Kenji Mizoguchi. Sachez-le: je reste donc à l'affût d'autres perles de ce grand cinéaste !

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De votre côté, vous pouvez le rejoindre ailleurs...

Ce serait une occasion de retrouver le film chez Strum, Eeguab et Lui.

vendredi 4 février 2022

À toute vitesse

Y a-t-il des gamers parmi vous ? Certains jeux vidéo de mon enfance s'inspiraient des succès du cinéma, avec plus ou moins de talent. Depuis quelques années, il me semble que le phénomène s'est inversé et que ce sont donc désormais les jeux qui arrivent avant les films. Bilan: il y a peu, j'ai craqué sur Sonic. Un vrai aimant à nostal-geeks !

Vous ne l'avez pas croisé, ce hérisson bleu ? Il avait pourtant la cote. Mascotte de la firme Sega dès 1991, il s'était aussitôt fait connaître comme l'une des créatures les plus rapides qui existent au monde. Wikipédia indique même qu'il a atteint la vitesse du son (1124 km/h). Dans le film, il débarque sur Terre pour échapper à d'autres bestioles extraterrestres avides de son pouvoir... et y déclenche une panne électrique géante. Le voilà pourchassé par le gouvernement américain et le savant fou que ce dernier a mandaté, le docteur Ivo Robotnik ! Bon... si vous n'avez pas encore zappé, merci: je profite de l'occasion pour vous dire que ce ne serait pas grave de passer à côté de ce truc. Même si j'ai aimé retrouver un Jim Carrey plus grimaçant que jamais dans le rôle du méchant, je suis bien obligé de reconnaître que Sonic sprinte aux ras des pâquerettes - et, ma foi, ce n'est pas surprenant ! En étant très généreux, je veux bien concéder que le long-métrage s'adresse d'abord aux ados, mais ça ne le rend guère plus intéressant. Les effets spéciaux ? Corrects. Mais le reste est vite vu, vite oublié...

Sonic - Le film
Film américain de Jeff Fowler (2020)

Il semble qu'on ait échappé au pire: au départ, l'échidné numérique dessiné par le studio Paramount n'avait pas du tout la même allure que sur la photo. La levée de boucliers des fans de la première heure aura heureusement conduit à renvoyer ce triste brouillon au néant. NB: pour l'ambiance vidéoludique, je conseillerais plutôt d'autres films tels Scott Pilgrim, Les mondes de Ralph... et/ou Ready player one !

mercredi 2 février 2022

Aux sommets

C'est sans avoir lu le livre dont il est une adaptation que j'ai choisi d'aller rencontrer La panthère des neiges au cinéma. Les montagnes tibétaines nous accueillent dans ce très beau film d'un photographe animalier, Vincent Munier, et de sa compagne, Marie Amiguet. Ensemble, ils sont partis là-haut à la recherche d'un félin légendaire...

Pour cette expédition, le couple avait proposé à un troisième larron bien connu des gens des plaines de marcher à ses côtés. C'est ainsi que l'écrivain Sylvain Tesson s'est joint à lui pour une aventure unique à plus de 5.000 mètres d'altitude. Je l'ai déjà souligné: les images rapportées de ce fameux périple sont tout simplement magnifiques. Territoire hostile, le haut Tibet ne dévoile ses mystères qu'au prix d'efforts soutenus et exige une patience digne des meilleurs ermites. Découvrir tout cela dans un fauteuil est donc un véritable cadeau offert aux esthètes qui se savent bien incapables de grimper si haut. Sylvain Tesson lui-même croyait être parti en quête d'une espèce disparue. Comme au juge de Brassens, la suite lui prouva que non. Certaines "révélations" nous émeuvent visiblement plus que d'autres !

La panthère des neiges
qui donne son nom au film - et au livre - règne sur tout un monde secret, dont les animaux sont les gardiens. Je veux vous dire que les hommes ordinaires n'en sont pas exclus. D'ailleurs, le documentaire qui nous est proposé nous montre aussi que, lors d'un long affût, les explorateurs de l'extrême ont été surpris par quelques gosses malicieux et alors accueillis dans leurs familles. C'est ce passage qui m'a le plus touché: les sourires de ces marmots et leur envie de communiquer avec l'étranger révèlent une humanité fondamentale que les sommets voisins, eux, feraient presque oublier. À ce titre, les très pragmatiques constatations de Vincent Munier contrastent avec le lyrisme de l'écrivain, un peu trop appuyé parfois. Les moments les plus intenses sont aussi, souvent, les plus sobres. J'ai tenu à me rappeler cette idée avant de revenir à la vie citadine qui est la mienne à ce jour. Elle pourrait me servir en d'autres lieux...

La panthère des neiges
Film français de Marie Amiguet et Vincent Munier (2021)

Je ne vois que de (trop ?) rares reportages animaliers, mais j'ai aimé l'approche de cet opus - une expérience de partage entre trois êtres complémentaires, mais assez différents malgré tout. Un grand bravo à Marie Amiguet, qui a tenu la caméra... et qu'on ne voit jamais ! Sous d'autres latitudes, le film m'a remémoré le sublime Océans. C'était déjà l'oeuvre d'un duo et elle avait remporté un César. Alors...

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Envie de rester dans la nature sauvage ?

Pas de problème: Pascale pourra à son tour vous tenir lieu de sherpa.