vendredi 30 juillet 2010

Oh, les filles !

Vous connaissez la dernière ? Carla Bruni doit faire une apparition dans le prochain Woody Allen, tourné à Paris. Le problème est que, selon le Daily Mail, la très chère Madame Sarkozy, privée qu'elle est de dialogue, ne peut s'empêcher de se tourner vers la caméra. Plusieurs sources indiquent qu'elle a dû refaire de nombreuses fois une scène toute simple, au cours de laquelle elle est censée acheter une baguette. Bref. Plutôt que de cette histoire, j'aime autant parler de vrai et bon cinéma français. Et de Mathieu Amalric, par exemple. Et même si je vois mal comment vous pourriez avoir évité la promo de Tournée, son quatrième et dernier film à ce jour, récompensé cette année à Cannes d'un Prix de la mise en scène. Une oeuvre qui, sans que je sache exactement pourquoi, m'a tout de suite attiré.

Comme son nom le suggère, Tournée évoque la visite en France d'une troupe de music-hall américaine, un homme et cinq femmes plutôt girondes, accompagnés de leur producteur, joué par Amalric lui-même. Spécialité de ce petit groupe: le New Burlesque, concept de shows d'une poésie certaine tournés vers... le striptease. Surprenant. Que les âmes prudes se rassurent: le film n'est jamais érotique, encore moins porno. Il est parfois coquin, c'est vrai. D'après moi, il est surtout profondément libéré. Libéré des entraves même d'un cinéma trop classique. Le long-métrage m'a semblé n'avoir ni vrai début, ni réelle fin. En fait, je le définirais plutôt comme une tranche de vie commune à plusieurs personnes. Notez qu'aux côtés des filles elles-mêmes, peut-être bien, paradoxalement, pas si exposées que ça, c'est un morceau de l'histoire personnelle d'un brave type, Joachim Zand, leur tourneur, qui est ici racontée. L'enfant de France de retour au pays dans de drôles de conditions. Nul n'est prophète... vous connaissez certainement le proverbe.

Tournée, d'après certains critiques, évoque également le cinéma d'un John Cassavetes. J'aurais bien voulu vous dire ce que j'en pense, mais je ne connais encore aucun des films de ce réalisateur américain. J'ai simplement désormais envie de le découvrir, lui aussi. Cette "approche à distance" m'en a donné l'idée, car j'ai beaucoup aimé le travail de Mathieu Amalric sur ce long-métrage. Est-ce parce qu'il débute au Havre, une ville que j'ai moi-même appris à aimer au cours des quatre années de ma vie que j'y ai passés ? Peut-être, mais pas seulement. Il est clair que c'est aussi cette Province française qui est ici filmée, la troupe ayant justement du mal à trouver une salle parisienne où se produire. L'intelligence même du propos est que les images nous embarquent directement avec ces hommes et ces femmes, qu'on ne voit jamais longtemps depuis les rangs du public, mais souvent à l'hôtel après le spectacle ou depuis les coulisses durant les représentations. C'est en ce sens que la mise en scène méritait en effet d'être louée et récompensée. Reste le jeu des comédiens. Très inspiré, le réalisateur-acteur s'offre quelques scènes marquantes, notamment une qui a fait couler beaucoup d'encre, cinq minutes à une station-essence autoroutière. Quant aux artistes, cet homme et ces cinq femmes qui rejouent finalement leur(s) propre(s) rôle(s), ils délivrent une telle prestation que l'envie m'est venue, à moi qui n'aime pourtant pas franchement le cabaret, de les découvrir sur une vraie scène, et pas uniquement sur un plateau de cinéma. La bonne nouvelle, si j'ai bien suivi, c'est que ça sera très certainement possible en France, un jour prochain.

mardi 27 juillet 2010

Vers l'infini...

C'est incroyable ! Je réalise que le tout premier épisode de Toy story a déjà quinze ans ! Je l'ai revu l'autre jour, à la toute fin du mois dernier. Quinze ans déjà, donc, que Pixar a sorti le premier dessin animé intégralement en images de synthèse, ouvrant du même coup la voie à une petite révolution et lançant un style particulier, désormais fécond... en bonnes et mauvaises choses. Le plus beau dans cette histoire, c'est que le film n'a pas pris une ride. Si ! J'exagère un tantinet. En réalité, il est difficile de ne pas remarquer qu'il est moins détaillé que les oeuvres plus récentes, qu'elles soient sorties du même studio ou de chez Dreamworks, Blue Sky et consorts.

Et alors, me direz-vous ? Je répondrai tout de go que cela ne gâche en rien le plaisir. La raison: il ne faut probablement pas la chercher bien loin. La magie de Toy story tient avant tout à un scénario impeccable, accessible pour les plus jeunes et raffiné pour les plus grands. Non ? Vous n'en avez jamais entendu parler ? Chapeau bas ! Alors que le troisième et dernier opus vient de sortir, vous avez l'art de fermer toutes les écoutilles. Ne lisez pas ce qui suit si vous voulez encore préserver le suspense: l'histoire qui est ici contée est celle d'un groupe de jouets d'enfants. Objets inanimés entre les mains d'Andy, ils ont leur vie propre dès que ce dernier a le dos tourné. Champion: Woody le cowboy. Challenger: Buzz le ranger de l'espace !

Aux côtés de ces deux héros d'abord antagonistes, Pixar a su créer toute une ménagerie de personnages secondaires. Vous reconnaîtrez ci-dessus Rex le tyrannosaure en plastique, Zig Zag le chien-ressort, Bayonne le cochon-tirelire et enfin l'incontournable Monsieur Patate. Sacré quatuor, mais j'en passe et des meilleurs, et notamment toute une tribu de martiens un peu perchés: je vous promets que tous valent le détour ! L'explication est simple: tous ont un vrai caractère et, du coup, un véritable rôle à jouer dans l'aventure. C'est bien là l'agréable paradoxe de la chose: au final, dans ce monde, les humains ne sont... qu'accessoires. Supports de l'intrigue, mais sûrement pas personnages principaux. Pourtant, Toy story est sans aucun doute l'un des meilleurs buddy movies - films de potes, mesdames messieurs les non-anglophones - de toute l'histoire du cinéma. D'ailleurs, John Lasseter, son génial inventeur, notait avec justesse que ce genre classique n'avait jamais été abordé en animation. J'affirme qu'il faut se réjouir qu'il ait décidé d'ainsi franchir le pas. Quinze ans ont passé, c'est d'accord, mais je crois encore voir là l'une des pièces majeures du grand puzzle qu'est aussi le septième art.

lundi 26 juillet 2010

Les duellistes

Plusieurs fois déjà que je reportais cette chronique. Outre un titre pioché chez Ridley Scott, j'en ai trouvé l'inspiration dans un article publié par Le Monde, le 4 février. C'est dire ! Dans un reportage amusant, mes confrères évoquaient une étude sur les réflexes conduite à partir... d'images de westerns ! Ils rappelaient ainsi que, dans la tradition du cinéma hollywoodien, du type Le train sifflera trois fois, le héros empoigne son revolver après le méchant. Démarche inverse: dans le cinéma spaghetti, genre Il était une fois dans l'Ouest, le bon est le premier à dégainer. Toute la question est de savoir laquelle de ces deux pratiques est la plus sûre et, partant, la plus réaliste. Une réflexion menée contre la maladie de Parkinson.

Verdict ? C'est du côté italien que le duel a le plus de chance d'être gagnant. Desperados ou non, les individus réagiraient en fait plus promptement à un stimulus que pour initier une action donnée. Problème: il faudrait néanmoins davantage de temps au duelliste pour comprendre que son adversaire a déjà dégainé que pour sortir lui-même son arme de son fourreau. De quoi, selon les explications d'Andrew Welchman, de la Royal Society de Birmingham, "se faire plomber avec la seule satisfaction d'avoir dégainé le plus vite". Marrant, non ? J'ai trouvé ça fou que des scientifiques puissent ainsi partir de films pour avoir une idée de comment notre cerveau fonctionne, mais je vous avoue que j'en suis ravi ! Note pour ceux d'entre vous qui voudraient se reposer les neurones: j'ai déjà chroniqué les deux œuvres dont il est question ici, Il était une fois dans l'Ouest le 2 février dernier et Le train sifflera trois fois un peu avant, le 10 septembre 2009. Deux grands incontournables du genre.

samedi 24 juillet 2010

Le bon géant et les femmes

Lecteurs occasionnels, nouveaux ou distraits, certains parmi vous fouilleront les archives du mois de mai pour le vérifier. Les autres pourraient se souvenir que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer ici même l'image que je me fais de Gérard Depardieu. Si j'ai un doute certain sur les qualités humaines du bonhomme, je n'en ai en revanche pas sur l'étendue de son talent. Il suffit souvent qu'un réalisateur donné demande à notre Gégé national d'être et le voilà qui est. Lui qui a tourné dans un nombre incalculable de films est, je crois, capable d'endosser tous les habits, de tout jouer. Même s'il semble que certains rôles sont créés pour lui et par lui, je l'ai trouvé crédible (presque) partout. Y compris donc dans l'oeuvre dont je vous parlerai aujourd'hui: La tête en friche. Sa seule présence mérite le détour.

Sorti récemment au cinéma, ce long métrage est signé Jean Becker, que je présenterais volontiers comme un artisan-cinéaste, un faiseur de talent. Celles de ses créations que je connais reposent en fait toutes sur un modèle unique: des personnages forts, des dialogues riches porteurs d'un argument dramatique assez simple et surtout des comédiens parfaitement à leur place. Ce style peut déplaire. Sincèrement, il m'est arrivé de le trouver trop statique, si je puis dire, ce qui est tout de même un comble pour un art résolument basé sur le mouvement. La tête en friche ne fait pas exception. Depardieu y incarne un simple d'esprit, pilier de bistro ami avec tout le monde et paradoxalement en mal d'affection. Avec lui, une bande de copains, mais aussi trois femmes marquantes: une mère indigne, une chauffeuse de bus qui le voudrait bien pour père de ses enfants, et enfin - et surtout - une vieille dame passionnée de littérature.

Si ces trois Grâces ont toutes, et chacune à leur manière, une partie dans cette histoire, il me semble que c'est la dernière qui détient l'essentiel des clés de l'évolution du scénario. Pour tout dire, je pense que c'est en tout cas grâce à elle que le grand benêt central apprendra à s'apprécier et, dès lors, à mieux aimer les autres. Maintenant, une fois encore, je comprendrais très bien que certains d'entre vous passent à côté de cette intrigue sans même oser daigner lui consacrer une heure et demie de leur temps. Offrir à la lecture d'être le fil conducteur d'une fiction cinématographique, ça peut également... se lire comme la marque d'un certain culot. Précision importante à destination de ceux qui, comme moi, aiment éperdument les comédiens: l'héroïne de La tête en friche est jouée par Gisèle Casadesus, société de la Comédie française depuis... 1939 et vénérable mamie de 96 ans ! Peut-être que ça ne suffit pas encore pour apprécier le film. Très honnêtement, en plus du fait que je n'ai pas payé grand-chose, Fête du cinéma oblige, c'est ce qui m'a encouragé à lui donner sa chance. Je n'ai rien vu d'extraordinaire. Cela dit, franchement, j'en ai tout de même été plutôt content.

mardi 20 juillet 2010

Sans prise de risque

Cela vous surprendra-t-il ? Je vous avoue franchement que je ne vais pas toujours voir des films dans l'idée que je serais déçu de les avoir manqués. C'est paradoxal, c'est vrai, vu qu'il y a bien entendu aussi des films que je manque alors que je tenais absolument à les voir. Dit autrement, il m'arrive d'avoir l'envie d'aller au cinéma, et pourtant de ne pas le faire, et il arrive aussi que je n'en fasse pas une priorité et que, pourtant, je cède à une attirance moins forte. C'est par exemple ce que j'ai fait il y a une grosse vingtaine de jours en ouvrant ma Fête du cinéma avec l'agence tous risques. Séance d'après-midi avec l'ami Sylvain. J'aurais tout aussi bien pu m'abstenir.

"Alors ? Est-ce que c'est bien comme la série, sur grand écran ?". Désolé, chers lecteurs: je ne peux pas répondre à cette question élémentaire. La série, je l'avais certes vaguement dans l'oeil, mais pas au point de prétendre en être un expert. Ce n'est pas pour jouer une carte nostalgique que je suis allé voir le film. Et donc ? Je pense que, si les aventures d'Hannibal, Barracuda, Futé et Looping m'ont attiré, c'est tout simplement parce que j'avais envie d'une projection pop corn, sans prise de tête inutile. Et là, c'est sûr: j'ai été servi ! Navré encore, je ne me rappelle même plus vraiment de l'intrigue. Juste qu'il s'agit d'une vague histoire de revanche pour quatre GI injustement emprisonnés et déchus de leurs décorations militaires. Au fond, ça n'a pas une si grande importance, je vous dirais...

L'agence tous risques, c'est l'archétype du blockbuster US bourrin. Une série B cinématographique, sans aucune prise de risque scénaristique ou artistique. Un long-métrage d'une efficacité clinique dans le genre du pur divertissement. Est-ce que je vous donne alors le sentiment d'en dire du mal ? Si c'est le cas, je me permets d'aussitôt rectifier le tir: je ne me suis pas du tout ennuyé. Non ! Très honnêtement, j'ai même vu ce que j'attendais, une série d'improbables cascades entrecoupées de vannes potaches. Je fais vraiment la part des choses. Si les acteurs s'étaient pris au sérieux, comme Liam Neeson a hélas pu le faire dans d'autres productions similaires, ça aurait été pitoyable. Là, petit miracle: c'est en fait rigolard et funky. En prenant les images comme elles viennent et l'argument global au tout premier degré, on se fait un plaisir coupable de débrancher son cerveau pendant deux petites heures. Rien d'inoubliable, sans doute, mais rien de scandaleux non plus.

lundi 19 juillet 2010

Houbah !

Ce soir, un petit mot sur un projet qui me fait marrer: Alain Chabat envisage de tourner une adaptation des aventures du Marsupilami. Ouais, m'ssieurs dames ! Si la créature de Franquin a déjà été la star de dessins animés télévisés, il semblerait cette fois que l'on s'oriente vers un "vrai" film. Je n'ai eu que peu d'infos jusqu'à présent, mais Chez Wam, la maison de production de l'ex-Nul, a annoncé dernièrement qu'elle avait trouvé son Marsu. Sachant par ailleurs qu'un dénommé Jamel figure au casting, on peut tout imaginer. Honnêtement, je pense que ce ne sera pas sérieux. Ou pas très !

Irai-je voir le résultat ? Peut-être. Je l'aime bien, cet Alain Chabat. J'ai une certaine admiration pour lui venue du fait qu'il me semble parvenu à ne jamais s'enfermer dans un registre d'humour particulier. Pour tout dire, je l'ai même souvent trouvé crédible quand il a abordé des rôles plus profonds. Il faut reconnaître également que je suis toujours fasciné par les comédiens qui savent travailler sur une palette d'émotions multicolores. A priori, c'est plutôt une grosse pochade qui s'annonce, cette fois. Sans en faire déjà un incontournable, je surveille ça d'un oeil discret pour décider si ça vaut le coup d'aller y voir de plus près. Finalement, référence tout à fait nulle, c'est un peu comme pour la Kineton, si vous voulez.

samedi 17 juillet 2010

Ici l'ombre

L'industrie cinématographique italienne a de beaux restes. Le dernier de ses films que j'ai appréciés est celui que je vous propose d'évoquer aujourd'hui: Vincere, de Marco Bellocchio, lui aussi retenu en compétition officielle au Festival de Cannes l'année dernière avant lui aussi de repartir bredouille. C'est une page d'histoire qui est réécrite devant nous. Le film s'ouvre avant la Première guerre mondiale, à l'heure où un dénommé Benito Mussolini n'est encore qu'un simple militant socialiste. Sauvé des violentes représailles policières par une femme ébahie par son charisme, le futur Duce découvre celle qui deviendra sa compagne, Ida Dalser. Un enfant naîtra de leur union en 1915. Il ne sera jamais reconnu par son père.

La force de ce film est de tracer deux chemins parallèles: d'abord celui de l'Italie dans son ensemble, mais surtout celui de cette mère et de l'enfant qu'elle a donné à un dictateur. Je rassure d'emblée ceux d'entre vous qui s'inquiéteraient de leurs lacunes sur l'histoire italienne: il n'est pas besoin de la connaître vraiment pour apprécier ce chef d'oeuvre à sa juste valeur. Marco Bellocchio a fait le choix d'intégrer des images d'archives dans son film et, sitôt que Mussolini revient de la guerre, d'effacer petit à petit ce personnage de père indigne. Son oeuvre se concentre donc sur Ida Dalser, amoureuse, déterminée, mais petit à petit dépouillée de chacun de ses droits. Plus que le fascisme dans toute son horreur, Vincere évoque la vie d'une femme lentement broyée par la plus grande des injustices.

Pour porter pareil rôle, il fallait évidemment une comédienne admirable. Marco Bellocchio l'a trouvée en Giovanna Mezzogiorno, dont la prestation à l'écran mérite tous les éloges. D'une sobriété rare, la jeune femme est formidable d'expressivité. Sa manière d'interpréter ce personnage ingrat force le respect: elle fait du film bien plus qu'un simple mélodrame. Filippo Timi incarne pour sa part un Duce tout à fait saisissant, d'une évidente brutalité contenue, mais aussi un fils devenu adulte dont la fragilité émotionnelle saute aux yeux. La manière dont l'acteur parvient à singer les mimiques mussoliniennes apporte beaucoup de crédibilité à son jeu. Bluffant ! Vincere se caractérise aussi par une méticuleuse reconstitution. C'est à coup sûr l'un des plus beaux films que j'ai vus cette année.

jeudi 15 juillet 2010

Destin de poète

C'est un fait: il y a des films que j'apprécie, aime ou adore maintenant et que j'aurais sans doute choisi de ne pas voir il y a encore une dizaine d'années. Bright Star, de Jane Campion, entre peut-être dans cette catégorie. C'est le type même de productions qui me fait me réjouir d'avoir ainsi su élargir mes horizons cinématographiques. Une fois de plus, je vous parle d'une oeuvre particulière, qui ne répond pas franchement à la fonction "détente" du septième art. Quelle merveille, pourtant ! D'un point de vue graphique, c'est un éblouissement à chaque plan. Une compilation d'images somptueuses rappelle qu'au-delà du scénario et du jeu proposé par les acteurs, le cinéma est d'abord affaire de lumière projetée sur un écran. Et là, incontestablement, le spectateur relativement exigeant que je suis en a pris plein les mirettes.

L'histoire, maintenant: retenu en compétition officielle au Festival de Cannes 2009, Bright Star narre l'amour de la jeune Fanny Browne pour le poète anglais John Keats. Une passion tourmentée: la belle est de noble extraction, l'objet de son sentiment un simple artiste, certes talentueux, mais sans le sou. L'idylle pourrait à la limite être tolérée, mais, dans le fond, elle n'a rien de convenable et tout d'incongru. Les deux tourtereaux s'apprivoisent et parviennent doucement à s'aimer, mais leurs sentiments restent feutrés, étouffés sous la chape des conventions. Les choses n'iront pas en s'arrangeant quand John sera contraint de quitter l'Angleterre pour rallier l'Italie afin de soigner une sale maladie. Je vous passe les détails. Sachez encore une fois que le film vaut le détour. Son classicisme apparent ne l'empêche pas de susciter toutes sortes d'émotions. Je crois impossible de ne pas ressentir de l'empathie pour les personnages.

Abbie Cornish et Ben Whishaw, les deux comédiens des rôles principaux, sont remarquables d'expressivité. Je ne connaissais pas ces acteurs: je les ai trouvés très bons, l'un comme et avec l'autre. Même si leur partition est évidemment nettement moins impressionnante en volume, les autres membres de la distribution livrent une prestation assez impeccable, eux aussi. Mention spéciale pour Paul Schneider, l'ami du poète, monstre de cynisme au coeur bien plus tendre qu'on ne peut croire. Ajoutons à cela que Bright Star brille aussi par son intrigue: ce n'est pas très dynamique, assurément, mais c'est malgré tout des plus prenants pour qui prise les récits "romantico-pathétiques". Avec cette expression ma foi personnelle, j'ai peur de décourager certains d'entre vous de donner sa chance au film. Ce serait vraiment dommage, car, sans en faire un incontournable, je pense que je le rangerais sans plus hésiter dans la catégorie "bonnes surprises de mon premier semestre 2010". Une surprise qui est paradoxalement aussi une confirmation: j'avais un bon feeling au départ. Très content de ne pas avoir été déçu !

mardi 13 juillet 2010

Les clowns tristes

Allez, retour matinal ! Je commence cette journée en vous parlant ici de L'illusionniste, vraie perle d'animation signée Sylvain Chomet. Une petite merveille ! C'est d'abord l'occasion de noter que je ne suis pas sectaire en matière de dessin animé: je crois bien que j'apprécie un peu tous les genres et sous-styles. Ce film nous rappelle d'ailleurs qu'il est possible de réaliser toutes sortes de longs-métrages différents grâce à cette technique. Ici, l'oeuvre est au moins nostalgique, et souvent même un peu triste. Ce n'est pas un défaut ! Elle parvient aisément à nous émouvoir et j'espère que celles et ceux d'entre vous qui auront l'occasion de la découvrir en sortiront touchés, dans cet état second que le cinéma sait parfois générer. Pour moi, ça a marché aussi bien qu'avec des acteurs. Peut-être même mieux, mais, sauf improbable remake, je ne peux l'affirmer...

Ce qui est sûr, c'est que L'illusionniste repose sur un scénario original de Jacques Tati, le roi du quasi-muet décédé en 1982. Certaines critiques en parlent comme d'une oeuvre que le maître n'a pas tournée, souffrant trop de ses ressemblances avec le personnage principal. Hypothèse crédible: le film s'intéresse à un dénommé Tatischeff - le vrai nom de qui vous savez. Ce dernier est un artiste de music-hall et, comme vous l'aurez deviné, prestidigitateur. Problème: dans la France des années 60, ses numéros ne font plus recette auprès du public. Quant aux promoteurs, ils préfèrent de loin les chanteurs à la mode, rock et yéyé, qui squattent de plus en plus les salles de spectacle. C'est ce qui conduit notre homme à un exil écossais. Là-bas, il rencontre encore un ultime succès d'estime, devant la clientèle d'un pub perdu au fin fond de nulle part.

Suivront des rencontres, des voyages, des espoirs et désillusions. J'aurais pu intituler cette chronique A kind of magic, mais c'était anglais, pioché ailleurs, déjà pris et de toute façon un peu faux. Pourquoi ? Vous comprendrez en voyant le film, je pense. Le titre finalement retenu insiste donc sur l'aspect nostalgique du travail réalisé par Chomet. L'illusionniste n'en reste pas moins à mes yeux un grand moment de cinéma. En effet, au-delà même de l'hommage vibrant à un autre artiste dont le scénario lui est pour ainsi dire tombé entre les mains, le bon Sylvain donne à cette (belle) histoire une dynamique très personnelle, sur la base d'une animation splendide, d'un style "à l'ancienne" - c'est-à-dire en 2D - très réussi. Et je dis ça sans même vous avoir parlé des dessins, d'une qualité absolument exceptionnelle. Bref, l'ensemble constitue un petit bijou que je conseille de ne pas rater et de suivre jusqu'au dernier crédit du générique final. Pendant le déroulé des noms, on croit ainsi entendre plusieurs des grands noms de la chanson française aujourd'hui disparus. Comme un dernier coup de baguette magique.

jeudi 1 juillet 2010

Mai 68, suite(s)

Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000 ? Ce sont d'abord mes parents qui m'ont parlé de ce film. Hormis un titre qui leur fait parait-il penser à moi, et ce bien que ce soit en 1999 que j'ai fêté mon quart de siècle, je n'avais pas le plus petit élément sur le long-métrage. Rien sur l'histoire, rien sur les acteurs et rien sur le réalisateur. Plongée dans l'inconnu, donc. Ce n'est que très récemment que ça a changé, après que mon père m'a offert le DVD. J'ai donc découvert qu'il s'agissait d'un film suisse, signé Alain Tanner et sorti en 1976. Vous êtes bien avancés, hein ? Disons que c'est aussi ce qu'on appelle aujourd'hui un film choral, avec plusieurs personnages qui se croisent sans forcément avoir quelque chose à faire ensemble et évoluent dans le même environnement. Unité de temps, de lieu, d'action.

Nous sommes donc à Genève ou dans la région. Une petite dizaine d'hommes et de femmes vivent tant bien que mal alors qu'approche la fin des Trente Glorieuses. Toutes et tous ont vécu les événements de mai 68 et c'est une thématique qui revient souvent, ne serait-ce qu'en filigrane. Du fait du titre du film, on songe aussi - et presque fatalement - à l'héritage que ces enfants du baby boom pourront laisser à leur propre progéniture. Jonas... n'est ni drôle, ni triste. Pas davantage enthousiaste, ni nostalgique. C'est un long-métrage qui expose différentes situations vécues et nous laissent juger seuls dans quel personnage nous serions susceptibles de nous incarner. Quant au petit garçon annoncé, il n'arrive qu'à la fin de l'histoire. Comme si le témoin lui était passé. Dessinant sur un mur, on peut l'imaginer porteur des espoirs d'un monde meilleur. Par exemple.

Si tant est qu'il existe, j'avoue ne pas avoir forcément saisi l'intégralité du message d'Alain Tanner. Ce qui me paraît clair, c'est que, bien qu'un peu daté visuellement parlant, son film a su garder une certaine acuité de par l'écho qu'il offre à nos propres vies en l'an 2010. J'ai peut-être trouvé Jonas... trop ancré dans cette époque que je n'ai guère connue pour l'apprécier vraiment à sa juste valeur. Cela dit, pas de méprise: j'ai été content d'y revoir quelques visages connus, tels ceux de Miou-Miou et Rufus, et ce n'est certainement pas un mauvais film. C'en est même un que je reverrai volontiers dans quelque temps et de préférence avec des gens qui ont vécu dans ce début des années 70. Mes parents ? Ce serait effectivement un bon choix. J'aurais assurément pu dire le plus logique, aussi.

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Un mot encore pour indiquer que je pars en vacances samedi matin. Prochaine mise à jour du blog prévue d'ici environ deux semaines.