dimanche 30 juin 2013

Une aubaine à saisir

Je sais que ce n'est pas la première fois que j'en parle. Je me dis aussi que vous préféreriez peut-être lire mon avis sur un film. J'admets également que je ne sais pas combien de fois je le ferai encore, mais j'ai envie de rappeler qu'aujourd'hui dimanche débute une nouvelle édition de la Fête du cinéma. Et elle dure quatre jours !

Même si l'opération ne concerne visiblement qu'une partie des salles françaises, c'est une aubaine à saisir: si vous restez à l'écart de ceux qui exigent le supplément spécial 3D, les films vous seront accessibles au tarif de 3,50 euros la séance. Dans le mieux équipé des cinémas chez moi, ça fait trois fauteuils pour le prix d'un en temps ordinaire !

Reste évidemment la question des films à voir. À chacun d'en juger selon ses goûts, envies et possibilités du moment. J'ai, moi, préparé cette mini-chronique bien trop tôt pour vous conseiller sur ce point. Je n'avais alors vu que le clip promotionnel, drôle de parodie d'un film de mafia italienne. J'en ai extrait une image, en attendant la suite...

samedi 29 juin 2013

Qui est le plus malin ?

Connaissez-vous l'écrivain espagnol Arturo Perez Reverte ? Je n'ai lu qu'un seul de ses livres. Il est possible qu'un jour, je décide de revenir vers Le club Dumas, polar auquel je n'étais pas parvenu à accrocher quand je l'ai eu entre les mains une première fois. Si j'en parle aujourd'hui sur un blog consacré au cinéma, c'est bien évidemment après avoir vu l'adaptation du roman en film. Les puristes égarés noteront que, sur grand écran, l'oeuvre a un autre nom: elle s'appelle désormais La neuvième porte. L'intrigue, elle, aurait été simplifiée.

Le long-métrage met en scène un dénommé Dean Corso, bibliophile de son état. Plutôt roublard, ce bon connaisseur des ouvrages anciens est un jour contacté par un riche collectionneur, lequel lui confie alors une mission grassement rémunérée. Il s'agit en somme d'authentifier un livre vieux de plusieurs siècles, réputé contenir une énigme susceptible, si elle est résolue, de permettre au téméraire lecteur intéressé... de convoquer le diable en personne ! Se voulant rationnel avant tout et appâté par la perspective de se voir verser une somme d'argent confortable, Dean Corso accepte sans imaginer une seconde prendre le moindre risque. La neuvième porte distille alors le poison de son suspense. Même sans être vraiment sensible à ses aspects ésotériques, je crois qu'on peut aimer ce film pour son ambiance. Pour ma part, je me suis demandé tout du long jusqu'où le scénario allait m'embarquer. Pas de frisson, non, mais une réelle tension. Comme la sensation diffuse que tout pouvait arriver à tout moment.

J'ai lu par ailleurs que quelques-uns de ses admirateurs considéraient Roman Polanski capable de mieux. Probable. J'ai encore en rayon quelques films à voir qui me permettront d'en juger et d'être alors plus loquace sur cette question. Je ne veux pas bouder mon plaisir pour autant. Je n'ai pas du tout eu le sentiment de perdre mon temps devant La neuvième porte. Je salue la prestation de Johnny Depp dans le rôle principal: le comédien me plait décidément davantage dans ses vieux films que dans ses projets plus récents. J'apprécie aussi l'ambigüité qu'Emmanuelle Seigner offre au premier personnage féminin - et même si le scénario n'y est probablement pas étranger. Généralement, quand j'ai envie de revenir au texte après avoir goûté aux images, c'est bon signe. Pour en rester à des considérations cinématographiques, je dirais aussi que j'ai été sensible à la musique de ce film, signée Wojcieh Kilar, un compositeur polonais désormais âgé de 80 ans. À vous de découvrir maintenant qui est le plus malin...

La neuvième porte
Film franco-américain de Roman Polanski (1999)

À en croire certains, il faudrait plutôt découvrir Rosemary's baby pour appréhender un Polanski vraiment flippant. J'y viendrai. Je note en attendant que j'aime les films du maître que d'autres considèrent comme des oeuvres mineures. Pas surpris, en fait: c'était déjà le cas avec The ghost writer. Et, coïncidence amusante, je défends aussi Capitaine Alatriste, l'autre adaptation d'Arturo Perez Reverte qui a déçu une bonne partie de la critique. Et là, j'ai également lu le livre...

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Pour revenir au film d'aujourd'hui...

Je constate que les rédacteurs de "L'oeil sur l'écran" l'ont aimé aussi.

jeudi 27 juin 2013

La lumière verte

À une autre époque, pas bien lointaine, j'aurais probablement renoncé à aller voir la nouvelle version de Gatsby le magnifique. Je pense aussi que je n'aurais sans doute pas lu le livre. Et même en imaginant que j'aurais franchi cette première étape, je ne serais pas allé vérifier au cinéma la pertinence des critiques peu amènes qui ont accompagné la sortie du film. Le nouveau Baz Luhrmann s'inscrit donc en exemple de ma "théorie" sur le septième art: juger par soi-même vaut toujours mieux que de se laisser influencer par... l'extérieur.

J'ai en effet passé un très bon moment devant Gatsby le magnifique. Note pour ceux qui l'ignorent: l'intrigue nous plonge dans le New York des années folles, vers 1925 - année du roman de F. Scott Fitzgerald. Un jeune courtier, Nick Carraway, s'installe dans la minuscule bicoque abandonnée d'une famille modeste et pile en face de chez sa cousine, Daisy, (mal) mariée avec un rustre nommé Tom Buchanan. À deux pas de chez Nick vit le dénommé Gatsby, organisateur régulier de fêtes au format XXL où afflue toute la ville ou presque ! Je vous laisse désormais voir le film pour en mesurer l'importance. C'est justement ce qui m'inquiétait: comment l'image allait-elle retranscrire le texte originel ? Ma réponse: de manière complètement folle ! J'ai eu besoin d'un petit moment avant de m'habituer à toute cette démesure graphique, et ce bien que Baz Luhrmann soit un habitué du genre. Passé ce temps d'adaptation, j'ai trouvé ce choix pleinement justifié. Il fallait forcément de la grandiloquence, pour créer le contraste...

Le contraste avec quoi ? Ne comptez pas sur moi pour le révéler ! D'ailleurs, pour tout dire, j'ai eu l'impression que le noeud de l'intrigue était révélé plus vite dans le film que dans le roman. Il reste toutefois à apprécier beaucoup de choses devant ce long-métrage dépassant allégrement les deux heures. Je serais curieux de découvrir le site d'abord choisi pour le tournage, car je suppose qu'il a été redessiné par une multitude d'effets numériques. J'ai d'ailleurs manqué l'occasion de voir le tout en 3D: ça ne m'a pas manqué, mais je me dis que je suis peut-être passé à côté de quelque chose. La luxuriance des costumes et éclairages compense ma petite frustration. Je crois avoir perçu l'essentiel et j'achève cette chronique avec un grand bravo aux comédiens. Carey Mulligan, Tobey Maguire, Joel Edgerton, Elizabeth Debicki, Isla Fischer, Jason Clarke... ils jouent plutôt juste. Et dans le rôle-titre, Leonardo DiCaprio les surpasse tous ! Je le dis tel que je le ressens: oui, Gatsby le magnifique est d'abord son film.

Gatsby le magnifique
Film australo-américain de Baz Luhrmann (2013)

L'idée de projeter ce film en ouverture du dernier Festival de Cannes n'est pas mauvaise. Du même réalisateur australien, je connaissais Roméo + Juliette, avec Leonardo DiCaprio déjà: il me faudrait désormais le revoir pour mieux en juger. J'avais vu Moulin rouge ! également et lui préfère le long-métrage d'aujourd'hui. J'ai pris l'option délibérée de ne pas expliciter le titre de ma chronique. J'aime autant me tourner vers une autre des versions de Gatsby. Il est probable que je vous reparle vite de Robert Redford et Mia Farrow...

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Et en attendant, pour les fans de Leonardo DiCaprio...

Vous pouvez lire la chronique de Pascale ("Sur la route du cinéma").

mercredi 26 juin 2013

Poétique de l'amnésie

Un type en blouson de cuir descend de train. Il marche un peu. La nuit tombée, il s'est endormi sur un banc quand trois loubards lui tombent dessus et le rouent de coups. Le pauvre gars passe sans transition aucune du sommeil au coma. Bien vite, il est déclaré mort à l'hôpital. Pourtant, et contre attente, il se réveille, quitte son lit et, sans revoir de médecin ou d'infirmière, part vivre sa (nouvelle) vie. Celle d'avant a disparu: L'homme sans passé n'en a gardé ni papiers, ni souvenirs.

Dans ce film comme dans d'autres qu'il a réalisés, le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki nous entraîne auprès des petites gens. Comme pourrait le faire Ken Loach s'il était scandinave, il tourne notre regard vers une Europe absente des cartes postales. Le décor occupe une place fondamentale dans ce cinéma: bien que le film n'apparaisse jamais réaliste, il reste pourtant crédible dans l'univers qu'il compose. L'homme sans passé ressemble à un rêve. Il frappe moins par son pragmatisme que par les échos qu'il offre au monde réel tel que nous le fréquentons. Ici aussi, il est difficile d'exister quand on ne possède rien d'autre que des vêtements mités et un peu d'énergie pour travailler. Tout se complique quand on n'a pas de nom. La confiance des autres est une forteresse à conquérir. La solidarité existe, mais ne va pas de soi. On est devenu l'étranger, le paria. Même quand on s'exprime dans la même langue que ses voisins...

Faut-il parler de cinéma engagé ? Je n'en suis pas certain. L'homme sans passé est un film de situations, plus que de grands discours. Déjà récompensé à Cannes d'un Grand Prix du jury, Aki Kaurismäki aurait pu bisser aux Oscars: le long-métrage a bien failli concourir pour la récompense accordée au meilleur film étranger. C'est bien là qu'on peut éventuellement parler d'engagement: l'auteur a refusé d'être invité à la cérémonie, arguant ne pas être "d'humeur à la fête" compte tenu la politique menée en Irak par les États-Unis. Il faut probablement oublier cette étonnante anecdote pour apprécier le film à sa juste (et belle) valeur. Ses acteurs principaux - et en particulier le duo Markku Peltola / Kati Outinen - savent parfaitement s'inscrire dans le décalage de cet objet cinématographique atypique. Il est certain qu'il y a là, même dans les nombreux silences, une écriture particulière. Je suis à vrai dire plutôt content de m'y sentir sensible.

L'homme sans passé
Film finlandais d'Aki Kaurismäki (2002)

J'ai évoqué Ken Loach, mais honnêtement, je ne vois pas forcément de film du réalisateur anglais à placer en vis-à-vis de celui d'aujourd'hui. Le tendre optimisme qu'il partage avec Looking for Eric ne suffit pas à établir une passerelle de l'un à l'autre. Il me reste donc à vous dire que c'est la première fois que je vois un Aki Kaurismäki en langue finnoise - mon premier, c'était Le Havre, tourné en France et que j'ai beaucoup aimé aussi, si ce n'est davantage. À noter enfin que L'homme sans passé est le deuxième volet d'une trilogie, réalisé entre Au loin s'en vont les nuages et Les lumières du faubourg.

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Ailleurs sur le Net...

Vous verrez: les rédacteurs de "L'oeil sur l'écran" défendent le film.     

mardi 25 juin 2013

La jeune fille en fleur

Quand le cinéma s'empare de la littérature, la plume n'en sort pas toujours grandie. Il faudrait désormais que je lise le roman originel de Marguerite Duras, mais l'auteur n'aimait visiblement pas L'amant version Jean-Jacques Annaud. Autant le dire: le passionné de cinéma que je suis n'a pas non plus été subjugué par les qualités de ce film, sorti il y a une vingtaine d'années, presque aussitôt après le livre. Face au Goncourt du texte, seul Gabriel Yared s'est vu offrir un César pour sa musique. Une reconnaissance franchement mitigée, donc...

Avec un peu plus de 3 millions d'entrées en salles, L'amant demeure toutefois un succès public. Il faut dire aussi qu'il évoque une page encore récente de l'histoire de France: la colonisation. Nous sommes ici en Indochine: seule fille d'une fratrie de trois, une adolescente compose avec deux frères bien différents l'un de l'autre et une mère aux abonnés absents. Le père est mort, lui, et la famille attend l'heure annoncée de rentrer en France, sans le moindre sou vaillant. La jeune héroïne fait régulièrement, et seule encore, la longue route qui la conduit jusqu'à Saïgon, la ville où est située son pensionnat. C'est dans ce contexte qu'elle rencontre un trentenaire chinois, coupé, lui, de tout problème d'argent. Le titre du film vous dit déjà beaucoup de la relation qui se nouera alors entre ses deux personnages solitaires. Mais, au-delà de l'érotisme, il ne dit pas forcément tout...

Et c'est bien là que le bât blesse, peut-être ! Il semblerait en effet qu'à l'origine, Marguerite Duras se soit inspirée de son histoire réelle pour dériver vers une oeuvre imaginative teintée d'onirisme. L'aspect de rêverie est, c'est vrai, plutôt occulté par Jean-Jacques Annaud. Après cet épisode cinématographique, la romancière tâchera même de reprendre le contrôle des opérations, en sortant un autre livre quelques années plus tard. Elle dira que rien ne l'attache au film. Parlera en termes peu amènes du "fantasme d'un nommé Annaud". L'amant lui aura échappé, au sens propre et comme au sens figuré. Explicite dans le langage de corps, porté par ailleurs par une voix off de Jeanne Moreau, le long-métrage manque certainement, c'est vrai, d'un peu de mystère et, paradoxalement, de passion véritable. Restent un rythme alangui et de belles images d'un pays lointain...

L'amant
Film franco-vietnamien de Jean-Jacques Annaud (1992)

On reproche parfois au cinéaste son académisme: il me semble bien effectivement l'avoir découvert... à l'école, avec d'autres oeuvres comme L'ours, La guerre du feu ou encore Le nom de la rose. Hasard surprenant: le film que je vous présente aujourd'hui est sorti la même année qu'Indochine de Régis Wargnier. Qui sait ? Il a pu souffrir de la comparaison. La prestation des deux acteurs principaux, Jane March et Tony Leung Ka-fai, demeure d'une intensité certaine. Et ce ne sont pas nécessairement les rôles les plus faciles...

dimanche 23 juin 2013

Après la guerre

Tout commence au coeur de la magnificence sauvage des montagnes d'Algérie. Un homme court entre les rochers enneigés. Il se retourne parfois, visiblement angoissé à l'idée qu'on le rattrape. Rachid rejoint la maison de ses parents. C'est un ancien maquisard islamiste, décidé à retrouver la civilisation, à redevenir celui qu'il était, à se faire oublier, en somme, grâce à la loi de concorde civile tout juste votée par le Parlement. Le repenti: c'est le titre du film. C'est aussi le nom donné à Rachid. Celui que les Algériens ont réservé à ces hommes.

Un jour de pluie et de soleil mélangés, seul, j'ai subitement eu envie de me frotter à cette page de l'histoire algérienne. Je pensais prendre une gifle et c'est bien ce qui est arrivé. Bien que d'une beauté incroyable, ces images de cinéma sont d'abord d'une grande dureté. Asséné sans violence explicite, leur propos frappe fort et juste, sec comme un coup de trique, certes anticipé, mais longtemps différé. L'incroyable lumière du film est un trompe-l'oeil. Ce qu'elle vient révéler au regard n'est en fait que la noirceur extrême d'une société dans l'incapacité de panser ses plaies. Encore vive, la douleur demeure partout. Le repenti est une oeuvre éprouvante, traversée par une tension plus forte à chaque plan. L'intelligence du scénario dévoile les pièces du puzzle narratif au compte-gouttes. Le récit dispense son venin sans avoir besoin du moindre rebondissement. Quand est arrivé le générique final, sur un paysage que les hommes paraissent avoir déserté, j'ai été tout la fois surpris par la conclusion et persuadé qu'il ne pouvait pas y en avoir d'autre. D'où un frisson...

Nabil Asli, Adila Bendimered, Khaled Benaissa: je tiens à citer aussi les trois comédiens chargés des rôles principaux. Je ne savais rien d'eux avant de voir le film, mais la retenue de leur jeu m'a marqué. Une tragédie commune rapproche leurs personnages: comme entraîné par l'impitoyable roue du destin, aucun n'en ressortira indemne. J'imagine qu'il est assez naturel de se détourner de la sombre histoire ici évoquée. Ce serait néanmoins passer à côté d'un long-métrage d'une force peu commune. Le repenti est certes une fiction. J'admire toutefois la manière dont il réveille quelques vieux démons historiques pour parler d'un pays proche et pourtant méconnu. Au-delà même du coup de poing, c'est aussi un cri. J'ai entendu une interview du réalisateur. Merzak Allouache a 69 ans. Il est issu de la génération des parents de ses "héros". Il ne cache pas s'opposer parfois aux idées de ses jeunes compatriotes. À ceux d'entre eux qui sont par ailleurs ses pairs derrière les caméras, il conseille d'abord de faire du cinéma en liberté, de tenir à l'écart l'idée même d'auto-censure. Quelle leçon !

Le repenti
Film franco-algérien de Merzak Allouache (2012)

C'est bien le cinéaste qui a attiré mon regard vers ce long-métrage. Souvenez-vous: j'ai parlé de lui il y a très peu de temps en évoquant l'un de ses films précédents, Chouchou, avec le sieur Gad Elmaleh. Quelle incroyable volte-face ! Je suis désormais très heureux d'ajouter l'Algérie à la liste des pays dont j'ai abordé le cinéma. Je dis avoir vu l'un des meilleurs films politiques de l'année: à ce stade, je le place même devant No, le pourtant très bon opus du Chilien Pablo Larrain. Les deux étaient à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes l'an passé.

vendredi 21 juin 2013

Un fantôme à guitare

Il faut croire que certaines histoires sont si belles que le cinéma peine à les inventer. Celle de Sixto Rodriguez est racontée dans Sugar Man. Le film a reçu cette année l'Oscar du meilleur documentaire. Il est arrivé sur nos écrans le 26 décembre, de façon assez confidentielle d'abord. C'est pourtant un très joli conte de Noël. Son incroyable héros est un Américain d'origine mexicaine, ouvrier du BTP dans le Détroit de la fin des années 60. Excellent musicien, l'homme sort deux albums en 1970 et 1971. On le compare même à Bob Dylan. Il retombe pourtant vite dans le plus complet anonymat. Enfin, en Amérique...

Au même moment, arrivée illégalement, sa musique devient l'hymne des milieux blancs d'Afrique du Sud hostiles à l'apartheid. Déjouant même la censure officielle, son succès s'apparente à celui des Beatles ou de Simon et Garfunkel. Sixto Rodriguez devient alors une légende. La rumeur veut que, frustré par sa condition, il se soit donné la mort au cours d'un énième concert raté. Il faudra attendre bien longtemps avant que l'artiste sache toute l'admiration qu'il inspire à l'autre bout du monde et que ses fans apprennent qu'il était toujours bien vivant depuis tout ce temps - une grosse quinzaine d'années ! Sugar Man revient cette rocambolesque histoire avec respect et empathie. Intelligemment, toutes les premières scènes du documentaire déroulent l'incroyable récit d'une quête de l'homme disparu. Il faut compter une bonne grosse demi-heure avant de le découvrir enfin. Fidèle à son image, il parle de lui avec une spectaculaire modestie.

Si ce que j'ai lu depuis est exact, la réalité est un peu moins belle. Sixto Rodriguez n'est certes pas un usurpateur, mais il ne serait pas non plus tout à fait l'artiste maudit que l'on présente ici. Le film pose la question de royalties non versées, mais pour mieux l'éluder ensuite, laissant pourtant entendre que le guitariste a jadis été spolié par un producteur véreux. En insistant aussi longuement sur sa gloire sud-africaine et son insuccès en Amérique, il évite également d'évoquer les bonnes ventes des albums et les deux tournées réalisées en Océanie en 1979 et 1981. Sugar Man est donc partiel... et partial. Je lui pardonne volontiers: le ton général demeure d'une humilité rare face à la distinction d'un musicien objectivement doué et méconnu. Point très appréciable, le cinéma n'est pas oublié. D'une vraie beauté formelle, le métrage alterne plans contemporains, images d'archives et séquences d'animation. Et puis, bien sûr, il y a cette musique...

Sugar Man
Documentaire anglo-suédois de Malik Bendjelloul (2012)

Oui, le réalisateur est scandinave, une preuve encore qu'il est possible de réussir loin de ses racines ! Je vous conseille grandement son film: malgré ses imprécisions, il apporte quand même du baume au coeur. En le regardant, j'ai très souvent repensé aux papys cubains du Buena vista social club. À ceux qui aiment plutôt les artistes incompris de la fiction, je conseille Killing Bono. Content toutefois d'avoir pu parler de Sixto Rodriguez le jour de la Fête de la musique.

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Un bon conseil de lecture...

La chronique de David ("L'impossible blog ciné") vaut le détour !

mercredi 19 juin 2013

Une femme puissante

D'avoir vu Steven Spielberg présider le Festival de Cannes renforce mon envie de voir - ou revoir -  tous ses films. Il y en a encore beaucoup que je dois découvrir. Je suis ainsi longtemps passé à côté de La couleur pourpre, fresque longue de deux heures et demie qu'on catalogue parfois comme le premier film "sérieux" du cinéaste. Apparemment, certains n'admettent pas qu'un réalisateur blanc reprenne et adapte le livre d'une femme écrivain noire, prix Pulitzer de la fiction 1983. Difficile de juger: je n'ai pas lu ce roman éponyme.

C'est vrai que le film peut sembler une sorte d'inflexion thématique dans la carrière du réalisateur. C'est une oeuvre de maturité: l'auteur approche alors de la quarantaine. Il se tourne vers l'histoire complexe de femmes noires dans l'Amérique des années 10-20-30. Constat d'évidence: alors que je croyais le scénario axé sur une dénonciation de l'esclavage, j'avais donc tout faux ! Le personnage principal s'appelle Celie: c'est une adolescente des milieux ruraux populaires. Elle est plus ou moins abandonnée par son père à la concupiscence d'un homme (noir) colérique, lui-même veuf d'une première épouse. Conséquence: Celie perd tout contact avec sa soeur Nettie et doit apprendre à vivre sans la personne qu'elle aime le plus au monde. Vous l'aurez compris: La couleur pourpre est un vrai mélodrame. Laissant de côté les récits imaginaires pour enfants, Steven Spielberg tape dans le dur de la tragédie. Un choix plutôt audacieux, je trouve.

Le film attire plus de 1,7 millions de spectateurs dans les salles françaises. Aux States, il frise les 100 millions de dollars de recettes. Importants, ces chiffres restent aussi éloignés des plus grands succès "spielbergiens". Le cinéaste subit une déconvenue plus importante aux Oscars 1986. Alors que La couleur pourpre a été désignée candidate à onze récompenses, elle n'en reçoit finalement... aucune ! Bredouilles notamment, Quincy Jones et les onze (!) autres artistes concourant pour le Prix de la meilleure musique originale. Le film méritait-il pareil dédain ? Je ne crois pas. Souvent pointé du doigt pour son pathétisme, il est, c'est un fait, particulièrement larmoyant. Pour autant, il n'y a pas n'importe qui derrière la caméra et ça se voit. Même chose devant: pour son premier rôle, Whoopi Goldberg mène un beau casting, avec notamment Oprah Winfrey et Margaret Avery. Et en surprise du chef: un excellent Danny Glover, à contre-emploi.

La couleur pourpre
Film américain de Steven Spielberg (1985)

Mon titre joue sur celui du livre de Marie Ndiaye, Goncourt 2009. Juste pour info: militante féministe, l'auteur du roman originel s'appelle Alice Walker. Plus que la cause des Noirs qu'il défendra ensuite dans Amistad et Lincoln, le féminisme est le combat humaniste qui intéresse le plus Steven Spielberg dans cette histoire. Le fait alors que la population blanche en soit pour ainsi dire absente finit par sembler anecdotique. Plutôt que de juger le long-métrage quant à son réalisme, autant le voir comme une nouvelle allégorie.  

lundi 17 juin 2013

Nouvelles vies

Je ne dis pas ça pour frimer, mais c'est un fait: il y a quelques mois seulement, j'ai eu la chance de rencontrer Sibylle Szaggars, connue des sphères hollywoodiennes pour être la femme de Robert Redford.

Après lui avoir parlé de son travail d'artiste plasticienne, je n'ai pas résisté à échanger quelques mots avec elle sur le cinéma et à lui dire ma consternation que le dernier film de son mari ne soit pas sorti dans les salles françaises. Heureusement pour les admirateurs: celui de cette année - Sous surveillance - a bel et bien été diffusé. Beaucoup de bons acteurs: Robert Redford himself, Susan Sarandon, Julie Christie, Brendan Gleeson et même... Shia LaBeouf, transfiguré.

Il est ici question des Weathermen, un groupe clandestin d'activistes américains, passés à l'action terroriste pendant la guerre du Vietnam. Wikipedia vous en dira plus long sur ces militants, le film restant basé sur des personnages fictifs. L'idée est de montrer ce que sont devenus les uns et les autres, grosso modo trente ans après les faits. Tout commence presque par l'arrestation d'une ancienne du réseau, devenue une femme respectable au coeur d'un quartier résidentiel ordinaire. Sous surveillance suit simultanément trois fils narratifs importants: l'un aux côtés des membres du groupe, pour envisager leurs réactions face à la possibilité de passer finalement par la case prison, l'autre dans les pas du FBI, qui mène une implacable chasse aux "cavaleurs", et un troisième, donc, autour de l'enquête parallèle menée par un journaliste. Même si j'ai connu des films plus haletants dans l'action, le scénario parvient ici à ménager un certain suspense. Le fait qu'il repose sur autant de visages connus est venu soutenir l'intérêt du long-métrage à mes yeux. C'est dans les vieux pots...

Sous surveillance n'est sûrement pas le thriller de l'année. Je suis allé le voir avec une amie et il n'y avait que deux autres personnes assises dans la salle. Même s'il était 22h00, un soir de semaine bien humide après une journée pluvieuse, je dois admettre que c'est très peu. Osons poser la question: le film fera-t-il un flop ? Assez mal accueilli par la critique, il n'est pas à l'abri d'une très mauvaise performance. Dommage: il a de vraies qualités, à commencer par cette distribution de prestige déjà évoquée. Pour le reste, et sans parti pris, il pose quelques questions intéressantes sur la politique étrangère américaine, ainsi que sur l'engagement et les valeurs "alternatives". Techniquement, il est assez chiadé aussi, avec quelques jolis plans, agrémentés d'une bande originale discrète, mais adaptée au sujet. C'est vrai qu'on pourrait s'attendre à ce que ce genre de thématiques soit devenu l'apanage des séries télé: le fait est que ça fonctionne encore bien au format du cinéma et en un peu plus de deux heures. Qu'on se le dise: le mythe Robert Redford a toujours de beaux restes.

Sous surveillance
Film américain de Robert Redford (2013)
Filmé au Canada, le long-métrage est sorti là-bas dès l'année dernière. Sera-t-il encore à l'affiche quand vous lirez ces lignes ? Vérifiez: je n'en suis pas sûr. En attendant, j'ai passé un bon moment à le découvrir sur écran géant. Cette histoire tournée "à l'ancienne" peut faire penser à un Eastwood, du genre Les pleins pouvoirs. Rien d'indispensable, mais rien de déshonorant non plus. Si vous voulez l'apprécier dans un climat de vraie tension dans une autre production portée par le suspense, Robert Redford est meilleur dans Spy game.

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Et en bonne amoureuse des légendes hollywoodiennes...

Pascale ("Sur la route du cinéma") parle du film en termes favorables. Dasola ("Le blog de Dasola") également. Conclusion: merci Robert !

samedi 15 juin 2013

Mondes parallèles

Le cinéma américain contemporain nous a habitués aux suites multiples. Quand un studio trouve une idée efficace, j'ai l'impression que le fait de la poursuivre dans un nouveau long-métrage s'impose presque automatiquement. Et encore, quand il n'est pas prévu d'emblée de maintenir en vie la poule aux oeufs d'or le plus longtemps possible ! Or, si j'ai aimé Upside down, c'est justement parce que, loin d'être parfait, ce petit film sans grande prétention joue la carte d'une certaine originalité et, à tout le moins, crée un monde nouveau. Deux mondes nouveaux, même: deux planètes voisines et jumelles.

Leur caractéristique ? Une gravité inversée. Les habitants de l'une paraissent avoir la tête opposée aux habitants de l'autre. Seul espace commun: une gigantesque entreprise, que détiennent et gèrent ceux d'en haut, exploitant de ce fait même la misère de ceux d'en bas. Autoritairement séparés, ces mondes parallèles vont bien sûr entrer en contact. Encore enfants, Eden d'en haut et Adam d'en bas s'éprennent l'un de l'autre et font dès lors voler en éclat l'organisation sociale dominante et ségrégationniste. Bien mieux qu'un énième film de science-fiction ésotérique, Upside down est d'abord une histoire d'amour - une sorte de Roméo et Juliette futuriste. Shakespeare peut toutefois reposer sur ses lauriers: les sentiments n'atteignent jamais l'intensité dramatique qu'ils ont dans l'oeuvre du dramaturge anglais. Reste qu'à leur manière, Eden et Adam ont su me toucher. Sans doute parce qu'aussitôt, je suis parvenu à m'immerger dans leur univers.

Vous noterez que le film n'est pas américain: réalisé par un cinéaste argentin, par ailleurs auteur du scénario, il est en fait considéré comme franco-canadien. C'est bel et bien chez nos cousins qu'il faut chercher une bonne partie de l'équipe technique du long-métrage. L'acteur principal, Jim Sturgess, est anglais. Quant à la vedette féminine, la très jolie Kirsten Dunst, elle a la double nationalité allemande et américaine. Ce très vaste melting pot d'influences culturelles m'a rendu Upside down sympathique. Je lui passe même quelques défauts: une voix off un peu envahissante, des scènes parfois inutilement tirées en longueur, des personnages secondaires trop vite oubliés et enfin une certaine naïveté dans le propos. Visuellement, le rendu n'est pas toujours optimal, mais peu importe ces petites lacunes: on a le droit de pas prêter attention aux détails. Pour qui choisit alors la contemplation, le spectacle est renversant !

Upside down
Film franco-canadien de Juan Solanas (2012)
Je reviens sur ce que je disais pour débuter: il me semble n'y avoir que peu de films originaux comme celui-là. Juan Solanas ne signe ici que son second long-métrage. Le premier, Air (ou Nordeste), mettait en scène Carole Bouquet dans la peau d'une femme désireuse d'adopter. Il avait été montré à Cannes en 2005, retenu en sélection Un certain regard. L'éclectisme du cinéaste me donne envie de suivre ses futurs projets. Au fil de la projection, le film de ce samedi midi m'a fait penser à Stardust - le mystère de l'étoile. À vous de juger.

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Et en matière de jugement...

On dira que celui de Pascale ("Sur la route du cinéma") est lapidaire !

jeudi 13 juin 2013

Le poids des mots

Est-ce le côté enjôleur de notre latinité ? Je crois pouvoir affirmer que les mots sont une arme de séduction massive. C'est en tout cas ce que suppose - avec plus de finesse que moi - le film dont je veux vous parler aujourd'hui: Le facteur, de Michael Radford. Un cinéaste britannique pour un film italien, visiblement tourné sur une petite île de la Péninsule. Bien que j'en aie entendu parler en bien, cette oeuvre populaire m'était encore largement inconnue au moment où j'ai lancé le DVD sur ma platine. Chauvin, j'y avais repéré ce bon vieux Noiret...

Le regretté Philippe joue ici le rôle... du poète chilien Pablo Neruda. Exilé en Italie au début des années 50, il loue avec sa femme Matilde une petite maison isolée à flanc de falaise. Le héros du film, c'est plutôt Mario Ruoppolo, l'homme qui lui apporte chaque jour le courrier de ses admirateurs (et surtout -trices) restés au pays. Le facteur n'est qu'un brave type, assez malin pour éviter la carrière de pêcheur embrassée par tous ses aïeux, mais pas beaucoup plus intelligent. Rapidement, une amitié se noue pourtant entre ces deux personnages très différents: Mario tombe amoureux et Pablo seul, songe-t-il, peut lui enseigner les mots qui plaisent aux jolies femmes. Il n'y a pas toujours assez de place dans le coeur des demoiselles pour les garçons timides. Je vous laisse découvrir ce que le film tire de ce postulat.

Ce que je peux dire, c'est que Le facteur a de vraies qualités. Inutile de revenir sur Philippe Noiret: ici comme presque toujours, il entre parfaitement dans la peau de son (très emblématique) personnage. C'est à ses côtés qu'il faut chercher la star du film: Massimo Troisi parvient même à éclipser la très grande beauté de sa partenaire féminine, Maria Grazia Cucinotta. Le destin s'est chargé du reste. Malade du coeur, l'infortuné Massimo est décédé... dès le lendemain de la fin du tournage ! Cet drame donne au long-métrage une aura d'oeuvre mythique, qu'il n'aurait pas forcément dans des circonstances plus joyeuses. Resterait tout de même à apprécier une bande originale très italienne et, bien sûr, le charme de ce pays lové au bord de la Méditerranée. Et là, les mots n'ont plus guère d'importance...

Le facteur
Film italien de Michael Radford (1994)

J'étais à la fac quand le long-métrage est sorti: j'en avais gardé quelques souvenirs épars. Bientôt vingt ans plus tard, son charme paraît un peu désuet, mais il serait peut-être dommage de le laisser complètement de côté, comme le vestige d'un cinéma passé de mode. Amoureux de l'Italie, je vous invite cordialement à consulter ma page "Cinéma du monde" pour découvrir d'autres oeuvres. J'en citerai une qui m'a fort ému: Vincere, sur la femme cachée de Benito Mussolini.

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Si vous souhaitez vous contenter du film d'aujourd'hui...

Vous pouvez lire ce qu'en ont dit mes amis de "L'oeil sur l'écran".

mardi 11 juin 2013

Le retour à la terre

Plutôt que d'attendre, je préfère enchaîner avec un bien meilleur film. Promised land était entré dans mes radars il y a quelques semaines comme "nouvelle oeuvre de Gus van Sant". Je connais encore très mal la carrière du réalisateur américain, mais ce que j'en ai vu me plaît vraiment. Ajoutez-y ce que j'ai lu et une poignée de DVDs éparpillés dans ma collection: ça commence à devenir un goût. Je suis allé découvrir ce nouvel opus d'autant plus confiant que Matt Damon fait partie du casting, avec notamment la trop rare Frances McDormand.

Matt Damon aurait même dû, dit-on, réaliser le film. Il en co-signe toujours le scénario avec un autre complice à l'écran, John Krasinski. Promised land - Terre promise, traduit en français - s'inspire directement d'une problématique d'actualité: la possibilité (ou non) d'exploiter le gaz de schiste comme nouvelle source d'énergie alternative au pétrole. L'enjeu est vite posé: pour les forages nécessaires, les compagnies ont encore besoin de l'autorisation écrite des propriétaires de terrains utiles à l'agriculture et censés enfermer un gisement. Matt Damon / Steve Butler est un commercial envoyé pour en convaincre le plus grand nombre possible, contre la promesse contractuelle de bénéfices mirifiques. Sommes évidemment virtuelles tant que les opérations n'ont pas commencé... et que des études préliminaires n'ont pas été menées. Vous imaginez bien que le VRP conquérant n'aura pas la partie facile. La tchatche ne fait pas tout...

Les Américains ont le chic pour faire du cinéma engagé et engageant. Loin d'être un spécialiste en la matière, j'ai assez rapidement cerné les contours du débat. Il n'y a pas ici de lutte du bien contre le mal. Point intéressant: le propos général n'élude pas complètement l'intérêt que pourrait représenter le gaz de schiste pour l'indépendance énergétique des États-Unis. Simplement, il le met aussi en balance avec d'autres éléments de réflexion. La question serait: risques compris, tout cela en vaut-il vraiment la chandelle ? Une question cruciale que Promised land ne pose jamais de façon sentencieuse. Pas dépourvu d'humour et plutôt bien écrit, le film parvient à toucher juste, à la fois par sa pertinence et sa simplicité formelle. L'implication des comédiens a su me séduire. J'ai aimé faire avec eux ce voyage dans l'Amérique rurale. Avec en plus une musique originale de Danny Elfman pour relever le tout, j'en suis rentré avec le sourire !

Promised land
Film américain de Gus van Sant (2013)

Cette façon-là d'aborder les questions environnementales marche  beaucoup mieux avec moi que bien des discours politico-alarmistes. Évidemment, d'aucuns jugeront que ce long-métrage manque encore... de cinéma. C'est vrai qu'on a déjà vu à plusieurs reprises cet autre visage de l'Amérique contemporaine. Je dis: tant mieux ! Côté acteurs, on aura plaisir à apprécier Hal Holbrook (Into the wild) et, donc, John Krasinski (Away we go). Des visages quasi-familiers.

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Je suis assez souvent d'accord avec elle, mais...

Cette fois, Pascale ("Sur la route du cinéma") n'a pas aimé le film.

lundi 10 juin 2013

Érotique et toc

Je crois vous l'avoir déjà dit: la décennie 80 est probablement celle que je connais le moins culturellement parlant. Comme si je l'avais zappée. Malgré ma faible maîtrise du sujet, j'ai discuté avec un ami de 9 semaines 1/2 et je lui ai demandé de me prêter le DVD. J'avais quand même entendu parler du striptease de Kim Basinger sur le tube You can leave your hat on de Joe Cocker ! Vérification faite, le film n'a rien de franchement émoustillant. Il est au contraire plutôt banal du point de vue scénario et pauvre également côté mise en scène. Mauvais, je ne sais pas, mais au moins très franchement démodé...

Ce qu'il raconte ? Une pseudo-histoire d'amour entre Liz, employée d'une galerie d'art avant-gardiste de New York, et John, golden boy dans le quartier de Wall Street. Plus cliché, tu meurs. Le côté pimenté, c'est que Mademoiselle est divorcée et qu'elle se laisse séduire par Monsieur et son goût des relations dominant/dominé. Bon, l'intéressé a un très joli sourire et lâche les 300 dollars nécessaires pour l'achat d'un châle hors-de-prix à sa conquête. Bravo ! Mais on ne peut pas dire qu'il donne dans la finesse. Tout au plus balance-t-il des phrases sur l'engagement: dans les faits, il aime mieux faire ramper sa belle à quatre pattes pour stimuler sa libido. Aucune surprise à attendre de 9 semaines 1/2: le titre annonce d'emblée combien de temps ce petit jeu va durer. Et moi qui espérais un crescendo dramatique vers une fin un peu plus intense, j'en ai été pour mes frais. Sympa, la vision de la femme et du couple moderne !

Le pote qui m'a fourni le DVD m'avait parlé d'une photographie lêchée. Mouais. Même sur cet aspect, je suis resté sur ma faim. C'est peut-être une question d'époque. Finalement, avec bientôt trente ans de recul, 9 semaines 1/2 ressemble à un long clip, pour une musique qui ne vaut pas toujours le coup, d'ailleurs. Est-ce parce qu'il est anglais ? Adrian Lyne n'ancre jamais son film sur son territoire. Incroyable mais vrai, Big Apple passe presque inaperçue. Pur gâchis ! Quant aux deux personnages, ils n'ont rien d'attachant. Kim Basinger porte joliment la lingerie fine, mais ça s'arrête là: elle paraît tellement décalée qu'elle est rarement sexy, même quand un sein s'échappe de son corsage. Quant à Mickey Rourke, il ne dégage guère qu'un charisme de pacotille. Je suis sévère, mais avant tout déçu. Honnêtement, je crois qu'il y avait mieux à faire sur le même thème. Las ! Je regardais ma montre après à peine un petit quart d'heure...

9 semaines 1/2
Film américain d'Adrian Lyne (1986)

Avec Liaison fatale, le même cinéaste tourna l'année suivante un film nommé cinq fois à l'Oscar, mais... reparti bredouille. À l'oeuvre aussi pour Flashdance, il faut croire qu'il s'intéressait avant tout à la danse et la musique. Dont acte: ce n'est pas une tare. Adrian Lyne a 72 ans aujourd'hui et n'a plus réalisé de film depuis 2002. On murmure toutefois qu'il pourrait y revenir cette année. J'en suis fort aise...

dimanche 9 juin 2013

Johnny, et maintenant ?

Vous avez noté ? Je vous l'ai dit il y a une semaine: Brad Pitt passera le cap de la cinquantaine en fin d'année. Johnny Depp, lui, va célébrer ce même anniversaire aujourd'hui. C'est l'occasion pour moi d'évoquer brièvement cet acteur que j'aime bien, et même si ces films récents ne m'ont pas toujours emballé. J'apprécie le bonhomme, malgré tout.

Apparu au cinéma dès 1984, Johnny Depp s'est d'abord fait connaître comme personnage d'une série télé, 21 Jump Street. Il n'a pas l'air d'en garder de bons souvenirs, même s'il est apparu dans l'adaptation cinéma de ce même programme. Après John Waters, c'est Tim Burton qui héritera du meilleur de l'acteur à partir de 1990 et la sortie d'Edward aux mains d'argent. Vous aurez noté que les deux hommes n'ont jamais cessé de collaborer, jusque dans Dark shadows, film présenté l'année dernière. Pas franchement leur film le plus créatif...

Créatif, Johnny Depp l'est pourtant, lui qui a côtoyé un nombre important de réalisateurs "particuliers": je citerais à titre d'exemple Jim Jarmusch, Emir Kusturica, Terry Gilliam ou Roman Polanski. Il a aussi lui-même réalisé - et scénarisé - un film: The brave, où il joue aux côtés du mythe Marlon Brando. Il a également signé cinq des clips vidéo des chansons de son ex-compagne, Vanessa Paradis. Passionné de cinéma, il s'est récemment transformé en producteur au bénéfice de Martin Scorsese, pour Hugo Cabret. Le film a gagné cinq Oscars.

Musicien émérite, le comédien court toujours après la reconnaissance par ses pairs au cinéma. Son film fut présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 1997. Lui reçut un César d'honneur dès 1999 ! Côté Oscars, en revanche, rien, malgré trois nominations. Ses derniers lauriers lui sont venus de jurys d'enfants et d'adolescents en 2011, pour Alice au pays des merveilles ou sa participation vocale au dessin animé Rango, notamment. Cette année, Johnny Depp retrouve l'ami Gore Verbinski et jouera à l'Indien dans Lone ranger.

vendredi 7 juin 2013

Le retour de la créature

Plusieurs de mes amis m'avaient recommandé Frankenstein Junior avant que j'ai l'occasion de le découvrir enfin. Merci spécial à Sylvie et Michel, qui ont comblé ma lacune cinématographique. Je dois dire que Mel Brooks n'était que très vaguement rentré dans mes radars avant cette soirée ciné. J'ajoute que, du personnage imaginé en 1818 par la romancière britannique Mary Shelley, j'ignorais presque tout. Depuis 1910, cette étrange créature ramenée à la vie par un savant un peu fou suscite pourtant l'imagination des cinéastes. Si Wikipedia compte bien, une grosse trentaine de films lui aurait été consacrée.

Frankenstein Junior choisit le registre de la parodie. Son personnage principal reste un scientifique réputé, mais le bon Frederick n'assume guère l'héritage de ses ancêtres et se dit persuadé qu'il est impossible de ressusciter ce qui est mort. Il finira bien évidemment par changer d'avis, à la faveur d'un héritage et de la découverte du laboratoire secret de son grand-père. Le temps de quelques manipulations neurologiques sur cadavre, la vérité frappera comme l'éclair: la foudre suffit à rallumer ce qui s'est éteint. Esprits cartésiens s'abstenir. Avant même les dialogues, la seule tête des comédiens permet aussitôt de deviner qu'on baigne ici dans le grand n'importe quoi. Sachant que c'est franchement assumé, ma foi, ça fonctionne bien. Incongru plus que désopilant, le film enfile les gags à vitesse grand V.

Sur le plan formel, son côté "carton-pâte" lui confère le charme désuet des films d'époque. J'ai aimé. On ne sait si le choix du noir et blanc vient d'une volonté de pousser loin la comparaison ou s'il répond simplement à une logique de budget, mais qu'importe: tel qu'il peut apparaître aujourd’hui sous nos yeux, le long-métrage ne pâtit guère de l'absence de la couleur. Les meilleurs spécialistes s'amuseront également à tenter de repérer les nombreux clins d'oeil qui parsèment le métrage. On notera la participation de Gene Hackman, étonnant dans un rôle d'ermite aveugle complètement barré. Il paraît même que Frankenstein Junior utilise une partie des accessoires d'un film référent sorti en... 1931. Sans nécessairement me tourner désormais vers cet horizon cinéphile, le découvrir ainsi m'a de fait plutôt amusé.

Frankenstein Junior
Film américain de Mel Brooks (1974)

Vivant ! Il est vivant ! Pour moi qui n'ai guère l'habitude de regarder des longs-métrages au ton aussi farfelu, celui d'aujourd'hui s'avère rafraîchissant. La folie burlesque de Gene Wilder, Marty Feldman, Peter Boyle et les autres n'y est pas pour rien. Si vous aimez ce genre d'histoires, mais traitées de manière classique, je vous recommande très chaudement le Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog.

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Et avant de revenir de Transylvanie...

Un dernier conseil: lire également la chronique de "L'oeil sur l'écran".

mercredi 5 juin 2013

Leur rêve d'un bateau

Ellis et Neck sont deux gamins de 14 ans dans l'Amérique d'aujourd'hui. Ils habitent sur les rives du Mississippi et, à la suite d'une tempête, ils ont repéré un bateau dans un arbre, qu'ils comptent récupérer pour naviguer sur le fleuve et vivre à l'écart des adultes. C'est dans ces circonstances qu'ils croisent la route d'un vagabond. L'inconnu guigne lui aussi le trésor. Mud: c'est son nom et le titre même du film. Je suis allé le voir en confiance, heureux de découvrir enfin le travail de Jeff Nichols qu'on présente déjà, après trois films et à 34 ans, comme le nouveau petit génie du cinéma indé américain.

À l'heure du bilan, j'ai tout sauf des regrets. Mud s'inscrit d'office comme l'un des plus beaux films que j'ai vus cette année. Le cinéma américain me paraît d'une très grande générosité quand il s'exprime avec cette ampleur ! Ici, la réussite tient d'abord à un casting exceptionnel. Dans le rôle-titre, on retrouve un jeune premier oublié, Matthew McConaughey, resté longtemps à l'écart des grands écrans blancs et qui y effectue depuis quelque temps un retour en force. Face à lui, deux gosses fabuleux, Tye Sheridan et Jacob Lofland. L'incroyable force de conviction avec laquelle ils viennent accaparer l'oeil de la caméra fait merveille. Pour être juste, il faut dire aussi que le reste de la distribution ne fait que sublimer leur prestation, avec notamment Reese Witherspoon et Sam Shepard dans des rôles secondaires parfaitement écrits et intégrés à cette histoire. J'évite sciemment de vous révéler comment le scénario choisit de faire interagir tout ce petit monde. Sachez juste qu'il est question d'amour et de vengeance. Difficile, voire impossible, de rester insensible...

Le vrai plaisir que j'ai pris grâce à ce récit tient également au cadre dans lequel il s'inscrit. Plutôt qu'au Mississippi, Jeff Nichols est né dans l'Arkansas voisin: il filme l'Amérique rurale avec une empathie remarquable, sublimant les lieux et respectant les gens. Chose rare dans le cinéma contemporain: je dirais qu'il n'assène aucun jugement définitif sur ses personnages. Il se concentre sur une tranche de vie. Ce qui s'est passé avant le film demeure assez flou. Ce qui se passera après paraît plutôt ouvert. Mud nous invite à construire nous-mêmes les pièces manquantes: ce n'est pas la dernière de ses qualités. Beaucoup plus concrètement, il nous écarte sensiblement des sentiers battus en matière de territoire: les habituelles jungles urbaines cèdent la place à un décor naturel d'une grande beauté. Je dois admettre que j'ai du mal à comprendre comment le film a pu repartir bredouille du Festival de Cannes l'année dernière. Est-ce dans l'idée de le préserver qu'il est sorti près d'un an plus tard, aux États-Unis comme en France ? Mystère. Mais maintenant qu'il est là, foncez-y !

Mud - Sur les rives du Mississippi
Film américain de Jeff Nichols (2013)

Cette manière de porter le septième art au plus près de l'Amérique des petites gens et d'y montrer la vie des ados me rappelle notamment celle d'un Gus van Sant (et Paranoid Park, par exemple). Autre référence déjà citée il y a quelques semaines: Un monde parfait de Clint Eastwood. Vous noterez que le jeune Tye Sheridan jouait aussi dans The tree of life, référence picturale dont le film d'aujourd'hui partage parfois la grande beauté. Hâte de découvrir maintenant le reste du travail de Jeff Nichols. Je vous raconterai...

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Si j'en crois sa chronique sur le sujet...

Conquise, Pascale ("Sur la route du cinéma") l'est aussi. Allez voir ! Après ça, un clic pour le blog de Dasola: vous y lirez un avis mitigé.

lundi 3 juin 2013

Un film de tarés !

Je n'étais pas spécialement chaud pour voir 7 psychopathes. Rangé finalement à l'avis de l'ami Philippe, j'admets que je ne regrette pas d'avoir changé d'idée. Bien qu'un peu long peut-être, ce film british est suffisamment barré pour que j'en apprécie l'originalité. L'intrigue nous met en présence de sept agités du bocal, assassins aux profils très typés et sans lien apparent entre eux. On croit comprendre d'abord qu'ils sont le fruit de l'imagination d'un des personnages principaux, Billy, lequel s'efforce de convaincre son ami Marty d'écrire un scénario de cinéma. En réalité, c'est un tantinet plus compliqué...

J'ai dit que j'appréciais l'originalité du film. C'est son atout numéro 1. Martin McDonagh sait donc cumuler avec un certain brio les fonctions de réalisateur et de scénariste. Pour ça, bravo ! Compliments aussi pour un sens du casting assez affûté: aux côtés d'un duo Colin Farrell et Woody Harrelson en roue libre pour la bonne cause, on retrouvera avec plaisir une Olga Kurylenko démontrant enfin qu'elle n'a pas seulement une plastique avantageuse, une Abbie Cornish rigolote dans un rôle de blondasse irritable et surtout un Christopher Walken au sommet de son talent expressif. 7 psychopathes réserve son lot de surprises et de rebondissements. Même si, c'est un fait, il traîne un peu en longueur sur la fin, son récit est bien écrit et bien joué. Ouais... du cinéma aussi frais, objectivement, j'en redemande !

Il semble que le long-métrage n'ait connu en France qu'un succès limité. Si j'en crois le chiffre Allociné, il n'aurait attiré qu'un peu plus de 92.000 spectateurs en salles. C'est peu ! Parce que les dialogues sont truffés de grossièretés, les Américains, eux, ont interdit le film aux jeunes de moins de 17 ans non accompagnés ! "Les acteurs adorent les dialogues ciselés. Martin en écrit de formidables". J'imagine que le réalisateur se contentera de ce coup de chapeau signé Christopher Walken. À propos du titre de son oeuvre, il a souligné qu'à ses yeux, la psychopathie était aussi dans l'oeil de celui qui regarde. 7 psychopathes ne serait donc qu'un jeu voué à amuser le public... en le roulant dans la farine. Ce jeu mérite concentration et ne plaira pas à tout le monde. En fait, autant s'y laisser prendre...

7 psychopathes
Film britannique de Martin McDonagh (2012)

Des répliques qui fusent, des flingues qui aboient... et la caravane passe ? Franchement, je me suis plutôt amusé avec ce long-métrage. Auteur déjà connu sur les planches du théâtre, le réalisateur signe ici son deuxième film après un Bons baisers de Bruges à mon goût moins emballant. Là, on se croirait presque dans un (bon) Tarantino. Dans le genre, je citerais Mi$e à prix ou Kiss kiss bang bang. L'incarnation d'un petit plaisir coupable à savourer entre copains.

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Et si vous voulez en savoir plus...

Sachez que Pascale ("Sur la route du cinéma") partage grosso modo mon opinion sur le film. Et qu'elle aussi a été véritablement emballée par la prestation d'un certain Christopher. Bref, il est incontournable !

dimanche 2 juin 2013

Brad méconnu

J'ai regardé L'étrange histoire de Benjamin Button avec mes parents il y a moins de six mois. Des amis passés il y a quelques semaines souhaitaient le découvrir. C'est ce qui m'amène aujourd'hui à évoquer Brad Pitt, un acteur que j'aime beaucoup. J'aurais même dû le faire avant de parler de Solaris, à vrai dire. Le p'tit blondinet séduisant des débuts aura 50 ans en fin d'année, le 18 décembre précisément. Dans une interview, il a dit qu'il resterait alors derrière la caméra pour faire des choses dont ses enfants pourraient être fiers. À voir...

Brad Pitt est un Américain atypique et engagé. Il s'est déclaré athée et agnostique, respectueux toutefois des diverses religions d'esprit pacifique. Il a également pris position en faveur du parti démocrate et s'est fait le héraut du mariage homosexuel. Il élève six enfants avec la comédienne Angelina Jolie. Trois d'entre eux ont été adoptés.

Brad Pitt est apparu deux fois sur la liste de Time des personnalités les plus influentes au monde. Simple comparaison: Oprah Winfrey (!) l'a été neuf fois, Barack Obama huit et Hillary Clinton sept. Français les plus souvent "visibles", Christine Lagarde et Nicolas Sarkozy l'ont également été à deux reprises. La liste annuelle existe depuis 2004.

Côté septième art, Brad Pitt, promoteur d'un certain cinéma populaire, n'est pas un chasseur de trophées. Il n'a pas encore reçu d'Oscar, malgré trois nominations. Sa récompense la plus prestigieuse est peut-être la coupe Volpi de la Mostra de Venise, obtenue en jouant dans L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Nommé dix-sept fois pour Le stratège, présenté comme une bonne histoire autour du baseball, le comédien a fait un chou blanc intégral ! Il sera bientôt à l'affiche de World war Z, film d'horreur post-apocalyptique.