jeudi 30 novembre 2017

Elle s'appelle Luck

La Thaïlande n'est pas un pays qui m'attire vraiment, mais on m'a dit plusieurs fois que c'était une bonne destination pour des vacances. Bien évidemment, un film comme Bangkok nites n'a pas été conçu comme un outil de promotion touristique, mais il dit quelque chose des réalités de cet État de l'Asie du sud-est. Ou de son côté sombre...

C'est en effet à la prostitution que le film veut nous faire réfléchir. D'emblée, nous voilà dans le vif du sujet, aux côtés de Luck, une fille qui vend son corps pour subvenir aux besoins de sa famille, restée dans la campagne pauvre, à des kilomètres de cette autre réalité sordide, mais - en partie - lucide sur la vie dans les grandes villes. C'est ce qui peut gêner dans Bangkok nites, je crois: les personnages paraissent désabusés. Leur attitude suggère qu'ils ont admis l'idée selon laquelle il était normal de pratiquer du sexe tarifé pour avoir ensuite une vie meilleure, avec une belle maison et d'autres signes extérieurs de confort matériel. Attention: je ne dis pas que la vérité des Thaïlandais est différente, mais simplement que le long-métrage déroule un récit sans filtre. Une bonne heure durant, il se concentre d'abord sur le quartier de Thaniya, là où les prostituées se présentent pour des clients japonais aisés, qui les choisissent comme on le ferait d'un smartphone, en pleine lumière et d'après ses "fonctionnalités". D'où les hésitations au moment de retenir telle ou telle belle de nuit...

Autant vous en informer: Bangkok nites dure presque trois heures ! Dans le prolongement de sa longue introduction, il nous permet d'appréhender Luck autrement, puisque la jeune femme effectue alors un séjour parmi les siens, en compagnie d'Ozama, client amoureux. Le passé (récent) de la Thaïlande - et de cette région du monde - nous revient alors en pleine face, avec tout ce que cela comporte d'explications sur le comportement des anciens pays colonisateurs. Réaliste, la fiction est du coup très intéressante, comme une fenêtre ouverte sur des situations méconnues, pour ne pas dire ignorées. Lentement mais sûrement, je me suis attaché aux protagonistes, encouragé c'est vrai par quelques plans d'une très grande beauté. Objectivement, du fait de sa longueur surtout, il a tout de même fallu que je m'accroche pour apprécier ce film exigeant jusqu'à son terme. J'admets ici que la dernière partie m'a paru quelque peu répétitive. Cela ne remet pas en cause les qualités déjà exposées, mais je crains que cela décourage une partie du public potentiel. À vous d'en juger...

Bangkok nites
Film japonais de Katsuya Tomita (2017)

Le long-métrage a aussi bénéficié de producteurs thaïlandais, laotiens et français - ce qui explique qu'il soit arrivé sur nos écrans, peut-être. Retenu au Festival de Locarno, il a aussi reçu un Prix du jury à celui de Kinotayo, au Japon. J'ai vu peu d'oeuvres similaires cette année. Cela dit, si la jeunesse d'Asie vous intéresse, je vous recommande d'orienter aussi vos regards vers Diamond Island et Adieu Mandalay.

mercredi 29 novembre 2017

Drôles de familles

Aujourd'hui, je vous propose un diptyque thématique, avec deux films mettant en scène... devinez quoi ? De drôles de familles, tout à fait ! N'ayant pas forcément beaucoup de choses à vous expliquer, je trouve judicieux de réunir ces deux opus de 2016. Vous pourrez aussi noter que l'un et l'autre sont le premier long-métrage d'une femme cinéaste.

Le petit locataire
Film français de Nadège Loiseau (2016)

Dans la famille Payan, Nicole, la mère, a 50 ans bientôt et découvre qu'elle est enceinte. Une nouvelle vraiment étonnante et détonnante quand on a un mari chômeur, deux grands enfants, une petite-fille inscrite à l'école primaire et une vieille maman quelque peu sénile. C'est entendu: ce petit film ne révolutionnera pas le genre comique. Avec ses quelques pointes d'émotion et ses couleurs, c'est toutefois un programme recommandable pour une soirée plateau-télé sans prise de tête. Grâce à qui ? Grâce à Karin Viard, très naturelle dans son rôle de Wonder Woman au foyer. Mais aussi grâce à une troupe d'acteurs très en forme: Hélène Vincent, Philippe Rebbot, Manon Kneusé, etc...

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Ah ! J'ai déniché un avis contraire...
Il vous est offert par Pascale, qui n'a vraiment pas accroché au film.

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Cigarettes et chocolat chaud
Film français de Sophie Reine (2016)

Cette fois, c'est vers une famille monoparentale que je vous invite résolument à tourner votre regard. Chez les Patar, le papa élève seul ses deux filles, après la mort de la maman. Est-ce le point de départ d'une tragédie ? Que nenni ! Gustave Kervern et deux gamines épatantes (Héloïse Dugas et Fanie Zanini) affichent une complicité étonnante et nous offrent donc un joli petit feel good movie sensible. L'arrivée de Camille Cottin, l'ex-Connasse de Canal + ou Andréa Martel de Dix pour cent, en assistante sociale un peu coincée vient renforcer ce bel équilibre entre les scènes touchantes et les tendres moments de comédie. Et oui, là encore, la distribution fait toute la différence !

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Hé ! J'ai trouvé une confirmation...
Vous pourrez constater que Laurent et moi sommes tombés d'accord.

lundi 27 novembre 2017

La revanche d'un Poilu

"Je trouvais le livre extrêmement inspirant. J'y ai vu un pamphlet habilement déguisé contre l'époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d'une modernité confondante". C'est en ces termes qu'Albert Dupontel parle du roman qu'il vient d'adapter au cinéma. Faute de l'avoir lu, je ne peux évoquer qu'Au revoir là-haut, le film...

Sous les ordres d'un officier sadique, plus redouté que ce qui reste finalement des soldats ennemis, Albert Maillard et Édouard Péricourt montent une dernière fois au front, le 9 novembre 1918, deux jours avant l'annonce officielle d'un armistice que les deux camps attendent désormais sans trop combattre. Le premier Poilu est sauvé d'une mort atroce par son compère, lequel a moins de chance, puisqu'une bombe venue exploser près de lui le laisse vivant, mais totalement défiguré. Une fois les armes déposées, le rescapé ne lâche plus le grand blessé d'une semelle et tâche de lui redonner le goût de la vie. Peine perdue. Il sera rapidement question d'une revanche à prendre, par le biais notamment d'une escroquerie... aux monuments aux morts ! À vous dorénavant de découvrir la suite. Je signale à ceux qui connaissent déjà l'oeuvre originelle que sa fin diffère de celle du long-métrage. Albert Dupontel dit avoir travaillé en parfait accord avec le romancier qui lui a vendu ses droits, Pierre Lemaître - une précision importante. Je n'ai pas renoncé au bouquin et, un jour, ferai donc la comparaison.

Avant cela, un constat: Au revoir là-haut est l'un des films français les plus réussis que j'ai vus cette année. Il m'a fait forte impression. Comme une amie (coucou, Aurelia !) qui l'a vu avant moi, je trouve qu'Albert Dupontel sait bien se bonifier avec le temps, comme acteur sans doute, mais également comme réalisateur. Loin de se satisfaire d'un très bon scénario adapté, c'est une évidence qu'il apporte aussi un grand soin à sa mise en scène, ce qui nous permet donc, à nous spectateurs sagement assis, d'assister à un spectacle flamboyant. Franchement, sur le plan formel, il n'y a rien à jeter ! Ajoutez à cela une distribution aux petits oignons: l'épatant Nahuel Perez Biscayart avec sa gueule cassée, Laurent Lafitte vraiment impeccable en salaud absolu, Niels Arestrup, Émilie Dequenne, Mélanie Thierry... le choix est parfait, même si, pour chipoter un petit peu, j'ai envie de dire que les personnages féminins sont très légèrement sous-exploités. Rien de grave: il y a même quelques petits rôles pour "compenser". Un bon exemple de ce que je peux appeller le grand cinéma populaire.

Au revoir là-haut
Film français d'Albert Dupontel (2017)

Sachez-le: ma liste des films qui traitent de la première guerre mondiale est encore en cours de construction. Ici, la scène de bataille rappellent la référence Les sentiers de la gloire. D'aucuns comparent aussi avec Un long dimanche de fiançailles, oeuvre plus modeste. Surprise: moi, une séquence m'a évoqué Les lumières de la ville. Bref, une belle liste de bons échos pour Albert Dupontel et sa troupe ! 

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Intéressés par d'autres opinions ?

Celles de Pascale, Dasola, Tina et Princécranoir méritent d'être lues.

samedi 25 novembre 2017

Dansons, maintenant !

Est-ce que, comme moi, vous associez le mauvais temps au cinéma ? Personnellement, quand il ne fait pas beau, je dis assez fréquemment que c'est "un jour à regarder un bon film". Pour faire bonne mesure aujourd'hui, je vous en propose un excellent: Chantons sous la pluie. Allez, il ne sert à rien d'attendre une météo morose pour l'apprécier...

Bigre ! Ce grand classique du cinéma hollywoodien a fêté ses 65 ans cette année ! Ai-je besoin de le préciser ? Il s'agit d'une comédie musicale, qui devrait ravir celles et ceux d'entre vous qui ont encore la chance de pouvoir la voir pour la toute première fois. Je me range désormais de l'autre côté du public, c'est-à-dire avec les amateurs déjà éclairés, et peux donc vous assurer que je me suis ré-ga-lé ! Rares sont les films aussi dépourvus d'éléments négatifs: s'il fallait que je résume Chantons sous la pluie en quelques mots, je dirais sûrement qu'il s'agit d'une grande ode à la vie, à l'amitié et à l'amour. Cela et d'autres choses, mais je ne veux pas en dire trop, trop vite...

Sans préavis, cette machine à remonter le temps qu'est le scénario nous ramène illico presto en 1927. L'occasion de faire connaissance avec Lina Lamont et Don Lockwood, stars d'un cinéma qui produit encore régulièrement de grandes oeuvres... muettes ! Une situation bientôt bouleversée, avec l'arrivée sur le marché des premiers films parlants, véritables dynamiteurs du septième art "ancienne formule". Lockwood parvient encore à s'adapter, mais Lamont, elle, risque fort de faire tapisserie, avec son caractère irascible et sa voix de crécelle. C'est alors qu'une seconde femme entre dans le jeu: beauté, douceur et talent, Kathy Selden a tout pour séduire les caméras. Et pas que...

Ce ne serait pas un service à rendre à ceux qui ignorent la suite d'annoncer d'autres éléments. Je m'en abstiendrai donc. J'ai appris avec surprise que quelques-unes des chansons qui rythment le film avaient été écrites avant, y compris Singin' in the rain, la plus célèbre d'entre toutes. Pas d'inquiétude à avoir: elles s'insèrent parfaitement dans le récit, d'autant qu'elles sont accompagnées de pas de danse très diversifiés, en solo, en duo, en trio ou parfois même davantage. Crédité comme coréalisateur, Gene Kelly fait merveille, à l'évidence, et ses partenaires brillent aussi. Debbie Reynolds, Donald O'Connor, Cyd Charisse... et j'en oublie sans doute: c'est un pur enchantement !

Je n'ai qu'un unique conseil à vous donner: c'est de vous laisser aller. Pendant un peu plus d'une heure et demie, ce film coloré et joyeux vous offre la possibilité de vous évader totalement du quotidien. L'enthousiasme permanent de Chantons sous la pluie emporte tout avec lui. C'est bien trop beau pour être vrai ? Cousu de fil blanc ? Hautement utopique ? Oui, c'est vrai, et alors ? On comprend vite pourquoi Hollywood, à l'époque, était appelée "la machine à rêves". Moi, j'ai joué le jeu à fond: ça m'a mis en joie, tout simplement ! Cent anecdotes pourraient encore nourrir cette chronique, je crois. Mais je pense bien aussi de m'arrêter là, pour vous laisser imaginer...

Chantons sous la pluie
Film américain de Stanley Donen et Gene Kelly (1952)

Notez que Gene Kelly m'avait déjà tapé dans l'oeil avec ses pirouettes dans Les trois mousquetaires... dont des scènes sont reprises ici ! Pas de doute: c'est culte ! Il n'est presque pas utile d'en ajouter. Histoire de, je signale tout de même mon envie de voir également d'autres comédies musicales (sur le blog, il y a aussi Tous en scène). Pour une relecture actuelle, vous pouvez bien sûr (re)voir La La Land.

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J'en termine avec quelques autres liens rapides...
Pour des avis complémentaires, vous passerez chez Pascale et Lui. Fidèle à elle-même, Ideyvonne, pour sa part, a fait le plein d'images !

vendredi 24 novembre 2017

La loi du flingue

Devinette du vendredi: quel est le point commun entre Frank Sinatra, John Wayne, Robert Mitchum, Steve McQueen et Burt Lancaster ? Tous sont des acteurs américains, mais sinon ? J'ai appris récemment qu'ils avaient tous été approchés pour tenir un rôle finalement confié à Clint Eastwood: celui de l'inspecteur de police Harry Callahan. Yeah !

Bon... quatre (grosses) décennies après sa sortie, L'inspecteur Harry continue d'être cité en exemple par ceux qui voient en Eastwood l'incarnation parfaite du mâle américain blanc, bas du front et adepte d'une justice expéditive. Je dois reconnaître que ce drôle de héros iconique ne fait pas franchement dans la dentelle: tous les moyens sont bons pour envoyer les mauvais garçons en prison... ou en enfer. S'il avait le choix, Callahan travaillerait même en solo, ne demandant à être évalué par ses chefs qu'à la seule aune de sa capacité à mettre les criminels hors d'état de nuire. Pour la subtilité, on repassera ! Objectivement, des films comme celui-là, on n'en voit plus guère. Marqueur d'époque, cet opus énervé des années 70 ? C'est possible. J'ajoute que c'est probablement pour cette raison que je l'ai apprécié.

J'y reviendrai peut-être un jour: ce long-métrage connut un tel succès qu'il ne fut que le tout premier volet d'une véritable série, complétée de quatre autres épisodes, sortis entre décembre 1973 et juillet 1988. Notre cher Clint le défendit ainsi: "Le film ne parle pas d'un homme qui incarne la violence, mais bien d'un homme qui ne comprend pas que la société la tolère". Je vous laisse seuls juges de la différence. J'aimerais en revanche vous convaincre que L'inspecteur Harry mérite d'être considéré comme autre chose qu'une série d'images destinées aux plus bourrins d'entre nous. Il nous offre en effet un tour dans le San Francisco des seventies, avec notamment quelques scènes nocturnes particulièrement soignées du point de vue photographique. Sans se fourvoyer, on pourrait presque en parler comme d'un western urbain, avec tout ce que le genre comporte de manichéisme assumé. Une conclusion: si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres !

L'inspecteur Harry
Film américain de Don Siegel (1971)

Remplaçant son mentor au pied levé, Clint Eastwood a aussi tourné quelques scènes du film. Il devait bientôt voler de ses propres ailes. Autre info: le tout s'inspire aussi des crimes (non résolus !) du Tueur du zodiaque, un vrai serial killer sujet du... Zodiac de David Fincher. Cette violence vous rebute ? Elle est encore plus noire dans le Frenzy d'Hitchcock, sorti un an plus tard. Sans parler de Mad Max, en 1979...

jeudi 23 novembre 2017

Pas gênés, ces Romains !

Le domaine des dieux n'est pas le plus connu des albums d'Astérix. Sorti en 1971, il a malgré tout été diffusé à plus d'un million d'exemplaires, par Toutatis ! Bien plus tard, les amateurs de potion magique ont récemment eu droit à une bonne "séance de rattrapage" sous la forme d'un film d'animation. Aux manettes: Alexandre Astier !

Question principale: l'humour du papa de Kaamelott, série parodique inspirée des mythes de la Table ronde, est-il compatible avec celui d'Astérix ? Ma réponse est positive. Il faut bien dire que l'adaptation dont je parle ici est très fidèle à l'oeuvre originelle. On notera d'ailleurs que celle-ci est plutôt "décalée" dans la série, nos amis armoricains ne quittant pas leur village, occupés qu'ils sont à résister au dernier projet machiavélique de César: l'édification dans la forêt voisine d'un ensemble immobilier grand luxe pour les patriciens romains tentés par une destination exotique. Problème: il est difficile d'utiliser les baffes comme armes pour déloger des civils pacifiques...

S'il y a parmi vous des gardiens du temple qui estiment qu'Astérix n'est pas transposable au cinéma sans dommage, je voudrais signaler que cette version a pu s'appuyer sur la participation de Roger Carel. Voix historique du petit Gaulois, le célèbre doubleur s'est présenté spontanément pour reprendre le "rôle" - à 87 ans, tout de même ! Avec lui, on entendra pléthore de professionnels, mais aussi des noms célèbres: Lorant Deutsch, Élie Semoun, Alain Chabat, François Morel, Géraldine Nakache, Florence Foresti... et j'en passe, évidemment. Bref, nous tenons là un bon petit film qu'Uderzo lui-même considère comme la meilleure de toutes les adaptations. Profitons, par Bélénos !

Astérix - Le domaine des dieux
Film français de Louis Clichy et Alexandre Astier (2014)

Le ciel ne vous est pas encore tombé sur la tête ? À la bonne heure ! Si vous cliquez sur mon index des films, vous trouverez facilement quelques autres Astérix adaptés, que ce soit en film en images réelles ou en dessin animé. Celui d'aujourd'hui est donc plutôt un bon cru. Maintenant, si Astérix & Obélix: mission Cléopâtre est vu et revu pour vous, Au service de sa majesté peut être retenu comme plan B. 

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Bon... les réactions restent contrastées...
Vous pourrez le constater en comparant les avis de Dasola et de Lui.

mercredi 22 novembre 2017

Le casse du siècle ?

On croyait Steven Soderbergh perdu pour le cinéma. Ses réussites télévisuelles récentes ne l'ont finalement pas empêché de revenir joyeusement vers le grand écran, histoire de nous offrir une histoire de braquage sympatoche: Logan lucky. L'Amérique profonde continue d'inspirer les auteurs... et nous revoilà embarqués chez les rednecks !

Dans l'État rural et montagneux de Virginie occidentale, les Logan traînent une fâcheuse réputation de poissards. Jimmy vient de perdre son boulot de mineur à cause d'une blessure non-déclarée. Clyde, lui, exerce comme serveur dans un bar quelconque, assez habile toutefois pour travailler d'une seule main depuis qu'il a perdu l'autre en Irak. Vous l'aurez vite compris: le contexte social est franchement éloigné de ce qu'il pourrait être dans une grande métropole comme New York. Logan lucky dépeint joliment une petite communauté humaine ordinaire, se garde de toute ironie, mais ne se prive pas des effets bénéfiques d'un humour ravageur. Concrètement, dès que les frangins se lancent dans les préparatifs de leur casse XXL, une galerie de bras cassés apparaît pour leur servir de complices. Le principal associé potentiel a très bonne réputation comme voleur, mais un problème demeure: il est in-car-cé-ré. Je vais vous laisser découvrir la suite...

Sur fond de course automobile à Plouc-Land, le récit s'avère ludique dans sa façon de mélanger les genres. J'ai trouvé convaincant le duo formé par Channing Tatum et Adam Driver en Pieds nickelés (ou pas). Le personnage le plus réussi du film revient malgré tout à un acteur que je n'aurais pas cru capable d'une telle autodérision: Daniel Craig est tordant dans son costume de taulard aux cheveux ras et blonds peroxydés - et donc en antithèse parfaite de James Bond, en fait. Citer aussi la part de Katie Holmes, Hilary Swank ou Seth MacFarlane dans ce délire risquerait de m'emmener trop loin dans le dévoilement des surprises: je vais donc m'arrêter là. Il est tout à fait possible d'ailleurs que vous ne compreniez pas tout à Logan lucky. Tant pis ! Plutôt qu'un film à suspense, je crois que Steven Sodebergh a voulu proposer un divertissement haut en couleurs. Le pari me paraît gagné sur le plan formel et une suite serait envisageable, sauf que le public américain n'a pas suivi, dit-on. C'est un peu dommage, à mon sens. Sans doute que le mieux est de ne pas prendre cela trop au sérieux...

Logan lucky
Film américain de Steven Soderbergh (2017)

Le cinéaste est un petit malin: il nous a livré ici une réussite incontestable, mais n'a pas vraiment forcé son talent (qu'il a grand). Pour tout vous dire, sur un thème similaire, on reste à des kilomètres du tournage au cordeau de Comancheria, par exemple. On passera probablement très vite à autre chose, par conséquent, et sans regret. Plus sombre, un film comme Shotgun stories pourra prendre le relais.

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Vous voulez encore du pop-corn ?

Très bien: vous en trouverez - notamment - chez Pascale et Dasola.

mardi 21 novembre 2017

Grandeur et décadence

Que la fête commence... il y a un bon moment que je voulais découvrir ce film de Bertrand Tavernier - le deuxième d'une carrière déjà longue, elle aussi - et pour plusieurs raisons. Je vous cite d'abord la principale: la présence du grand trio Noiret / Rochefort / Marielle. Apparu à Hollywood, le terme de "monstres sacrés" leur va bien, non ?

Nous sommes en France, en 1719. Il n'y a pas de roi sur le trône. Louis XIV est mort il y a quatre ans et son arrière-petit-fils, l'enfant qui deviendra Louis XV, est encore un peu trop jeune pour régner. L'intérim, si j'ose dire, revient à son grand-oncle, Philippe d'Orléans. Ce dernier enterre sa fille, alors qu'à la cour, les rumeurs d'inceste vont bon train. Il faut dire que le régent mène une vie dissolue, faite d'un peu de travail, mais aussi et surtout de nombreux plaisirs, au lit ou à table, quand ce n'est pas les deux (presque) à la fois. Le récit s'avère ici assez fidèle aux faits historiques connus, ce qui permet d'appréhender une personnalité complexe et un peu plus soucieuse malgré tout du bien-être du peuple que ses prédécesseur et suiveur aux commandes de l'État. Ce constat établi, la Révolution attendra...

Il y a tout de même un souffle d'insurrection dans le royaume: à vous désormais de découvrir la manière dont il se développe. Que la fête commence... ne se regarde pas forcément comme un film historique classique et rigoureux, mais plutôt comme un manifeste politique. Fidèle à ses idées, Bertrand Tavernier dresse le portrait d'un homme ambigu, écartelé entre sa volonté libertaire et la réalité d'un pouvoir exercé seul ou en (tout) petit groupe. Inutile de le dire: les acteurs sont bien sûr épatants, qu'on évoque Philippe Noiret, qui compose habilement son personnage de gouvernant malgré lui, Jean Rochefort en vrai-faux ecclésiastique corrompu ou Jean-Pierre Marielle, Breton crédible et pré-révolutionnaire flamboyant ! Résultat: quatre César couronnèrent le film au cours de la première cérémonie du genre. Aujourd'hui, le spectacle reste appréciable, emballé par des dialogues ciselés et incisifs. Ce patrimoine, j'aime décidément le (re)découvrir.

Que la fête commence...
Film français de Bertrand Tavernier (1975)

Des films qui nous parlent de la Révolution française par des voies détournées, j'en connais d'autres: grand écart entre Marie-Antoinette et Lady Oscar, via Les adieux à la reine. Celui que j'ai présenté aujourd'hui est sans doute plus profond, pour ne pas dire militant. Curieusement, je l'ai apprécié également pour tout ce qu'il ne dit pas de la suite des événements. Vous resterez libres de l'imaginer aussi...

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Si vous souhaitez en savoir plus...

Vous trouverez une autre chronique du film chez "L'oeil sur l'écran".

lundi 20 novembre 2017

Une enquête à la cool

Ne bougez pas ! Aujourd'hui, j'ai l'occasion de rester dans le Michigan pour ouvrir la semaine et je vais en profiter pour vous parler d'un film bien différent de celui d'hier. Ce film, malgré les années passées depuis sa sortie, je l'identifie toujours à un morceau de musique sorti d'un synthétiseur - le premier air que j'ai entendu sur un ordinateur...

Et oui, Le flic de Beverly Hills commence bel et bien à Detroit ! Certes, il n'y reste pas: Axel Foley, le flic dont il est question, déroute sa hiérarchie au point que son chef le laisse... prendre des vacances sans préavis véritable. Seulement voilà: dans la banlieue huppée proche de Los Angeles, notre ami ne vient pas vraiment se reposer. En fait, il enquête surtout sur l'assassinat d'un de ses vieux amis. L'originalité (très relative) du film repose sur Eddie Murphy, qui tient le premier rôle pour l'une de ses premières apparitions au cinéma. L'acteur, qui a débuté sa carrière dans le stand-up, fait déjà preuve d'un bagou certain. Résultat: le ton du film est celui d'une comédie...

Vous aurez tout compris quand vous aurez vu Axel Foley s'installer dans un hôtel de luxe qu'il n'a pourtant pas les moyens de s'offrir. D'ailleurs, s'il vous restait quelques doutes, ils s'envoleront bien vite dès lors que vous connaîtrez sa méthode - infaillible ! - pour déjouer les filatures: introduire quelques bananes dans le pot d'échappement de la voiture poursuivante. Je vais vous laisser découvrir la suite. Pour être tout à fait honnête avec vous, Le flic de Beverly Hills porte évidemment la marque des années 80 et peut paraître "dépassé". Maintenant, c'est très certainement aussi ce qui fait son charme. Alors âgé de 23 ans, Eddie Murphy régnait comme une référence comique indiscutable, au point d'accepter de tourner deux suites ! C'est surtout pour lui que j'ai voulu revoir ce classique en son genre. Sans sauter au plafond, je me suis bien amusé: c'est toujours sympa d'ainsi retomber en enfance. Une affaire de génération, peut-être...

Le flic de Beverly Hills
Film américain de Martin Brest (1984)

Faute de succès véritable, Eddie Murphy s'est fait vraiment discret ces dernières années, même s'il a été... la voix de l'Âne, dans la série des Shrek (achevée il y a sept ans, tout de même !). Mes souvenirs sont trop lointains pour que je puisse citer le premier film que j'ai vu avec lui. Golden child, l'enfant sacré du Tibet, peut-être ? Je peux toujours vous recommander Un fauteuil pour deux, si vous voulez...

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Une avancée de plus dans mon Movie Challenge...

Je coche en effet la case n°4: "Un film sorti l'année de mes dix ans". 

dimanche 19 novembre 2017

La violence des Blancs

Je n'ai pas envie de passer trop de temps sur Detroit. Le dernier film de Kathryn Bigelow m'a intéressé et me paraît délivrer un message important, mais je n'y ai pas vu le chef d'oeuvre décrit par certains. Disons donc que, dans l'Amérique de Donald Trump, il est rassurant que Hollywood "balance" toujours de tels récits, et détaillons un peu...

L'histoire vraie (du film) nous emmène donc aux States, en 1967. Autant vous le rappeler: à l'époque, les Afro-américains ne voient leurs droits civiques reconnus que depuis quelques années seulement. L'autorité policière du Michigan, elle, continue de mener une politique franchement discriminatoire, en malmenant les Noirs sans se soucier de faire de différence entre les honnêtes citoyens et les délinquants. Bientôt, ce véritable racisme institutionnel entraîne des émeutes importantes, ce qui, bien évidemment, n'arrange pas les choses ! Après avoir fait état de ce contexte bouillant, Detroit nous embarque dans une longue nuit à huis clos, aux côtés de jeunes Blacks musiciens et de flics à 100% convaincus... qu'ils leur ont tiré dessus. Je simplifie. Mais j'insiste: tout ce qui suivra est bel et bien arrivé...

Derrière ces images de tension, c'est certain: il y a du savoir-faire. Une fois qu'elle est entrée dans le vif du sujet, la caméra ne lâche presque rien pendant environ une heure et demie - avant un épilogue un peu moins oppressant (encore que... ça peut aussi se discuter !). Jusqu'à quatre caméras ont été utilisées simultanément pour saisir l'ensemble des expressions des acteurs, dans une gamme qui passe allégrement de la colère à l'effroi, quand elle ne mélange pas tout. Franchement, sur ce plan, rien à redire: Detroit est une réussite. Maintenant, sans aller jusqu'à dénoncer son manichéisme, je regrette sa linéarité: il est très facile d'anticiper ce qui va se passer, au point qu'on ne puisse pas, à mon avis, parler d'intrigue à rebondissements. Bon... toute l'affaire est certes suffisamment édifiante en elle-même pour qu'il ne soit pas utile d'en rajouter. Et cela reste du bon boulot ! Je ne serais pas étonné que l'Académie des Oscars partage cet avis...

Detroit
Film américain de Kathryn Bigelow (2017)

Je n'ai pas - encore - vu Démineurs, le film qui valut à la cinéaste d'obtenir six Oscars de 2010. Son Zero dark thirty (2012) m'avait plu. "Avec Detroit, j'ai fait mon devoir", a-t-elle assuré. Admettons. Reste que, pour évoquer la cause des Noirs, je suis plus sensible à Loving. Nul doute que nous verrons venir d'autres films sur le sujet. Vous avez des classiques en tête, hormis Dans la chaleur de la nuit ? J'écoute !

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Pour prolonger le débat...

Vous pouvez désormais aller lire les chroniques de Pascale et Dasola.

vendredi 17 novembre 2017

Un amour sacrifié

Avertissement: s'il y en a parmi vous qui n'aiment pas les mélodrames classiques, je crois préférable qu'ils attendent la chronique suivante. Cela étant dit, je trouve vraiment très regrettable de rester à l'écart d'un film comme Quand passent les cigognes. Une oeuvre virtuose sera ainsi offerte à tous les curieux qui voudront bien la découvrir...

En vous parlant de ce film, je tiens la promesse que je vous ai faite voilà quelques jours et reviens de nouveau sur le cinéma soviétique. Quand passent les cigognes est l'unique film de ce grand pays disparu à avoir obtenu la Palme d'or. Toujours surprenante, l'histoire retient que c'est le jeune Claude Lelouch qui, après avoir pu assister au tournage, avait milité pour sa diffusion au Festival de Cannes. Côté scénario, nous voilà en Russie, à l'aube de la seconde guerre mondiale. C'est l'occasion de rencontrer Veronika et Boris, amoureux encore insouciants, mais que le destin, cruel, va bientôt séparer. C'est court, mais je veux m'en tenir là quant au résumé de l'histoire. Quand j'ai cité le mot "mélodrame", ce n'était bien sûr pas à la légère. Mais croyez-moi: celui-là est parmi les plus beaux que je connaisse...

C'est bien simple: ces images de soixante ans m'ont paru sans défaut. Il faut dire que j'ai eu la chance de les découvrir dans une copie restaurée et sur grand écran, qui plus est. On m'a appris à l'occasion qu'elles étaient nées à une période très particulière: celle du dégel soviétique quand, quelques années après la mort de Staline, Moscou lâchait un peu de lest sur les libertés publiques et laissait les artistes s'écarter quelque peu du suivi de la doctrine socialiste pure et dure. Tourné dix ans plus tôt, Quand passent les cigognes aurait pu n'être qu'une allégorie propagandiste de plus: c'est presque le contraire ! Comme pour sublimer encore les grands sentiments qui s'y expriment avec force, la forme est juste impeccable, aussi soignée que le fond. Virevoltante, la caméra compose ainsi plusieurs plans d'une beauté étourdissante, qui devraient vous faire une très forte impression. Parfois, le rythme ralentit un peu et elle s'arrête alors sur des visages formidablement expressifs - et c'est peut-être encore plus beau. Parler de chef d'oeuvre, pour cette fois, ne me semble pas exagéré...

Quand passent les cigognes
Film soviétique de Mikhaïl Kalatozov (1957)

Je vais me répèter: je n'ai rien à reprocher à ce film. Quelques scènes du Moscou reconstitué m'ont fait penser aux ruines viennoises vues dans Le troisième homme (dans un tout autre genre, évidemment). D'une certaine façon, Les assassins sont parmi nous offre également quelques similitudes. Restent des émotions assez proches de celles ressenties avec Je ne regrette rien de ma jeunesse. À vous de voir !

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Et si vous voulez suivre les oiseaux migrateurs...

Vous pourrez désormais les retrouver chez Ideyvonne, Strum et Lui.

mercredi 15 novembre 2017

Le maître d'école

Se rencontreront-ils ? Les grands esprits, c'est le titre d'un film d'Olivier Ayache-Vidal. Je vais laisser mon amie Joss vous en parler...

Agrégé de lettres au lycée Henri IV à Paris, François Foucault se retrouve pris à son propre piège. Vantant les mérites du déplacement des meilleurs professeurs dans les établissements de banlieue devant une représentante ministérielle de l'Éducation nationale, il se voit contraint d'intégrer un collège en Réseau d'éducation prioritaire. Objectif: enseigner dans un établissement difficile afin analyser les problèmes, des deux côtés de la barrière. S'ensuit une année scolaire aux allures de varappe pédagogique et relationnelle, se partageant entre la paroi de ses confrères et celle de ses élèves. Et comme toute voie d'escalade qui se respecte, les deux le feront évoluer, ne lui épargnant pas les revirements.

La rentrée digérée (ou presque), ce film tombait à pic pour prendre un peu de recul sur le thème de l'enseignement. Appartenant moi-même à la corporation, et surtout admiratrice inconditionnelle de Denis Podalydès, je n'ai pas raté le rendez-vous en dépit des critiques. Si elles avaient été acerbes, j'aurais pu prendre ça pour un défi - dans le style "on déteste ou on adore". Mais non, méprisantes, condescendantes, et mièvres de surcroît (sauf de la part du public, beaucoup plus mitigé), au point de me motiver à foncer dare-dare me faire ma propre opinion. Il est vrai que le thème pouvait se prêter sans difficulté à une copie édulcorée du Cercle des poètes disparus, mais non, j'en suis revenue satisfaite d'avoir continué à dresser ma hallebarde du doute. Je proclame ce film non seulement méritant pour ce même registre, mais aussi pour son casting et sa démarche.

Le début du film fait fort, je l'avoue. Plus fort que la suite, mais bon, rien n'y est à jeter non plus (d’ailleurs, si c’était le cas, je ne serais pas là à vous en parler. Je n’ai décidément pas le profil venimo-théâtral gratuit et inconscient du Masque & la Plume !). Revenons à cette introduction juteuse. La scène de la remise des copies de français aux élèves du lycée Henri IV est d'anthologie jubilatoire. On est au parfum, ça va déménager. Et d'ailleurs, ça continue avec le repas de famille chez les parents dans un appartement chic et bourgeois, à l'occasion de l'anniversaire du père. Ouvrage. Il échange quelques mots avec son fils devant un exemplaire où il pose comme un coq. "Bien, la photo de couverture !", "Bien, le bleu du costume !" (Cela change de l'attaque frontale vue précédemment. C'est sûr, il fait moins son beau, le prof redevenu petit garçon !). Bref, rien ne déborde entre le fils qui dit ce qui convient et le père autosatisfait.

Rien à ajouter ? Mais si, bien sûr, car tandis qu'on imagine une dédicace apte à combler la politesse affectueuse de l'un (le fils) et ce que l'on espère encore relever de la pudeur chez l'autre (le père). Mais fichtre, le gros plan sur les quelques mots griffonnés - plus laconiques et impersonnels que possible - nous cloue sur place ! Et l'on passe à table comme si de rien n'était. Le repas réunit donc les parents, leur fils et leur fille, que l'on devine divorcée, avec ses deux enfants ados. On va donc faire connaissance avec la sœur de ce prof rangé: c’est une artiste, une vraie ! On est au parfum.

C'est d’ailleurs elle qui, entre deux coups de chalumeau, au fond de son atelier de fondeur, va lui expliquer la vie, le remettre en phase avec la réalité sur la banlieue lorsqu'il viendra lui parler du changement qui s'abat sur son quotidien bien rangé. De la classe à la famille, du lycée chic au collège du 9.3, et de la même manière en quelque sorte, François passe d'un statut, d’un discours, d'une peau à l’autre. Non pas qu'il multiplie les pirouettes volontairement ou ait en lui la faculté affirmée de s'adapter. Ce garçon porte surtout le fruit d'une éducation où l'on ne fait pas de vagues. Une sorte de discrétion que d'aucuns pourraient bien prendre pour un réel self-control. Cela pourrait bien le servir…

Non moins délirante, la scène du repas avec la jolie chargée de mission du Ministère de l'Éducation nationale vaut aussi son pesant d'or. Après un discours généreux, sûrement sincère (pour les autres !) qu'il a déjà oublié lors d'une séance de dédicace de son propre père, et à la place d’un charmant déjeuner galant, notre prof se trouve embarqué malgré lui dans une mauvaise farce: une mutation expérimentale du 5è arrondissement au 9.3 ! Notre homme ne peut plus reculer. Et il va avancer dans cette banlieue nord comme dans un western, en voiture puis à pied, jusqu'au collège Barbara de Stains.

C’est qu'il lui en faut, du courage, en terre inconnue. Même si le reste du film est moins hilarant que le démarrage, il n'en demeure pas moins très sympa. Je ne mettrais pas l'accent sur le côté "très documenté" qui a fait partie de ses atouts d'après le corps enseignant (ou plutôt sa hiérarchie bureaucratique qui a beaucoup apprécié le film, vu très certainement que le prof s'en sort brillamment), mais l'on continue à croire en Denis Podalydès, au ton toujours extrêmement juste dans le rire ou dans l'émotion.

Et lorsque dès le premier matin (pourtant sous le soleil), armé de son cartable plein cuir, il tente de trouver la bonne porte d'accès à l’établissement (en plan aérien, l'assimilation à une prison est totale), la symbolique glisse comme une plume. On y retrouve la finesse des premiers moments du film. On y est cette fois, François va évoluer dans les murs. Bien sûr, il y a ce côté trop attendu où son cœur fond très vite pour une jolie et jeune collègue, pleine d'enthousiasme et d'authenticité (et finalement bien plus dépourvue que lui), mais finalement, c’est l'accueil chaleureux et complice de l'ensemble des collègues qui nous surprend, de même plus tard que le revirement pour raison de… succès pédagogique !

On retrouvera un bel humour dans les couloirs de Versailles avec les réflexions des élèves, et surtout, la joie de ce couple d’enfants aussi enchanté qu'à Disney. Oui, on comprend Seydou d'avoir voulu revoir le lit de Louis XIV pour un selfie avec Maya, son amoureuse. En tous cas, malgré sa peur de les avoir égarés, François adhère. Et plus que nous redonner espoir dans l'organisation de l'Éducation (ô désillusion !), le moment nous apporte une lueur de foi dans l'humanité à la lumière de certains de ses acteurs, récompensés par la beauté d'une chorale ou l'interprétation théâtrale de leurs élèves.

Le résultat final obtenu dépasse d'ailleurs parfois la conviction de certains enseignants : ici, la prof de musique reçoit au quintuple les fruits d'un travail qu'elle était loin d'espérer. Et même à la base plus déterminé qu’elle, François aussi se laisse chavirer par ce que les élèves sont capables de donner. Particulièrement appréciable, la fin du film qui ne versera pas dans un pathos débordant, ni côté adultes, ni côté enfants, avec juste ce qu'il faut d'émotion et d'optimisme quant à leur devenir à moyen et long terme. On peut quand même tout espérer. Le contrat est rempli: chacun a reçu sa part, et même une jolie part insoupçonnée. Et comme d'habitude, petite question subsidiaire: que contenait le cadeau destiné à Agathe "à n'ouvrir qu'une fois arrivée au Canada" ? Bien entendu, j'ai mon idée (dans un paquet peut-être un peu trop volumineux !). A très bientôt.

mardi 14 novembre 2017

Indépendants

Autant le dire tout de suite: je continue de trouver assez regrettable que le cinéma ne nous conduise pas plus souvent sur le sol africain. Du fait des liens historiques qui nous unissent à l'Algérie, j'ai pensé que j'aurais du plaisir à voir L'Oranais, présenté comme une fresque sur la manière dont le pays a évolué après la guerre d'indépendance...

Chacun aura sa petite idée sur la question et je veux rappeler d'abord que le but de ce blog n'a jamais été d'alimenter le débat politique. Maintenant, il paraît difficilement concevable d'apprécier L'Oranais comme une fiction ordinaire. Le scénario est malin: il nous plonge directement au coeur du sujet et nous invite à nous intéresser rapidement à, non pas un, mais bien deux personnages distincts. Hamid et Jaffar sont amis, mais n'ont pas la même vision des choses dès lors qu'il s'agit de leur pays: le premier nommé accepte le risque de déplaire au colonisateur français, tandis que, prudent, le second aurait plutôt tendance à rester profil bas. C'est ce que nous montre une scène d'introduction, censée se dérouler au cours des années 50. Après une circonstance qui va nouer leur destin, nous retrouverons ensuite les deux compères dans l'Algérie libérée: Hamid en homme politique ambitieux et Jaffar en héros militaire soucieux d'un retour paisible à la vie civile. Ce qui, vous l'imaginez, ne sera pas si simple. Je vous laisse à présent découvrir la suite seuls. J'en ai déjà trop dit !

J'ai bien noté que ce long-métrage n'avait pas reçu que des critiques élogieuses. Cela me surprend un peu, car je ne vois rien d'important susceptible d'amputer son crédit. Clair dans ses enjeux et honnête dans ses intentions, il tient plutôt bien la route, deux heures durant. Tiens... c'est d'ailleurs cette même durée que certains lui reprochent. N'exagérons rien: il existe de nombreux films plus longs que L'Oranais et auxquels personne ne trouve à redire sur ce point très précis. Allons jusqu'au bout: je peux sûrement me montrer plus compréhensif à l'égard de ceux qui disent que le récit peine à trouver une unité entre ses éléments historiques et le sort réservé à ses personnages fictifs. Je le concède: ses quelques allers et venues dans le temps peuvent contribuer à brouiller le message, en compliquant inutilement des choses finalement assez simples. Bon... ça ne m'a pas dérangé. Nul doute qu'il existe un bien meilleur cinéma, algérien ou autre ! Moi, tout bien pensé, j'ai aimé cette fenêtre ouverte sur nos voisins méditerranéens. On ne peut pas dire que l'on croule sous le nombre...

L'Oranais
Film algérien de Lyes Salem (2015)

Un long-métrage "comparable" ? Même s'il se déroule à une époque plus récente, vous pouvez parier quelques kopecks sur Le repenti. D'une certaine façon, le film peut aussi rappeler les grandes histoires de gangsters made in USA, telles que Les affranchis, par exemple. Maintenant, en termes de choc post-traumatique dans un contexte d'après-guerre, on trouve difficilement plus éprouvant qu'Incendies !

lundi 13 novembre 2017

Étoiles en devenir ?

Vous l'avez peut-être noté dans votre agenda: c'est dans un mois pile-poil que sort le nouvel épisode de la saga Star wars. J'en parlerai en temps voulu, mais je me suis dit que je pouvais rédiger ce teaser après m'être souvenu que la trilogie originelle (1977, 1980 et 1983) reposait sur de nombreux inconnus - à l'époque. Et la nouvelle, alors ?

Je me suis tout d'abord intéressé au réalisateur de cet épisode VIII bientôt arrivé en salles. Autant en convenir aussitôt: Rian Johnson est pour moi... un parfait inconnu ! Je note que son CV cinéma reste assez court, puisqu'on n'y compte à ce jour que trois longs-métrages depuis 1996 et la fin de ses études. Cela dit, certain(e)s d'entre vous ont peut-être vu le dernier, Looper, un polar de SF avec Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt. Autres "faits de gloire": quelques épisodes de la série Breaking bad. Bon... rien de franchement incontournable. Je suppose que Disney a pris un anonyme pour formater son produit. On saura donc bientôt si c'était la bonne décision. Je ne l'exclus pas...

Devant l'épisode VII, j'avais en tout cas trouvé que l'actrice choisie pour incarner Rey, la nouvelle héroïne de la saga, s'en sortait bien. Elle aussi plutôt anonyme en 2015, Daisy Ridley a fait du chemin depuis, avec quatre autres films à venir, d'après sa page Wikipédia. La jeune comédienne britannique - elle a 25 ans - a aussi fait parler d'elle en révélant qu'elle était atteinte d'endométriose, une maladie touchant l'utérus, et en militant pour la faire connaître. OK, sa route reste longue pour qu'elle puisse être considérée comme une star hollywoodienne, mais rien ne dit que ce soit son ambition véritable. Elle aussi a fait de la télé, ainsi que du doublage. To be continued...

John Boyega a sensiblement le même parcours. L'interprète de Finn dans la saga Star wars s'est toutefois illustré récemment dans un film remarqué de Kathryn Bigelow: Detroit, dont je reparlerai bientôt. Incontestablement, sa prestation en Stormtropper mutin a constitué pour lui un premier tournant de carrière, à 23 ans seulement. Aujourd'hui, mine de rien, l'acteur est à la tête de sa propre société de production, Upperroom Entertainment, ce qui lui vaudra d'occuper le rôle principal de la suite de Pacific rim, le blockbuster (malaimé) de Guillermo del Toro. Joe Cornish, son tout premier réalisateur, a dit de lui qu'il était "brillant, ambitieux, intelligent et sérieux". Pas mal !

Reste, pour aujourd'hui en tout cas, mon vrai chouchou: Adam Driver. Promis: lui aussi, vous le retrouverez bientôt sur ce blog. J'ai réalisé assez tardivement que le vil Kylo Ren avait fait ses débuts au cinéma devant la caméra de Clint Eastwood (dans J. Edgar, sorti fin 2011). Ses rôles sont parfois petits, d'accord, mais les noms des cinéastes qui lui ont fait confiance s'avèrent impressionnants: dans cette liste récente, mais déjà fournie, Steven Spielberg côtoie les frères Coen, Jeff Nichols, Jim Jarmusch, Martin Scorsese et Steven Soderbergh. Cette "gueule de cinéma" a 33 ans et, donc, tout l'avenir devant elle. Elle sera, bientôt, chez Terry Gilliam, Sylvester Stallone et Spike Lee !

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Post scriptum...
Juste quelques jours après avoir préparé cette chronique, j'ai appris avec stupeur que Disney souhaitait... lancer une nouvelle trilogie. Sans compter les épisodes dérivés, on arrivera à douze films en tout !

Et maintenant, la parole vous est donnée...
Y a-t-il pour vous des acteurs (ou techniciens) de l'univers Star wars récent qui sortent du lot ? Ou la saga est-elle bien trop "écrasante" pour laisser émerger les personnalités ? Je déclare le débat... ouvert !

dimanche 12 novembre 2017

Le président

Une fois n'est pas coutume: je vous parlerai aujourd'hui d'un film quelques jours avant sa sortie officielle. J'ai en effet eu l'opportunité de le découvrir en avant-première, grâce au distributeur et en vue d'une éventuelle projection au cours d'une soirée de mon association. Khibula nous arrive de Géorgie et sera en salles à partir de mercredi.

Une première précision s'impose: quand je parle de Géorgie, j'évoque l'ancienne république soviétique et non l'État américain. Il est vrai sans doute que nous connaissons mal ce pays, qu'un conflit armé opposa à la Russie il y a une dizaine d'années, avant une intervention médiatrice de la France (qui était alors dirigée par Nicolas Sarkozy). Bref... c'est un peu plus tôt dans le temps que va se dérouler l'action du film du jour. Nous sommes en 1993: bien qu'élu démocratiquement à la tête du pays, Zviad Gamsakhourdia arpente les hautes montagnes du Caucase, coincé qu'il est entre sa volonté de revenir aux affaires et le constat objectif qu'un coup d'État l'en a écarté. Je dois ajouter que le film ne nomme jamais ce personnage historique: les partisans qu'il a réunis autour de lui, ainsi que les quelques citoyens ordinaires dont il croise le chemin, l'appellent tous "Le président". On suppose qu'il est resté populaire, mais ce respect est peut-être lié à la peur...

Khibula ne lève le mystère de son titre qu'à la toute fin du métrage. Tout ce qui précède n'est pas véritablement passionnant et s'écarte résolument des codes du film d'action. Les quelques coups de feu entendus ici et là matérialisent certes une menace pour le président déchu, mais ce dernier, entouré d'un nombre de fidèles plus faible chaque jour, est plutôt amené à fuir qu'à négocier sa reddition. L'idée serait alors de nous montrer la progression inéluctable de sa lassitude face à ces événements. La caméra se tourne aussi vers les Géorgiens qu'il rencontre et lui impose une sorte de prise de conscience tardive de leurs difficultés. J'ai lu ensuite que le vrai Zviad Gamsakhourdia n'était pas un tendre, loin de là, et que son court passage au pouvoir avait été marqué par des dérives autoritaires. Le film n'en dit rien ! Vous devrez vous débrouiller seuls, en l'absence de toute explication sur le contexte. Pour ma part, j'ai aimé les quelques clairs-obscurs des scènes intérieures et l'intérêt relatif porté à la jeunesse du pays. Cela n'aura cependant pas suffi: je me suis, parfois, un peu ennuyé...

Khibula
Film géorgien de George Ovashvili (2017)

Sur l'exil d'un président légitime, Neruda m'a paru plus intéressant. Bon bon bon... de par son origine géographique, il est dur de trouver un équivalent à ce film (en mieux). Je joue donc la facilité et choisis de vous conseiller La terre éphémère, autre opus du même cinéaste déjà présenté sur les Bobines. Après, je peux et veux dire également que les plans dans la neige m'ont rappelé La chevauchée des bannis !