samedi 31 juillet 2021

JPG côté ciné

J'ai mis du temps à décider de ce dont je voulais parler aujourd'hui. Au départ, je pensais écrire une chronique à haute teneur vindicative contre Disney, qui ne diffuse les deux derniers Pixar (Soul et Luca) que sur sa plateforme VOD. J'y ai donc renoncé... pour l'instant ! Avant de me fâcher tout rouge, j'ai fini par remarquer que l'expo consacrée au génie de Louis de Funès à la Cinémathèque française fermait ses portes demain et qu'un nouvel accrochage était annoncé pour l'automne prochain - et, plus précisément, à partir du 6 octobre !

Ô joie: cela fait un chouette prolongement à ma chronique de jeudi ! Cinémode - c'est l'intitulé de ce nouvel événement - rendra hommage à Jean-Paul Gaultier. On dit que le styliste est un cinéphile passionné. Il lui est en tout cas arrivé de créer des costumes pour le cinéma. Autre signe d'une réelle connivence: il fut l'une des rares personnalités non directement liées au septième art à participer au jury du Festival de Cannes (c'était en 2012, sous la présidence de Nanni Moretti) ! Apparemment, l'expo à venir parlera bel et bien de ce lien privilégié qu'il entretient avec l'écran, mais aussi du travail d'autres créateurs de mode. NB: elle sera ouverte au public jusqu'au 16 janvier 2022. J'ignore si j'aurai l'occasion de la voir, mais ce n'est pas à exclure. Évidemment, si c'est le cas, je vous en reparlerai le moment venu. D'ici là, avec ou sans JPG, j'ai plein d'autres films à vous présenter. Le prochain, demain, ce sera un dessin animé ! Mais pas un Disney...

jeudi 29 juillet 2021

Le diable en Emma

Voir les dessins animés Disney reproduits en films en images réelles ne doit plus étonner personne. Simple exemple: arrivé sur les écrans dès 1961, Les 101 dalmatiens était repassé à la moulinette en 1996. Mickey ne s'est pas arrêté là: cette année, une nouvelle suite donnée à son histoire - euh... non, un début ! - a envahi les salles obscures...

Cruella
raconte comment une modeste gamine élevée par sa mère célibataire s'est ensuite acoquinée avec deux petits voleurs, a gardé son goût pour la mode, est devenue styliste auprès d'une patronne d'une arrogance rare et s'est petit à petit transformée en fashionista sans scrupule, prête, pourquoi pas ? à utiliser de la peau de chien pour faire des manteaux. Bon... tout cela donne lieu à l'un des films les plus "adultes" que le studio aux grandes oreilles ait jamais créés. Porté par une bande son rock réjouissante, ce long-métrage explosif dispose d'atouts incontestables pour séduire un public familial élargi. Son Swinging London des années 60-70 vaut à lui seul un coup d'oeil...

Le duel Emma Stone / Emma Thompson mérite aussi votre attention. La première a 32 ans, la seconde trente de plus: la guerre de look qu'elles se livrent est féroce et garantit au public quelques morceaux de bravoure proches de ceux que proposent les films de superhéros ! Du coup, Cruella est réussi, avec un rythme d'enfer et des trouvailles amusantes pour illustrer cette rivalité féminine, mais sans surprise véritable quant au déroulé du scénario. Le popcorn movie le plus fun ne peut offrir que ce qu'il est: une sucrerie certes joliment emballée dans un papier brillant, mais dont le goût en bouche se dissipe vite. Ce n'est pas une raison, me direz-vous, pour bouder son plaisir d'éternel enfant devant un spectacle efficace et haut en couleurs. Vous avez raison ! Je garde donc mes chipotages pour un autre jour...

Cruella

Film américain de Craig Gillespie (2021)
À l'heure du grand bilan, ce tout nouvel opus made in Disney m'apparaît plus solide que certains autres de la dernière génération. Je râlerai une autre fois sur les pratiques de l'entreprise et souligne que, finalement, j'ai vu pas mal de ces films tirés des dessins animés classiques. Pour l'heure, Le livre de la jungle reste mon préféré. Sachez que Cendrillon et Dumbo tirent eux aussi leur épingle du jeu !

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Une dernière touche féminine ?

Pascale a écrit quelques mots sur le film dans l'une de ses chroniques.

mardi 27 juillet 2021

En dépit des épines

Vous souvenez-vous ? À un horticulteur qui lui parlait des difficultés de sa profession, Emmanuel Macron avait répondu qu'il pouvait trouver du travail dans l'hôtellerie ou la restauration... en traversant la rue ! Mon film du jour a pour héroïne une cultivatrice de roses. Rose... cette fiction témoigne, justement, que la réalité ne l'est pas !

Revoir Catherine Frot dans la peau de l'héritière fauchée d'un domaine floral m'a bien plu. Décidément, je la croise beaucoup, en ce moment, mais l'actrice m'apparaît encore une fois d'une sensibilité de jeu appréciable. Pour être franc, j'ai eu peur: le personnage secondaire qu'incarne - moyennement - Vincent Dedienne s'avère un "méchant" assez caricatural. Idem pour ceux qui sont les employés de la roseraie de Dame Catherine: leur apparition dans le film est plutôt médiocre. Heureusement, cela s'arrange ensuite: La fine fleur devient un film très sympa, qui offre même quelques rebondissements inattendus. Cette comédie légère est aussi une (mini-)chronique sociale. Bien vu !

La réussite de ce long-métrage tient à son bon équilibre: les acteurs connus partagent volontiers la vedette avec les "anonymes", en fait. Après, tout ce qui concerne l'horticulture est exposé sans dérive jargonneuse: on ne saisit pas tout, mais on comprend bien l'essentiel. Honnêtement, sans traverser la rue, j'ai appris beaucoup de choses intéressantes. En un mot, La fine fleur est une vraie bonne surprise ! Sans prétention, le film tient fort bien son rôle de divertissement intelligent: il est certes clair qu'il ne changera pas à jamais le visage de notre cinéma national, mais c'est un programme tout à fait décent pour toute la famille. Mes parents l'ont d'ailleurs apprécié, eux aussi. Ultime précision pour les passionnés de fleurs: le dossier de presse livre pas mal d'infos sur l'industrie de la rose et les créateurs français.

La fine fleur
Film français de Pierre Pinaud (2021)

Coup de coeur (raisonnable) pour ce petit film dépourvu d'esbroufe. Quand le cinéma français nous offre ça, je tiens à lui dire merci. Bon... l'étude du monde rural ne va pas aussi loin que dans Revenir ou Petit paysan, mais peu importe: j'ai passé un chouette moment. Pour une autre vision du commerce des fleurs, vous pourriez vouloir jeter un oeil sur Tulip fever. NB: ce n'est pas du tout le même genre !

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Et pour en revenir au film d'aujourd'hui...

Je vous conseille de conclure en allant faire un petit tour chez Dasola.

lundi 26 juillet 2021

Le père du suspect

Michel Descombes est artisan dans le Vieux-Lyon. Un jour, un flic passe à sa boutique et le conduit hors de la ville, là où on a retrouvé sa camionnette, vide. La police soupçonne Bernard, le fils de Michel, d'avoir fui avec une fille après avoir tué un autre homme. Un choc ! La suite tient plus à mon avis de l'étude de moeurs que de l'enquête...

L'horloger de Saint-Paul
fut le premier film de Bertrand Tavernier. Quelques mois après la mort du réalisateur, le découvrir m'a permis de retrouver deux acteurs parmi les plus grands de mon Panthéon personnel: Philippe Noiret et Jean Rochefort. Je n'ai pas aimé le film autant que leur jeu et leur évidente complémentarité / complicité. Sans eux, il est probable que tout cela n'ait pas eu la même saveur. L'intérêt du film se focalise essentiellement sur les évolutions psychologiques de ce (beau) personnage de père, tout d'abord muet d'incompréhension et prêt à rejeter son fils, puis relativement nuancé face à son avocat et se déclarant même solidaire devant les jurés d'assises. Assurément, la justice, les forces de l'ordre et les médias n'ont pas le beau rôle: on sent bien que l'homme derrière la caméra n'apprécient guère leurs représentants, mais j'ai regretté un propos parfois très caricatural - cela correspond bien à l'époque, peut-être. Petite déception qui privera le long-métrage d'une note supérieure. Oui, mais cet opus a initié une carrière de 42 ans. Là, je dis respect !

L'horloger de Saint-Paul
Film français de Bertrand Tavernier (1974)

Cette adaptation d'un roman de Simenon m'a paru assez littéraire. Intéressante, c'est vrai, mais un brin trop bavarde. Rien à reprocher d'important aux acteurs, investis comme on rêverait qu'ils le soient. J'avoue: j'ai préféré la confrontation flic / suspect de Garde à vue. L'interrogatoire de Roubaix, une lumière mérite qu'on s'y attarde. Côté jeunesse criminelle, L'appât (de... Tavernier !) est à voir aussi.

samedi 24 juillet 2021

Des vies sur la route

Est-ce parce qu'elle peut générer le produit intérieur brut le plus élevé qu'on dit de l'économie américaine qu'elle est la première au monde ? Oscar du meilleur film 2021, Nomadland nous rappelle que le système choisi aux États-Unis laisse encore beaucoup de simples travailleurs sur le bord du chemin. Et j'oserai ajouter: "Et pourtant, ils roulent"...

J'avais apprécié les deux premiers films de Chloé Zhao et été étonné qu'elle ait décidé d'introduire une tête d'affiche dans son cinéma. Toutefois, avec Frances McDormand, je n'étais pas inquiet: je savais que cette actrice, à 64 ans désormais, risquait peu de me décevoir. Oscarisée elle aussi, elle incarne ici une dénommée Fern, qu'une crise majeure, additionnée à son veuvage, conduit à sillonner l'Amérique de long en large, à la recherche d'emplois évidemment précaires. Quelque chose de son parcours tient de la boucle: même s'il lui arrive de prendre un chemin de traverse, Fern connaît aussi les grands axes et, au terme d'une année complète de petits boulots, semble revenir toujours au même endroit pour ouvrir un énième cycle de labeur. Comme à l'accoutumée, la réalisatrice, elle, place des personnages réels dans sa fiction, ce qui renforce encore le propos de Nomadland. J'aime beaucoup la manière dont elle intègre ces gens à son scénario !

"See you down the road"
... vous pourriez craindre qu'un tel sujet dérive lentement vers un profond pessimisme, renforcé par la rigueur de certains des paysages que la caméra nous propose de traverser. Soyez rassurés: si le film, tiré d'un livre, n'est pas un pamphlet politique, il n'est pas non plus l'illustration d'un négativisme résigné. C'est même le contraire (ou presque): son héroïne ne saisit pas forcément toutes les perches qui lui sont tendues, mais Nomadland démontre qu'il existe encore bien des solidarités réelles et actives. Admiratif, je renoue avec le fil des grands romans de John Steinbeck. Autre écho lointain: les protagonistes du film rappellent les pionniers qui, il y a de cela plusieurs siècles déjà, découvrirent le sol américain et le défrichèrent pour en faire le pays que l'on connaît aujourd'hui. Notez d'ailleurs qu'un dialogue reprend cette idée... et démontre alors les limites de ce parallèle: la misère n'a rien d'une grande aventure ! Et c'est un autre des - beaux - mérites de ce long-métrage de montrer que partir de chez soi ne tient pas qu'à l'envie de coloniser les autres !

Nomadland
Film américain de Chloé Zhao (2020)

Je n'ai pas vu les autres candidats, mais cet opus mérite les Oscars qu'il a obtenus (meilleur film, meilleure actrice, meilleure réalisation). Cela affirmé, il n'est évidemment pas le seul film à montrer la face pauvre des États-Unis: sur ce point, Certaines femmes est à voir ! Putty Hill peut aussi être un plan B pour son approche documentaire. Vous êtes cordialement invités à afficher ici vos propres références...

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Vous voudriez poursuivre sur la même voie ?

Je vous conduis donc tout droit chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

vendredi 23 juillet 2021

Tenir ensemble

Vous l'aurez peut-être aperçu dans un épisode de Bref, la mini-série de son pote Kyan Khojandi. Kheiron (alias Manouchehr Tabib) a 38 ans et, issu du stand-up, semble gentiment faire sa place dans le cinéma français. Sorti fin 2015, le film que je souhaitais aborder avec vous ce midi s'intitule Nous trois ou rien. Et c'est sa première réalisation !

Si vous voulez préserver la surprise, je vous conseille de le regarder avant de lire cette chronique. C'est bon ? Vous êtes toujours là ? OK. Nous trois ou rien nous expose l'histoire des parents de Kheiron, jeunes Iraniens nés dans un petit village à la toute fin des années 40. À l'époque, leur pays est dirigé par le Shah, un monarque-dictateur peu enclin à concéder quoi que ce soit à ses opposants politiques. Bientôt, la jeunesse s'enthousiasme pour un autre leader, qui trahira pourtant vite son idéal démocratique: l'ayatollah Rouhollah Khomeini. C'est ce reniement qui finit par inciter les Tabib à émigrer en France. Surprise: pour raconter cette histoire, le film joue sur des tonalités diverses, passant dès lors du drame à la pure comédie (et vice-versa) sans que cela paraisse jamais incongru. Kheiron est joliment inspiré quand il joue son propre père et illustre son incroyable vie d'homme de bonne volonté. À ses côtés, la sublime Leïla Bekhti est parfaite. J'ai aussi apprécié Zabou Breitman, Gérard Darmon, Michel Vuillermoz et Alexandre Astier - en version orientale du roi Arthur de Kaamelott !

Nous trois ou rien
Film français de Kheiron (2015)

Une vraie curiosité de cinéma ! Je la recommande à celles et ceux qui, comme moi, pensent que le septième art peut être une fenêtre ouverte sur le monde. Après cela, on peut aimer (re)voir Persepolis ou choisir un film iranien porteur d'un propos de nature politique comme peuvent l'être, entre autres, Le client et Un homme intègre. Il est sûr que, dans l'ensemble, mon opus du jour est plus optimiste...

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Un dernier clic avant de partir ?

Vous verrez: Laurent a arrêté son blog, mais avait déjà parlé du film. Oups... Pascale m'a gentiment signalé en commentaires qu'elle aussi !

mercredi 21 juillet 2021

Un peu plus près des étoiles

12 avril 1961. Il est 6h07. Youri Gagarine, un jeune pilote de chasse soviétique, quitte la base de Baïkonour à bord du vaisseau Vostok 3KA et devient le premier homme dans l'espace. Une cité HLM à son nom sera inaugurée deux ans plus tard à Ivry-sur-Seine (en sa présence). Le vaste ensemble architectural a finalement été rasé en août 2019...

Aujourd'hui, Gagarine est le titre d'un film français: le premier long d'un duo de jeunes réalisateurs, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. Prévu pour être dévoilé à Cannes l'année dernière, il a été rattrapé par les contraintes sanitaires et n'a pu être projeté en avant-première qu'au Festival du film de Zurich, à la toute fin du mois de septembre. Que raconte-t-il ? L'histoire de... Youri, un ado de la cité Gagarine. Attaché à ce lieu où il a toujours vécu, il s'inquiète de sa destruction programmée et tente de s'y opposer, avec les faibles moyens du bord et l'énergie de son désespoir à moitié exprimé. Pour mener ce combat digne de Don Quichotte, le jeune homme s'appuie aussi sur l'amitié fidèle d'un ami de longue date et l'indéniable fougue d'une jolie Rom des environs. Nous voilà invités à décoller avec tout ce beau monde...

Gagarine
est un film comme il en existe (trop) peu dans le cinéma français: une chronique sociale qui s'autorise de belles échappées oniriques. Non exempt de défauts, mais sincère et bien joué, l'opus parvient sans difficulté à nous faire partager son regard bienveillant sur la banlieue et crédibilise du même coup tout ce qu'il peut contenir d'invraisemblable. C'est d'autant plus notable qu'au départ, il s'agissait d'un simple court-métrage que ses auteurs avaient décidé d'allonger. Pour arriver à leurs fins, lesdits auteurs ont travaillé directement avec les vrais habitants de la cité - et ce semble-t-il sur une période longue. J'insiste donc pour le dire: le résultat est tout à fait probant. Un petit mot encore pour la musique, qui est l'oeuvre de deux frères déjà entendus ailleurs avec bonheur: Sacha et Evgueni Galperine. Bon... seuls 26.000 spectateurs avaient vu le film en salles au terme de la première semaine d'exploitation. Faites-moi grimper ce chiffre !

Gagarine
Film français de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (2020)

Une oeuvre originale qui mérite largement toute votre considération. Au coeur d'une jolie distribution, le débutant Alseni Bathily s'en sort avec un certain talent, bientôt rejoint à l'écran par une Lyna Khoudri décidément prometteuse. Je n'avais rien vu d'aussi neuf et singulier sur la banlieue depuis longtemps (Bande de filles ? Mercuriales ?). Aquarius pourrait aussi servir d'exemple d'acharnement immobilier...

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Pas d'autres cosmonautes volontaires dans la salle, donc ?

Si, si: je vois au moins la main de Dasola se lever. Ça me fait plaisir !

mardi 20 juillet 2021

Si ce n'est lui...

Que sait-on précisément des motivations qui poussèrent des femmes et des hommes de France à s'engager dans la Résistance ? J'imagine volontiers qu'avant la disparition des acteurs de la Seconde guerre mondiale, les historiens se sont largement penchés sur la question. Sorti dès 1959, mon film d'aujourd'hui l'aborde... en comité restreint !

Marie-Octobre
part d'un scénario original fort intéressant: quinze ans après la Libération, les anciens membres d'un réseau se retrouvent autour d'un repas de fête, dans la belle demeure de l'un des leurs. Passée la joie sincère des retrouvailles, le gros de la troupe découvre soudain que la seule femme du groupe avait pour sa part une idée derrière la tête: celle de confondre enfin celui qui, parmi ces hommes rescapés des heures sombres, avait jadis osé dénoncer leur réunion secrète à la Gestapo et, de par cette trahison, causé la mort du chef de la bande. J'ose le dire et l'écrire: un suspense à la Agatha Christie s'instaure alors, avec Danielle Darrieux en digne incarnation féminine d'Hercule Poirot. Un large défilé des grands acteurs de l'époque l'accompagne joliment - je vais citer Lino Ventura, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Bernard Blier ou encore Paul Meurisse, entre autres. La recherche du coupable est intéressante à suivre, mais le constat des tensions entre les ex-compagnons d'armes ne l'est pas moins. Double coup de coeur personnel, donc, pour ce classique "bien ficelé" !

Marie-Octobre
Film français de Julien Duvivier (1959)

Je voudrais bien pouvoir vous confirmer que l'oeuvre de ce cinéaste est marquée par une certaine noirceur, mais je crains qu'il me faille attendre encore un peu: c'était en effet mon tout premier Duvivier. Pour une rencontre inaugurale, je n'ai assurément rien à regretter. Sur le thème et avec quelques mêmes acteurs, L'armée des ombres fait référence. J'aime aussi L'armée du crime... ou Une vie cachée !

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Pour aller plus loin avec le film...

Je vous recommande la lecture du texte bien inspiré de Princécranoir.

lundi 19 juillet 2021

Au nom des mères

Je vous l'ai déjà dit: j'estime que le cinéma nous ouvre au monde. Exemple: il y a sûrement peu de chance que le Guatemala soit un pays que je visite, mais voilà qu'un long-métrage m'a donné l'opportunité d'un peu mieux le connaître. Je rappelle donc que cet État d'Amérique latine est voisin du Mexique, du Honduras, du Salvador et du Belize...

Le 15 septembre prochain, cela fera pile deux siècles que l'ex-colonie espagnole est devenue indépendante. Son histoire encore récente apparaît moins réjouissante: un conflit armé a ravagé le Guatemala entre 1960 et 1996, causant 200.000 morts et 45.000 disparus. Aujourd'hui, bien sûr, il en reste des traces... et Nuestras madres aborde ce sujet en s'intéressant à Ernesto, un jeune anthropologue mandaté pour mettre un nom sur les squelettes découverts ici et là. Lui-même recherche son père, qu'il n'a jamais véritablement connu...

Vous pouvez l'imaginer: je ne vous parle certes pas d'une comédie. Inédit dans les salles en France, cet opus a pourtant fait parler de lui dans notre cher pays en étant sélectionné au Festival de Cannes 2019 et en y décrochant la Caméra d'or - le prix réservé aux premiers films. Même récompense obtenue aux Magritte belges, ce qui peut étonner jusqu'à ce que l'on découvre que le film compte aussi des producteurs bruxellois. Rien ne me choque: c'est une oeuvre d'une sincérité touchante et sans doute de grande valeur symbolique au Guatemala. En effet, le réalisateur pense qu'il était le premier à traiter ce sujet de cette manière et a voulu rester proche d'un "document historique". Rassurez-vous: pas besoin de tout savoir pour apprécier. D'une durée d'à peine une heure et quart, le film laisse bien le temps d'approfondir ses connaissances - si, bien sûr, on en ressent l'envie et/ou l'utilité. Au premier degré, cela reste compréhensible. Et pas si "dur" que cela.

Nuestras madres
Film guatémaltèque de César Diaz (2019)

Je reviens sur le dernier point: plus que comme une tragédie, le film m'apparaît comme un hommage au courage du peuple du Guatemala et en particulier aux très nombreuses femmes victimes de la guerre civile (et je ne vous ai même pas parlé des discriminations raciales). Ah... une info: je devrais voir un autre film guatémaltèque d'ici peu. D'ici là, vous pourriez découvrir le premier arrivé en France: Ixcanul !

samedi 17 juillet 2021

Un couple sous tension

J'ai quelques très bons souvenirs d'adolescence avec Kevin Costner. C'est clairement lui qui m'aura motivé à aller voir L'un des nôtres. Non sans surprise, j'ai l'impression que le film est sorti en catimini dans les salles françaises. Peut-être que la Covid y est également pour quelque chose. Bref, ce n'est assurément pas le plus important...

Margaret et George Blackledge ont la soixantaine et vivent en paix dans leur ranch du Montana. Leur retraite semble idéale jusqu'au jour où James, leur fils, meurt dans une chute de cheval - un drame d'autant plus abominable que le défunt laisse derrière lui une femme et un petit garçon de trois ans. Lorna, la veuve, se remarie vite. Bientôt, sans avertir personne, elle disparaît avec son nouvel époux. Margaret et George s'en émeuvent et c'est logique: ce Donnie Weboy est un homme violent et, de ce fait, une menace pour leur petit-fils. Comment l'empêcher de nuire ? C'est bien la question centrale du film. Même si ce dernier prend parfois des chemins de traverse, la tension monte petit à petit, à mesure que les caractères des personnages principaux et de leurs antagonistes s'affinent. Je saluerai ici le travail du cast: Diane Lane forme avec Kevin Costner un couple convaincant, Lesley Manville est une méchante de premier ordre, Jeffrey Donovan un redneck plus vrai que nature et Kayli Carter une "femme perdue" parfaitement crédible. Nul besoin de longs dialogues explicatifs, donc.

Allez... si je décortiquais le film en détails, je lui trouverais sûrement quelques petits défauts. Disons que je n'ai rien vu de rédhibitoire. Venu d'un cinéaste réputé avoir mis en scène une bluette 100% sucre du côté de Monte-Carlo, on pouvait franchement s'attendre au pire ! Mais non: L'un des nôtres est très objectivement un long-métrage académique, mais dans le bon sens du terme. On pourrait le découper en trois parties (de longueur et de genre variables) et être intéressé par chacune d'entre elles: une preuve que le scénario est bien ficelé. Sur le plan formel, maintenant, l'amoureux éternel des grands espaces américains qui veille en moi a retrouvé un peu de l'âme des westerns d'antan - et ce bien que le récit se déroule à l'aube des années 1960. L'époque est très joliment reconstituée, avec un p'tit côté road movie qui devrait plaire aux fanas de mécaniques automobiles anciennes. Vous l'aurez compris: il y a beaucoup de bonnes choses à prendre. Suffisamment en tout cas, à mon humble avis, pour ne pas chipoter. Et puis, vous savez bien que ce n'est guère dans mes habitudes, non ?

L'un des nôtres
Film américain de Thomas Bezucha (2020)

Une histoire somme toute banale, pas très réaliste, mais bien jouée et joliment mise en images: oui, j'ai passé un vrai bon moment. J'aime ce cinéma américain sans esbroufe, porté par les acteurs. Dans une veine assez proche, Comancheria est encore meilleur ! D'une certaine façon, je pense également aux films de Jeff Nichols comme Mud ou Loving. Des longs-métrages populaires et intelligents.

vendredi 16 juillet 2021

Retrouver la paix

"Moi, mon colon, celle que j'préfère, c'est la guerre de 14-18"... il y a des admiratrices ou -teurs de Georges Brassens, par ici ? Il se peut que ce vers les incite à découvrir le film d'aujourd'hui: Cessez-le-feu. Les autres seraient inspirés de le voir aussi, car c'est un long-métrage sensible et intéressant. Une fiction, inspirée de la réalité des Poilus...

1916. La bataille fait rage sur le front de l'Argonne. Une tranchée française réunit des soldats épuisés, s'efforçant de tenir la position sous la mitraille ennemie. Georges Laffont s'en sort, mais un obus tombé à proximité propulse sur lui la chair de l'un de ses camarades. Sept ans passent: on retrouve l'ex-fantassin en Afrique, où il est parti pour tenter d'oublier l'horreur de ce qu'il a vécu. Un incident soudain l'oblige alors à rentrer en France et à retrouver son frère Marcel, muet depuis sa propre démobilisation. Comment revivre ? C'est la question essentielle que pose le scénario, écrit par le réalisateur lui-même. Élégant et romanesque, Cessez-le-feu repose en outre sur un casting remarquable: au premier rang, j'ai été ravi d'y revoir Romain Duris. Avec Céline Sallette, Julie-Marie Parmentier et Grégory Gadebois dans les autres rôles principaux, il y a de quoi contenter le cinéphile. Ma liste de belles oeuvres consacrées à la Première guerre mondiale s'allonge donc d'un nouvel opus, que vous pouvez regarder sans délai. J'insiste: pas besoin d'attendre la rituelle cérémonie du 11 novembre !

Cessez-le-feu
Film français d'Emmanuel Courcol (2017)

Une réussite à tous les points de vue: l'un des meilleurs films français que j'ai pu découvrir au cours du premier semestre de cette année. Âgé de 63 ans, le réalisateur indique que le premier conflit mondial fait partie de son histoire familiale. Son travail a la belle intensité d'autres oeuvres comme La chambre des officiers ou Les fragments d'Antonin. Hep ! Si vous avez d'autres références, je reste preneur...

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Quelques auteurs de blog ont vu le film avant moi...

Vous pourrez donc le retrouver chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

jeudi 15 juillet 2021

Sous l'uniforme

Hiver 1978-79. Une jeune femme anonyme enfourche une mobylette pour un court déplacement de nuit. Une voiture la dépasse et se rabat si vite qu'elle manque de provoquer un accident. Quelques minutes passent: au loin, le véhicule fait demi-tour pour revenir à vive allure sur la mauvaise voie ! Et, cette fois, la collision ne peut être évitée...

On l'avait surnommé "le tueur de l'Oise". Tout au long d'un parcours criminel long de dix-huit mois, Alain Lamare a agressé cinq femmes et en a assassiné une. Il volait des voitures et, deux fois, est allé jusqu'à piéger celles qu'il abandonnait pour mieux effacer toute trace compromettante. Sous le choc, l'opinion publique a fini par apprendre que le monstre était en fait... un gendarme, en charge de l'enquête sur ses propres agissements ! La prochaine fois je viserai le coeur raconte cette histoire sordide et réserve à Guillaume Canet un rôle susceptible de casser une fois pour toutes son image de gendre idéal. Est-ce que c'est audacieux de sa part ? Oui, peut-être. Un petit peu...

Je n'ai jamais été un grand fan du compagnon de Marion Cotillard. Plus âgé que son personnage, l'acteur mise ici sur une composition sobre et ne fait pas peur - à l'inverse de ce que j'avais pu lire ici et là. Ana Girardot, qui l'accompagne, passe elle aussi presque inaperçue. Je peux comprendre que le film n'explique pas les atrocités commises par Lamare, la justice elle-même l'ayant de fait déclaré irresponsable. De là à se contenter de ce long-métrage (très) illustratif, il y a un pas que j'ai bien du mal à franchir, enquiquiné que je suis par l'absence d'un point de vue sur ce dossier. En résumé, je m'attendais à mieux ! Je n'ai rien vu de honteux, c'est vrai, mais rien de folichon non plus...

La prochaine fois je viserai le coeur
Film français de Cédric Anger (2014)

Ma note est sans doute un peu sévère, mais je suis resté sur ma faim avec ce polar, sans suspense ni frisson. On reste loin d'un classique du genre ou d'un long-métrage récent comme le brillant L'affaire SK1. Et je ne vous reparlerai pas aujourd'hui des grands films étrangers que sont aussi Memories of murder, Zodiac ou Une pluie sans fin ! Maintenant, c'est entendu: rien ne saurait vous interdire de cliquer...

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Et si vous souhaitez voir les choses sous un autre angle...

Je signale qu'une autre critique vous attend du côté de chez Pascale.

mercredi 14 juillet 2021

Nos (p)références

Un, deux, trois, quatre, cinq... je me suis rapidement pris au jeu. Vous avez compté aussi ? J'ai vu successivement CINQ films réalisés par des femmes. J'ai pensé que cela pourrait être une bonne idée d'établir un bilan personnel sur la manière dont la condition féminine progresse - ou non - au cinéma. Et je la retiens... pour un autre jour !

Aujourd'hui, nous célébrons la Fête nationale et je préfère donc parler du septième art en France, afin de rapidement solliciter votre avis. J'aimerais en fait que vous me disiez ce que serait, pour vous, le film français par excellence, avant qu'éventuellement, nous en débattions. De mon côté, je pourrais par exemple choisir Cyrano de Bergerac. J'ai également un gros faible pour certains grands films du patrimoine tels que Marius, Le jour se lève ou bien encore Madame de... ! Évidemment, tout n'est pas forcément mesurable et ainsi comparable. Si j'ose écrire, c'est aussi (et avant tout) une question de feeling. Demain, c'est promis, je vais revenir avec un nouveau film français...

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Je vous dois tout de même une explication...

La photo qui accompagne ce texte date du dimanche 4 janvier 1948. Ce jour-là, plus de dix mille personnes ont défilé sur les boulevards parisiens, avec, en tête de cortège, les cinéastes Jacques Becker, Jean Grémillon, Louis Daquin, Yves Allégret, et aussi les comédiennes et comédiens Jean Marais, Simone Signoret, Madeleine Sologne, Raymond Bussières, pour défendre le cinéma français face à son rival américain. Les choses ont-elles changé en mieux depuis ? Pas certain. Et même si, sur Mille et une bobines, Hollywood est moins écrasant...

lundi 12 juillet 2021

Pour la gloire ?

J'ai pensé un temps intituler cette chronique "En terrain glissant". Pourquoi ai-je renoncé ? Pour éviter un cliché facile à l'heure d'aborder un film dont l'action se déroule dans le milieu du ski de compétition. Au fond, Slalom est déjà un titre explicite. Ce sont ses acteurs principaux - Noée Abita et Jérémie Renier - qui m'ont attiré vers lui...

Lyz, 15 ans, est élève en sport-études dans un lycée des Alpes françaises. Fred, son coach, lui mène la vie dure, mais est persuadé qu'elle a "du potentiel". Oui, mais voilà... quand la môme commence à gagner quelques courses, l'entraîneur dépasse soudain ses fonctions pour l'emmener sur une pente dangereuse (autre cliché, d'accord...). Premier film d'une jeune réalisatrice, Slalom s'inscrit dans une veine très actuelle autour des abus sexuels et de la libération progressive de la parole des victimes en général - et des femmes en particulier. Charlène Favier indique qu'elle a longtemps intériorisé les violences qu'elle a subies adolescente et que "le film a irrigué de (son) histoire personnelle", mais souligne qu'il n'en est pas une véritable réplique. C'est, dit-elle, en cours de scénario dans une grande école de cinéma parisienne qu'elle est parvenue à écrire ce qu'elle portait en elle depuis longtemps, "à faire sauter le verrou". Besoin d'avoir du recul...

Noée Abita, elle, a travaillé deux mois (seule !) avec une sportive professionnelle pour s'imprégner physiquement de son personnage. Idem pour Jérémie Renier, censé évoluer sur une gamme de jeu étendue, entre douceur et agressivité. Mon avis ? Ça "marche" bien. Slalom ne saurait être réduit à un simple film de performances d'acteurs, mais il n'aurait très probablement pas la même intensité dramatique avec d'autres comédiens. J'ai aussi vu de belles choses dans la forme adoptée, à commencer par une photo remarquable. Filmée ainsi, la montagne est belle, oui, mais est également un décor onirique, a fortiori quand y sont introduites des couleurs différentes de ce qu'elles peuvent être dans la réalité. C'est bien sûr le symbole que quelque chose va se détraquer dans la relation des protagonistes du récit, plus nuancé qu'il ne peut le paraître au tout premier abord. Je pense toutefois que les amateurs de ski n'auront pas à le regretter.

Slalom
Film français de Charlène Favier (2021)

Il faut bien comprendre une chose: ce n'est pas un film sur le sport. Même pour mesurer ses dérives, il vaudra mieux (re)voir Foxcatcher ou à la rigueur Diamantino (dans un tout autre genre, cela dit). Difficile également, sur l'emprise, de passer à côté de The master. Reste que Slalom suit sa propre voie et qu'elle est assez intéressante. Coup de chapeau à Noée Abita, 22 ans et aussi intense que dans Ava !

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Retardé par la crise Covid, le film fait une sortie discrète...

Vous verrez néanmoins que Pascale n'est pas tout à fait de mon avis.

dimanche 11 juillet 2021

Atomique

On nous dit qu'elles sont la condition sine qua non de l'indépendance énergétique de notre pays. Il y a actuellement 18 centrales nucléaires en France pour un total de 56 réacteurs. Ce monde relativement clos s'est ouvert au cinéma avec Grand Central (tourné... en Autriche). "Une histoire de prolétaires à la puissance x", lit-on dans Le Monde...

Moi, j'ai surtout vu une histoire d'amour entre Gary, jeune recrue dans une équipe de sous-traitants, et Karole, la copine d'un collègue plus expérimenté. Dans ces rôles, Tahar Rahim et Léa Seydoux paraissent convaincants, la distribution étant clairement un point fort du film puisqu'on y retrouve aussi Olivier Gourmet, Camille Lellouche et Denis Ménochet - et même Nahuel Pérez Biscayart, en prime. Prometteur et documenté, le scénario, lui, s'essouffle un peu trop vite sur la romance adultérine, le contexte ouvrier restant anecdotique. Dommage: je me dis qu'il y avait mieux à faire, même si d'aucuns soulignent que les radiations contaminent... comme les sentiments. Très honnêtement, cet argument ne me convainc qu'à moitié, le film me laissant donc sur ma faim, malgré quelques aspects intéressants et certaines belles scènes (dont une de nuit, très joliment éclairée). C'est vrai qu'on est loin de "l'intimisme parisien" dénoncé par Rue 89 !

Grand Central
Film français de Rebecca Zlotowski (2013)

Un cadre original, un casting des plus intéressants et un long-métrage correct, sans plus. Je n'y ai pas vu la chronique de la précarité sociale mise en avant par certaines des plumes de la critique pro. N'exagérons rien: le film reste regardable. Je préfère juste le regard sur le monde ouvrier d'un Guédiguian (Les neiges du Kilimandjaro). J'aurais pu vous dire Ken Loach, mais je n'ai plus d'exemple en tête...

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En attendant que cela me revienne (ou pas)...

Vous pouvez toujours aller lire une autre chronique: celle de Pascale.

samedi 10 juillet 2021

Mémoires canines

États-Unis, France et Japon: la grande majorité des films d'animation que je regarde vient de l'un de ces trois pays. J'aime là aussi sortir des sentiers battus pour m'aventurer vers des terres moins connues. C'est d'autant plus grisant que l'animation peut prendre des formes très diverses en fonction de l'inspiration des créateurs. Réel bonheur !
 
Ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur un film aussi étonnant que L'extraordinaire voyage de Marona. Même s'il y a des Français et des Belges au générique, je lui attribuerai volontiers la nationalité roumaine de sa conceptrice. Vu et récompensé dans divers festivals internationaux, ce long-métrage a pour "héroïne" une chienne victime d'un accident. Renversée par une voiture, elle pense mourir bientôt et, comme certains peuvent l'imaginer parfois, voit toute sa vie défiler une dernière fois. Est-ce joyeux ? Euh... non, pas vraiment. Pourtant, il y a une bonne dose de tendresse et beaucoup de poésie dans cette histoire triste. Et l'animation est vraiment é-pa-tante ! Difficile de la décrire avec des mots, pour être tout à fait honnête. "Elle m’a donné la liberté nécessaire pour bâtir un environnement visuel unique où l’imaginaire du spectateur puisse se déployer", a dit la réalisatrice. Un environnement très riche et plein de couleurs vives. Cela égaye le propos et, a priori, le rend accessible à tou(te)s. Cette belle (et surprenante) découverte vaut véritablement le détour !

L'extraordinaire voyage de Marona
Film franco-belgo-roumain d'Anca Damian (2019)

L'animation enthousiasme encore le grand enfant que je suis resté ! L'exemple du jour ne peut que m'inciter à repousser les frontières terrestres pour vérifier que l'herbe peut aussi être plus verte ailleurs. Si vous aimez les chiens et ne souhaitez pas aller aussi loin que moi en exploration, il reste La belle et le clochard ou Comme des bêtes. Plans B: rencontrer Le chien du Tibet... et arpenter L'île aux chiens.

jeudi 8 juillet 2021

Une vie de fille

Je n'avais pas spécialement prévu d'aller voir Playlist. J'y suis allé parce que ce jour-là, devant le programme, je n'ai rien trouvé d'autre susceptible de plaire à mes parents, qui étaient alors mes invités. Avec Sara Forestier dans le rôle principal, on gardait aussi l'espoir d'une (bonne) surprise. Je dois bien dire qu'elle n'est jamais arrivée...

Sophie a 26 ans. Elle est serveuse dans une brasserie parisienne. Boulot alimentaire qu'elle quitte pour aller bosser dans une maison d'édition de bandes dessinées. La jeune femme espère pouvoir percer comme auteure et, donc, se faire repérer par son nouveau patron. Évidemment, cela ne sera pas aussi simple, d'autant que notre amie n'a pas étudié en école d'art - et qu'elle est désormais trop "vieille" pour passer les concours d'entrée. En prime, sa vie personnelle ressemble à un désastre, en l'absence de tout copain un peu sérieux. Que dire ? Je me suis vraiment senti étranger à cette histoire de fille. La découvrir ne m'a du coup procuré qu'un plaisir très (trop !) limité...

Playlist
est un premier film. La réalisatrice s'est fait connaître comme... auteure de BD ! Bref, toute ressemblance avec son héroïne n'est pas nécessairement fortuite. Cela précisé, je n'ai pas eu envie de découper le film en séparant le pur imaginaire de la copie du réel. Je n'ai pas non plus franchement accroché à la forme: le noir et blanc m'a paru superfétatoire et le montage sans inspiration particulière. Heureusement, la musique, elle, est bien choisie: un élément positif. Il y a aussi une voix off: confiée à Bertrand Belin, écrivain et chanteur de son état, elle m'aura surtout donné envie d'écouter ses albums. Conclusion: tout cela me semble un peu too much pour que je marche.

Playlist
Film français de Nine Antico (2021)

Je cite la réalisatrice: "Playlist n'est pas un film autobiographique. C'est un patchwork de choses que j'ai vécues ou observées". Dommage... la très belle énergie de Sara Forestier n'est pas en cause dans cette déception, mais je m'attendais à un récit plus incarné. Référence évidente de la cinéaste, Frances Ha me plaît davantage. Tout comme Lady Bird, autre histoire de jeune femme "en germe"...

mercredi 7 juillet 2021

Femmes entre elles

Le nom de Louisa May Alcott vous est-il familier ? Cette romancière américaine est l'auteure du livre Les quatre filles du docteur March. J'en ai récemment découvert la toute dernière adaptation en date. J'étais curieux à l'idée de retrouver Greta Gerwig derrière la caméra. Et très motivé par un casting en or, sans rien connaître de l'histoire...

Le récit nous ramène dans l'Amérique de la Guerre de sécession. Aumônier du côté nordiste, Robert March laisse sa femme et ses filles derrière lui. Comme le roman originel, Les filles du docteur March s'intéresse alors à la destinée des quatre jeunes femmes en devenir. Meg, Jo, Beth et Amy s'aiment, mais sont vraiment très différentes les unes des autres. C'est la deuxième qui sert de pivot au scénario. De nature indépendante, si ce n'est rebelle, Jo espère bien percer comme écrivaine - et tant pis s'il faut pour cela renoncer au mariage. Le film a ceci d'intelligent qu'il nous montre les diverses conséquences de ce choix de vie, très inhabituel (et donc courageux) pour l'époque !

Virtuose, le montage joue sur deux périodes: un présent où les filles sont devenues adultes, un passé où elles sont encore des adolescentes dans la maison des parents. Si on arrive à suivre, c'est passionnant ! Autres grands atouts du film: sa remarquable photo, ses costumes somptueux et ses décors parfaits. C'est bien simple: on s'y croirait. Comme je le disais, j'ai aussi aimé la distribution: Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh, Laura Dern ou Meryl Streep du côté féminin + Timothée Chalamet et Louis Garrel parmi ces messieurs. Tout cela est fort sage, académique même, mais très plaisant, aussi. Et avoir lu le bouquin avant n'est même pas indispensable, je dirais...

Les filles du docteur March
Film américain de Greta Gerwig (2019)
Je croyais avoir affaire à un classique de la littérature britannique ! Maintenant que les pendules sont remises à l'heure, j'ai envie de dire que cela ne change presque rien: l'histoire est belle et bien adaptée. Un peu à la même époque, mais en Angleterre, je vous recommande d'aller voir ce qu'Andrea Arnold a fait avec Les hauts de Hurlevent. Et, s'il vous en avez le temps, de rendre une visite à The young lady.

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Maintenant, si vous voulez recueillir un avis féminin...
Vous pouvez, bien sûr, parcourir aussi les blogs de Pascale et Dasola.

mardi 6 juillet 2021

Cannes quand même

Il aurait dû avoir lieu en mai l'an passé: c'est finalement aujourd'hui que débute le 74ème Festival de Cannes ! Je vis désormais bien loin de la Croisette et n'ai plus le loisir / plaisir d'en entendre la rumeur. J'ai noté toutefois que le président du jury choisi pour l'édition 2020 reste en place: Spike Lee pourra donc évaluer ses petits camarades...

Ce temps fort du cinéma continue de fait d'exercer sur moi un pouvoir d'attraction certain, même s'il est moins intense qu'il ne l'était encore voilà une dizaine d'années. J'aime le côté glamour du rendez-vous cannois, mais m'intéresse surtout à sa dimension cinématographique mondiale. Dans le droit fil du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda et de son homologue sud-coréen Bong Joon-ho, le septième art d'Asie pourra-t-il prétendre à une troisième consécration suprême de rang ? J'en doute, mais, à Cannes, tout est possible (même l'improbable). Bon... je ne me suis qu'à peine penché sur la sélection officielle 2021. Disons que je suivrai les festivités - et résultats - d'un oeil discret. Sauf miracle, je n'en ferai sans doute pas de compte-rendu détaillé après l'attribution des Prix, mais je mettrai à jour ma rubrique dédiée, à droite - et je suis prêt à en reparler dans les commentaires. Un rappel: j'ai quand même vu douze des vingt dernières Palmes d'or !

lundi 5 juillet 2021

Edgar, prince des voleurs

Décembre 1979 - Janvier 2019: le premier film de Hayao Miyazaki aura mis presque quarante ans à arriver dans nos salles de cinéma. Certain(e)s d'entre vous connaissent peut-être déjà le personnage principal, Edgar de la Cambriole, petit-fils officieux d'Arsène Lupin. Avant d'être un héros de film, il apparaissait dans une série animée...

Si j'ai bien compris, c'est parce que les audiences télé de ladite série étaient assez faiblardes que Miyazaki père a été appelé au secours. Partant de là, Le château de Cagliostro a alors connu un parcours artistique complexe, étant d'abord diffusé en France au format VHS dès 1983, puis en 1996. Plusieurs doublages successifs furent réalisés pour le support DVD en 2001, 2006 et 2011. Je vous passe les détails sur le titre du film et/ou le nom des divers protagonistes à l'écran. Parlons plutôt de l'intrigue: Edgar braque le casino de Monte-Carlo avec son ami Jigen, mais ne dérobe en fait que de la fausse monnaie. C'est pourquoi il s'intéresse à un mystérieux comte, qu'il suspecte d'être à l'origine de la fraude. Bientôt, il rencontre une future mariée en fuite. Leur duo connaîtra mille et une aventures rocambolesques...

Autant l'admettre: ce film des débuts ne ressemble pas à un Miyazaki ordinaire. Graphiquement, le maître paraît avoir dû suivre un cahier des charges précis, qui ne correspond guère à son style "naturel". J'ajouterai toutefois qu'avec notamment la présence de machines volantes, on retrouve aussi un peu de ce qui fait sa patte. Sur le plan narratif maintenant, Le château de Cagliostro n'a pas ces aspects écolo-poétiques qui sont la signature du grand animateur japonais. Pourtant, cette oeuvre de commande reste agréable à suivre: le récit offre suffisamment de rebondissements pour que l'on ne s'ennuie pas. Cinq ans passeront avant que Hayao crée un deuxième long-métrage d'animation, six avant qu'il fonde le studio Ghibli avec Isao Takahata. Découvrir ses premiers travaux, c'est également l'occasion de vérifier que son parcours a connu diverses étapes (et n'a jamais été linéaire). Cela m'incite à le respecter encore davantage. Ah, vivement la suite !

Le château de Cagliostro
Film japonais de Hayao Miyazaki (1979)

La carrière du senseï partait ici sur de bonnes bases, même s'il a fait beaucoup mieux encore après cela. J'ai été ravi de faire connaissance avec Edgar, présent au ciné dès 1978 dans Le secret de Mamo, opus de lancement signé Soji Yoshikawa. Il m'en reste plein à découvrir ! Avant tout, je vous invite à nouveau à vous retourner sur les succès de Hayao Miyazaki et dès lors à revoir Nausicaä de la vallée du vent.

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Juste histoire d'être complet sur le film du jour...

Je vous suggère de lire la chronique publiée par "L'oeil sur l'écran". Une occasion d'en savoir plus sur l'Arsène Lupin originel, né en 1905 sous la plume du romancier (et dramaturge) français Maurice Leblanc.

samedi 3 juillet 2021

Et elles chantent...

Le film que je vais vous présenter aujourd'hui a failli ne jamais sortir dans les salles françaises, crise sanitaire oblige. Je suis bien content qu'il y ait finalement eu sa chance, même s'il semble qu'il n'a fait qu'un bref passage. The singing club - alias Military wives en VO ! - confirme que les Anglais sont les maîtres d'un certain cinéma social...

Le récit nous conduit dans une base militaire du comté du Yorkshire. Les soldats se préparent à partir pour une mission en Afghanistan. Plus ou moins habituées à cette vie difficile, leurs femmes s'efforcent de faire bonne figure et de ne surtout pas montrer leur inquiétude. Une fois ces messieurs envolés, elles se réunissent pour se soutenir mutuellement et organiser leurs activités "en solitaire". C'est ainsi que nait l'idée originale d'une chorale réunissant toutes ces épouses. The singing club justifie alors son titre... français et nous propose d'arbitrer une confrontation entre Kate, la (très) psychorigide femme du colonel, et Lisa, celle, plus souple, de l'un des hommes du rang. Kristin Scott-Thomas est parfaite dans le rôle de la première nommée et Sharon Horgan - que j'ai découverte - lui donne une bonne réplique. Je n'oublie pas non plus toutes les actrices qui constituent le plus gros des troupes chantantes. Une belle distribution et donc un film sympa !

Point intéressant: The singing club a aussi une facette plus sombre. Si des dizaines de chorales de femmes existent dans les garnisons britanniques, le scénario n'oublie pas de montrer que la réalité militaire rattrape parfois celles qui les animent. Il n'y a pas d'image de combat dans le film, mais on n'échappe pas à une scène de drame. J'ai trouvé le réalisateur à la fois digne et intelligent dans sa façon d'introduire le passage le plus délicat du scénario: d'autres cinéastes se seraient peut-être contentés de ce que le sujet a de plus "sucré". J'aimerais vous rassurer, si besoin: rien n'est vraiment plombant, ici. Disons que l'optimisme l'emporte largement sur le reste: on respire. C'est largement suffisant pour avoir la banane lors du joli générique final, où l'on nous montre beaucoup des vrais groupes féminins répartis en Europe - et même un peu au-delà, si j'ai bonne mémoire. Une conclusion logique pour un feel good movie d'assez bonne facture.

The singing club
Film britannique de Peter Cattaneo (2020)

Un bilan honorable pour ce long-métrage aux personnages attachants. Je n'ai rien vu d'exceptionnel, mais tout est juste: c'est bien suffisant pour passer un bon moment (même si le film est un poil trop long). Pour info, derrière la caméra, on retrouve le réalisateur d'un classique de la comédie sociale anglaise de qualité, le génial The full monty ! On peut certes préférer la dureté d'Un jour dans la vie de Billy Lynn.

jeudi 1 juillet 2021

Une mouche en majesté

Je sais désormais à quoi m'en tenir avec Quentin Dupieux. Le bougre est sans aucun doute le plus fou des réalisateurs français et ses films sont toujours aussi inclassables. J'attendais le dernier de pied ferme ! Retardé pour cause de crise sanitaire, Mandibules a fini par atterrir dans les cinémas le 19 mai. D'où une grosse heure de folie dupieuse...
 
"Mandibules est une comédie sincère sur l'amitié, au premier degré et au présent, mais c'est aussi, par la présence d'une mouche géante au coeur du récit, un film sensationnel, un croisement improbable entre le fantastique de E.T. et la crétinerie de Dumb and dumber". Ce n'est pas moi qui le dis, mais le réalisateur lui-même. Aussi taré soit-il, le garçon a des références et assez de talent pour les assimiler afin de composer des longs-métrages tout à fait originaux. Le fond intrigue, bien évidemment, mais la forme est toujours très soignée. L'ensemble est porté par des actrices et acteurs aux petits oignons. Ici, Grégoire Ludig donne la réplique à David Marsais, son comparse du Palmashow, et forme alors avec lui un incroyable duo d'imbéciles ! Quand, au fil de la pseudo-intrigue, les deux gugusses sont accueillis dans une villa avec India Hair et Roméo Elvis, le niveau de stupidité atteint des sommets. Certains, j'en suis sûr, s'en détourneront vite. C'est dommage: le cinéma français compte peu de films de cet acabit.

J'ai donc été ravi de croiser Adèle Exarchopoulos, actrice-caméléon dont le potentiel comique demeure sous-exploité, à mon humble avis. Condamné à parler fort, son personnage est absolument jubilatoire. Je me suis presque trouvé écarté de l'histoire: celle de deux benêts oisifs décidés à dompter un insecte de taille XXL pour devenir riches sans se fatiguer. Oui, je sais que c'est bizarre, mais c'est comme ça. Que voulez-vous que j'ajoute à ce pitch délirant ? L'aspect irrationnel du récit prime sur toute autre considération analytique. "Mon cinéma sera toujours habité par les mêmes obsessions, dit Quentin Dupieux. La même écriture, le même sens de l'humour... c'est une certitude ! Je ne sais pas faire autrement". Prévu d'ici 2022, un nouvel opus ajouté à sa (déjà riche) filmo devrait nous permettre de le vérifier. Cap important: après Mandibules, ce sera le dixième long-métrage de celui que l'on connaît aussi comme DJ sous le pseudo de Mr Oizo. Je n'ai donc, a priori, pas fini de vous en parler, et c'est tant mieux...

Mandibules
Film français de Quentin Dupieux (2021)

Un OFNI d'autant plus agréable à voir et à entendre que sa bande originale est signée Metronomy. Je ne suis pas sûr que cela le rende accessible à tous les publics, mais bon... disons que c'est un bonus. Maintenant, à quoi comparer cet opus ? C'est une question difficile. Quentin Dupieux ne ressemble à personne: je vous encouragerai donc à (re)voir d'autres de ses films. Et, par exemple, Rubber et Wrong...

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Toujours pas convaincus ? D'autres solutions existent...

Vous pourrez ainsi lire des chroniques chez Pascale et Princécranoir. Petit spoiler: elles aussi sont relativement positives à l'égard du film !