jeudi 31 juillet 2014

Un dangereux trio

Si j'avais un blog littéraire, il est probable que j'aurais déjà consacré l'une de mes chroniques aux femmes auteurs de polars. J'ai l'occasion ce jeudi d'évoquer l'une de ces reines du crime: Patricia Highsmith. L'oeuvre écrite de l'Américaine a fait l'objet d'adaptations nombreuses au cinéma. Cela dit, je n'avais pas lu le roman avant de découvrir l'intrigue de The two faces of January et c'est "à blanc" que j'ai fait ce voyage dans la Grèce de 1962. J'ai profité de l'agréable compagnie du trio de comédiens: Viggo Mortensen, Oscar Isaac et Kirsten Dunst.

Avec son mari Chester, la jolie Colette profite donc d'un été radieux sur les hauteurs d'Athènes. La route du couple américain croise alors celle d'un arnaqueur à la petite semaine, Rydal, lui aussi originaire des États-Unis. Une soirée et puis s'en va ? C'est l'idée de départ. Seulement voilà... menacés par de plus gros poissons et mis en péril par le passé trouble de Monsieur, les MacFarland n'auront bientôt plus d'autre choix que de faire confiance à leur énigmatique compatriote. C'est dès cet instant que The two faces of January débute réellement, un certain suspense venant alors relayer l'efficacité narrative d'une reconstitution soignée. Comme souvent avec les films en costumes, j'ai mordu à l'hameçon et me suis donc laissé embarquer avec bonheur dans cette drôle d'histoire. Quelques hypothèses échafaudées en chemin se sont écroulées sans rémission. Il m'aura juste manqué un soupçon de perversité pour être à 100% satisfait...

Plutôt que de la conclusion du long-métrage, mon vrai plaisir est venu de ses rebondissements. Les premières scènes m'avaient laissé imaginer quelque chose de différent. The two faces of January porte honnêtement son titre, une référence explicite à Janus, le dieu romain aux deux visages opposés. J'avais pensé que les protagonistes allaient se multiplier, mais, finalement, c'est quasiment le contraire qui est survenu: tout tourne autour des trois personnages principaux. Petit à petit, le thriller attendu se transforme en un "simple" drame intime. Le cadre grec y trouve du même coup toute sa puissance allégorique, théâtre éternel des grandes tragédies classiques. D'aucuns ont cité Alfred Hitchcock comme l'une des références possibles pour le film. Flatteuse comparaison, un peu écrasante peut-être. Il serait injuste d'ailleurs de demander une totale maîtrise à un cinéaste qui ne signe là que tout son premier film. À suivre...

The two faces of January
Film américain de Hossein Amini (2014)

Plutôt que de citer son nom, l'affiche du film présente le réalisateur comme le scénariste... de Drive et ajoute que le long-métrage associe les mêmes producteurs que La taupe. Puisque je vous ai parlé de la référence hitchcockienne,je crois pouvoir souligner également qu'avec L'inconnu du Nord Express, le maître s'était lui aussi frotté à Patricia Highsmith, dès 1951 ! Et donc, encore une fois: à suivre...

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Et maintenant, à défaut du roman, vous pouvez lire...

Au choix: "Sur la route du cinéma" et/ou "Le blog de Dasola".

mercredi 30 juillet 2014

Braquage à l'italienne

Si mon compte est bon, l'Italie est le 4ème pays de cinéma le plus cité sur les Bobines - bien que le total de longs-métrages découverts reste encore faiblard, comparé à l'importance du septième art transalpin dans le paysage européen. Un mot aujourd'hui sur Le pigeon, qui sera du même coup mon premier Mario Monicelli. Je connaissais seulement quelques-uns des acteurs de cette comédie: Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale. J'ai pu faire connaissance avec Toto, l'un des acteurs les plus célèbres d'Italie. Entre autres...

L'histoire se passe à Rome. Cosimo, un brigand, est surpris la main dans le sac par la police, alors qu'il essaye de voler une voiture. Solidaires, ses amis cherchent quelqu'un qui, moyennant finances, accepterait de se dénoncer pour lui permettre d'échapper à la prison. Finalement, Cosimo est incarcéré, mais Pepe, le complice, l'est aussi. Un nouveau coup se prépare derrière les barreaux: il s'agira ensuite de braquer une agence du Mont de Piété. Le pigeon ménage judicieusement quelques retournements de situation inattendus. Drôle à sa façon, le scénario nous fait découvrir l'Italie populaire d'après-guerre. Pas franchement doués, les voleurs apparaissent comme une joyeuse bande de pieds nickelés. Je ne peux promettre que ça vous plaira autant qu'au public de la toute fin des années 50...

Le long-métrage n'en est pas moins bien placé dans la mémoire cinéphile italienne. Il a connu deux remakes: le premier date de 1984 et est l'oeuvre du Français Louis Malle, avec une troupe d'acteurs anglosaxons, Donald Sutherland et Sean Penn en tête. Le pigeon inspira également deux suites, dès 1959 et en 1985. Je crois cependant que je vais me contenter du film originel, qui m'a paru quelque peu suranné, je dois bien le reconnaître. Il me faut vous dire aussi que je manque de repères dans cette filmographie italienne ancienne. Je n'ai rien vu de mauvais: j'imagine donc que les esthètes apprécieront le spectacle à sa juste valeur. Je ne renoncerai pas aujourd'hui à l'idée de mieux connaître le cinéma italien, non. N'hésitez donc pas à me faire part de vos classiques incontournables !

Le pigeon
Film italien de Mario Monicelli (1958)

J'ai aussi entendu parler de ce réalisateur pour l'un de ses films suivants, Larmes de joie (1960), qu'il me faudrait encore découvrir. Évidemment, à ce stade, j'ai du mal à vous offrir une comparaison valable avec d'autres titres du répertoire italien. Il vous est possible d'aller piocher au hasard dans mon index "Cinéma du monde". Dernièrement, je m'étais plutôt amusé avec L'argent de la vieille...

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Il y a toujours des cinéphiles plus férus que moi...

Le film est notamment présenté chez mes amis de "L'oeil sur l'écran".

lundi 28 juillet 2014

Mille euros

Simple ouvrière d'une entreprise lambda, Sandra se remet tout juste d'une dépression. Alors qu'elle se sent prête à reprendre le travail maintenant qu'elle est guérie, elle apprend qu'un vote a été organisé entre ses collègues: son poste a été mis en balance avec le versement de primes de 1.000 euros. Sur seize votants, quatorze ont "préféré" toucher une prime et, de ce fait, "accepté" de voir Sandra licenciée. Avec l'aide d'une amie, la jeune femme obtient alors de son patron qu'un nouveau scrutin soit organisé après un week-end de réflexion.

Ainsi débute Deux jours, une nuit, cru 2014 des frères Dardenne. Une nouvelle fois en lice pour la Palme d'or cette année, les frangins sont repartis de Cannes bredouilles - ce qui, vu l'historique, a surpris le petit monde de la Croisette. Je ne peux pas vous parler aujourd'hui en termes de carrière: ce n'était que mon deuxième Dardenne. L'idée de départ du scénario m'a en fait paru suffisamment intéressante pour que j'aille voir le film, motivé que j'étais également par l'envie d'avoir une meilleure connaissance du cinéma (social) belge. Maintenant, pour tout vous dire, j'espérais mieux. Ce que j'ai vu m'a paru très honnête, mais n'a pas tout à fait comblé mes attentes. Accrochée aux basques de Sandra, la caméra l'accompagne systématiquement partout, à la porte de chacun des appartements qu'elle visite pour convaincre ses collègues de voter en sa faveur. Nous la découvrons parfois en famille, à l'écoute des encouragements de son mari ou répondant doucement aux sollicitations des enfants.

La faille de ce dispositif cinéma, c'est qu'il tend à une répétition infinie de son argument. Sandra convainc ou non, mais use toujours des mêmes formules pour s'expliquer et justifier sa démarche. Ponctuellement, sa maladie semble devoir la rattraper: elle avale alors un comprimé et repart sur son chemin de croix de salariée ordinaire. Évidemment, ce n'est pas très rigolo... et un peu rapide parfois pour paraître vraiment crédible. Beaucoup d'encre a coulé également sur le choix de Marion Cotillard pour ce rôle de mère courage: la comédienne fait preuve de sobriété, pour le coup, et tient dignement son contre-emploi. Deux jours, une nuit est un bon film. Personnellement, j'apprécie la manière qu'ont les Dardenne d'illustrer cette histoire banale, un peu comme s'ils tournaient un documentaire. C'est un morceau de cinéma épuré, sans effets faciles pour appuyer l'émotion. Les rares musiques, par exemple, jouent à contre-courant lors de scènes de répit. Sur le terme du chemin, on peut discuter...

Deux jours, une nuit
Film franco-belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2014)

En attendant de remonter le temps avec les frangins, j'avoue donc une petite déception à l'égard de cet opus, moins abouti d'après moi que Le gamin au vélo, leur film précédent, Grand Prix à Cannes 2011. C'est vrai que c'est probablement complexe de trouver la formule parfaite pour du cinéma social, digne et pertinent. En attendant d'apprécier le dernier Ken Loach, je reparlerai de Louise Wimmer...

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Et voici quelques liens pour retrouver Sandra/Marion...

- "Sur la route du cinéma",
- "Le blog de Dasola",
- "La cinémathèque de Phil Siné".

samedi 26 juillet 2014

Dans l'Ouest sauvage...

J'ai mis plus de temps que pour d'autres films à analyser mes idées sur The homesman. Sur l'affiche francophone, la mention "La face cachée du mythe américain" me paraît un peu outrancière. C'est vrai toutefois que ce western de et avec Tommy Lee Jones présente certaines particularités absentes d'autres productions du genre. Adapté d'un roman, c'est probablement en cela qu'il mérite le détour.

Je vous explique: bien que son titre puisse légitimement laisser penser à une énième production centrée sur son premier personnage masculin, The homesman est d'abord un film de femmes. Son propos s'ouvre autour d'une dénommée Mary Bee Cuddy, trentenaire célibataire sur la terre désolée du Nebraska, aux alentours de 1850. Parce que la communauté est trop fragile pour se passer durablement de ses hommes et/ou parce que ces derniers sont trop inconsistants pour que les choses se passent autrement, Miss Cuddy se voit obligée d'effectuer la sale besogne: bonne chrétienne, elle se voit contrainte d'amener à l'asile trois autres pionnières, que les conditions de vie dans l'Ouest sauvage ont rendu folles. Vous admettrez que cette idée de départ n'est pas banale ! Je veux ajouter aussitôt que l'actrice choisie pour incarner ce rôle - Hilary Swank - y est tout à fait juste. La sobriété de son jeu, tout en nuances pourtant, fait merveille. C'est pour moi la première des bonnes raisons d'apprécier le long-métrage. Les grands espaces qui défilent à l'écran sont pour le moins habités.

Il faut attendre un petit moment avant que le second personnage principal entre finalement en scène: George Briggs, un brigand sauvé de la potence, va assister l'héroïne dans sa périlleuse mission. Objectivement, la suite du programme est plus convenue. J'ai été d'autant moins surpris que j'avais lu un peu trop en détail les critiques sur le film et connaissais donc à l'avance un rebondissement capital. Pas question pour moi de le dévoiler aussi: j'aime autant ne rien dire de plus sur ce qu'il adviendra du convoi Briggs / Cuddy. Le rêve américain s'évanouit vite au contact des différences de statut social entre ceux qui sont censés l'incarner: voilà ce que je peux ajouter. Quand il s'agit de faire état du côté sombre d'un western contemporain, l'adjectif "crépusculaire" revient assez régulièrement dans les écrits des uns et des autres. Je vais l'éviter: dans sa partie finale, The homesman comporte quelques longueurs qui le desservent un peu. Plus étonnant, il oublie vite les pauvres âmes qu'il présente au début. Restent de belles choses sur l'altérité et le sens du devoir...

The homesman
Film américain de Tommy Lee Jones (2014)

Si la modernité du long-métrage reste discutable, je ne partage pas l'opinion des Cahiers du cinéma, qui parlent de western "décati". Quelque chose me parle ici des dérives individualistes du monde contemporain. Chacun jugera selon son appréciation personnelle. Encore loin d'Impitoyable, The homesman me paraît de qualité supérieure à la moyenne des westerns. Et un peu au-dessus de Gold.

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Vous avez manqué la diligence ?

Vous pouvez toujours chevaucher: "Sur la route du cinéma" permet également de rattraper le film, tout comme "Le blog de Dasola". "Callciné" et "Ma bulle", eux, vous proposent deux avis masculins.

vendredi 25 juillet 2014

Tuyauterie

Bénédicte et Alain forment un petit couple sans histoire particulière. Récemment, ils viennent de s'installer dans une nouvelle maison. Madame aménage son foyer, sans avoir encore repris d'activité professionnelle. Monsieur est ingénieur en domotique, bien considéré par son patron. Dans Lemming, cette vie rangée commence sérieusement à partir en sucette quand un rongeur est retrouvé coincé dans une canalisation bouchée. Bizarre, vous avez dit bizarre ?

Ce petit film français m'a bien plu. Le paradoxe, c'est que j'ignorais tout de Laurent Lucas, l'acteur principal, que j'ai d'ailleurs trouvé moyen. J'étais en réalité attiré par le jeu de Charlotte Gainsbourg. Ensuite, depuis mon canapé, j'ai été content de retrouver également Charlotte Rampling et, dans une moindre mesure, André Dussollier. Avec cette jolie distribution, Lemming n'est pas un chef d'oeuvre. C'est un thriller de bonne facture, que certains critiques ont comparé à un film de David Lynch. Il est certain que les phénomènes étranges qui s'y produisent n'y trouvent aucune explication rationnelle. J'oserai dire qu'on s'approche même du paranormal, avec la petite bête cachée dans le tuyau, peu avant le suicide d'un des personnages. Ambiance...

Lemming fut présenté en ouverture du Festival de Cannes 2005. Reparti bredouille, il valut aussi à Charlotte Rampling d'être nommée pour un Prix du cinéma européen. Qu'il ne soit pas parvenu à taper dans l'oeil des jurés ne doit pas vous en détourner si vous appréciez ce genre d'histoire floue: rien ne m'interdit de penser qu'on puisse prendre plaisir à se perdre dans ce labyrinthe d'images. L'irrationnel n'est pas si fréquent dans le paysage cinématographique, après tout. Que manquerait-il alors pour que ce long-métrage décolle vraiment vers les sommets du genre ? Un peu de frissons, peut-être. Le film avance lentement, suggère des choses, en montre d'autres, s'égare quelque peu. Sa froideur finit malheureusement par jouer contre lui.

Lemming
Film français de Dominik Moll (2005)

Je reconnais au réalisateur du courage: se frotter au cinéma de genre de cette nature n'est pas chose facile. Dans sa filmo, Lemming vient cinq ans après Harry, un ami qui vous veut du bien - sorti en 2000 et dont j'ai entendu de bien meilleures choses. Tout ça m'encouragera peut-être à aborder plus franchement les oeuvres de David Lynch. Côté frissons au cinéma, je ne suis pas encore remis de Shining...

mercredi 23 juillet 2014

No future

Terry Gilliam a la réputation d'être le réalisateur le plus malchanceux du monde. La mythologie du cinéma a fait des conditions de tournage de son Don Quichotte un modèle de scoumoune artistique. Il est encore fréquent aujourd'hui, quand on parle d'un nouveau projet cinéma de l'ex-Monty Python, qu'on rappelle aussi son renoncement aux aventures picaresques du chevalier aux moulins. Il s'agit toutefois pour moi désormais d'évoquer son tout nouvel opus: Zero theorem.

J'aime autant prévenir tout de suite ceux d'entre vous qui cherchent quelque chose de réel dans l'imagerie cinéma: ils risquent fort d'être perdus dans l'univers de cette production 2014 du sieur Gilliam. D'autres, fidèles parmi les fidèles, ont été déçus et, parfois, rejettent l'inventivité d'un artiste hier considéré comme l'un des plus géniaux. Zero theorem n'est pas un film comme les autres, c'est certain. L'action se déroule dans une Londres futuriste: Qohen Leth, le héros supposé, vit seul dans une église désaffectée et gagne son pain quotidien dans une entreprise où sa mission consiste à pédaler indéfiniment devant un écran d'ordinateur. Asocial, notre homme assure son collègue contremaître qu'il serait plus efficace en bossant depuis son domicile. Contre toute attente, il obtient gain de cause. Libéré du pointage lambda de toutes ses activités, l'employé-modèle oeuvrera désormais sans quitter son foyer. Une bonne chose ? Euh...

J'insiste quelque peu: pour apprécier le film, il faut admettre l'univers qu'il met en place. Certains d'entre vous pourraient le trouver kitsch et/ou ennuyeux à mourir. L'ami Terry ne fédère que (trop) rarement. Cette fois, il s'est appuyé sur des partenaires français et roumains pour réussir à créer quelque chose de nouveau. Il est toujours capable de s'offrir quelques stars en tête d'affiche, comme ici Christoph Waltz et Matt Damon. Celles et ceux qui aiment les acteurs britanniques auront plaisir à revoir également David Thewlis, avec un regard aussi sur notre petite "Frenchie" de service, la jolie Mélanie Thierry. Attention aux apparences: malgré des couleurs partout, le ton général de cette fable qu'est Zero theorem est franchement pessimiste. Fatigué, Qohen Leth survit dans une métropole où son identité s'efface derrière le mépris ou la virtualité des relations humaines. Passé le vernis, la métaphore sociale n'a rien de très rassurant...

Zero theorem
Film britannique de Terry Gilliam (2014)

Un monde futuriste, une administration omniprésente, des hommes fracassés par une société machinale et aliénante: la comparaison avec Brazil est inévitable. Elle conduira à constater que Terry Gilliam ne s'est pas renié, même s'il n'est peut-être plus aussi inventif qu'autrefois. On peut préférer chercher ailleurs Le sens de la vie. Pour ma part, j'aime encore mieux voir et revoir The fisher king...

lundi 21 juillet 2014

Toujours recommencer

C'est un fait: Edge of tomorrow est un blockbuster américain. J'estime qu'il est bon de noter également qu'il est tiré d'un bouquin japonais. L'idée de base est plutôt amusante: parce qu'il refuse d'aller risquer sa peau pour tourner un reportage de terrain, un militaire chargé de communication est considéré comme déserteur et envoyé de force sur l'un des fronts les plus dangereux, avec un commando d'élite. Il est tué dans les toutes premières minutes de la bataille...

L'originalité ? J'y viens. Elle est double: 1) la guerre est menée ici contre une population extraterrestre dont les techniques de combat dépassent largement celles des humains et 2) après avoir été abattu une fois, le major Bill Cage ressuscite au début de la même journée d'offensive et peut donc corriger ses erreurs pour progresser encore. Same player shoot again: le film ressemble à un flipper et à un jeu vidéo. Rassurez-vous: sans manettes, ça reste relativement ludique. Même s'il cabotine un peu, Tom Cruise s'avère plutôt convaincant dans ce rôle d'officier sauveur du monde. Edge of tomorrow s'appuie aussi, bien sûr, sur toute une batterie d'effets spéciaux. Le design des créatures ennemies et des engins m'a bien plu. Sur le plan purement formel, je regrette juste cette sale habitude de ne pas faire de plans qui durent plus de trois secondes au coeur de l'action. Hollywood me semble avoir pris un bien vilain pli en la matière...

Pour le reste, soyons honnête: j'ai pris plaisir à ce spectacle décérébré. La jolie Emily Blunt apporte une touche glamouro-musclée à cet univers de garçons: ce n'est pas une mauvaise chose. J'assume totalement d'avoir formaté mes neurones devant ce film, en profitant au passage des tarifs avantageux de la dernière Fête du Cinéma. Edge of tomorrow est une réussite... dans son genre. Sans redéfinir les fondamentaux du cinéma, il apporte honnêtement ce qu'on peut attendre d'un tel programme: de l'action débridée, quelques délires visuels et même un soupçon d'humour potache. C'est peut-être là d'ailleurs qu'il marque des points face à la concurrence: le film parvient à ne jamais se prendre trop au sérieux. C'est malin. Racontée avec emphase, la même histoire ne passerait pas. Je dirais que le tout respecte les codes du blockbuster, aussi. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ? Peut-être. À vous de voir...

Edge of tomorrow
Film américain de Doug Liman (2014)

Le bouquin est sous-titré Aujourd'hui, à jamais. Je suppose pouvoir traduire le titre comme La lisière de demain. Bref... ce qui est sûr avec ce film et même confirmé, c'est qu'après Oblivion, Tom Cruise fonctionne bien dans un environnement de science-fiction. Il devrait enchaîner avec des choses plus "classiques": un cinquième (!) épisode de Mission impossible et, trente ans après, une suite de Top gun.

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Si cette journée recommence, d'autres lectures possibles...

"Callciné", "Ma bulle" et "Sur la route du cinéma" révèlent également ce que leurs rédacteurs ont pensé du film. Un accueil plutôt mitigé.

dimanche 20 juillet 2014

Musique !

Chose promise, chose due: aujourd'hui, je vous raconte comment j'ai eu l'occasion de revoir La communauté de l'anneau sur écran géant. Mieux que ça, j'ai vu le film lors d'une projection... avec orchestre ! Sous la direction du chef suisse Ludwig Wicki, connu comme baguette du 21st Century Orchestra, l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo a ainsi conclu sa saison 2013-2014. Et c'était simplement gran-diose !

Je n'avais qu'une petite idée de la nature d'un tel spectacle. Difficile de la retranscrire avec précision: je crois au moins devoir indiquer qu'en plus de dizaines de musiciens, il y avait sur scène une centaine de choristes, hommes, femmes et enfants. Il fallait d'ailleurs bien ça pour donner toute sa force à la géniale partition du compositeur canadien Howard Shore, oeuvre couronnée d'un Oscar en 2002. J'imagine mal l'incroyable maîtrise dont il faut témoigner pour diriger efficacement un ensemble de cette dimension, surtout en conservant sa vigueur tout au long des trois heures du métrage cinéma. Formidable travail d'équipe qui emporte le septième art au plus haut !

Une info encore pour celles et ceux que l'expérience tentera: j'ai eu besoin d'un - petit - temps d'adaptation avant de savourer pleinement ce que j'avais sous les yeux et dans les oreilles. Je gardais objectivement un souvenir précis de ce que raconte La communauté de l'anneau, mais il m'aura fallu quelques minutes pour entendre parfaitement les dialogues, parfois un peu étouffés par la musique. Autre paramètre à gérer: celui d'une salle plus tout à fait obscure. Comme vous pouvez l'avoir deviné, les musiciens disposaient encore de lutrins lumineux - ce qui est tout à fait normal. Je peux vous dire que l'excitation du moment a vite surpassé ces menus désagréments.

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Un dernier mot pour être complet...

Programmé au Grimaldi Forum de Monaco, ce spectacle associait aussi le Choeur régional Provence Alpes Côte d'Azur, le Choeur d'enfants de l'académie de musique Rainier III et les Petits Chanteurs de Monaco. Parmi les quelque 250 exécutants sur scène, j'ai apprécié également une jeune soprano américaine, Kaitlyn Lusk Reddington.

vendredi 18 juillet 2014

Il était un petit homme...

J'ai retrouvé Frodon Saquet. En attendant la conclusion des aventures de son oncle Bilbon programmée en salles à la fin de l'année, j'ai revu le plus jeune des deux Hobbits sur écran géant - je vous expliquerai dans quelles circonstances par la suite. La communauté de l'anneau demeure, je crois, mon épisode préféré de la double trilogie cinématographique tirée des livres de J.R.R. Tolkien. Flash-back...

Le 10 décembre 2001, à Londres, une grande avant-première mondiale dévoile pour la première fois le premier de trois films destinés à adapter Le seigneur des anneaux, une série de trois livres considérée comme la Bible du style heroic fantasy. Pour celles et ceux qui, dans le monde entier, portent aux nues l'oeuvre originelle, l'heure est historique: leurs héros de papier vont enfin être incarnés. Longtemps jugés inadaptables, les bouquins prennent finalement vie. Nombreux demeurent encore les profanes qui font alors connaissance avec La communauté de l'anneau. J'en faisais partie: je n'avais lu que la première grosse moitié de ce premier tome. J'ai pu retrouver avec plaisir l'essentiel de ce que je connaissais déjà et me suis régalé devant le reste, face à l'un des récits les plus épiques que j'ai eu l'occasion d'apprécier. Vous échapperait-il aujourd'hui encore ? J'espère vous inciter à combler cette "lacune". Sur un grand écran comme sur le papier, il est question d'un petit homme dans un pays paisible, que le destin amène à prendre en charge la survie de tous...

La menace, elle, prend l'aspect d'un anneau, forgé par un seigneur noir vaincu à la guerre, mais dont l'âme sombre a survécu. Il faut évidemment avoir de l'imagination - ou accepter celle de l'auteur - pour prendre plaisir devant cette grande fresque en trois volets. Objectivement, de la plume à l'image, la force évocatrice de la saga n'a guère perdu de sa valeur. Divertissement géant, La communauté de l'anneau sait m'embarquer avec elle au pays des preux chevaliers, des magiciens, des elfes et des nains. Il suffit de redevenir un enfant trois heures durant pour goûter pleinement cette aventure XXL. L'art avec lequel elle a été transposée en film ne peut qu'impressionner favorablement. Dans les majestueux paysages d'une Nouvelle-Zélande rare au cinéma, le design des costumes et accessoires transporte aussitôt le spectateur vers un ailleurs d'une incroyable beauté. Trépidante, l'action rebondit sans arrêt et les personnages peuvent alors se multiplier, sans que cela nuise à la compréhension d'ensemble de ce monde complexe. J'y suis donc retourné avec une joie inaltérée.

Le seigneur des anneaux - La communauté de l'anneau
Film américano-néo-zélandais de Peter Jackson (2001)

C'est amusant et normal à la fois: pour beaucoup, Peter Jackson passe désormais pour l'homme derrière l'anneau. J'ai eu l'opportunité de lire un article où le fils de J.R.R. Tolkien soulignait son désarroi face au fait que le grand public oublie désormais l'oeuvre du père. Reste qu'elle me semble bien adaptée ici, peut-être même mieux qu'elle ne l'est dans la trilogie Le hobbit. À vous de (re)voir, disons...

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Il vous est possible aussi de jeter un coup d'oeil ailleurs...

Les rédacteurs de "L'oeil sur l'écran" sont de deux avis différents. Pascale, elle, raconte une expérience rare ("Sur la route du cinéma"). Aelezig affiche sa pleine satisfaction ("Mon cinéma, jour après jour"). Quant à Princécranoir, il évoque toute la trilogie sur "Ma bulle" !

mercredi 16 juillet 2014

Ultime combine

Il existe dans ma ville une association de cinéphiles, dont j'espère rejoindre les rangs à l'automne prochain. C'est grâce à elle que j'ai vu mon premier Antonioni et un Kaurismäki aussi fou que sympathique. Fin juin, c'était l'heure de la fin de la saison 2013-2014. J'ai découvert au format 35mm un film dont j'ai une édition DVD: Le canardeur. J'étais à vrai dire très attiré par le duo Clint Eastwood / Jeff Bridges.

J'ai appris au passage que, sorti en salles en mai 1974, Le canardeur est aussi le premier film de Michael Cimino. Avant de parler d'autres des références de ce réalisateur emblématique d'un certain cinéma américain, il est chouette de repartir de ce début. Il n'est pas honteux de dire que le long-métrage a pris un coup de vieux, mais il reste toutefois un divertissement haut de gamme. Clint apparaît d'abord dans la peau et l'habit d'un pasteur en pleine homélie. Son sermon n'est pas terminé que, déjà, John Doherty... se fait tirer dessus ! Comme on le découvrira alors, celui qui prétend honorer Dieu sert plutôt ses propres intérêts, ceux d'un vétéran de la guerre de Corée reconverti comme braqueur de banques. Jeff, lui, incarne le miracle qui lui sauvera la vie, en l'embarquant dans sa voiture pour échapper à la colère d'anciens complices revanchards. Je vous épargne ici certains détails: une ultime combine va aussitôt être mise en place...

Le canardeur est en partie un road movie. C'est aussi un western. Judicieusement placé à la croisée de plusieurs des grands genres américains, il est franchement réussi en ce sens. Michael Cimino brille donc d'emblée, lui qui est ici à la fois réalisateur et scénariste. Le titre original - Thunderbolt and Lightfoot - est bien plus explicite pour comprendre que l'efficacité du projet tient aussi au talent du duo vedette. Complémentaires dans le jeu, Eastwood et Bridges s'amusent visiblement à interpréter ces amis de circonstance, qu'une différence d'âge de presque vingt ans ne perturbe nullement sur la durée. Relativement audacieuse pour l'époque, l'histoire secoue le cocotier d'une Amérique engoncée dans le bourbier vietnamien. Elle symbolise avec éclat la liberté du cinéma d'auteur à l'époque. Cool ? Oui. Désinvolte ? Sûrement pas. Au bout de la route, la réalité rattrape violemment le personnage le plus rêveur. C'est triste et juste beau...

Le canardeur
Film américain de Michael Cimino (1974)

Dans la lignée d'un Coppola ou d'un Scorsese, il est fort intéressant d'aller musarder dans la filmographie d'un Cimino, cinéaste maudit d'abord adulé par les Oscars (Voyage au bout de l'enfer), puis plombé par un échec retentissant (La porte du paradis). J'y reviendrai certainement. Avant cela, je veux dire que ce film m'en a rappelé deux autres des seventies: Sugarland express et Macadam cowboy.

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Et qui d'autre en parle donc sur la blogosphère ?

Phil Siné, notamment: vous lirez son avis sur sa "Cinémathèque".     

lundi 14 juillet 2014

Philippe Muyl de retour

En cette journée de fête nationale, il me sera permis de revenir quelque peu en arrière pour vous conseiller de (re)lire ma chronique d'un joli film franco-chinois: Le promeneur d'oiseau. Si j'en reparle aujourd'hui, c'est que j'ai eu l'occasion, le 25 juin dernier, de discuter avec son réalisateur, de retour d'un séjour en Chine et d'une échappée festivalière. Philippe Muyl m'a parlé de son "conte". Je l'en remercie.

Le temps des cinéastes n'est pas celui des spectateurs. Votre film vous accompagne-t-il toujours aujourd'hui ?
Il termine sa carrière en France. La sortie en Chine, prévue pour fin mai, a été repoussée - je pense donc y retourner bientôt. Le film devrait également sortir dans une dizaine de pays. Que j'y aille ou non dépend désormais des distributeurs.

Une douzaine de pays... c'est plutôt une belle histoire...
Oui. C'est aussi une histoire longue et compliquée, un vrai challenge. Faire un film chinois en chinois avec des acteurs chinois, ce n'était pas évident.

Comment cette aventure a-t-elle commencé ?
Tout est parti d'un festival à Pékin, auquel j'ai participé en 2009. J'y ai rencontré de jeunes producteurs locaux, qui avaient envie de faire un film franco-chinois. Après nos premières conversations, j'ai hésité pendant quelques mois, mais j'ai fini par me lancer au printemps 2010.

Vous connaissiez déjà le pays ?

J'étais déjà allé à Shanghai et Pékin, mais pour des moments très courts. Je ne connaissais donc pas la Chine, ni la culture chinoise, ni même la langue... j'ai tout découvert et appris pour faire un film dont les Chinois disent que c'est un film chinois. C'était un vrai pari.

C'était peut-être un peu angoissant, au début...
Non. Je me demandais comment j'allais avancer, comment ça allait se passer, mais pas plus que ça. Comme c'était une production très difficile à monter, au stade de la préparation, je me suis dit qu'on n'arriverait pas à le faire. Au stade du tournage, on a failli s'arrêter dix fois. Quand je suis rentré en France une fois le tournage terminé, nous n'avions plus d'argent pour faire le montage... ça a été compliqué du début à la fin. Pas d'angoisse, non. J'étais surtout inquiet de savoir si on arriverait à finir le film.

En plus, c'est vous qui racontiez l'histoire. Vous êtes scénariste...
Oui, absolument.

Comment vous êtes-vous immergé dans cette culture chinoise ?
J'y ai passé du temps. J'ai lu, d'abord, appris le mandarin et fait beaucoup de déplacements. J'ai posé des questions, j'ai observé, on m'a expliqué des choses. C'est bien moi qui ai fait le film, mais j'ai été aidé pour le faire: par les producteurs et les comédiens, qui savaient faire un film avec un réalisateur non-chinois. Ils m'ont permis d'être juste.

Comment avez-vous travaillé pour les repérages ?
Beaucoup de voyages, de déplacements en voiture. L'un des producteurs parlait le français. Nous avions aussi un guide pour voir certaines choses en particulier. J'avais fait des repérages photo grâce à Internet. J'avais vérifié comment aller à tel ou tel endroit.

Vous avez tourné dans une région de Chine particulière ?
Oui. Dans une province qui s'appelle le Guangxi. C'est au sud de la Chine, tout près de la frontière avec le Vietnam, à côté du Yunnan.

Vos acteurs viennent donc de cette province également ?
Non, pas du tout. Ils sont Pékinois.

Comment travaille-t-on dans la durée ? On commence évidemment avec un scénario...
Les choses se font un peu en parallèle avec les repérages, qui peuvent inspirer certaines scènes.

Vous avez plusieurs autres films derrière vous. Y a-t-il des points communs à tous ces tournages ?
Le point commun, je m'en rends malheureusement compte, c'est qu'à chaque fois, c'est comme un premier film. Il faut tout recommencer depuis le début. C'est vrai aussi que j'ai une filmographie particulière, ayant fait des choses assez différentes les unes des autres. J'ai tourné 3-4 films avec des enfants, notamment. Mais tout reprendre systématiquement au premier point, c'est assez terrible...

Terrible et exaltant à la fois, non ?
Oui, mais c'est un peu chiant, en même temps. On aimerait bien parfois que les gens se disent qu'on a fait ses preuves, qu'on a déjà fait un film, que le film est bien... la confiance ne se fait malheureusement pas sur la qualité des films. Bien des professionnels ne les voient pas, d'ailleurs. Tout dépend en fait du box-office, du nombre d'entrées. Je voudrais bien connaître les producteurs qui ont vu Le promeneur d'oiseau: il ne doit pas y en avoir beaucoup...

Vos producteurs chinois avaient-ils vu vos premiers films ?
Ils avaient surtout vu Le papillon, qui est très connu en Chine. C'est aussi l'une des raisons qui font que je me suis retrouvé là-bas. Le film a tout de même fait 1,2 million d'entrées...

Tourner dans un autre pays a-t-il présenté des contraintes spécifiques auxquelles vous ne vous attendiez pas ?
En Chine, il y a d'abord cette histoire de censure. On sait devoir passer le scénario à la lecture. Il faut aussi montrer le film une fois qu'il est terminé, ce qui est un peu agaçant. Dans mon cas, ce n'était pas très grave: je n'étais pas très exposé avec le sujet que j'avais. Pour d'autres cinéastes, c'est un problème, c'est vrai. Cela dit, en France, on dit qu'il n'y a pas de censure, mais il en existe une quand même: une autocensure, une censure sur le jeu... une telle sélection s'opère entre les films que ça finit par y ressembler. Il y a 2-3 sujets que je voudrais faire, mais je sais bien que je n'y arriverai pas. Le marché ne me le permettra pas. Pour le reste, en Chine, c'est compliqué parce qu'ils ne sont pas organisés du tout. Il faut savoir faire preuve d'improvisation pour l'organisation du tournage. En revanche, ils sont très bosseurs, rapides, agréables dans le travail et gentils. Il y a des avantages et inconvénients des deux côtés. Cela dit, si je trouve une opportunité - un bon sujet et une structure financière solide - pour un autre film en Chine, je le ferais...

Vous avez gardé des contacts là-bas parmi les techniciens ?
Oui. Je sais que je prendrais le même chef-opérateur, le même régisseur... toute une équipe images qui restera.

Avez-vous l'occasion de former des équipes sur place ?
Non. Le chef-opérateur que j'avais était excellent et avait une très bonne équipe. Certains postes sont plus fragiles: ceux d'accessoiristes ne sont pas professionnalisés comme ils le seraient en France. C'est un métier qu'ils ne connaissent pas.

Et les acteurs ? Vous les avez choisis ?
Oui, bien sûr.

Comment le casting s'est-il déroulé ?
J'ai rencontré le grand-père très tôt, en fait aussitôt qu'on a commencé à parler du film: Baotian Li est un acteur très connu en Chine. Pour les autres, ça s'est passé comme ça se passe ici: j'ai rencontré 4-5 comédiennes et 4-5 comédiens. J'ai regardé des films. J'ai fini par choisir, un peu au feeling, en fonction du contact que j'avais et de la manière dont on pouvait parler. Pas de regret: j'ai eu trois acteurs formidables, avec en plus une petite fille exceptionnelle.

Elle s'appelle Xin Yi Yang. D'où vient-elle ?
Elle avait déjà tourné un petit peu. Nous avons vu beaucoup d'enfants, mais il n'y a véritablement qu'avec elle que je pouvais tenir un film sur la longueur.

Elle est aussi "branchée" à son smartphone dans la vraie vie ?
Oui. Un peu comme tous les enfants des villes chinoises. C'est beaucoup plus courant qu'ici. Elle est cependant d'un milieu très modeste, contrairement à sa famille du film.

Quelle va être la carrière du film en Chine ?
On attend désormais la sortie, avec une grosse quantité de copies. La Chine reste le pays des blockbusters 3D, avec de gros effets spéciaux. Mon film à moi est un peu atypique pour ce marché, c'est d'ailleurs pour ça qu'on essaye de trouver la bonne date. On a confiance: le film parle vraiment de la Chine d'aujourd'hui. Mais la concurrence venue des films américains prend beaucoup de place...

C'est comme en France, finalement...
Pire ! En France, l'exploitation et la distribution sont quand même très diversifiées. On arrive à voir tous les types de films, tandis qu'en Chine, le cinéma, c'est grosses comédies, gros films à effets spéciaux, gros films américains... vraiment très "popcorn movies".

Il y a la place pour une production chinoise différente ?
C'est un marché en expansion, donc, oui, ça commence. Le public chinois peut avoir envie d'autre chose, maintenant.

Selon votre site Internet, il vous a fallu huit ans pour rembourser les dettes de votre premier film. C'est plus facile, désormais ?
Non. Je ne suis pas producteur, mais je reste en totale participation. Je gagnerais de l'argent si Le promeneur d'oiseau marche en Chine.

Vous jouez votre chemise à chaque fois ?
Oui. La totale participation, c'est un truc de fou.

Vous êtes fou, alors ? Vous assumez ?
Non, mais un peu courageux. Je décide de faire un film et, à un moment donné, quand il n'y a pas d'argent pour le payer, je demande cette totale participation. Je ne suis pas dans ce système des rares stars françaises qui prennent un maximum de pognon avant de faire les films. Bon... les réalisateurs des films bien financés sont payés très correctement, mais là, je me suis retrouvé dans une économie particulière. J'ai accepté un contrat très risqué. C'est comme ça...

Des projets dans vos tiroirs ?
J'ai un projet en cours, d'un film français que j'ai écrit avant, sans enfant et sans animaux cette fois. J'ai le producteur, le casting... et je recherche le financement.

L'argent, c'est le nerf de la guerre...
Toujours.

Avec toutes les questions autour des intermittents, on parle beaucoup de ces métiers du cinéma, entre autres, actuellement...
Le statut des intermittents est un problème, oui, et le financement des films va en devenir un. On n'en parle pas trop pour le moment, mais il y a déjà une baisse assez importante de la production depuis le début de l'année. Il y aura de plus en plus de contraste entre les films bien financés et les autres. Certains films vont désormais être réalisés à l'arrache, comme j'ai fait pour Le promeneur d'oiseau...

Vous avez une solution, vous, à part d'être courageux et d'y aller quand même ?
Non. L'idéal, pour moi, ce serait de faire un film qui cartonne. J'aurais alors droit à un chèque en blanc pour le prochain...

Vous pratiquez d'autres arts. La musique, notamment...

J'ai écrit des chansons, en effet, dont celle de mon film Le papillon. Je trouve ça amusant. Je fais ça de temps en temps.

Vous avez encore un peu de temps pour aller au cinéma ?
Du temps, oui, mais du désir, pas beaucoup. Je m'y ennuie souvent. La production française ne me paraît pas très excitante. La dernière chose que j'ai vue, c'est un film chinois, Black coal, que j'ai trouvé sur-vendu. Ça me fait marrer de lire la presse qui dit que c'est un reflet de la Chine contemporaine. C'est absolument faux: c'est juste un reflet d'un reflet. C'est comme si on faisait un film en France sur les roms et qu'on parlait de reflet de la société française - ce serait juste une partie de la société française. J'ai passé du temps en Chine, presque un an et demi à temps complet, en allant dans beaucoup d'endroits. Je n'ai pas vu beaucoup de choses qui ressemblent à ça. Attention: je ne dis pas que ça n'existe pas. Je ne me suis pas rendu dans des lieux glauques, mais c'est un film de genre. Un polar...

C'est vrai qu'on voit pas mal de ces films chinois un peu sordides. Peut-être que l'image donnée du pays est dès lors limitée...
En France, on voit ces films-là, qu'un Chinois ne voit pas. Black coal a été vu en Chine parce qu'il a l'Ours d'or à Berlin, mais les films que nous voyons dans les festivals, comme ceux de Jia Zhangke, les Chinois les ignorent. Ils n'ont pas de marché. La censure les bloque.

J'en avais vu quelques-uns de Lou Ye...

Oui. Lui sort un peu, mais il est censuré, donc bon...

Qu'est-ce que ce serait, un bon film, pour vous ?
Je trouve qu'aujourd'hui, on a quitté le cinéma de sens pour un cinéma de sensations. Le bon film, pour moi, c'est le film qui a d'abord du sens, qui m'apprend quelque chose quand je le vois, qui me touche, m'émeut. Je n'aime pas le cinéma réaliste. J'aime les formes d'interprétation poétiques, créatives, visuelles... la petite comédie à la française, ça me fait bien chier ! Après, j'ai vu Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et je trouve que c'est une comédie populaire, mais pas idiote. C'est un vrai sujet de société, traité de façon assez maligne. C'est tout de même mieux que Supercondriaque...

Avec votre regard d'auteur, avez-vous aussi des filmographies méconnues cultes ?
Non, pas spécialement, juste quelques films, de temps en temps. Par exemple, comme souvenir déjà pas tout jeune, j'ai vu Mud, un film indépendant américain, et j'ai trouvé ça vachement bien. Ce n'est pas un film marginal. Ça reste grand public, mais réussi, je trouve: il y a un exotisme, un bon sujet, des ingrédients de spectacle... ça donne un divertissement intelligent !

Il y a aussi des enfants, comme dans beaucoup de vos films...
Des ados, oui. Le sujet est bien: ce passage de l'adolescence à la vie adulte, c'est vraiment intéressant.

Pour terminer, je voulais dire un mot de votre carrière antérieure, dans la pub notamment. Vous pensiez être là aujourd'hui ?
Non. Le désir de faire des films m'est venue tardivement. Quand j'avais 20-25-30 ans, je ne pensais jamais faire du cinéma. Ça s'est passé comme ça parce que j'aimais bien voir des films. Je me suis trouvé un jour avec l'envie de m'y mettre aussi. C'est la vie. Pareillement, je ne pensais pas non plus faire un film chinois...

Et si vous vous projetiez au-delà du court ou du moyen terme ? Comment vous voyez-vous dans dix ou vingt ans ?

J'espère que je ferai encore des films ! Quand on me pose la question de mon film préféré, je réponds toujours le prochain. J'essaye systématiquement de faire mieux, d'apprendre et pour arriver un jour à faire un film plein. Je suis content du dernier, Le promeneur d'oiseau...

Vous avez cette humilité, cette envie de perfectionnement...
Oui. Il faut travailler.

Et le gage de la réussite, ce serait quoi, alors ?
D'abord, le fait d'être content en regardant le film. Il faut être content de son travail. Si j'ai de l'estime pour ce que j'ai fait, c'est déjà en soi une bonne chose. Ensuite, si le film rencontre un succès populaire et si j'ai réussi à faire passer des idées ou des valeurs auxquelles je tiens, si j'ai pu faire réfléchir quelques personnes, c'est bien. Je n'ai pas d'ambition de gloire. Cela dit, si elle arrive, ça ne me gêne pas. Je suis prêt.

Ce serait plutôt une attention du public que de la profession...
Les deux ! C'est agréable d'avoir le public et la critique de son côté. Cela dit, je pense que la critique, je ne l'aurais jamais vraiment. Je suis considéré comme un cinéaste qui fait des films populaires. Je ne suis pas un intello. On verra comment ça se passe pour le prochain...

dimanche 13 juillet 2014

Coupés du monde

Autant l'exprimer comme je le pense: avec Shining, j'ai le sentiment de m'attaquer à un Everest cinématographique. Regarder un film aussi illustre pour la première fois génère forcément une dose d'excitation: j'ouvre grand mes yeux et mes oreilles pour évoquer ensuite avec une certaine pertinence cette plongée dans l'inconnu. Cette fois, mon seul vrai regret est d'avoir manqué une projection cinéma - la salle était pleine. Un constat: le onzième des treize films de Stanley Kubrick reste délectable sur canapé. Qu'importe le flacon...

Pour vous en parler, j'ai fait un choix: n'en montrer que des images relativement neutres et vous laisser donc (re)découvrir sans indice cette oeuvre noire, incroyablement magnétique. Je tiens à signaler sans délai qu'elle adapte un roman éponyme de Stephen King, paru courant 1977. De ce que j'ai lu à droite et à gauche, je retiens notamment que, passées leurs initiales, l'écrivain et le cinéaste n'avaient que peu de choses en commun. Stanley Kubrick a donc pris d'importantes libertés pour adapter le texte et en faire "son" Shining. L'idée de départ reste la même, bien sûr: nous suivons de près les pas de Jack Torrance, un ancien enseignant bien décidé à écrire un livre. Pour se garantir le calme propice à la création littéraire, notre homme s'engage comme gardien à l'Overlook, un immense hôtel montagnard. L'établissement est fermé à la saison hivernale, son unique route d'accès devenant impraticable du fait d'importantes chutes de neige.

Il existe plusieurs versions de Shining: j'ai pu voir celle qui est sortie aux États-Unis, version intégrale amputée d'environ une demi-heure lors de son exploitation en Europe. Ces coupes auraient été réalisées par Stanley Kubrick lui-même, le cinéaste jugeant décevant le résultat de son film au box-office américain. Il faut dire que les critiques n'épargnent pas le long-métrage: il est même nommé à deux reprises aux Razzie Awards, l'équivalent des Oscars pour les productions ratées du cinéma outre-Atlantique. À l'inverse, il trône aujourd'hui parmi les meilleures références en matière d'épouvante cinématographique. Télé, musique, jeu vidéo... d'autres univers artistiques l'ont érigé en modèle à suivre. Il faut bien dire qu'aujourd'hui encore, quand Jack Torrance installe sa petite famille dans cette si grande maison, on comprend vite que leur villégiature va se transformer en cauchemar. Il suffit juste d'attendre un peu...

Avec moins d'une dizaine de personnages, dont un très jeune enfant dans l'un des trois rôles principaux, Shining est toujours, 34 ans après sa sortie, d'une efficacité implacable. Ce que le film raconte n'est pas très original, mais la tension qui va crescendo tout au long du métrage délivre une vraie leçon de cinéma. Stanley Kubrick s'amuse visiblement à nous faire peur - et il le fait bien, le bougre ! Génie de l'image, le réalisateur compose d'extraordinaires scènes mobiles, donnant l'impression de suivre de très près les protagonistes de son récit. Nous voilà embarqués dans le manège à chocottes: il est difficile de ne pas trembler quand, au bout d'un couloir, la caméra accompagne notre regard vers des zones encore inexplorées. Mélange de musique classique, de sons sourds ou d'éclats stridents, la bande originale contribue elle aussi à la chute de la température. Tout ça sans céder à la facilité de la surabondance d'hémoglobine. Grandiose !

De nombreuses théories circulent pour expliquer les phénomènes paranormaux à l'oeuvre dans le film. D'aucuns lisent le long-métrage comme une allégorie de la conquête de l'Ouest, les paisibles pionniers des débuts devant imposer leur mode de vie aux populations primitives. D'autres y voient plutôt une représentation de la Shoah. D'autres encore assurent que Stanley Kubrick avait l'idée de démontrer à Stephen King que la force évocatrice du cinéma était d'essence supérieure à celle de la littérature. Très honnêtement, je me moque un peu de toutes ces explications. Shining est bel et bien un film saisissant par lui-même: il ne me paraît pas nécessaire d'échafauder d'autres hypothèses pour se convaincre de sa grandeur. Sa force vient aussi de ses acteurs, bien sûr, et notamment d'un Jack Nicholson terrifiant. Shelley Duvall est également excellente, en épouse poussée aux portes de la folie. Et c'est ne rien dire du gamin, Danny Lloyd...

Shining
Film américain de Stanley Kubrick (1980)

Le plus incroyable est encore que cette merveille de long-métrage horrifique a été presque exclusivement tournée... en studio. Il paraît impossible de lui trouver un équivalent dans l'histoire du cinéma. Psychose pourrait offrir une bonne alternative en termes de tension dramatique - on constate d'ailleurs qu'un autre hôtel isolé est au coeur du thriller d'Alfred Hitchcock. Il semble également que les tournages aient tous deux été éprouvants. Les grands du cinéma "accouchent" souvent dans la douleur. C'est peut-être ça, le prix du grand frisson.

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Une info pour les plus passionnés d'entre vous...

En 2012, le documentariste américain Rodney Ascher a tourné un film sur cinq des études consacrées à Shining. Le long-métrage est sorti en France le 19 juin 2013: il est désormais disponible en support DVD.

Vous pouvez maintenant consulter quelques blogs amis...

- "Ma bulle"...
- "L'oeil sur l'écran"...
- "La cinémathèque de Phil Siné".

vendredi 11 juillet 2014

Parenthèse marseillaise

Jouons franc jeu: je ne connais qu'une toute petite partie des 18 films que Robert Guédiguian a tournés en 34 ans de carrière. J'assimile volontiers le réalisateur à Marseille, sa ville natale, et au message social que délivrent ses oeuvres. J'ai vite eu très envie d'appréhender Au fil d'Ariane, la dernière en date, sortie en salles le mois dernier. Son générique de début la présente d'emblée comme "une fantaisie".

J'ai bien compris qu'avec Au fil d'Ariane, Robert Guédiguian voulait rendre hommage à celle qui est à la fois sa muse et sa compagne depuis de longues années: Ariane Ascaride. La comédienne arbore une fois encore les habits d'une femme simple, que sa famille entière, mari et enfants compris, a délaissée le jour de son anniversaire. L'infortunée ménagère cuisine un gâteau, mais l'abandonne bougies allumées, sortant seule de chez elle. Cette escapade improvisée compose la trame du film: après vous avoir indiqué que la pauvrette sera bientôt confiée aux bons soins d'un patron de bar généreux comme le César de Pagnol, je resterai muet sur le scénario. J'ajoute juste ce que certains d'entre vous auront déjà imaginé: le terrain qu'on arpente dans cette fable de cinéma est connu. Guédiguian fait le tour du propriétaire en père peinard, avec sa troupe de fidèles. Ariane Ascaride côtoie Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, etc...

Notons aussi, pour la bonne bouche, que l'on retrouve également quelques jeunes habitués du cirque du bon Robert: Anaïs Demoustier et Lola Naymark chez les filles, Adrien Jolivet chez les garçons. Curieusement introduits par un générique en images de synthèse assez moche, ces braves gens jouent tous plutôt bien une histoire ensoleillée et relativement inventive, à défaut d'être très originale. J'admets avoir déploré quelques longueurs sur la fin, mais l'évidence de l'affection qui unit réalisateur et comédiens peut aussi compenser ce léger manque de rythme. Ici et là, Au fil d'Ariane développe également quelques jolies scènes, où une jolie femme fait bronzette aux derniers rayons du soleil ou quand les passagers d'une drôle d'expédition maritime affrontent ensemble une tempête homérique. Plusieurs surprises émaillent le terme de l'odyssée. J'ai vu des choses plus belles, mais l'homme à la caméra reste bien un artiste en liberté.

Au fil d'Ariane
Film français de Robert Guédiguian (2014)

Par la constance avec laquelle il évoque la vie des petites gens du Sud de la France, le cinéaste de Marseille est un peu le Ken Loach français. Il me semble toutefois que sa vision propre est empreinte d'un optimisme étranger à son confrère britannique - aux exceptions notables de Looking for Eric et La part des anges. On retrouve ici l'impression de douce folie d'un Aki Kaurismäki (Le Havre). Étonnant !

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Et qu'en dit-on ailleurs ?
Pascale ("Sur la route du cinéma") n'a pas été très convaincue.

jeudi 10 juillet 2014

Dédoublement

Le septième art manque parfois cruellement d'imagination. Scénarios répétitifs, absence totale d'invention graphique, musiques basiques ou déjà entendues... on ne tombe pas tous les jours sur un projet original. Quand je serai petit, second film de Jean-Paul Rouve réalisateur, ose une proposition inventive. L'ex des Robins des bois découvre ici un petit garçon, sosie de l'enfant qu'il était. Troublant...

C'est ainsi que la vie de Mathias Esnard, jeune paysagiste parisien sans histoire, bascule. Fasciné par sa similitude, notre homme décide de suivre son "double" et découvre alors que le gamin vit où lui-même a grandi, avec des parents qui ressemblent aux siens et, surprise ultime, que tout ce petit monde porte exactement le même nom ! Mathias décide alors de prendre ses habitudes dans cette autre vie. C'est ainsi que, progressivement, il devient l'ami d'un homme qui est la copie conforme de son père disparu. Voyage dans le passé ? Non. Quand je serai petit reste ancré dans le présent, aussi fantaisiste puisse-t-il paraître pour cela. L'une des qualités du film m'est apparue autour du fait qu'il ne donne pas d'explication à son côté paranormal. Ce qui ne le prive pas de tisser un joli et touchant portrait de famille.

Les comédiens ne sont pas pour rien dans cette réussite. Je veux saluer l'application de Jean-Paul Rouve, dont la pudeur de jeu trouve un joli écho dans les scènes-miroir avec le jeune Miljan Chatelain. Avant eux, j'ai vu ce film pour retrouver Benoît Poelvoorde, juste comme il l'est toujours dans ce genre de rôles à petites touches d'émotion. Autre plaisir avéré: la présence de Miou-Miou, femme ordinaire et mère discrète, tout à fait dans le ton de son personnage. Quand je serai petit n'est pas un grand film. C'est une oeuvre pudique et intelligente, qui pose de justes questions sur les liens familiaux et les fils qui nous relient à ceux qui ont disparu. Silencieux, le dernier plan d'un père évanescent, comme échappé d'une bobine Super 8, résume assez bien le propos. Tout en douceur.

Quand je serai petit
Film français de Jean-Paul Rouve (2012)

J'aime beaucoup le titre ! Le long-métrage proprement dit demeure une jolie surprise: je ne pensais pas qu'il serait aussi doux. Je dois dire que je trouve ça assez reposant, un tel film, de temps en temps. Dans le ton, il m'a un peu rappelé Du vent dans mes mollets. Il faut noter que ces deux oeuvres abordent la question du deuil, mais aussi qu'ils ne sont pas portés par la seule nostalgie. Une très bonne chose.

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Et maintenant, si vous cherchez à lire un autre avis...

Vous verrez: "Sur la route du cinéma" en publie un, plutôt positif. C'est un peu plus nuancé du côté de "Mon cinéma, jour après jour".

mardi 8 juillet 2014

Garçons dans le vent

C'est indubitable: la sortie d'un nouveau film de Clint Eastwood demeure pour moi un événement  d'ampleur. Je crois vous avoir donné des gages de ma sincère admiration pour l'artiste, pour l'acteur d'abord et un peu plus encore pour le réalisateur, et redis mon respect pour l'homme. Je me suis donc rué sur Jersey boys, dès le lendemain de sa sortie. Il comptait à peine 71.000 entrées dix jours plus tard...

Quand je parle cinéma, il me semble que Clint Eastwood paye encore les pots cassés de ses prises de positions politiques conservatrices. D'autres que lui, moins connus sans doute, passent entre les gouttes. Bref... Jersey boys est à l'évidence l'oeuvre d'un vieil homme, entouré de fidèles amis. Il ne marque pas une nouvelle évolution narrative ou stylistique de son auteur. Fana de musique, Eastwood nous invite à réentendre celle de ses jeunes années, par l'entremise d'un groupe de quatre jeunes mecs, les Four Seasons. Toutes choses égales par ailleurs, ils sont un peu, de l'autre côté du grand océan Atlantique, les grands frères des Beatles. L'une des différences majeures tient à ce que Frankie Valli et ses trois copains sont donc américains, d'origine italienne, petites frappes avant d'être chanteurs et musiciens. Il faut tout l'engagement financier - et émotionnel ! - d'un parrain pour les mettre dans le droit chemin d'une carrière méconnue en France, mais absolument triomphale aux États-Unis. L'occasion d'associer Christopher Walken avec de jeunes premiers.

Le film a été en partie produit par deux des membres du vrai groupe. Attention à ne pas se tromper: même s'il s'appuie sur le précédent d'un spectacle scénique à succès, ce n'est pas une comédie musicale. La musique y tient certes une place centrale, mais elle n'écarte pas totalement le cinéma. En décors et costumes, Jersey boys est surtout une très belle reconstitution de l'Amérique des années 50 et 60. Nostalgique d'un temps où il fallait guider les artistes rock débutants dans leurs premières apparitions télévisées, le long-métrage s'illustre par une attention particulière au plus petit détail plastique - il n'y a guère que les maquillages finaux qui m'ont déçu, sur ce point. Évidemment, ce n'est sûrement pas un scoop: nous connaissions déjà cet Hollywood capable de générer de grandes oeuvres en costumes. Reste que je suis toujours très attaché à ce classicisme, gage aussi que le cinéma peut toujours tout recréer. Mon plaisir tient également au fait que, même s'il remonte le temps, Eastwood dit sa confiance en la capacité des jeunes à réaliser de grandes choses. Et il a 84 ans !

Jersey boys
Film américain de Clint Eastwood (2014)

Ascension, chute et rédemption: l'ami Clint reprend un schéma éprouvé du cinéma hollywoodien. Au départ, ce nouvel opus rappelle même Les affranchis de Martin Scorsese, avec une série de dialogues face caméra pour remplacer la voix off. Peut-être un peu trop centré sur son personnage leader, le film perd un peu d'émotion sur la durée. Je l'ai trouvé beau, mais un peu moins fort que Bird, par exemple.

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D'autres avis, sur le Web ?

Oui ! Celui de Pascale ("Sur la route du cinéma"), notamment. L'envie d'en lire d'autres vous titille ? Il suffit de choisir: d'autres chroniques ont été publiées sur "Callciné", "Le blog de Dasola" et "Ma bulle".

lundi 7 juillet 2014

Débuts noirs

Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de "découvrir" un artiste de cinéma ? Je veux dire, de voir le tout premier film d'untel, avant de constater que son talent séduit le plus grand nombre et s'inscrit dans la durée ? Pour ma part, je n'ai bien sûr pas "découvert" les frères Coen. J'ai eu toutefois le plaisir de revenir aux origines de leur belle filmographie avec Sang pour sang, le long-métrage qui a lancé leur carrière il y a bientôt trente ans. Le film reçut diverses récompenses et notamment le Grand Prix du jury au Festival de Sundance. Des débuts en fanfare !

Tout tourne ici autour de Frances McDormand, dont vous savez probablement qu'elle est la femme de Joel Coen. À cette époque lointaine, et alors même qu'ils collaborent en tout, ce premier frangin signe seul la réalisation des films communs, Ethan étant crédité comme producteur. Qu'importe: ensemble, les Coen brothers frappent fort d'entrée de jeu. Sang pour sang est un film noir d'une efficacité avérée. L'idée de base est toute simple: le patron d'un bar miteux suspecte sa femme de le tromper avec son principal associé. Il paye donc un détective privé pour en savoir plus. Sa jalousie démesurée l'incite ensuite à commanditer un double meurtre. Vous imaginez bien que rien ne va se passer comme prévu. J'ajouterais simplement que, comme souvent avec ce genre de scénarios, les personnages s'enferment progressivement et choisissent toujours la moins bonne des solutions qui se présentent à eux. Jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Mieux vaut ne pas en dire davantage sur le déroulé de l'histoire. Autant souligner désormais qu'attentifs au fond, les Coen le sont également à la forme, bien entendu. Quand Sang pour sang déboule sur les écrans américains, Joel a 30 ans, Ethan à peine 27. Ils font toutefois preuve immédiate d'une grande maîtrise. Sans chercher midi à quatorze heures, les images de leur tout premier opus cognent la rétine et paraissent l'oeuvre de vieux routiers du cinéma de genre. Le budget à leur disposition ne dépasse pourtant pas les 1,5 millions de dollars. La critique, elle, se fait assez élogieuse dans l'ensemble. D'aucuns osent une comparaison avec Hitchcock, soulignant le fait que les frangins ont bien retenu leurs leçons de style. On peut affirmer sans trop de risque qu'ils ont fait encore mieux depuis. Heureux, ceux qui ont su d'emblée les apprécier sur grand écran ! Tout ça avec, par exemple, sept ans d'avance sur l'ami Tarantino...

Sang pour sang
Film américain d'Ethan et Joel Coen (1985)

Dans sa version originale, le long-métrage s'appelle Blood simple. Simple, il l'est, en effet, ou disons plutôt radical. Les Coen évitent toute fioriture qui viendrait plomber leur récit. Ils ne cherchent pas particulèrement à dynamiter le genre, mais s'y inscrivent aussitôt comme de très honorables artisans. Ils le confirmeront avec éclat grâce à des films comme Fargo ou No country for old men. Brillant !

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Ailleurs sur le Net...
Vous pouvez retrouver une chronique du côté de "L'oeil sur l'écran". Autre possibilité: choisir de consulter "Mon cinéma, jour après jour". Princécranoir donne également son avis sur "Ma bulle".