Je pose la question franco: Gérard Depardieu est-il un homme bien ? J'en doute, pour tout dire. J'ai en mémoire l'image de son intrusion sur la scène des Césars 2004 et sa fille Julie, hagarde, parlant de lui comme d'un fardeau auquel elle était désormais "habituée". Malaise. Cela étant dit, il me paraît difficile de nier le talent du comédien, sans doute l'un des plus grands acteurs que la France ait vu naître. Ses choix artistiques, aussi diversifiés que surprenants, lui offrent des rôles changeants, qu'il endosse, sinon avec la même réussite, disons au moins avec une conviction sans cesse renouvelée. C'est bien ce qui fait - entre autres - qu'il me surprend encore et que j'ai une certaine admiration pour lui. Et c'est d'abord parce qu'il en est l'interprète principal que je suis allé voir Mammuth l'autre dimanche.
Le Gérard Depardieu des toutes premières scènes du film m'a fait penser au Mickey Rourke de The wrestler (archive du 20 mars 2009). Même situation sociale misérable, même boulot sans perspective autre qu'un salaire minable, même impression au fond d'avoir laissé filer la vie sans l'attraper vraiment. Serge Pilardos part à la retraite. Le pot de départ qu'organise son patron a des allures d'enterrement. Alors qu'un contremaître annone en lisant son discours, les collègues ont déjà entamé le buffet et l'écoutent d'une oreille tout en mangeant des chips. Le héros du jour repartira avec un puzzle et sans certitude du lendemain. Face aux demandes insistantes de sa femme (magnifique Yolande Moreau !), il remontera sur sa vieille moto. Objectif: récupérer, à droite et à gauche, les nombreux justificatifs qui lui manquent pour toucher sa pension. Débute alors ce qu'il faut bien appeler un road-movie, un retour vers ses vies antérieures.
La route, pour Depardieu-Pilardos, c'est évidemment la rencontre avec les autres. Le souvenir du temps passé, aussi, d'une jeunesse enfouie en lui et qui, soudain, remonte à la surface comme la force des choses. Le personnage le plus étonnant de cette drôle d'histoire est sans doute celui qu'incarne Isabelle Adjani, ex-petite amie décédée dans un accident de moto, symbole lointain d'un destin pathétique et qui aurait pu être tout à fait différent. Mammuth prête à sourire, mais on ne rit jamais aux éclats: c'est un humour grinçant que développent les deux co-réalisateurs, Gustave Kervern et Benoît Delépine, trublions télévisuels et citoyens du Groland. Malgré tout, et de manière à vrai dire assez surprenante, il y a aussi une certaine tendresse, dans cette histoire. Les retrouvailles du "biker" avec une nièce oubliée - et jouée par Miss Ming, comédienne autiste - sont remarquables. Sombres au départ, le film et son personnage avancent vers la lumière. La fable est granuleuse, tourmentée, mais finalement optimiste. Et ça, oui, ça fait du bien.
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