jeudi 30 avril 2020

La fin de leur histoire

J'ai eu - et donc saisi - l'occasion de découvrir Marriage story. Présenté en totale exclusivité sur la plateforme VOD Netflix, ce film en est un peu le fer de lance et figurait parmi les candidats à l'Oscar en février dernier. Son casting a des arguments: Scarlett Johansson, Laura Dern, Adam Driver, Ray Liotta, Alan Alda... de très bons choix !

Tout démarre avec une série d'images de Nicole, Charlie et Henry. Cette petite famille a l'air très harmonieuse, d'autant qu'une voix off masculine énumère chaque qualité de Nicole, avant qu'une autre, féminine, ne cite une à une celles de Charlie. Il s'agit d'une ouverture trompeuse: quand la caméra cesse de virevolter, nous atterrissons dans le cabinet d'un médiateur conjugal. Car oui, le couple heureux dont nous venons d'observer l'intimité est en voie de dislocation. Comédienne et metteur en scène de théâtre réputés, Nicole et Charlie se sont aimés, mais veulent divorcer. Ils tentent alors de s'entendre sur les conditions pour éviter à leur fils Henry, 8 ans, de souffrir. Problème: elle souhaiterait vivre à Los Angeles, tandis que sa carrière à lui l'oblige à habiter New York. Que dire ? Ce drame contemporain est celui que vivent plusieurs millions de personnes dans le monde. Sans être confronté soi-même à une telle situation, il est très facile d'appréhender les enjeux de Marriage story. Il faut aussi reconnaître qu'ils sont bien exposés. Par chance, le film n'est jamais impudique...

Bon... tout n'est pas parfait pour autant. Il m'a semblé que le scénario était un peu répétitif ou, à l'inverse, exagérément caricatural parfois. Exemple: le portrait qu'il dresse des avocats matrimoniaux fait d'eux des requins dépourvus de tout scrupule, payés des sommes colossales pour ne surtout pas transiger, mais juste éparpiller la partie adverse façon puzzle. Autre bémol: le descriptif des diverses tergiversations du duo Nicole / Charlie, capables à quelques minutes d'intervalle d'aller très loin dans la mesquinerie et... de se demander pardon. D'accord, on se sépare pas toujours aussi facilement, mais j'ai trouvé que, dans certaines scènes, Marriage story manquait de subtilité. Pour nous émouvoir, il joue un peu trop avec l'idée que l'ex-couple aurait pu résister et que, finalement, il y a peut-être de l'amour encore entre les deux protagonistes. La fin s'avère d'ailleurs édifiante sur ce point précis. Les acteurs ? Scarlett Johansson et Adam Driver sont impeccables et fort bien entourés: c'est le meilleur atout du film. Une mention spéciale au petit Azhy Robertson n'aurait rien d'incongru.

Marriage story
(Télé)film américain de Noah Baumbach (2019)

Je tremble à l'idée que l'avenir du cinéma puisse s'écrire sans salle obscure, mais je dois admettre que j'ai plutôt apprécié cet opus télé. Serais-je allé le voir sur grand écran ? En fait, je n'en suis pas sûr. Oscarisé en 1980, Kramer contre Kramer reste régulièrement cité comme LA référence du film de divorce. Ce thème peut être traité avec humour (Intolérable cruauté) - ou empathie (Une séparation) !

mercredi 29 avril 2020

De l'or pour les filles

"Quentin Tarantino rencontre les frères Dardenne". Cette promesse accrocheuse m'a incité à regarder Rebelles, l'un des films que Canal + a diffusés gratuitement au début de la période dite de confinement. Le fameux trio Cécile de France / Audrey Lamy / Yolande Moreau justifierait toutefois à lui seul mon envie d'une séance "rattrapage"...

Sandra, Nadine et Marilyn vivent à Boulogne-sur-Mer et sont ouvrières dans une conserverie de poissons. Un soir, la première nommée affronte les gestes déplacés d'un contremaître libidineux. La situation s'enflamme et dégénère: d'abord méchamment blessé, le gaillard tente de prendre la fuite, chute dans des escaliers... et se tue. Derrière lui, il laisse un sac de sport rempli de billets de banque. L'occasion est beaucoup trop belle: les filles décident de s'en emparer et de se partager le butin. Là aussi, ça va évidemment mal tourner ! Sachez-le: Rebelles joue plutôt sur l'humour noir que sur l'effusion d'hémoglobine. Autant se l'avouer: c'est loin d'être un film 100% trash.

Honnêtement interprété, le scénario ne fait pas vraiment d'étincelles. Sans forcer, le long-métrage entrera dans la case (très fréquentée) des honnêtes divertissements. Outre les actrices, bien sûr, j'ai pris plaisir à y revoir un comédien trop rare à l'écran et que j'apprécie beaucoup: Simon Abkarian, à l'aise avec son éternelle moustache. Malheureusement, la mayonnaise prend, mais elle n'a qu'un goût ordinaire. En fait, c'est assez simple: Rebelles ne surprend jamais. L'intrigue est très linéaire et, du coup, la conclusion ultra-prévisible. Même le pseudo-épilogue semble couru d'avance: si vous avez besoin qu'un film soit imaginatif pour vous plaire, passez votre chemin ! Maintenant, pour un plateau-télé, why not ? J'ai passé un moment agréable. Peu importe donc que tout cela ait un petit air de déjà vu...

Rebelles
Film français d'Allan Mauduit (2019)

Fort d'un casting impeccable, ce long-métrage du grand Nôôôôôôôrd mâtiné de belgitude reste sagement dans la norme de la production hexagonale. Il titille toutefois votre curiosité ? Ce n'est pas honteux. J'ai vu des choses bien plus sinistres parmi toutes les comédies franchouillardes. Cadeau-bonus: après Mademoiselle de Joncquières en 2018, Cécile de France confirme encore... qu'elle sait TOUT jouer !

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Et si jamais vous souhaitiez un avis féminin...

Je vous suggère à présent d'aller découvrir ceux de Pascale et Dasola.

mardi 28 avril 2020

Denzel, Joel, William...

C'est vrai: Denzel Washington apparaît peu sur Mille et une bobines. Comme très probablement certain(e)s d'entre vous, j'ai connu l'acteur américain dans les années 90... et je l'ai largement oublié depuis. Malgré deux Oscars et une kyrielle d'autres récompenses, il m'apparait comme un artiste "de seconde zone". Le terme est bien trop sévère...

C'est en cherchant des anecdotes susceptibles d'enrichir ma chronique précédente que j'ai appris que notre ami était lié à un nouveau projet porté par Joel Coen: l'aîné des frangins aimerait confier au comédien le rôle de Macbeth. Voir un Noir incarner le légendaire roi d'Écosse pourrait étonner, quatre siècles après que Shakespeare l'a ressuscité. Cela dit, il existe bien une version japonaise, alors pourquoi pas ? Après le film de Justin Kurzel en 2015, je me sens vraiment curieux. D'ici là, ce serait bien de voir ceux d'Orson Welles et Roman Polanski !

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Vous avez un avis sur la question ?

Si c'est le cas, je vous encourage vivement à l'exprimer sans détour. Et moi, je veux aussi finaliser mon intégrale Coen un jour prochain...

lundi 27 avril 2020

La course au bébé

J'écrirai peut-être un jour une chronique là-dessus, mais il me semble que les frères Coen alternent films sérieux et comédies loufoques avec une belle constance. Leur présence au sommet de ma cinéphilie est presque ininterrompue depuis que je les ai découverts ! Remonter aux origines me plaît ! Et aujourd'hui, ce sera avec Arizona Junior...

Dans ce deuxième opus des frangins, Holly Hunter et Nicolas Cage forment un couple atypique: Ed(wina) et Herbert - alias Hi - se sont connus en prison, quand la première nommée, flic, prenait des photos du second après chacune de ses arrestations. L'improbable rencontre s'est achevée par un mariage. Problème: très amoureux, le couple n'arrive pas à avoir d'enfant. C'est finalement un reportage télévisé qui apportera la solution miracle: des mouflets, un riche industriel vient d'en avoir cinq d'un coup et il suffira donc d'en kidnapper un pour ne plus se laisser déprimer par le moindre problème de fertilité. Aussitôt imaginé, aussitôt réalisé: le plan d'Ed et Hi fait ses preuves. Je vous laisserai voir seuls comment (et avec quelles conséquences). J'ai pu lire quelque part que le graphisme d'Arizona Junior le reliait avec l'univers du cartoon, ce que je trouve à vrai dire assez juste. Quelque chose de l'esprit de Tex Avery anime ces images loufoques...

Après Sang pour sang, un premier film noir, Ethan et Joel Coen avaient souhaité négocier un virage... à 180 degrés ! Leur maestria narrative et technique a fait le reste: tout en truffant leur "bébé" d'allusions référentielles, ils sont parvenus à signer ici une comédie efficace et très personnelle, qui en préfigurera beaucoup d'autres pour la suite de leur carrière. On trouve déjà ici quelques visages familiers, devant la caméra - Frances McDormand et John Goodman - ou dans la coulisse (à l'image de Carter Burwell, auteur de la BO). Arizona Junior n'arrache pas des larmes, mais c'est déjà un spectacle très soigné en termes de mise en scène: les deux frères réalisateurs parviennent d'emblée à offrir une base solide à leur style inimitable. Pour une introduction, c'est très réussi et, mieux, réalisé sans temps mort: la petite heure et demie du film s'avère tout à fait suffisante. Que j'aime le cinéma américain quand il ose se montrer aussi dingue !

Arizona Junior
Film américain d'Ethan et Joel Coen (1987)

J'insisterai sur un point: le vrai potentiel comique des deux frères s'enrichit encore grâce à leur sens technique (quasi-)irréprochable. L'humour loufoque n'est que trop rarement aussi bien représenté. Blake Edwards et The party en étaient peut-être bien les précurseurs. Si vous fouillez dans mes archives, vous trouverez aussi Shane Black et Kiss kiss bang bang: un possible plan B avant le prochain C...oen !

dimanche 26 avril 2020

Espion(s) ?

Je ne chercherai pas à faire une liste exhaustive des grands films avec Kirk Douglas. Quand l'acteur nous a quittés, le 5 février dernier et à 103 ans, j'imagine que les télés ont cogité sur le film-hommage incontournable qu'elles devaient absolument diffuser. Le seul hasard aura voulu que, de mon côté, je tombe sur un opus sûrement oublié...

Les doigts croisés aura (au moins) permis la rencontre de l'Américain à fossette avec Marlène Jobert, ici âgée d'une petite trentaine d'années - soit presque 24 bougies de moins que son partenaire ! L'oeuvre dont il est question aujourd'hui a pour héroïne une Française partie à Londres enseigner sa langue... et le sport. Un enseignement en plein air et c'est la rencontre avec son futur mari, dont elle ignore qu'il s'agit en fait d'un espion en quête d'une couverture acceptable. Passons sur ce qui arrive à Marlène: vous dire simplement que Kirk n'intervient que peu avant la nuit de noces, sous les traits d'un garçon d'hôtel pour le moins ambigu. La suite m'a semblé rudement fragile...

Sans vouloir offenser quiconque, il me faut dire que les protagonistes principaux ont fait de bien meilleurs films que celui-là. Je l'ai vu comme une curiosité de leurs carrières respectives et, en cela, il est possible que vous l'appréciiez sans vous poser d'autres questions. Après tout, pourquoi pas ? Son aspect vintage vient un peu compenser l'absence d'un scénario complexe: malgré tout un décor britannique plutôt convaincant, on n'est assurément pas dans un James Bond ! Pour l'anecdote, je souligne qu'il n'y a qu'assez peu d'acteurs connus dans la distribution, exception faite du duo vedette, of course. Plaisir franchouillard: les apparitions de Bernadette Lafont et Bernard Blier. Sans aller jusqu'à parler de rebondissements, j'ajoute que le récit réserve aussi quelques petites surprises. C'est toujours cela de pris...

Les doigts croisés
Film britannique de Richard "Dick" Clement (1971)

Trois étoiles pour le long-métrage et une demie pour saluer le charme inaltérable des deux interprètes: le film a au moins le grand mérite d'éviter toute esbroufe. C'est un simple divertissement, point barre. Venu plus tard, Burn after reading est une bien meilleure comédie d'espionnage. Espion(s), film français, reste vraiment trop sérieux ! Dans ce registre, autant dès lors conseiller Les patriotes ou Möbius...

samedi 25 avril 2020

Venger le père

Vous l'avez peut-être remarqué: ma chronique d'hier portait le titre d'un western. Ce n'est pas un hasard: parce qu'il évoque une rivalité mortelle entre des hommes avides de richesses, ce formidable récit qu'est Jean de Florette pourrait trouver une place dans l'Amérique profonde. Même constat pour sa suite, qui nous parle de vengeance...

Une bonne dizaine d'années est passée depuis que Ugolin et le Papet sont parvenus à leurs fins: en privant leur voisin immédiat d'une eau abondante indispensable à sa survie, ils ont asséché ses ressources pour prendre le contrôle de ses terres (je préfère taire les "détails"). Témoin muet de tout ce qui s'est passé, la fille du brave homme spolié n'a rien oublié et se prépare à régler les comptes des faux amis de son père. Le livre est fabuleux. À l'écran, Manon des sources apparait sous les traits d'Emmanuelle Béart, qui a confié à la caméra tout le charme de ses vingt ans pour devenir une parfaite incarnation de la belle héroïne. Je vous avais promis de revenir sur le contexte dans lequel cette histoire a été imaginée: Marcel Pagnol a commencé par... la fin ! C'est en effet pour offrir le beau rôle à son épouse d'alors, Jacqueline, qu'il tourna en 1952 le premier Manon des sources du cinéma. Les romans - celui-là et celui qui raconte les événements antérieurs - furent publiés plus tard, en 1963. C'est dire l'importance que l'écrivain lui-même devait attacher à ce personnage de légende...

J'ai dit et je veux répéter qu'à mes yeux, son esprit n'a pas été trahi. Dans ce second épisode, le tandem Daniel Auteuil / Yves Montand assure une continuité narrative tout à fait respectueuse de la plume de l'académicien. Quelques plans viennent encore sublimer la beauté naturelle de la terre de Provence, mais je tiens à vous rassurer aussi sur un point: Manon des sources n'est jamais un film "tape à l'oeil". Je me souviens qu'après avoir lu le bouquin, j'avais observé une carte de la région en vue d'y trouver le fameux village des Bastides Blanches qui sert d'écrin à ce texte. Peine perdue: il n'existe pas ! Un constat identique prévaut pour Crespin, l'autre lieu évoqué, tant dans le livre qu'au cinéma. Qu'en conclure, alors ? C'est le talent de Marcel Pagnol que de parvenir à rendre si justes, crédibles et captivants des faits imaginaires comme ceux de ce diptyque cinématographico-littéraire. Claude Berri, lui, n'aura aucunement eu à rougir de son double travail d'adaptation: ces deux films resteront comme ses plus grands succès. Un peu après, il misera sur Émile Zola, mais c'est une autre histoire...

Manon des sources
Film français de Claude Berri (1986)

Le roman s'achève sur une confession, écrite et quelque peu abrupte. Le film, lui, choisit une image symbolique: une décision respectable. J'ai préféré revoir les deux opus coup sur coup, là où douze semaines séparaient leurs sorties officielles en salles. Tombé en admiration devant La fille du puisatier très récemment, je veux parler un jour d'autres Pagnol, contemporains de l'auteur. À commencer par Marius !

vendredi 24 avril 2020

Duel au soleil

Il paraît que Claude Berri a dû attendre dix ans avant d'obtenir le droit de réaliser Jean de Florette. Ce beau film adapte le roman éponyme de Marcel Pagnol (écrit dans un contexte dont je reparlerai demain). Important succès populaire, il occupe la cinquième place du box-office français des années 80 ! Il y a presque un mois, je l'ai revu à la télé...

Années 20. Après son service militaire, un garçon prénommé Ugolin est de retour aux Bastides Blanches, un petit village de Provence. Heureux, il retrouve le Papet, son oncle, la seule famille qui lui reste. Il est vite question d'un bel héritage à ne surtout pas dilapider. Soutenu par son aîné, Ugolin envisage même de le faire fructifier et, pour cela, compte cultiver une fleur inédite dans la région: l'oeillet. Problème: il a besoin d'une quantité d'eau qu'il ne peut accumuler seul. D'où son vif intérêt et son appétit grandissant pour une source présente sur un terrain voisin, la propriété... d'un homme de la ville ! Inutile que j'aille plus loin: porté par un Gérard Depardieu au meilleur de son talent, Jean de Florette est de fait un drame rural poignant. Je ne trouve rien à redire ici sur la magnificence du cadre naturel. L'humanisme "pagnolesque", lui, apparait affaibli dans ce récit croisé de destinées pathétiques. Malgré le soleil, le froid règne en maître. Chacun reste néanmoins libre de son jugement sur les personnages. Je n'ai vu ni manichéisme, ni moralisme dans cette sombre histoire...

Il me faut saluer la superbe prestation d'Yves Montand en patriarche machiavélique. Celle de Daniel Auteuil, soumis à la tentation du crime par omission, vaut bien des éloges: elle est plus remarquable encore. Mes explications manqueraient-elles de clarté ? Je vous recommande de voir le film pour répondre aux questions qui pourraient subsister. Vous vous dites peut-être que Jean de Florette évoque une France qui n'existe plus guère que dans les livres ? Je réponds simplement que c'est aussi ce qui fait l'intérêt de sa découverte, fut-elle tardive. Une précision: bien qu'évidemment truffés d'expressions provençales diverses, les dialogues restent accessibles au commun des cinéphiles. Bon... débuter par la lecture n'est pas la plus mauvaise des options. Je l'admets: la langue de Marcel Pagnol m'a semblé plus "chantante". Vous l'apprécierez comme vous voudrez et ce sera très bien ainsi. Quant à moi, je tiens notamment à ne pas oublier que cette prose correspond aussi à un terroir. Ému, je constate qu'elle me fait l'aimer davantage. Il est dès lors plus que probable que j'y revienne bientôt...

Jean de Florette
Film français de Claude Berri (1986)

En guise de conclusion, je dirais que je préfère le bouquin, mais aussi qu'il est difficile de ne pas admirer le véritable concentré de talent que nous offre l'association Montand / Depardieu / Auteuil - en notant au passage que les deux premiers cités n'ont aucune scène commune. Maintenant, un film comparable ? Pour la ruralité, L'été meurtrier n'est pas à négliger. Mais le ton Pagnol reste résolument inimitable...

jeudi 23 avril 2020

Mésaventures félines

L'école belge de la BD jouit d'une excellente réputation internationale. J'ai constaté avec surprise que je ne vous avais encore jamais parlé d'un film d'animation élaboré chez nos voisins et amis francophones. Découvert récemment à la télé, Le manoir magique vient combler cette lacune. Il offre un programme sympa, accessible aux 8-10 ans...

À l'occasion d'un déménagement, un petit chat roux est abandonné par sa famille d'accueil (c'est mal !). Vraiment effrayé par le monde extérieur, il pénètre dans une grande maison, qui s'avère être celle d'un vieux monsieur, Lawrence, exerçant la profession de magicien. Ledit papy trompe sa solitude en étant ami avec un lapin, un couple de tourterelles et une souris, auxquels s'ajoutent une vaste collection de jouets mécaniques conçus par lui... et en réalité dotés d'une âme. Cette armée mexicaine sera bien utile lorsqu'il s'agira de repousser les assauts répétés d'un neveu agent immobilier, déterminé à envoyer son aîné en maison de retraite et à vendre sa demeure de toujours. Bon... j'ai fait long, mais vous aurez donc constaté que le scénario propose une histoire originale et pas une énième redite d'un sujet rebattu. Un constat d'autant plus agréable que Le manoir magique mérite aussi des éloges pour la technique. Une réussite à sou-li-gner !

Toute en mouvements, l'introduction relève du morceau de bravoure. L'ensemble est moins époustouflant par la suite, mais je veux croire que l'explosion des couleurs vives et l'humour potache des situations pourront vous faire passer un joli moment (en famille, si possible). Info pour les plus grands: un peu toqué, le personnage du magicien s'inspire de Pierre Richard, ce qui donne une idée de son registre comique. Il n'y a, de fait, aucune place véritable pour la malveillance dans Le manoir magique: le méchant lui-même n'est qu'un sale type ordinaire... avec suffisamment de complices "malgré eux" toutefois pour créer nombre de situations imprévues, cocasses et drolatiques. Sorti le jour de Noël, le film n'a attiré en France qu'un - petit - million de spectateurs vers les salles: il mérite dès lors une nouvelle chance. D'abord diffusé en 3D, il s'accommode sans difficulté des images plates. Cela admis, ne comptez pas sur un quelconque second degré...

Le manoir magique
Film belge de Ben Stassen et Jérémie Degruson (2013)

J'avais un bon feeling avec ce film et suis content de l'avoir écouté. Quatre étoiles, c'est beaucoup, mais je les trouve plutôt méritées pour peu que l'on considère que le programme vise surtout les kids. Malgré les joujoux animés, on n'est pas franchement dans Toy story ! L'essentiel de l'aventure se déroulant à huis-clos, je trouve assez peu de films comparables. Côté magie, on peut privilégier Harry Potter...

mercredi 22 avril 2020

Un problème de taille

1956: Richard Matheson, un auteur de science-fiction américain, publie L'homme qui rétrécit, roman adapté au cinéma un an plus tard. Plusieurs décennies passent. Au tout début des années 80, les salles obscures en accueillent la version féminine: La femme qui rétrécit. Le film est resté inédit en France jusqu'à un passage télé... en 2001 !

Pat Kramer vit la vie ordinaire d'une mère de famille. Deux enfants turbulents et un mari qui bosse dans la pub. Ce très banal quotidien est bouleversé le jour où, accidentellement, son époux l'éclabousse avec quelques gouttes d'un nouveau parfum. Assez vite, Pat ressent quelque chose de bizarre, comme si elle flottait dans ses vêtements. C'est le cas: elle a déjà perdu une petite dizaine de centimètres ! Inutile, à mon avis, d'aller plus loin dans les explications: si ce pitch vous paraît bidon, le long-métrage a peu de chances de vous plaire. Maintenant, si vous êtes curieux, pourquoi ne pas tenter le coup ? Bon, il dure moins d'une heure et demie: au pire, ce sera vite passé...

Le petit monde qui apparaît ici sous nos yeux (plus ou moins) ébahis s'avère en fait assez proche du nôtre - et le caricature gentiment. N'hésitant pas à abuser des couleurs pastel, La femme qui rétrécit réinvente l'esthétique commerciale qui cible l'Amérique de la classe moyenne. Dans un second temps, le spectacle devient plus absurde encore: il sera notamment question d'un obscur groupe scientifique désireux de régner sur le monde et d'un gorille capable d'empathie avec les humains, depuis qu'on lui a enseigné le langage des signes. Vous l'aurez compris: tout cela est vraiment et délibérément farfelu. La marque, sans doute, de la relative insouciance de ces années-là. J'ajoute qu'il n'est pas interdit d'analyser le film comme une critique de la société consumériste, mais que le flot de situations ubuesques et/ou improbables finit inévitablement par tout emporter avec lui. Vous ne viendrez pas expliquer que je ne vous ai pas prévenus avant !

La femme qui rétrécit
Film américain de Joel Schumacher (1981)

Je pense assez vite l'oublier, mais, au fond, je l'ai plutôt bien aimé. Vers la fin, une horde de flics m'a fait penser à The Blues Brothers ! L'opus de 1957 était, lui, moins drôle, à ce qu'il paraît: j'en reparlerai probablement si, tôt ou tard, j'ai l'opportunité de le découvrir aussi. D'ici là, je vous rappelle l'existence d'un film récent sur un sujet similaire: Downsizing. Sans le charme vintage, malgré Matt Damon...

mardi 21 avril 2020

Rédemption indienne

Un enfant est décédé sur la table d'opération du docteur Max Lowe. Pour tourner le dos à la médecine, ce chirurgien américain est parti en Inde. C'est à Calcutta (et par hasard) qu'il va croiser le chemin d'une Britannique déterminée, à la tête d'un dispensaire de fortune. Oui, j'ai revu La cité de la joie, tiré du livre de Dominique Lapierre...

J'avais un vague souvenir autour de ce film: je crois l'avoir découvert lors de sa sortie en salles, il y a bientôt trente ans. Patrick Swayze était alors un acteur très apprécié et l'Inde déjà une destination relativement "exotique" pour le cinéma européen. Le récit littéraire originel avait pour personnage principal un prêtre français: traduit dans 31 langues, il s'était vendu à plus de 40 millions d'exemplaires ! Face à l'écran, il n'est nullement difficile de constater que le scénario s'est autorisé à prendre de très importantes libertés avec ce matériau premier, au risque d'ailleurs de l'affaiblir quelque peu. Je n'irai pas jusqu'à parler de trahison, mais j'ai une forme de regret à exprimer...

La cité de la joie a de belles images, qui gomment les barrières culturelles dans un grand élan humaniste - une démarche louable. L'ennui, c'est qu'il n'évite pas totalement le piège du manichéisme. Pour édifier les foules ou prévoir des rebondissements, la dimension humanitaire de cette histoire est gommée au profit d'une opposition entre "gentils docteurs" et "méchants oppresseurs du peuple pauvre". Je veux bien admettre qu'il y a des mafias dans les bidonvilles indiens: c'est tout à fait crédible dans une société aussi inégalitaire. Seulement voilà, le long-métrage montre trop souvent des gens souriants et soumis face à des monstres dépourvus de tout scrupule. Et, comme par miracle, au coeur même du ghetto, tout paraît propre et bien rangé, au point que la vilaine maladie d'un des personnages secondaires apparaisse comme un cliché facile pour dire la misère. Honorable, le film n'est dès lors que rarement émouvant. Dommage...

La cité de la joie
Film franco-britannique de Roland Joffé (1992)
Son aspect légèrement aseptisé lui aura fait perdre une demi-étoile. Dans un autre bidonville, je trouve Elefante blanco plus convaincant. Cela dit, le film a au moins le mérite de montrer une facette de l'Inde plus sombre que la façade du Taj Mahal ... et je l'apprécie pour cela. Après, quitte à choisir, je crois que je préférerais revoir du cinéma indien, ancien (Tonnerres lointains) ou plus récent (The lunchbox) !

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Vous souhaitez avoir un aperçu plus complet ?

OK: je vous propose de consulter la chronique en images d'Ideyvonne

lundi 20 avril 2020

Jeunesse (é)perdue

Arthur Rimbaud l'avait écrit: on n'est pas sérieux quand on a 17 ans. Le poète voyageur est-il venu en Corse ? Le cas est bien assez rare pour que je veuille le souligner tout de suite: le film que je présente aujourd'hui se passe entièrement sur l'Île de Beauté. Un territoire largement inexploité, ici mis en valeur par un cinéaste né à Ajaccio...

Les Apaches s'ouvre sur la virée nocturne d'une bande d'adolescents insouciants. Aziz, Hamza, François-Jo et consorts squattent une villa laissée à la garde de l'un d'eux, en l'absence du propriétaire légitime. Baignade dans la piscine, musique à fond les ballons, beuverie partagée... une bêtise, certes, mais rien de bien méchant, a priori. L'affaire prend une autre tournure quand une partie du groupe décide de ne pas repartir les mains vides, volant quelques DVD, une chaîne hi-fi et... deux fusils de collection. L'affaire revient vite aux oreilles d'un petit caïd local, qui se passera des gendarmes pour la régler. Avant d'aller plus loin, une précision: je ne suis jamais allé en Corse. Même si je sais qu'il s'inspire d'un fait réel, je souhaite ne rien dire sur le réalisme du film ou les libertés qu'il prendrait avec la "vérité". Pour tout cela, je pense que d'autres sources seront mieux adaptées que Mille et une bobines ! Avis aux amateurs d'histoires judiciaires...

Du point de vue formel et technique, le long-métrage m'a convaincu. Pour vous parler d'abord de ce qui ne va pas, je ne citerai finalement que l'élocution des acteurs: la (parfaite) compréhension des dialogues s'avère parfois une tâche complexe, a fortiori quand un peu d'accent s'ajoute au phrasé des jeunes. Le reste me convient: ce premier film affiche de très belles qualités, notamment sur le plan esthétique. Mention spéciale pour certaines scènes de nuit, où les plans s'étirent jusqu'à un lointain point de rupture: la tension va ainsi crescendo. Découvrir de telles images dans un environnement a priori inconnu aura de fait été pour moi une bonne expérience de cinéphilie active. Qu'arrive-t-il au juste ? C'est à vous de le voir. Le tout dernier plan est diversement apprécié: revenu à la villa, j'ai pour ma part ressenti cette conclusion comme un choix du réalisateur de boucler la boucle. Les Apaches nous suggérerait donc que tout ce qui nous a été montré jusqu'alors pourrait très bien se reproduire demain, encore et encore. Un constat glaçant, comme le cinéma parvient parfois à en imposer...

Les Apaches
Film français de Thierry de Peretti (2013)

Quelques faiblesses, certes, mais d'assez bonnes choses également. Malgré le côté thriller, je retiens surtout l'idée que le long-métrage observe la jeunesse de Corse aujourd'hui: je trouve cela judicieux. L'âpreté du dispositif est un vrai atout: un petit air "documentaire". Vous auriez voulu un polar pur et dur ? Assez glauques, Les Ardennes et La colère d'un homme patient pourraient certes vous intéresser...

dimanche 19 avril 2020

Un plat mangé froid

Mort ou vif tient un peu du jeu vidéo sans manette. Ce western tardif déploie plusieurs personnages "typés": une femme au flingue facile côtoie un gamin vantard, un maire et quasi-chef maffieux, un Indien parlant de lui à la troisième personne, un taulard en fuite au visage barré d'une cicatrice, un faux révérend... une esthétique geek à 99% !

Co-productrice du film, Sharon Stone a le beau rôle: le début du récit la voit débarquer à Redemption, l'une de ces petites villes de l'Ouest plantées au coeur des grands espaces. Pas le temps de gamberger véritablement: on comprend bien vite qu'elle a des comptes à régler avec l'homme qui, sous prétexte de maintenir l'ordre, a mis les lieux sous son commandement exclusif. On voit aussi qu'elle a peur de lui ! Mort ou vif détaillera très explicitement les tenants et aboutissants de ce qui n'est jamais qu'une énième histoire de vengeance. L'intérêt du scénario est très discutable, mais on en revient à cette idée d'imagerie vidéoludique dont je parlais en introduction. Le méchant se croit très fort, mais, curieusement, il a accepté que son autorité soit contestée au cours d'un tournoi de duels au pistolet ! La fin s'avère ultra-prévisible, mais le spectacle a, lui, assez pour séduire. Évidemment, il vaut mieux aimer les westerns en version "décalée"...

Derrière la caméra, c'est certain: Sam Raimi a de bonnes références. Ses images sont un peu trop léchées, mais c'est en réalité cohérent avec l'ensemble de sa démarche de relecture des grands classiques. Bonheur: il s'appuie sur un casting idéal. J'ai ainsi pris un grand plaisir à retrouver Gene Hackman, Russell Crowe dans son tout premier rôle américain et Leonardo DiCaprio, encore jeunot, mais déjà excellent. Petite anecdote sur ce dernier: il a hésité à accepter son rôle de Kid jusqu'à la veille du jour fixé pour donner sa décision ! Sharon Stone était prête à prendre en charge la moitié de son salaire et a déclaré par la suite: "J’aurais porté ce garçon sur mon dos jusqu'au plateau s’il avait fallu ! Je savais qu’il deviendrait l’un des meilleurs acteurs de ces dernières décennies. Son talent est hors du commun." Bingo ! Sans lui, Mort ou vif n'aurait sûrement pas tout à fait la même allure. Le film n'est pas parfait, loin de là, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi il n'a pas réellement fonctionné à l'époque où il est sorti. C'est peut-être bien juste parce que le western était passé de mode...

Mort ou vif
Film américain de Sam Raimi (1995)

Ah, le long-métrage a aussi profité de fonds de production japonais ! Cela n'en fait pas un incontournable, mais je crois qu'il pourra amuser certain(e)s d'entre vous pour un plan "vide-neurones-plateau-télé". Compte tenu de l'imagerie, j'ose une comparaison avec les westerns du sieur Quentin Tarantino - Django unchained et Les 8 salopards. Avantage à Sam Raimi pour son antériorité et sa (relative) retenue...

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Je ne suis pas le seul à me souvenir du film...

Vous pourrez ainsi le retrouver également sur le blog de l'ami Laurent.

samedi 18 avril 2020

Akita !

Qui aime flâner dans les rayonnages d'une librairie sait pertinemment que la littérature nous raconte d'innombrables histoires. Le cinéma est, lui aussi, d'une diversité quasi-infinie et c'est mon intérêt avéré pour les "marges" qui m'a attiré vers l'étrange Quand les dinosaures dominaient le monde. Je vous entraîne donc vers des temps reculés !

Dans un monde dépourvu de Lune, le film s'ouvre par une cérémonie sacrificielle au dieu Soleil. Une peuplade primitive croit possible d'apaiser la colère des éléments en offrant le sang de trois femmes aux cheveux clairs ! L'une d'elles échappe in extremis à ce destin funeste et rejoint une autre tribu. Outre une nature hostile, le péril qui la menace alors est... la jalousie d'une brune, qui a bien compris que son petit copain supposé en pinçait déjà pour la nouvelle venue. Oui, c'est franchement n'importe quoi, d'autant que le titre du film annonce la suite: bientôt, il sera aussi question de sauriens géants. Vous les pensiez disparus avant l'apparition de l'homme ? Que nenni ! Ici, ils sont le plus souvent un danger pour nos lointains ancêtres. Exception qui confirme la règle: avec un peu de malice, il se pourrait que certains soient domptables. Ah, grande magie du septième art ! Peut-être qu'on devrait y repenser, avant de se moquer des blondes...

Allez, soyons sérieux: Quand les dinosaures dominaient le monde est un nanar de la plus belle eau. Un autre film d'un genre équivalent était sorti quelque temps auparavant et la grande maison Hammer s'est dit que ce serait bien de s'en inspirer pour amasser de l'argent sans faire trop d'efforts côté scénario. La recette fonctionne à partir d'ingrédients simples: monstres taille XXL et filles à gros poumons légèrement vêtues. Oui, l'héroïne (Victoria Vetri alias Angela Dorian) a presque été choisie sur catalogue: elle s'était d'abord fait connaître comme Playmate de l'Année pour le magazine Playboy, en 1968. L'intérêt patrimonial du long-métrage est ailleurs: dans le bestiaire reconstitué pour l'occasion, qui donne aux aventures de la blondinette une - petite ! - touche épique, toute notion de réalisme mise à part. Sincèrement, c'est kitsch, mais, pour l'époque, assez bien réalisé. Désolé, mais je crois en fait que c'est tout ce que le film peut offrir...

Quand les dinosaures dominaient le monde
Film britannique de Val Guest (1970)

Une curiosité à regarder... en toute connaissance de cause. Le look des créatures rappelle celles de Ray Harryhausen, d'ailleurs sollicité pour les créer (et qui déclina, étant engagé sur La vallée de Gwangi). Ce courant préhistorique du cinéma de genre paraît avoir fait long feu aujourd'hui, mais Steven Spielberg lui a rendu un hommage sincère dans Jurassic Park (deux décennies plus tard). Respect aux anciens !

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Pour finir, un peu de linguistique primitive...
L'interjection de mon titre est en fait l'un des rares mots du langage parlé par les êtres humains de ce film décidément étonnant. Il y en a une trentaine en tout: on reste éloigné du sabir de La guerre du feu !

Et, désormais, en guise de conclusion définitive...

Je vous propose de lire également la chronique de "L'oeil sur l'écran".

vendredi 17 avril 2020

Masculinité cachée

Colorées, joyeuses et un peu kitsch: c'est l'idée que j'ai aujourd'hui des années 80. Tout cela est un peu caricatural, sans aucun doute. Côté cinéma, les temps ont bien changé: une sucrerie comme Tootsie paraît franchement old school, désormais. Et alors ? J'ai envie de dire que c'est aussi ce qui fait son charme. Allez, je vais vous expliquer...

Michael Dorsey enseigne le théâtre et est lui-même un comédien talentueux. Problème: son exigence le rend tout à fait insupportable sur un plateau. Son agent ne lui trouve donc aucun rôle convenable. Dans un ultime coup de bluff, Michael décide alors... de se travestir pour devenir Dorothy Michaels, vieille fille et actrice débutante. Évidemment, c'est compliqué de rester un homme pour sa petite amie insistante et de tomber amoureux d'une autre fille - qui ne sait rien des manigances de Michael et croit donc avoir affaire à une femme. Vous suivez ? Les multiplications de quiproquos sont l'évident moteur comique de cette histoire: Tootsie est un film gentil, d'une douceur telle que certain(e)s d'entre vous le trouveront sûrement sirupeux. Autant que je le dise: il n'y a ici pas la plus petite volonté subversive !

Le look de Jessica Lange lui-même paraît presque d'un autre temps. J'ai cependant été très content de croiser Terri Garr et Bill Murray parmi les personnages secondaires. Dustin Hoffman ? Le rôle "mixte" principal lui va bien et les - très longues ! - séances de maquillage qu'il s'est imposé lui ont en réalité offert un personnage attachant. D'après ce que j'ai lu, cela n'a pas été aussi facile: d'aucuns affirment qu'il s'est parfois opposé au réalisateur sur... la manière de jouer ! Pour l'acteur, en effet, Tootsie n'est pas une comédie: en devenant une femme pas très jolie, il aurait pris conscience des discriminations et quolibets subis par la gente féminine. Il est de fait intéressant d'apprécier le film comme une mise en abyme du milieu du spectacle et un regard porté sur la société de l'époque: la question de l'égalité des sexes vient alors vite sur le devant de la scène (et avec humour). Près de quarante ans plus tard, le sujet reste pleinement d'actualité...

Tootsie
Film américain de Sydney Pollack (1982)
Bien écrit, le long-métrage est sympa, mais aurait peut-être gagné encore à se montrer un tantinet plus audacieux (d'où ma demi-étoile). Des films antérieurs étaient plus piquants: Certains l'aiment chaud conserve ainsi une nette longueur d'avance - puisque sorti dès 1959. Ah ! 1982, c'est aussi l'année de Victor Victoria: un grand classique ! La cage aux folles et Madame Doubtfire ? Oui, un jour, peut-être... 

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Vous voulez en savoir plus sur Michael / Dorothy ?
"L'oeil sur l'écran" nous en parle par le biais d'une chronique classique. Clin d'oeil à Ideyvonne, qui revient surtout sur... l'aspect maquillage !

jeudi 16 avril 2020

Bruce tout puissant

Geek assumé, Quentin Tarantino lui a piqué sa tenue jaune et noire pour habiller Uma Thurman dans Kill Bill. Il s'est aussi moqué de lui de manière assez lourdaude dans Once upon a time in... Hollywood !

Après donc avoir vu un film chinois, je me suis subitement intéressé aux meilleurs scores réalisés par ce pays en France et ainsi découvert que c'est de fait Bruce Lee qui occupe encore le plus haut de l'affiche !

Depuis 1978, "Petit Dragon" squatte même les quatre premiers rangs du box-office chinois dans nos précieuses salles, avec des chiffres compris entre 2,2 et 4 millions d'entrées (j'en reparlerai... un jour). Derrière, deux merveilles sorties en 2000 sont aussi les uniques films chinois à avoir également franchi ce cap du million: Tigre et dragon et In the mood for love. Cela valait bien un petit clin d'oeil, non ? J'affirme qu'au sens large, le septième art d'Asie a de quoi satisfaire bien des appétits cinéphiles, avec, ici, le Japon en leader incontesté. Le succès de Bong Joon-ho renforce celui du cinéma coréen, bien sûr. Au fond, c'est véritablement une porte ouverte à notre capacité d'émerveillement et à nos envies de repousser les limites culturelles. Mon conseil: n'oubliez pas l'Inde et les autres. Moi, je reste à l'affût...

mercredi 15 avril 2020

Noir de Chine

Le point de départ de Black coal est sordide: des bouts de cadavre sont retrouvés dans différents lieux de la Chine. L'inspecteur Zhang mène l'enquête, mais c'est un fiasco: l'interrogatoire de deux suspects débouchant sur une fusillade, les intéressés et deux flics sont tués. Cinq ans après, Zhang a sombré, mais il lui faut reprendre le boulot...

Je n'ai jamais prétendu détenir la vérité, mais je dois dire aujourd'hui que j'ai du mal à comprendre les critiques plutôt fraîches que j'ai lues sur Black coal (après l'avoir vu). Le fait est que les critiques pro s'avèrent plutôt élogieuses, que le film a par ailleurs reçu l'Ours d'or au Festival de Berlin, mais qu'il franchit mal le cap "grand public". Parce qu'il y a un malentendu ? Peut-être. Je pense qu'il est préférable d'apprécier tout cela non pas comme un polar, mais comme un récit sociologique, ancré dans la réalité de la Chine du XXIème siècle. Évidemment, c'est vraiment loin d'être réjouissant: le supposé héros est plutôt un marginal et la relation qu'il entretient avec une suspecte fait de lui un personnage à tout le moins ambigu. Cette complexité est une limite pour le film: il faut certes s'accrocher pour suivre. Maintenant, en posant le regard sur les à-côtés, je trouve qu'il y a ici beaucoup des choses à découvrir et à apprécier. Autant le dire, donc !

Une chose est sûre: malgré la noirceur, la mise en scène est superbe. Dès les premiers instants, j'ai vu des idées de cinéma assez rares pour apporter une certaine originalité. Exemple: une scène d'amour qu'on n'appréhende que par le son et l'image de la tête de lit, agitée par une série de soubresauts réguliers. Je repense aussi à une scène sur une patinoire en plein air, filmée de nuit, où les glissements finissent par largement dépasser la limite étroite des balustrades. Oui, Black coal est une oeuvre d'une inventivité certaine, influencée par d'autres, sûrement, mais qui a su éviter le piège du tape-à-l'oeil. L'équilibre se maintient de justesse, mais cet aspect-là des choses m'a vraiment séduit face à ce que je pourrais appeler le côté formaté d'un certain cinéma occidental. Bon... il en faut pour tous les goûts ! Je suis allé vérifier: depuis 2010, je vois entre un et trois films chinois chaque année. J'espère avoir ainsi débuté un bon millésime...

Black coal
Film chinois de Diao Yinan (2014)

Moins strictement policier que le coréen Memories of murder, ce film âpre et complexe en reprend certains codes esthétiques et narratifs pour explorer une noirceur à laquelle nous ne sommes guère habitués. Est-ce en revanche révélateur de l'état du cinéma chinois ? Possible. L'acteur - Liao Fan - est le même que dans le récent Les éternels. Mystery m'est également revenu en mémoire pour l'aspect glauque... 

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Pour relativiser mon propre jugement...

Vous pourrez également lire les avis de Pascale, Dasola, Strum et Lui.

mardi 14 avril 2020

Charmant et pétillant

Vous le savez: les petits films me plaisent bien. S'il fallait ne retenir qu'un seul qualificatif pour désigner Quatre étoiles, il est probable que je choisirais "badin": "Qui aime à rire, à plaisanter", bingo ! Ajoutons-y tout de même les deux adjectifs de mon titre d'aujourd'hui et entrons à présent dans le vif du sujet ! Si vous voulez m'y suivre...

France (alias Franssou) est prof d'anglais en région parisienne. Surprise: un matin, l'héritage d'une vieille tante méconnue lui permet d'amasser une très jolie somme en deux temps, trois mouvements. Pas éplorée pour un sou, la miss abandonne son jules à son triste sort et s'installe alors dans un palace de la Côte d'Azur (yes, she Cannes !). Elle y rencontre un certain Stéphane, mythomane de très haut vol. Démarre alors un long jeu d'attraction-répulsion, dont on devine vite comment il se terminera, mais qui reste toutefois agréable à suivre. Toute en charme acidulé, Isabelle Carré trouve ici un terrain de jeu digne de son talent: à l'évidence, José Garcia et elle s'amusent bien...

Une précision: c'est bien le personnage féminin qui mène ici la danse. François Cluzet récupère un rôle de riche neuneu et apparaît aussitôt comme le pigeon idéal pour une escroquerie de grande envergure. Dommage qu'il en fasse des caisses, mais bon... le duo principal ramène bien vite Quatre étoiles dans la logique d'une petite comédie légère, portée par des dialogues simples, mais bien interprétés. L'amoralité des personnages ne fera vraiment de mal à personne ! Formellement parlant, le film n'invente rien, mais cela m'a convenu ainsi, puisque je dirais tout simplement qu'il n'en a pas la prétention. Du pop corn movie à la française, donc, à voir sans se prendre la tête.

Quatre étoiles
Film français de Christian Vincent (2006)

Une demi-étoile de moins que le titre: il ne faudrait pas exagérer ! Gentil ? Insignifiant ? Selon votre goût pour ce type de films, je pense que vous pourrez aussi opter pour l'un ou l'autre de ces qualificatifs. Dans l'esprit, on est à peu près dans le registre de L'arnacoeur, sorti en 2010 "seulement". Tout cela arrive tard après la screwball comedy américaine: New York-Miami, La huitième femme de Barbe Bleue...

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Et finalement, en remontant le film du temps...
Je vois le film sur deux blogs amis: chez Pascale et "L'oeil sur l'écran".

lundi 13 avril 2020

Tout schuss

Un Algérien sur des skis: c'est finalement tout ce que je connaissais de Good luck Algeria avant de le regarder. Il m'arrive encore parfois de "tomber" sur une petite perle cinématographique, portée à la fois par une jolie histoire et par une mise en scène conçue sans esbroufe. Face à l'omniprésence des images, ce constat me rassurerait plutôt...

Samir, un Français d'origine algérienne, s'est associé avec Stéphane, un ancien champion, pour créer une entreprise de fabrication de ski de très haute qualité. Seulement voilà... les commandes se font rares et, plantés par un gros client, les deux copains manquent d'argent pour honorer leurs nombreuses dettes. C'est alors que Stéphane imagine un stratagème: encourager Samir à reprendre la nationalité algérienne de son père... pour offrir à leur société un coup de pub d'ampleur internationale, en participant aux Jeux olympiques. Inutile d'en dire plus, à mon avis, si ce n'est donc que Good luck Algeria m'aura très agréablement surpris. Un petit film (très) attachant, oui !

Au-delà de l'anecdote - réelle ! - de départ, cette gentille comédie sociale se distingue aussi parce qu'elle reflète le questionnement identitaire d'un homme qui avait presque tourné le dos à ses racines. Les problématiques de double appartenance sont posées avec humour et bienveillance: ça fait du bien. Il faut dire que les comédiens rassemblés pour l'occasion nous offrent collectivement une prestation habitée de très bon niveau: Sami Bouajila, Chiara Mastroianni, Hélène Vincent, Bouchakor Chakor Djaltia et Franck Gambastide méritent tous les éloges, car ils se montrent tous d'un grand naturel. Pour l'anecdote, au départ de Grenoble et de ses environs, une partie de Good luck Algeria a été tournée... au Maroc. Une histoire d'assurance impossible à obtenir pour l'Algérie, un ressortissant français ayant été égorgé dans les Aurès quelque temps auparavant. Rassurez-vous: la crédibilité du long-métrage et son atmosphère joyeuse n'en pâtissent nullement. L'absence de tout manichéisme dans le récit est à mon sens un autre de ses atouts. Oui, quel plaisir !

Good luck Algeria
Film franco-belge de Farid Bentoumi (2016)

Plus qu'une comédie, un vrai récit humaniste, comme je les aime. C'est un petit film, mais ses valeurs et l'investissement de ses acteurs le tirent résolument vers le haut. Comme une adaptation française des films de la débrouille du cinéma social britannique - je suggère une (audacieuse) comparaison avec Looking for Eric, par exemple. On est loin de l'humour potache d'un Rasta Rockett. Et... tant mieux !

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Un soupçon d'ironie...
Pour finaliser le tour du Maghreb, on pourra relever que Sami Bouajila est d'origine... tunisienne. Dans le film, Samir fête son anniversaire. Sur le gâteau, il est écrit "Sami": sa mère peste alors que le pâtissier soit toujours incapable d'écrire le nom de son fils sans faire de faute !

Vous voulez prendre une autre piste ?
Pas de problème: c'est notamment possible grâce à Dasola et Laurent.