vendredi 22 mai 2009

La guerre dans le miroir japonais

Je ne l'ai pas fait exprès, mais ça tombe plutôt bien. C'est l'ordre dans lequel j'ai regardé les films qui me conduit aujourd'hui, après Cate Blanchett mercredi, à vous parler ce soir d'une autre des stars du cinéma que j'admire tout particulièrement, et sans doute davantage encore: Clint Eastwood. L'oeuvre dont il sera question aujourd'hui est l'une de ses toutes dernières réalisations, Lettres d'Iwo Jima. Si vous ne l'avez pas vue, je suppose alors qu'au moins, vous en aurez entendu parler. Rappel: il s'agit bien du second volet du diptyque entamé avec Mémoires de nos pères, film chroniqué ici le 9 septembre 2007. Un mot de l'intrigue pour être tout à fait clair sur ce que je suis en train d'évoquer: c'est le récit d'un cruel épisode de la seconde guerre mondiale, opposant sur une île du Pacifique l'armée des Etats-Unis à celle du Japon. L'originalité - et je dirais pour ma part la grandeur - de la démarche de Clint Eastwood est d'avoir d'abord tourné un premier film pour donner du conflit considéré une vision américaine, avant d'enchaîner presque aussitôt sur un second, afin de livrer aussi un regard nippon. Il faut signaler que le réalisateur est allé jusqu'au bout de sa démarche, en sortant d'abord la deuxième partie de son travail au Japon, et en tournant dans la langue asiatique. Déjà, je suis béat, parce que je ne crois pas que beaucoup d'Occidentaux auraient eu cette audace...

Sur la forme, le film que le maître américain nous propose m'a paru, comme souvent chez lui, un modèle de sobriété. Beaucoup reprochent à Clint Eastwood une certaine froideur, qu'on taxe souvent alors de "classicisme". Soit. C'est possible. Je dois souligner que, vis-à-vis de Lettres d'Iwo Jima, cette caractéristique ne m'a nullement dérangé. Au contraire, je trouve que cette absence d'éclat est l'une des plus belles qualités de ce film très digne. J'ai aussitôt été frappé (et séduit !) par la photo de ce long-métrage. Mémoires de nos pères était aussi coloré que peuvent l'être les autres films d'aujourd'hui. En sens inverse, vous découvrirez ici des teintes beaucoup plus ternes, comme délavées. Certaines scènes de nuit plongent littéralement le spectateur dans la pénombre, ce qui s'avère particulièrement efficace pour le conduire presque physiquement, viscéralement, au côté des soldats. D'après moi, c'est là que réside la "magie" du film: porté par un message humaniste, le scénario développé par Clint Eastwood fait des ennemis d'hier des hommes auxquels il devient assez facile de s'identifier, ou au moins au sort duquel il devient vite difficile d'être insensible. En miroir, le film reprend d'ailleurs certaines des scènes les plus dures de l'opus précédent et, renversant la perspective, ne laisse plus aucune chance au manichéisme, bons Américains contre méchants Japonais.

Par anticipation, Lettres d'Iwo Jima me semble donc pouvoir confirmer ce que je disais de Gran Torino: Clint Eastwood paraît désormais apaisé, loin des caricatures d'Américains qu'il imaginait (ou campait) plus tôt dans sa carrière. Le vieil homme semble vouloir terminer sa longue filmographie par une série d'oeuvres où l'humain retrouve toute sa place. Voilà qui me rend plutôt impatient de voir les prochaines, à commencer par celle qu'il doit actuellement préparer sur Nelson Mandela ! Vous aurez noté que je parle au pluriel: je sais qu'il faudra bien un jour que le monde dise adieu à mon idole. Honnêtement, je sais aussi que, ce jour-là, je serai parmi tous ceux qui pleureront sa disparition. Mais n'anticipons pas: notre homme a rappelé lui-même il y a quelques années que sa mère était toujours en vie et que le monde n'en avait donc pas fini avec les Eastwood. Excellente chose ! S'il est probable qu'il a désormais pris définitivement sa retraite d'acteur, je compte sur lui pour ne jamais lâcher sa caméra tant qu'il lui restera un souffle de vie. Soucieux également d'en profiter jusqu'à cette extrémité, je veux terminer cette chronique en applaudissant sans retenue ce travail à hauteur d'homme: plus qu'une page d'histoire, on parcourt ici DES histoires d'hommes et de femmes. L'espoir de voir ce style intégrer durablement l'histoire du cinéma, au point, pourquoi pas ? d'inspirer d'autres réalisateurs, peut aussi s'appuyer sur la génération à venir. Les inconditionnels du générique de fin auront ainsi pu constater visuellement que la musique qui sublime encore l'image était l'oeuvre de Kyle Eastwood, le propre fils de Clint. Oui, une fois de plus !

2 commentaires:

Chouguy a dit…

A Laon, aux archives départementales. Je consulte un journal de 1945 : L'Aisne Nouvelle. Je ne m'intèresse pas au cinéma, mais je cherche (en vain !)la trace des saisonniers bretons qui venaient travailler dans les champs de betteraves ou dans les sucreries ... et je tombe sur un article sur 3 colonnes en 1ère page (il n'y a que 2 pages !) dont voici le titre :
Les Américains ont débarqué sur l'ile d'Iwojima.
N° 72 du 20 février 1945

Seb a dit…

Pas vu encore !!! mais très envie de le voir !!!