Cette femme s'appelle Margot. Elle est l'héroïne malgré elle d'un film policier de grande qualité: Ne le dis à personne, qu'a réalisé Guillaume Canet. J'aime le culot qu'ont parfois les artistes. J'apprécie celui dont a fait preuve le jeune Français en tournant une version cinéma du roman de l'Américain Harlan Coben, véritable phénomène de librairie traduit en 27 langues et vendu à plus de 6 millions d'exemplaires. Il y a deux façons de considérer les choses, en fait. Soit se dire qu'adapter un best seller est bien plus facile que d'avoir une idée originale, soit se souvenir du Da Vinci Code, par exemple, et juger que les bonnes histoires à suspense ne font pas forcément les grands films. Et constater alors que Canet s'en est franchement bien sorti: à mon sens, sa bonne intuition est d'avoir su prendre juste un peu de recul et choisi de transposer l'intrigue en France. Ensuite, sur papier ou sur écran, le point de départ reste le même. Plutôt bon, de fait: Margot mène une vie heureuse et, une belle nuit de printemps, se promène avec Alexandre au bord d'un lac de forêt. Soudain, le couple est agressé, le mari mis KO. Il se réveille finalement dans une chambre d'hôpital. La jeune femme, elle, a été retrouvée morte, sauvagement mutilée. Huit années passent. Arrive le jour anniversaire du drame. Alexandre reçoit alors un message électronique et, en cliquant, se connecte à une webcam. Là, une rue qu'il ne reconnaît pas, et au milieu de la foule, Margot...
Canular de mauvais goût ? Je vous laisse le découvrir devant le film. Un film qui a connu un joli petit succès, public et critique. Eux aussi séduits, les fameux professionnels de la profession lui ont décerné quatre Césars, que je juge mérités: celui de la meilleure réalisation pour Guillaume Canet, donc, ainsi que celui du meilleur montage, celui du meilleur acteur principal et celui de la meilleure musique. Après coup, il me paraît intéressant d'analyser le tout en le passant au crible de ces distinctions. Côté table de montage, Hervé de Luze a effectivement très bien travaillé: les plans, souvent très chouettes, s'enchaînent parfaitement les uns avec les autres, dans les moments rythmés comme lors des séquences plus contemplatives. Musicalement, l'ambiance doit aussi beaucoup aux notes originales de Mathieu Chédid, alias M, qui délivre une partition à la fois angoissante et tendue, juste complément des images de Canet. Reste enfin à dire deux mots du casting: en Alexandre heureux d'abord, meurtri et déterminé ensuite, François Cluzet est parfait. Victime et combattant à la fois, il est l'âme de Ne le dis à personne. Le reste de la distribution est pour tout dire tout à fait dans le ton, ce qui, d'ailleurs, vient encore renforcer l'idée d'une direction d'acteurs vraiment réussie. Une fois de plus, Marie-Josée Croze m'a épaté dans la peau de Margot. Autour de la Québécoise gravite joliment un aréopage de grands noms du cinéma français: on notera notamment la participation d'André Dussollier, Jean Rochefort, Nathalie Baye, François Berléand ou Kristin Scott Thomas. Stars "partageuses": aucune ne tire à elle la couverture-film.
La réussite et la maîtrise du film ne pouvaient bien sûr pas passer inaperçues de l'autre côté de l'Atlantique. On peut penser également que Guillaume Canet a eu de la chance, dans la mesure où l'ami Harlan Coben a failli vendre les droits du roman à un autre cinéaste, anglais celui-là, Michael Apted. L'ancien du cours Florent bénéficie peut-être de l'effet balancier du destin, lui qui voulut un temps être jockey, avant de devoir renoncer à la suite d'un accident. Lui qui est aussi à peine plus âgé que moi revient à l'écran en cette fin 2009. Chut ! Pas un mot pour l'instant: il se pourrait bien que j'en reparle d'ici quelques semaines. Une chose paraît certaine: il lui faut désormais soutenir un nouveau statut, celui du jeune talent devenu artiste attendu au tournant. Je l'en crois capable. J'ai vu jeudi dernier une quinzaine de minutes d'un reportage télé qui lui était consacré. Le jeune homme semble avoir un joli carnet d'adresses et... la tête bien ancrée sur les épaules, pour s'en servir intelligemment. Ne le dis à personne n'est "que" son deuxième film comme réalisateur. Le troisième, Les petits mouchoirs, sort l'année prochaine. Un bon sens du casting, des partenaires artistiques intéressants, un talent certain derrière et devant la caméra: espérons que Guillaume saura désormais aborder des thématiques autres, un peu plus personnelles peut-être, avec la même efficacité.
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