Nuits d'ivresse printanière est le fruit du travail d'un homme courageux. Certes soutenu par des mécènes occidentaux, le cinéaste chinois Lou Ye a bravé une interdiction de tourner et réussi à réaliser ce long-métrage âpre, ouvert sous une pluie battante, métaphorique des diverses catastrophes qu'égrène son scénario. Je vous préviens d'emblée: il n'y a rien de drôle ici. La société chinoise contemporaine est décrite à partir de deux hommes, amants cachés dans les habits d'hommes d'affaires "ordinaires". On ne sait s'ils s'aiment vraiment. En tout cas, ils couchent ensemble... là-dessus, aucun doute à l'écran.
Réduire le film à sa simple dimension quasi-pornographique m'apparaîtrait toutefois aussi peu sensé qu'évoquer la non-normalité de cette liaison homosexuelle. Sans vouloir me livrer à une attaque non-documentée de la censure chinoise, j'imagine toutefois aisément ce que ces images renferment de transgressif pour les autorités pékinoises - et n'oublions pas de nous interroger sur ce qu'elles sont pour nous, d'accord ? Je le répète donc: Nuits d'ivresse printanière est le fruit du travail d'un homme courageux. C'est un film courageux. C'est aussi un film aux facettes multiples, qui, plutôt que de défendre obstinément la cause homosexuelle, interroge sur les conséquences possibles des tabous et interdits sociaux. Lou Ye, un militant ? Peut-être bien. Je prête cependant au réalisateur une qualité importante entre toutes: plutôt que d'affirmer, il expose. Il laisse chaque spectateur libre de faire son opinion sur ses personnages.
Dès lors, et même s'il faut s'accrocher pour "supporter" la combinaison caméra à l'épaule + VO en mandarin, le résultat se détache nettement d'une thèse manichéenne. Il y a bien sûr des victimes dans le monde brutal que décrit Lou Ye. Je ne suis pas sûr qu'il y ait des coupables aussi clairement identifiables, en revanche. C'est peut-être bien d'ailleurs la clé de la noirceur d'un film comme Nuits d'ivresse printanière. Personnellement, il m'a mis KO sans que je trouve quelqu'un à accuser pour tout le mal qu'il peut faire. On se retrouve livré à soi-même, soumis à des sentiments assez contradictoires. Habitués et/ou amateurs d'un cinéma moins anxiogène, certains auront éteint leur télé avant la fin du métrage - je trouve ça dommage, mais je ne saurais les en blâmer. Un peu tirée en longueur sans doute, l'intrigue peut renvoyer à de très intimes incertitudes. Heureux que nous sommes d'y repenser dans notre vieille France...
Nuits d'ivresse printanière
Film chinois de Lou Ye (2009)
Formellement plus éprouvant que Brokeback Mountain, le film partage avec lui une certaine intelligence: il ne limite pas son champ d'observation au duo homosexuel de départ. Récompensé à Cannes d'un Prix du scénario, le long-métrage confirme aussi l'intérêt renouvelé des sélectionneurs cannois pour la carrière du cinéaste asiatique. Je ne cache pas que c'est bien également grâce au Festival que j'ai découvert Lou Ye, en commençant par... la fin et Mystery. D'un film à l'autre, c'est en fait le même malaise persistant...
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Pour être tout à fait complet...
En contrepoint, vous devriez lire la chronique de "L'oeil sur l'écran". Puis, tant qu'à faire, celle de David ("L'impossible blog ciné"), aussi.
Réduire le film à sa simple dimension quasi-pornographique m'apparaîtrait toutefois aussi peu sensé qu'évoquer la non-normalité de cette liaison homosexuelle. Sans vouloir me livrer à une attaque non-documentée de la censure chinoise, j'imagine toutefois aisément ce que ces images renferment de transgressif pour les autorités pékinoises - et n'oublions pas de nous interroger sur ce qu'elles sont pour nous, d'accord ? Je le répète donc: Nuits d'ivresse printanière est le fruit du travail d'un homme courageux. C'est un film courageux. C'est aussi un film aux facettes multiples, qui, plutôt que de défendre obstinément la cause homosexuelle, interroge sur les conséquences possibles des tabous et interdits sociaux. Lou Ye, un militant ? Peut-être bien. Je prête cependant au réalisateur une qualité importante entre toutes: plutôt que d'affirmer, il expose. Il laisse chaque spectateur libre de faire son opinion sur ses personnages.
Dès lors, et même s'il faut s'accrocher pour "supporter" la combinaison caméra à l'épaule + VO en mandarin, le résultat se détache nettement d'une thèse manichéenne. Il y a bien sûr des victimes dans le monde brutal que décrit Lou Ye. Je ne suis pas sûr qu'il y ait des coupables aussi clairement identifiables, en revanche. C'est peut-être bien d'ailleurs la clé de la noirceur d'un film comme Nuits d'ivresse printanière. Personnellement, il m'a mis KO sans que je trouve quelqu'un à accuser pour tout le mal qu'il peut faire. On se retrouve livré à soi-même, soumis à des sentiments assez contradictoires. Habitués et/ou amateurs d'un cinéma moins anxiogène, certains auront éteint leur télé avant la fin du métrage - je trouve ça dommage, mais je ne saurais les en blâmer. Un peu tirée en longueur sans doute, l'intrigue peut renvoyer à de très intimes incertitudes. Heureux que nous sommes d'y repenser dans notre vieille France...
Nuits d'ivresse printanière
Film chinois de Lou Ye (2009)
Formellement plus éprouvant que Brokeback Mountain, le film partage avec lui une certaine intelligence: il ne limite pas son champ d'observation au duo homosexuel de départ. Récompensé à Cannes d'un Prix du scénario, le long-métrage confirme aussi l'intérêt renouvelé des sélectionneurs cannois pour la carrière du cinéaste asiatique. Je ne cache pas que c'est bien également grâce au Festival que j'ai découvert Lou Ye, en commençant par... la fin et Mystery. D'un film à l'autre, c'est en fait le même malaise persistant...
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Pour être tout à fait complet...
En contrepoint, vous devriez lire la chronique de "L'oeil sur l'écran". Puis, tant qu'à faire, celle de David ("L'impossible blog ciné"), aussi.
2 commentaires:
En tous cas, d'après ton billet, c'est du cinéma qui fait réfléchir, et ça j'aime bien. Je le regarderai si j'en ai l'occasion, pas de doute.
oh mais oui, c'est un chouette film, j'étais resté dans un drôle d'état après... et je trouve dommage que Lou Ye n'ait pas réussi à atteindre une telle grâce dans ses films suivants...
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