samedi 17 mai 2025

Le meilleur ami de la reine

Savez-vous ce qu'est un Corgi ? Ou plutôt un Welsh Corgi Pembroke ? Gagné ! Il s'agit bel et bien d'un chien court sur pattes, dont la race était réputée la préférée de feue Sa Majesté la reine Elizabeth II. Conquise dès l'anniversaire de ses 18 ans, en 1944, la souveraine britannique en posséda une trentaine jusqu'à sa disparition en 2022...

C'est ce qui m'amène à vous parler aujourd'hui d'un film belge d'animation complètement loufoque: le bien nommé Royal Corgi. Quand il est sorti, l'héritière des Windsor et son mari le prince Philip étaient toujours en vie (rappel: lui s'est éteint au printemps 2021). J'ignore s'ils ont "validé" le long-métrage, mais je le trouve réaliste dans sa reconstitution du Palais de Buckingham et de ses hôtes. Quand il commence, le couple royal accueille la toute première visite officielle d'un certain... Donald Trump, venu avec Melania, of course !

L'idée du film, c'est d'imaginer que ledit président des États-Unis d'Amérique, propriétaire d'une chienne nommée Mitsy, veut la marier à Rex, le Corgi chéri de The Queen, pour renforcer les liens d'amitié qui unissent les deux pays. L'ennui, c'est que le quadrupède anglais refuse et cause ainsi un gros impair diplomatique lors de la réception d'honneur, fâche le Texan et se voit obligé de fuir sa niche dorée. Résultat des courses: un séjour dans un chenil et maintes aventures improbables, destinées à faire rire les petits, mais aussi les grands ! Plutôt orienté vers le jeune public, Royal Corgi envoie des clins d'oeil aux adultes - consentants - et tient ainsi du divertissement familial. Seul sur mon canapé, je me suis amusé aussi ! Le casting des voix choisies pour le doublage français n'y est pas pour rien, avec Shy'm, Guillaume Gallienne ou encore Franck Gastambide en têtes d'affiche. Un conseil: ouvrir les yeux et les oreilles. Vous pourriez être surpris...

Royal Corgi
Film belge de Ben Stassen et Vincent Kesteloot (2019)

Quatre étoiles enthousiastes pour un opus qui garde son intensité comique tout au long du métrage - soit une petite heure et demie. Bien que loin des meilleurs classiques, il constitue un divertissement très appréciable. Comme des bêtes et sa suite sont des comparaisons valables. Ensuite, pour un programme plus ambitieux, revoir Là-haut et ses personnages canins demeure à coup sûr une remarquable idée !

vendredi 16 mai 2025

Au coeur des ténèbres

La guerre en Ukraine nous aura presque fait oublier qu'au tout début des années 1990, la dislocation de la Yougoslavie s'était accompagnée de conflits et de massacres ethniques sur le sol des ex-composantes fédérées, en Bosnie et en Croatie notamment. J'ai (enfin !) vu un film dernièrement, Chris the Swiss, qui m'a rappelé ces horreurs passées.

Combinaison d'images tournées en ex-Yougoslavie un peu avant la fin de la décennie 2010, de documents d'archives et de dessins animés exclusivement en noir et blanc, ce documentaire remonte le temps sur la trace de Christian Würtemberg, un jeune reporter suisse originaire de Bâle, parti essayer de comprendre la réalité du terrain au coeur de l'automne 1991. Ce jeune homme a été retrouvé mort début janvier 1992, dans le tout petit village croate d'Ernestinovo. Dans le film, une voix off indique que la réalisatrice ne connaît guère que des fragments de la vérité sur les derniers mois de son existence. D'après ses proches, le jeune homme aurait été lâchement assassiné par de pseudo-frères d'armes, alors qu'il avait endossé l'uniforme d'une milice extrémiste anti-serbe. Une escouade paramilitaire essentiellement composée de mercenaires internationaux et dirigée par un ancien journaliste à la double nationalité hongro-bolivienne. Eduardo Rozsa ­Flores a sa page Wikipédia: elle fait froid dans le dos !

J'en reviens au documentaire proprement dit. Son autrice n'est autre qu'une cousine de Würtemberg, qui l'idolâtrait et avait une dizaine d'années quand elle a appris sa mort. Elle en est longtemps restée traumatisée et c'est sûrement ce qui l'a poussée à mener une enquête approfondie sur les circonstances du drame. Une partie des critiques professionnels ont noté que Chris the Swiss ne lève pas l'ensemble des zones d'ombre. Mais aurait-ce été possible ? Je n'en suis pas sûr. Le plus frappant à mes yeux ? La narratrice du film nous explique qu'une photographie du terroriste Ilich Ramírez Sánchez (alias Carlos) avait été retrouvée parmi les effets de Würtemberg. Et l'intéressé, alors interrogé depuis sa prison, assure que le journaliste supposé était en réalité un agent secret suisse. Et ? Zéro explication. Il y a tout de même de quoi se poser quelques questions sur le niveau d'objectivité de la réalisatrice. Mais je veux croire en sa bonne foi ! Au-delà du cas qu'elle expose, son travail a le mérite de nous rappeler que la guerre est une atrocité. Une leçon toujours valable aujourd'hui.

Chris the Swiss
Documentaire suisse d'Anja Kofmel (2018)

Six ans de travail - investigation et création - ont été nécessaires pour réaliser ce film impressionnant. Malgré les quelques réserves que j'ai soulevées, je trouve qu'il mérite vraiment d'être découvert. En tout cas, je ne lui connais pas d'équivalent, même si j'ai pu penser à Valse avec Bachir - qu'on m'a conseillé et que je n'ai pas encore vu. Le plus proche pourrait être une fiction à 100% animée: La traversée.

----------
Une double anecdote personnelle pour finir...

On se dit parfois, égoïstement, que ces conflits sont loin de nous. Pourtant, j'ai connu un Croate de mon âge qui avait vu son frère aîné partir faire la guerre, sans pouvoir donner de nouvelles à sa famille pendant un an. J'ai aussi croisé un Français qui se disait ex-membre d'une milice bosniaque et affirmait avoir du sang serbe sur les mains. Mythomanie ? Envie d'impressionner ? Réalité ? Je ne l'ai jamais su...

jeudi 15 mai 2025

Cette femme

Une nuit. Le silence. Un couple dans son lit. Lui dort. Elle non. Allongée sur le dos, yeux ouverts. Elle se lève. Quitte la pièce. Disparait du regard de la caméra. Un coup de feu. Quelques secondes de noir. Le couple réapparaît de jour. Six mois plus tôt. On sait déjà que l'histoire finira mal. Oui, Partir est bien le récit d'une conclusion !

Difficile, en évoquant ce récit, de ne pas en révéler la teneur exacte. Disons simplement, avec toute la prudence nécessaire, que le film s'articule essentiellement autour de son beau personnage féminin. L'impeccable Kristin Scott Thomas y trouve un rôle d'une complexité remarquable, dont elle s'empare avec un talent tout à fait inouï. Suzanne, cette héroïne presque malgré elle, traverse des émotions contradictoires et la comédienne incarne cela à la quasi-perfection. Cela dit, il ne faudrait surtout pas oublier ses deux partenaires masculins: Yvan Attal et Sergi López. Je préfère taire le rôle exact joué par chacun, ainsi que ce qui peut les opposer ou les rapprocher. Suspense préservé: j'espère donc vous donner envie de voir Partir. J'ai trouvé ce court long-métrage (1h30 à peine) d'une belle richesse. Quelques moments un peu caricaturaux, mais une observation fine des comportements humains exacerbés. Voilà, je n'en dirai pas plus...

Partir
Film français de Catherine Corsini (2009)
J'ai 2-3 réserves, pour être honnête, mais l'interprétation magistrale du trio Scott Thomas - Attal - López emporte ma pleine adhésion. C'est l'occasion de m'apercevoir que le cinéma de Catherine Corsini me plaît, en général (cf. La belle saison et Un amour impossible). Envie d'autres horizons ? Pour la blague mais pas que, voyez Revenir. Ou The singing club, pour la reine Kristin... que je connais très mal !

----------
Et afin d'en savoir plus, en remontant le fil du temps...

Vous dénicherez une ancienne (et intéressante) chronique de Pascale.

mardi 13 mai 2025

Quand Cannes cancane...

Il n'y a pas si longtemps, j'étais avide d'un maximum d'informations autour du Festival de Cannes. Vous le savez sûrement: l'événement ouvre ce mardi sa 78ème édition. Je vais la suivre d'un oeil discret. Comme chaque année, je compte en retenir le titre de quelques films intéressants, si possible venus de pays lointains ! Et j'en reparlerai...

Je ne me suis guère penché sur le nom et les fonctions des artistes invités à désigner la Palme d'or et les autres lauréats de la Sélection officielle. Que ce jury soit réuni autour de Juliette Binoche présidente m'inspire plutôt confiance, mais je n'ai fait que survoler la liste complète des prétendants à l'une ou l'autre des grandes récompenses. J'ai vu cinq des dix dernières Palmes. Et j'en ai aimé trois. Bon ratio !

Est-ce que je suis "sous influence" ? Pas totalement, mais un peu. J'estime qu'une partie de l'histoire du cinéma s'écrit sur la Croisette. D'où mes interrogations pour cette année: qui succèdera à Sean Baker comme lauréat de la Palme ? Et quel autre film après son Anora ? Évidemment, je me pose plein d'autres questions et en discuter alors avec mes amis, par blogs interposés ou en direct, reste un bonheur...

Inévitablement, je m'intéresse encore à tout ce qui se passe du côté du cinéma français. L'un(e) de nos compatriotes sera-t-elle honoré(e) après Justine Triet, il y a deux ans ? La débutante Amélie Bonnin ouvrira le Festival avec Partir un jour, qui n'est donc pas "palmable". J'ai également noté le retour de Julia Ducournau en compétition officielle pour Alpha, quatre ans après le triomphe cannois de Titane. Et si c'était plutôt le tour de Hafsia Herzi avec La petite dernière ? La France mise aussi sur Dominik Moll et Dossier 137, entre autres...

Et le glamour, alors ? Cannes n'en est jamais totalement dépourvu. D'après moi, la célébrissime montée des marches d'avant-projection démontre à elle seule que cela fait en quelque sorte "partie du jeu". Mais est-ce pour cela que mon retard est titillé chaque année ? Non. Je préfère regarder les films que rester planté devant les paillettes. Chacun son truc, après tout: à vous de décider ce que vous appréciez.

Vous noterez tout de même que, dans une interview donnée au Monde le 4 mai dernier, Iris Knobloch, la présidente du Festival depuis 2023, indiquait sobrement avoir été "la seule femme autour de la table pendant la majeure partie de (sa) carrière". Ex-dirigeante de Warner en France, elle a assuré aussi que cela avait parfois pu être un atout. Je me dis que le petit monde du cinéma gagnerait encore à évoluer...

--------
Et justement...

Je n'ai pas, avec ce texte, la prétention d'avoir déjà épuisé le sujet. Nous pouvons donc en reparler... ou pas, selon vos goûts et intérêts. Plan B: je vous retrouverai jeudi midi, avec un film "pas-de-Cannes" !

Une ultime précision...
Je ne suis évidemment pas le propriétaire des photos d'illustration. C'est pourquoi je les retirerai si leurs auteurs me le demandent. L'idéal serait que je trouve une solution... en amont des événements.

dimanche 11 mai 2025

L'artiste, la femme

Citation: "Camille Claudel est une grande oeuvre malade, qui pèche par ses excès, mais triomphe par son ambition et son intégrité". Critique pour Télérama, Aurélien Ferenczi voit assez juste, je trouve. J'avais envie de découvrir ce film sorti en 1988, en prenant le risque d'un décalage. Je l'ai aimé, malgré quelques réserves, et j'y reviens...
 
Avant cela, un mot pour celles et ceux qui l'ignorent: Camille Claudel, née dans l'Aisne en 1864, était la fille aînée - après la mort d'un frère encore bébé - d'un couple relativement aisé. Les historiens de l'art assurent qu'elle eut la passion de la sculpture dès son adolescence. Rejetée par sa mère, mais soutenue par son père, elle "fit carrière" et, un temps, fut à la fois la collaboratrice, la muse et l'amante d'Auguste Rodin (né, lui, à Paris, en 1840). C'est sur cette relation aussi féconde que tourmentée entre deux génies que s'attarde le film. Mais il ne s'appelle pas Camille Claudel pour rien: c'est autour d'elle que le scénario s'articule, comme pour sublimer un destin pathétique. Si vous en ignorez les contours, je me tais et vous laisse les découvrir avec le film (ou toute autre source d'information de votre choix). Cinématographiquement parlant, certains parlent d'un long-métrage voulu par Isabelle Adjani, sa star féminine, et que son compagnon aura tourné à sa demande. C'est vrai, mais ce n'est pas un problème. L'actrice aura très bien investi son rôle et le réalisateur aussi, le sien.

Voir ou revoir ce film en 2025 peut interroger sur les personnages masculins et bien sûr, au tout premier chef, celui d'Auguste Rodin. Comme vous le savez ou voyez, il est incarné par Gérard Depardieu. Je vous le dis très franchement: cela ne m'a posé aucun problème. Mais, assez logiquement, la personnalité de l'acteur du 21ème siècle rejaillit sur le sculpteur du 19ème, dont l'attitude avec les femmes correspond à celle de ceux qu'on appelle aujourd'hui les "mâles alpha". Observé à travers ce prisme particulier, Camille Claudel est un film passionnant et peut-être précurseur. Dénonciateur ? Pas forcément. De mon point de vue, c'est avant tout une ode à une femme longtemps mise sur le côté et qui mérite pourtant qu'on se souvienne d'elle comme d'une très grande artiste. À l'écran, certaines scènes parviennent à le démontrer sans grande emphase, tandis que d'autres explosent littéralement (et de façon quelque peu excessive, parfois). Au final, bilan positif: j'ai tout de même vu un grand film d'époque. L'Académie des César lui en offrit cinq. Il était nommé... pour douze !

Camille Claudel
Film français de Bruno Nuytten (1988)

Des excès, de l'ambition et de l'intégrité... oui, c'est pertinent. D'ailleurs, cela semble bien correspondre à ce qu'était Camille Claudel. Si vous souhaitez nuancer le propos, je vous réoriente très volontiers vers un autre film en bon complément: Rodin (de Jacques Doillon). J'aimerais voir Camille Claudel, 1915 de Bruno Dumont... une fois prochaine, sûrement. D'ici là, je conseille Bonnard Pierre et Marthe !

jeudi 8 mai 2025

Êtres, rêves, bêtes

Vous est-il déjà arrivé d'avoir envie de changer de vie ? Le romancier québécois Mathyas Lefebure l'a fait: ancien employé d'une entreprise de publicité à Montréal, il a connu une crise existentielle courant 2004 et l'a résolue en devenant... un gardien de brebis en Haute-Provence. Bergers adapte à présent au cinéma sa simili-biographie sur le sujet !

Je vais commencer par vous dire ce que j'ai le moins aimé: un aspect parfois trop beau pour être vrai - qui fait toutefois écho à une forme de naïveté du personnage principal - et une fin un brin expéditive. Hormis ces deux points, je ne vois pas grand-chose de très important à reprocher à ce long-métrage, joliment inscrit dans un sublime cadre de montagne. C'est bien simple: même la bande musicale de Bergers m'a motivé à suivre Mathyas et son amie Élise dans leur folle équipée sauvage. Soyez-en sûrs: ce film peut faire remonter de vieux idéaux à la surface si, bien que citadin, vous avez peu ou prou la fibre écolo. Pour autant, il ne va pas jusqu'à dire que c'est facile de prendre soin de la nature (ou en l'espèce d'un immense troupeau DANS la nature) comme on pourrait le faire de soi, même accompagné d'une proche. Est-ce que ça s'improvise ? Non. Est-ce que ça s'apprend ? Peut-être. Le scénario le laisse croire, au-delà de toute inconnue sur le terrain...

Les acteurs s'avèrent suffisamment impliqués pour paraître crédibles. Tête d'affiche, le Canadien Félix-Antoine Duval, 33 ans, m'a semblé convaincant et j'imagine en phase avec les attentes de la production. À ses côtés, il m'a plu de revoir Solène Rigot, une actrice française trop rare, qui démontre cependant de belles facultés d'interprétation. La réalisatrice, elle, s'est montrée exigeante dans sa propre manière d'agir artistique. "Il fallait que j'aie ressenti le monde des éleveurs pour pouvoir ensuite le rendre en scénario et en mise-en-scène (...). La transposition est presque de l'ordre du conte", a-t-elle mentionné. Ce travail paye: certains passages sont édulcorés, mais une attention particulière est accordée à ce monde, à l'écart des principaux sentiers battus. Cela nous aide à mieux mesurer sa diversité et sa fragilité. Cerise sur le gâteau: c'est moins plombant et bien moins moralisateur qu'un blabla politique. À vous de voir si vous êtes / serez convaincus !

Bergers
Film franco-canadien de Sophie Deraspe (2024)

Oui, la réalisatrice est québécoise, elle aussi, et son deuxième long personnel (après Antigone en 2019) est sorti chez nos chers cousins d'outre-Atlantique dès novembre dernier: une promesse pour l'avenir ! Pour la ruralité, je pense que vous pourrez apprécier Petit paysan et/ou Vingt dieux, plus récent. Et Les choses simples ? Des acteurs de grand talent (le trio Gadebois-Wilson-Gillain), mais trop de clichés.

----------
Alors ? Vous vous contenterez du film du jour ?

Très bien: vous en lirez une chronique fort enthousiaste chez Pascale. Vous pourrez aussi noter que Dasola l'a vite rejointe sur les hauteurs. On peut l'y retrouver en s'intéressant par ailleurs à la critique du livre.

lundi 5 mai 2025

Son honneur bafoué

Il y a deux parties distinctes dans Le joueur de go et je dis d'emblée qu'à mes yeux, la meilleure est bien la seconde - on peut s'en réjouir. Le début du film en pose les enjeux et il m'aura fallu un peu de temps pour me sentir tout à fait "en place" dans ce Japon du 18ème siècle. Le cinéma asiatique mobilise parfois nos capacités de contemplation !

Kakunoshin Yanagida est un rônin, c'est-à-dire un samouraï errant. Depuis que sa femme est morte et qu'il a choisi de quitter le service exclusif de son maître, il ne cohabite qu'avec sa fille, Kinu. Le sabre attaché à sa ceinture ne lui sert plus à se battre, mais il gagne sa vie de manière honorable, grâce à un nouveau travail: graveur de sceaux. Le titre du film le suggère: il excelle aussi au jeu de go... et refuse d'en tirer profit en pariant le reste de son argent sur ses victoires. C'est après avoir réglé un différend commercial entre deux voisins qu'il rencontre Chobei, un prêteur sur gages réputé pour son avarice. Au contact du veuf, ce dernier devient petit à petit digne de l'estime de ses concitoyens (ce qui passera par un apprentissage ludique). Mais les choses vont se complexifier - et se détériorer - par la suite...

J'en ai dit beaucoup ! La suite sera liée à la dignité et à la vengeance possible d'un ancien soldat qui aurait aussi bien pu se laisser oublier. Que dire ? Bien que classique, ce scénario est joliment mis en scène. Aucun des nombreux personnages n'est inutile à l'avancée d'un récit qui s'emballe au cours de sa deuxième heure, toute en mouvement. Certains critiques ont comparé Le joueur de go aux meilleurs opus d'Akira Kurosawa, mettant ainsi en avant un humanisme commun. Mouais... je n'ai pas franchement été convaincu par cet argument. D'après moi, nous sommes encore à des encablures des références japonaises dites classiques - je vous invite à revisiter ce patrimoine. Pour autant, pas question de nier les qualités évidentes de ce film d'aujourd'hui: visuelles et narratives, elles sont de fait incontestables. Les interprètes, eux, sont à la hauteur des ambitions d'un cinéaste méconnu en France. J'ajoute un nouveau nom à la liste des possibles !

Le joueur de go
Film japonais de Kazuya Shiraishi (2024)

Une nouvelle petite perle venue tout droit du Pays du soleil levant. C'est à se demander pourquoi les autres longs-métrages du réalisateur restent inédits sous nos latitudes. Bref... mystères de la distribution ! Je parlais d'Akira Kurosawa: c'est l'un de ses assistants qui, une année après sa mort, tourna Après la pluie à partir de l'un de ses scénarios. J'aime autant Les sept samouraïs, La forteresse cachée, Ran, etc...

----------
Une certitude: mon film du jour est apprécié...

C'est l'occasion de faire un saut chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

dimanche 4 mai 2025

Références

Je ne sais pas combien de films j'ai pu voir tout au long de ma vie. Pas moins de 2.760 longs-métrages figurent à ce jour sur ce blog ! Autant de jalons d'une cinéphilie inscrite dans une volonté de partage. Je n'ai vraiment aucune envie de "faire autorité" (drôle d'expression). Ce qui ne m'empêche jamais de réfléchir en termes de "références"...

Le visionnage de films anciens et de classiques renforce ma curiosité pour d'autres oeuvres, mais, a posteriori, il m'invite aussi à étudier de plus près celle que je viens tout juste de découvrir et d'apprécier. C'est ainsi qu'après avoir vu Mr. Klein, j'ai pu vérifier qu'il était cité dans Le cinéma français à travers 100 succès, un beau livre publié aux éditions Larousse en 2003, sous la plume de Bernard Chardère. Fondateur de la revue Positif, l'auteur retient l'approche chronologique et évoque le film de Joseph Losey entre deux opus que je ne connais que de - très bonne - réputation: Dupont Lajoie (Yves Boisset / 1975) et Violette Nozière (Claude Chabrol / 1978). Un sort assez enviable...

Il y a peu, j'ai eu la chance de tomber sur toute une série d'ouvrages signés Pierre Tchernia et proposant chacun une sélection subjective de 80 "grands succès" dans un genre déterminé. Je continue bien sûr de me rapporter aux fameux Annuels du cinéma, dont j'ai déjà parlé et que je collectionne depuis l'édition 2008 (en complément du blog). Aujourd'hui, j'ai donc une belle bibliothèque dédiée au septième art ! Comme ma mère le dit avec humour, je vais probablement être obligé d'aller bientôt faire un petit tour chez Ikéa. Me contenter d'infos collectées sur Internet ? Ce n'est pas dans mes habitudes, à vrai dire. Même si j'ai plusieurs autres blogs cinéma comme sources, bien sûr...

J'en reviens donc inévitablement à cette belle notion de "références". Parce que je suis d'avis que l'art en général et le cinéma en particulier forment une partie du patrimoine humain, je considère que les écrits et opinions d'autres connaisseurs enrichissent mon bagage intellectuel dans ce domaine. Pas question toutefois de tout prendre pour argent comptant: comparer les idées, ce n'est pas effacer son esprit critique. Au contraire: face à un avis différent, on peut aussi aiguiser le sien pour mieux défendre ses convictions profondes - en toute bonne foi. C'est inutile de trop intellectualiser: j'aime autant L'intendant Sansho que le dernier Indiana Jones, au final ! Et je suis prêt pour la suite...

----------
Pour finir, un petit calcul...
2.760 films sur ce blog, donc. En considérant que la durée moyenne d'un long-métrage est de deux heures, on en arrive à 5.520 heures. Soit pile 230 jours. Je suppose que ma passion reste raisonnable. D'autant que quelques autres plumes ont eu l'occasion de s'exprimer...

Et pour aller encore plus loin...
Si vous voulez me parler en commentaires de vos propres références pour mieux connaître le septième art, ils sont prévus pour cet usage. Livres, podcasts ou autres blogs: je reste ouvert à tous les supports. Et évidemment à tous les pays, toutes les époques, tous les genres...

vendredi 2 mai 2025

Sous pli homonyme

Je vous assure que ce n'est pas une blague: un jour, un type ordinaire a appelé la rédaction d'un canard que je connais bien pour demander que les journalistes cessent de citer le nom d'une personne suspectée de meurtre. Le pauvre homme avait la malchance de porter le même et subissait un harcèlement téléphonique constant. À devenir dingue !

La folie épargne encore le personnage d'Alain Delon dans Mr. Klein quand, sur le perron de son appartement, il découvre qu'un journal auquel il n'est pas abonné lui a pourtant été livré. En cette matinée sans éclat de janvier 1942, c'est avec surprise qu'il constate en outre que le nom et l'adresse sur l'enveloppe sont identiques aux siens. Robert Klein, 136 rue du Bac, Paris septième, ne veut pas d'ennuis. Dès lors, sans plus attendre, il se doit d'alerter les services de police sur la possible usurpation de son identité. Et, de son côté, il se lance dans une double quête pour retrouver l'homonyme et ne plus passer pour ce Juif qu'il n'est pas. Une idée assez funeste lorsque l'on sait que, par ailleurs, il ne respecte qu'imparfaitement les lois en vigueur. Du pain béni pour le spectateur ! Un moteur de suspense impeccable ! Parce que celui que la caméra suit pas à pas dans son obstination fatale n'est pas sympathique, le film évolue sur une ligne de crête entre fascination et répulsion envers le personnage principal. Glups...

Tout est à l'avenant: Paris, par exemple, a l'air d'un environnement incertain, voire hostile. Et les autres protagonistes de cette histoire le traversent comme des spectres, déjà morts ou en passe de l'être. On se raccrochera - comme on peut - à la présence de quelques stars parmi les plus illustres de l'époque: Jeanne Moreau, Michael Lonsdale ou Jean Bouise. On croisera aussi Suzanne Flon... et Gérard Jugnot. Des visages familiers, mais pas de quoi s'offrir un cadre confortable. Vous me direz: compte tenu de la période présentée, c'est logique. Mr. Klein n'est en fait pas toujours aussi réaliste que vous pourriez l'anticiper, mais c'est un film qui n'épargne personne, ni les bourgeois français confits dans leur aveuglement coupable, ni les opportunistes centrés sur les combines (qui sont souvent les plus cyniques de tous). Avec, pour les filmer, un réalisateur qui s'était investi auprès du Parti communiste et avait pour cela dû quitter les États-Unis de McCarthy. J'imagine qu'il y a sans doute leçon à retenir pour les temps présents !

Mr. Klein

Film français de Joseph Losey (1976)

Des César pour Losey et pour son chef décorateur Alexandre Trauner. Leur long-métrage pointe les facettes obscures de la France d'alors. Tout à sa noirceur, il pourrait être le pendant d'un film de résistance comme L'armée des ombres (sorti en salles, lui, sept ans plus tôt). L'atmosphère, glauque, m'a également rappelé un film bien différent sur le fond: Le locataire, l'opus 100% paranoïaque de Roman Polanski.

----------
Le film semble conserver une bonne cote auprès des cinéphiles...
"L'oeil sur l'écran" s'en est fait l'écho, tout comme Sentinelle et Strum. C'est même le dernier nommé qui a réveillé mon envie de voir le film.

mercredi 30 avril 2025

Un homme en sursis

Une donnée démographique pour commencer: quelque 6.000 Français occupent aujourd'hui l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon (242 km²). Ils étaient deux fois et demie moins nombreux vers 1850, à l'époque du film dont j'aimerais parler ce mercredi: La veuve de Saint-Pierre. Avec Juliette Binoche et Daniel Auteuil, il y a de belles choses à faire !

Napoléon III rayera vite d'un trait de plume impérial cette République éphémère, où le capitaine Jean porte la charge de chef de garnison. C'est donc à ce titre qu'il doit prendre en charge un marin-pêcheur soupçonné d'avoir, avec un complice et dans un état d'ivresse prononcé, incité un commerçant à sortir de chez lui pour l'assassiner. Condamné, l'homme échappe alors à l'exécution de la peine capitale parce que la cour n'a pas de guillotine, ni de bourreau, à disposition ! Pendant que les notables s'organisent pour qu'il en soit acheminé une depuis Paris, le meurtrier circule très librement, se plaçant au service de la femme de celui qui était supposé le mettre sous les verrous. Vous l'aurez compris: inspiré de faits réels, La veuve de Saint-Pierre est l'histoire, éminemment romanesque, d'une possible rédemption. Toute la question est dès lors de se savoir si vous y croirez ou non. Une supposition: certains rebondissements sauront vous surprendre...

Une bonne partie du plaisir que j'ai eu à regarder ce film d'époque repose sur la remarquable interprétation d'Emir Kusturica dans le rôle du mauvais sujet repenti - un choix de casting tout à fait judicieux. Même si d'autres comédien(ne)s ont bien leur mot à dire dans ce récit humaniste, c'est surtout un trio qui l'anime de la plus belle des façons. Étrangement, cet opus n'a connu qu'un succès relativement modéré lors de sa présence en salles (un peu moins de 650.000 spectateurs). Personnellement, j'ai également apprécié La veuve de Saint-Pierre pour son cadre: ce n'est pas tous les jours qu'une équipe de cinéma s'installe dans ce "coin de France", au large de l'immense Canada. Apparemment, le fruit de ce travail a beaucoup circulé à l'étranger. C'est en soi une bonne chose et, à mes yeux, c'est tout à fait mérité ! À noter l'existence d'un roman éponyme, signé Marine Saglio-Bramly. Vous pourrez le dénicher aux éditions Pocket - avec un peu de chance.

La veuve de Saint-Pierre
Film français de Patrice Leconte (2000)

De la belle ouvrage. Certes moins appréciée que la saga Les bronzés du même réalisateur, cette production n'a assurément pas à rougir. Je l'ai d'ailleurs préférée à Une promesse, tourné avec des acteurs anglo-saxons et cependant inspiré d'une nouvelle de Stefan Zweig. Porter un costume sans qu'il paraisse trop grand est un art difficile. Bon... Madame Bovary, Une vie et Eugénie Grandet m'ont plutôt plu.

----------
Et par ailleurs, en cas d'hésitation...

Vous pouvez toujours vous en référer aux avis de "L'oeil sur l'écran".

lundi 28 avril 2025

Tout l'amour de Lucia

Milan, 16 décembre 1944. Benito Mussolini s'adresse à une journaliste après un ultime discours: "Je m'affaire en sachant que tout est farce. J'attends la fin de la tragédie, comme étrangement détaché de tout. Je ne me sens plus acteur, mais seulement le dernier spectateur". Dernière consigne du fasciste: ne publier l'article... qu'après sa mort !

Le hasard fait que j'évoque cette anecdote historique 80 ans, jour pour jour, après l'exécution sommaire de l'ancien maître de Rome. Cependant, ce n'est pas lui qui m'intéresse aujourd'hui: mon intention est plutôt de vous parler d'un film qui débute alors que la fin du Duce approche. L'année passée, Vermiglio ou La mariée des montagnes est reparti de la 81ème Mostra de Venise avec le Grand Prix du jury. Nous prenons les chemins à destination d'un petit village du Trentin. Quelques mois seulement avant la fin de la guerre, cette zone montagneuse tout au nord de l'Italie voit revenir un jeune homme blessé au combat. Un autre ex-soldat du même âge l'accompagne. Accueilli en héros, ce Sicilien, Pietro, lui aurait en fait sauvé la vie. Des sentiments réciproques l'uniront vite à la belle Lucia, première des dix enfants de Cesare Graziadei, le très austère instituteur local. Au printemps, le patriarche consentira au mariage, tout en exigeant de son gendre qu'il retourne vers le Sud en aviser ses propres parents. C'est alors que se jouera une tragédie - que je n'avais pas anticipée...

J'espère sincèrement trouver les mots justes pour vous convaincre d'une chose: Vermiglio ou La mariée des montagnes brille d'un éclat qui le place sans difficulté parmi les plus beaux films que j'ai vus depuis le début de l'année. Il peut à ce titre être le porte-étendard d'un cinéma italien capable du meilleur et fier de l'héritage de son âge d'or. C'est d'autant plus notable que la réalisatrice de cette merveille n'a pas encore fêté ses cinquante ans (ce sera le 3 octobre prochain). Sur son CV, il y a aussi plusieurs documentaires: c'est un bel atout. Au-delà de ses cadres, elle a l'intelligence de ne pas trop se focaliser sur le dialogue: en réalité, les images parlent souvent d'elles-mêmes. Le film est tout autant un délice pour les oreilles, parsemé qu'il est par de superbes - et très évocateurs - morceaux de musique classique, oeuvres d'Antonio Vivaldi et Frédéric Chopin, notamment. Et puis, il y a la guerre, bien sûr, une menace lointaine qu'on oublie presque grâce à la contemplation constante d'une petite communauté isolée. Il m'a fallu un peu de temps pour redescendre de la montagne !

Vermiglio ou La mariée des montagnes
Film italien de Maura Delpero (2024)
Le vermillon, ce rouge vif que rappellent le titre et le nom du village que nous visitons, n'est donc pas celui du sang: c'est une chance. Même si l'histoire est différente, le film m'en a rappelé deux autres dans un environnement similaire: Le ruban blanc et Une vie cachée. Pour la guerre hors-champ, j'ai aussi aimé L'odeur de la mandarine. Aïe... je n'ai vu que très peu de longs-métrages autour des sommets !

----------
Pour compenser, je regarde ailleurs...

C'est de fait un rituel: je vous suggère de lire la chronique de Pascale.

samedi 26 avril 2025

Une fille dans la ville

L'anecdote m'amuse: à la toute fin de 1975, quand le gouvernement français crée la classification X, il en profite pour prélever davantage de taxes sur les films visés pour soutenir les oeuvres "de qualité". Rassurez-vous: mon film d'aujourd'hui n'a absolument rien de porno. Son héroïne travaille juste dans un cinéma spécialisé dans ce genre...

Christine n'a en fait rien trouvé d'autre pour gagner un peu d'argent. Derrière son guichet, elle entend tout des dialogues et gémissements qui scandent les séances du Variety - c'est aussi le titre du film. Parfois, entre deux ventes de tickets, elle s'aventure dans la salle. Finalement, quand Louie, un homme plus distingué que les autres, décide de lui offrir un verre de Coca, elle accepte de sortir avec lui. Et, quand il la plante lors d'un rendez-vous, elle le suit discrètement afin d'avoir une vision plus précise de qui il est vraiment. Suspense...
 
Point de galipettes à l'horizon: vous avez ici affaire à un film noir. Dans un style qui m'a rappelé celui des premiers De Palma, cet opus dessine un saisissant portrait du New York nocturne et interlope. J'imagine volontiers qu'à sa sortie dans les années 80, il devait avoir quelque chose d'assez fascinant pour le public avide de sensations nouvelles. Ce n'est pas bien sulfureux, quatre décennies plus tard. J'oserai même classer cet OFNI au rang des films expérimentaux précédemment réalisés par son autrice - que je viens de découvrir. D'après ce que j'ai lu, elle s'inscrit dans la lignée du Jim Jarmusch débutant et s'est dit inspirée par les travaux de Jean-Luc Godard. Autre influence notable selon Wikipédia: celle de John Cassavetes. Personnellement, j'ai surtout apprécié le film pour sa photographie. L'intrigue ne m'a que peu intéressé: elle ne me semble qu'un prétexte pour tourner de (belles) images ! D'où une petite déception à l'arrivée.

Variety
Film américain de Bette Gordon (1983)

Une certitude: je n'ai pas vu beaucoup d'autres films comparables. C'est une qualité, sans doute, à mettre au crédit de ce long-métrage singulier, dont certains disent également qu'il renverse le rapport homme-femme habituel. Et il y a du vrai dans cette affirmation. Mais, allez savoir pourquoi, tout cela m'a fait penser à Blow out. J'aime assez le cinéma parano américain (cf. Conversation secrète) !

----------
Vous préférez avoir un autre avis avant de vous lancer ?

D'accord ! Inédit en France jusqu'en 2022, le film est toutefois le sujet d'une chronique de "L'oeil sur l'écran". Je n'en ai pas trouvé d'autres...

vendredi 25 avril 2025

Chrono...logique ?

Michael O'Leary estime que le public perçoit bien que tous les films seront disponibles sur des plateformes en quelques semaines à peine. D'après lui, "cela compromet la durabilité de l'ensemble de l'industrie en ayant un impact négatif sur la fréquence à laquelle les spectateurs se rendent en salles". C'est une inquiétude que je partage largement !

Bon... jusqu'au début du mois, je ne connaissais pas Michael O'Leary. Cet homme est le PDG de Cinema United, la plus grosse organisation de salles aux États-Unis. Il a récemment plaidé pour que les cinémas disposent d'une période d'exclusivité d'au moins un mois et demi. Rappel (et contrexemple): l'échec américain du blockbuster Mickey 17 aura conduit la Warner à le diffuser en streaming après... 18 jours ! C'est un fait: dans le monde, la fameuse "chronologie des médias" n'est pas la même partout. Et elle a également fait débat en France...

Chez nous, si ce que j'ai lu est exact, les télés et les opérateurs Web doivent toujours attendre plusieurs mois - en fait, le nombre précis dépendrait de leurs investissements dans la production française. Canal + doit ainsi patienter un semestre complet, alors que Disney + peut rendre ses propres longs-métrages accessibles après neuf mois. Il semblerait que les réglementations américaines aient été négociées dans un contexte pandémique, alors que les grandes compagnies productrices de cinéma pouvaient douter de leur survie économique...

En substance, Michael O'Leary estime donc qu'aujourd'hui, les choses ont pu évoluer dans un sens positif. Il a quelques autres suggestions pour accompagner les salles obscures dans leur reconquête du public. "Nous devons faire les choses autrement", a-t-il clairement affirmé. L'idée serait de développer un véritable offre premium, au-delà même de tout ce que le septième art propose, avec donc un soin particulier apporté aux espaces communs, notamment. Il conviendrait en outre de faciliter l'accès aux films des salles situées en zones non-urbaines et/ou indépendantes. C'est évident: une partie de l'avenir du cinéma se joue au quotidien. Tâchons donc simplement... de ne pas l'oublier !

----------
Un sujet d'actualité...
Peu après avoir préparé cette chronique, j'ai appris que Netflix attaquait la chronologie des médias devant le Conseil d'État. Précision du Figaro dans son article: la plateforme doit attendre quinze mois avant de diffuser les productions françaises sorties dans les salles. Elle investirait actuellement 50 millions d'euros par an dans le cinéma français, soit 4% de son chiffre d'affaires. La ligne risque de bouger...

Et vous, alors... qu'en pensez-vous ?
Je ne crois pas avoir dit quelque chose de vraiment révolutionnaire. Et j'aimerais beaucoup en rediscuter avec vous. À vos commentaires !

mercredi 23 avril 2025

Duo latino

Il a survécu à la crise sanitaire. Sa vocation ? La promotion du cinéma ibérique et latino-américain. J'ai vu il y a peu deux des films récents projetés au 13ème Festival Ojoloco de Grenoble (25 mars - 6 avril). J'ignore s'ils ont trouvé une structure pour une plus large diffusion. Mais je suis sorti ravi de ces "voyages" - en Argentine et en Uruguay !

Los tonos mayores (ou The major tones)
Film argentin d'Ingrid Pokropek (2023)
Après un accident, Ana, 14 ans, doit vivre avec une plaque de métal dans l'avant-bras, ce qui lui permet de ressentir des vibrations ! L'adolescente en parle à sa meilleure copine, qui les transforme illico en notes de musique (et en tire donc de quoi écrire une chanson). Finalement, tout semble remis en question quand, un soir, le hasard place un jeune soldat sur la route d'Ana. Lui interprète les pulsations ressenties par la jeune fille comme des signaux, en langage morse. Bref, vous l'aurez compris: ce - premier - long-métrage d'une cinéaste de Buenos Aires introduit une bonne dose d'imaginaire au quotidien ordinaire d'une gamine rêveuse. Mais le film va un peu plus loin ! C'est aussi le portrait d'un tandem fille-père, sans autre personnage féminin adulte pour prendre la place et le rôle d'une maman. L'aspect fantastique du scénario se combine donc avec une approche subtile d'un sujet somme toute classique, traité avec beaucoup de douceur. Aucune raison de pleurer. Au contraire: l'espoir est de se réconcilier avec la vie. Je suis convaincu que petits et grands en sont capables...

Agarrame fuerte (ou Don't you let me go)
Film uruguayen d'Ana Guevara et Leticia Jorge (2024)
Un film qui commence mal: nous assistons à un grand rassemblement après la disparition prématurée d'Elena, une très jolie jeune femme. Ce deuil affecte naturellement Adela, l'une de ses amies intimes. Quand la cérémonie funéraire s'achève, elle s'effondre en sanglots dans sa voiture, à l'abri du regard des autres proches de la défunte. Puis, une fois qu'elle a repris contenance, elle se remémore un temps fort de leur relation passée... comme si elle la vivait, à nouveau. Nous, spectatrices et spectateurs, découvrons donc cette histoire grâce à un long flashback. Et ce qui pourrait être banal ne l'est pas ! Pourquoi ? Parce que les deux réalisatrices associées ont eu l'idée d'introduire dans cette reproduction du réel une dose de poésie visuelle. Pour peu qu'on y accroche, on s'évade alors vers un rêve. Toute la puissance consolatrice du cinéma est de ce fait mobilisée pour nous aider à sécher nos larmes - ou, mieux, à ne pas les verser. Un bateau pourrait nous emmener pour prolonger cette escapade. C'est bien à nous de décider jusqu'où accompagner les personnages...

----------
Une petite conclusion...

L'Amérique latine est bien loin d'être le continent le plus représenté sur ce blog, mais elle devance tout de même l'Afrique et l'Océanie. Pour l'heure, j'ai vu des films de huit de ses pays, les plus nombreux tournés en Argentine, au Brésil et au Chili. Je compte bien continuer !

lundi 21 avril 2025

Idéal de Provence

Jean Giono a 35 ans en 1930 quand paraît Regain, l'un de ses romans cités parmi les plus réussis. C'est un autre célèbre auteur provençal qui en signe l'adaptation sept ans plus tard: Marcel Pagnol, bien sûr ! Les deux hommes sont nés la même année et ont collaboré à l'écriture du scénario. Je n'ai pas d'informations sur le déroulé des opérations...

Une certitude: le personnage qu'interprète Fernandel tient une place majeure dans le film, tandis qu'il serait vraiment "au second plan" dans le livre, d'après ce que j'ai pu lire ici et là. Gédémus, rémouleur faussement sympathique, trimbale sa carriole de village en village avec d'autant plus de difficultés qu'il a perdu son chien pour la tirer. Chance pour lui: il trouve une femme pour remplacer l'animal ! Ensemble, Arsule et lui parcourent les très escarpées campagnes provençales pour trouver de nouveaux clients. Et, un soir, le duo sauve un drôle d'homme d'une noyade dans une rivière sauvage. Finalement, un nouveau couple pourra se former, a priori plus franc...

Regain est un drôle de film, à la fois réaliste, poétique et onirique. D'après mon ressenti, il est ancré dans son époque, ces années trente encore porteuses d'un espoir républicain fondé à la fois sur le progrès et un essor économique enfin envisageable pour les classes sociales dites populaires. Une part de la belle imagerie autour de ces valeurs sera ensuite récupérée par les régimes autoritaires: triste constat ! Bientôt neuf décennies plus tard, le beau long-métrage que j'évoque aujourd'hui semble d'un autre temps - ce qui est de fait assez logique. Pourtant, avec le regard que la caméra amène sur la Provence d'alors et ses petits hameaux en voie de disparition, il y a dans cette histoire éternelle quelque chose de très touchant. Un humanisme profond qu'incarnent à merveille les deux acteurs de la photo, Orane Demazis dans le rôle d'Arsule (ou Irène, en fait) et Gabriel Gabrio en Panturle. Quelques autres protagonistes complètent le tableau, à voir ou revoir.

Regain
Film français de Marcel Pagnol (1937)

Pour son époque, je trouve finalement cet opus assez moderne. Évidemment, tout dépend aussi de l'oeil avec lequel on le regardera et/ou des attentes que son point de départ pourrait faire naître. Certains aspects peuvent étonnamment rappeler La strada (1954) ! Cela étant dit, liés à Pagnol, je préfère d'autres films: la trilogie marseillaise Marius-Fanny-César ou La fille du puisatier. À suivre...

----------
Et pour aller plus loin...

Je vous conseille de découvrir aussi l'intéressante analyse de Strum.

samedi 19 avril 2025

Un ami atypique

Un film plus léger, aujourd'hui: je termine avec vous cette semaine en évoquant un long-métrage que je n'avais que vaguement vu passer et qui m'avait été recommandé pour le rôle de Benjamin Lavernhe. Dans Le goût des merveilles, l'acteur, alors jeune trentenaire, forme un beau duo avec Virginie Efira. Leur première collaboration, je crois.

Arboricultrice dans la Drôme, Louise vit seule avec ses deux enfants depuis la mort accidentelle de son mari. Avec une pugnacité certaine et beaucoup de courage, elle s'accroche aux rêves du quatuor brisé pour maintenir à flot le verger qui est aussi le cadre de vie familial. Difficile devant de tels paysages ensoleillés de ne pas la comprendre. La vie n'est pas si facile, pourtant, avec maintes factures impayées. Et voilà que Louise renverse Pierre (alias πR), un jeune homme perturbé et solitaire qui est l'ami atypique d'un généreux libraire ! Vous voyez le tableau ? Rien de vraiment très original à attendre. Attention: Le goût des merveilles n'est pas du tout un mauvais film. Il s'avère à la gloire des acteurs-vedettes, mais n'est pas déplaisant. Disons que le récit est largement prévisible dès la première rencontre des protagonistes dans un cadre sublime - et sans grand aléa météo. Virginie Efira et Benjamin Lavernhe sont absolument irréprochables...

Le goût des merveilles
Film français d'Éric Besnard (2015)

Je n'en attendais pas autre chose, mais il peut sembler regrettable qu'un tel film manque ainsi d'aspérités. J'insiste: rien de honteux. C'est un peu mieux ficelé que Les choses simples, du même auteur. Pour l'instant, Éric Besnard m'aura surtout convaincu avec Délicieux. Le feel good movie à la française a encore de l'avenir, je pense. Constat d'évidence: pour ma part, je n'en vois qu'assez peu, en fait...

----------
Et on en dit quoi, ailleurs ?

Le film est (presque) totalement absent de mes blogs de référence. Seul Laurent lui aurait-il "donné sa chance" ? Ça commence à dater...

jeudi 17 avril 2025

Combien de vies ?

Il n'est pas interdit de juger obscène le fait de représenter un attentat terroriste réel dans un film de fiction. Évoquer Un an, une nuit, opus inspiré du drame du Bataclan et des souvenirs de rescapés ? J'y tenais parce que je ne compte n'occulter aucun des films que je découvre. Même quand, d’après moi, il faut aborder le sujet... avec précaution.

Céline et Ramón, jeune couple de Parisiens, elle travailleuse sociale, lui analyste financier, errent dans les rues de la ville, silencieux, hagards, une couverture de survie sur le dos. On comprend très vite qu'ils sortent vivants de la tuerie survenue dans la salle de spectacle du 11ème arrondissement (un rappel: c'était le 13 novembre 2015). Le film s'intéressera à comment ils vont "surmonter" (ou pas) ce choc.

Oui, le choix de Un an, une nuit de revenir sur ces terribles faits historiques et la manière dont le film les reconstitue sont discutables. Mon avis ? Je me suis senti très ému par moments, mais pas choqué. C'est en réalité parce que je prête à ce long-métrage deux qualités importantes, si ce n'est essentielles: il s'est souvenu que le Bataclan n'était pas un cas isolé - après la gare d'Atocha sur le territoire espagnol et avant Nice, notamment - et surtout, il illustre l'idée qu'au-delà du drame collectif, chaque victime a sa propre souffrance. Et, sur ce point précis, je l'ai trouvé à la fois pudique et très juste. L'interprétation du duo Noémie Merlant - Nahuel Pérez Biscayart s'inscrit à mon sens dans cette logique, malgré le sentiment de colère qui anime parfois les personnages ou le déchirement qu'ils subissent. Sans en dire plus, je note que le scénario offre également un écart possible avec la réalité et que la fin de ce récit peut être comprise d'au moins deux façons différentes. Une réflexion que je vais écarter pour le moment, faute d'avoir lu Paix, amour et death metal, le livre à la source du film. Bon... ce n'est peut-être bien que partie remise. D'ici là, nous pouvons bien sûr toujours en discuter en commentaires !

Un an, une nuit
Film franco-espagnol d'Isaki Lacuesta (2022)

En écho au beau titre du film, je me suis demandé combien de vies avaient été perdues, changées, raccommodées ou bien renouvelées après ces événements tragiques. Et c'est parce qu'elle laisse le champ des possibles ouvert que j'ai aimé cette fiction... venue d'Espagne ! Cela dit sans nullement renier les qualités de quelques films français sur ce même très douloureux sujet, tels que Amanda ou Revoir Paris.

----------
Un avis plus nuancé ?

Celui de Pascale l'est, me semble-t-il. Arguments à l'appui, bien sûr. Pas d'autre billet en vue chez mes camarades blogueuses et - gueurs. Peu diffusé en France, le film n'a réalisé que 10.340 entrées en salles.

mercredi 16 avril 2025

Leurs premières fois

Bon... changement de programme: ce n'est finalement que demain que je mettrai en ligne une nouvelle chronique consacrée à un film. Aujourd'hui, un mot rapide pour vous signaler une petite nouveauté dans l'une des rubriques du blog, "Les réalisateurs et réalisatrices". D'ailleurs, la voyez-vous toujours en page d'accueil, en haut, à droite ?

Si c'est le cas, je tiens donc à vous signaler que j'y ai ajouté une info supplémentaire sur les films référencés. Comme mon titre de ce jour le suggère, un (1) accompagne à présent les premiers longs-métrages de leur autrice ou auteur - s'il a déjà été chroniqué, bien entendu. J'espère que cela apportera un soupçon de visibilité supplémentaire aux artistes qui se lancent, auxquels certains festivals de cinéma s'intéressent spécifiquement (un autre sujet qu'il me faudra aborder). Je me dis par ailleurs que c'est intéressant de revenir aux sources d'une inspiration, quelle qu'elle soit, et vous invite dès lors à le faire avec moi. Ce ne sont assurément pas les occasions qui manqueront. Sur ce, je vous retrouve donc demain avec un autre film: le 2752ème sur Mille et une bobines ! Je ne changerai pas d'intitulé pour autant...

----------
Au fait, chères lectrices et chers lecteurs...

Et vous, alors ? Est-ce que ça vous arrive de prêter une attention rétroactive au tout premier film d'un(e) cinéaste que vous aimez ? Et/ou est-ce que vous êtes intéressés par les artistes qui se lancent dans la carrière ? Oui, je reste assez curieux et motivé pour le débat !

lundi 14 avril 2025

Clones tristes

Irai-je voir le prochain film de Bong Joon-ho ? Rien n'est moins sûr. On dit parfois que ses meilleurs opus sont ceux qu'il tourne en Asie. Après le triomphe XXL de Parasite, le cinéaste sud-coréen a collaboré avec la Warner pour produire Mickey 17. Une adaptation du roman SF de l'Américain Edward Ashton dont j'aurais dû me méfier. Peut-être...

N'exagérons rien: Mickey 17 n'est pas un mauvais film. C'est un film un peu décevant pour qui avait, comme moi, apprécié le précédent. Persuadé par son ami Timo que les macarons attirent une clientèle plus nombreuse que les burgers, Mickey Barnes a de très gros ennuis. Fauché, il doit en effet une grosse somme au type peu fréquentable qui était censé l'aider à investir dans cette activité professionnelle lucrative. Il décide alors de quitter la Terre pour rejoindre la colonie humaine bientôt installée sur Niflheim, une planète peu hospitalière. Il devient un Remplaçable, c'est-à-dire un type qu'on exploite à l'envi pour les jobs les plus dangereux... et que son patron peut réimprimer quand il a - littéralement - le très mauvais goût de se tuer à la tâche. Une vie moins glauque depuis que Mickey a rencontré Nasha, une fille embarquée dans le même vaisseau et qui y occupe des fonctions valorisantes. Tout va plutôt bien pour le couple (discret) jusqu'au jour où deux exemplaires du garçon sont simultanément "en circulation". Cela contrevient aux règles de celui qui domine tout ce petit monde...

Arrivés à destination, puissants ou misérables, les uns et les autres goûteront vite aux joies de la cohabitation avec des blattes géantes. Souvent tout à fait dégueulasse, le film n'est toutefois pas dépourvu d'un certain nombre de qualités esthétiques. Bien que peu nombreux au final, les décors et costumes sont dans l'ensemble assez réussis. Les effets spéciaux le sont parfois moins, à la différence de la bande musicale: signée Jung Jae-il, elle me semble constituer l'un des atouts majeurs du long-métrage. Et les acteurs ? Robert Pattinson se tire avec les honneurs de son double rôle, sans faire d'éclat particulier. Autour de lui, dans une distribution très internationale, j'ai été ravi de revoir Anamaria Vartolomei et de découvrir Naomi Ackie. Au rayon des satisfactions... disons relatives, Toni Collette et Mark Ruffalo semblent s'être amusés sur le tournage, mais en font des caisses. Cela étant, Mickey 17 ne réclamait pas de sobriété, de toute façon. Ma note reste relativement généreuse, comparée au plaisir ressenti. Quant au prochain Bong Joon-ho, je l'attends donc... sans impatience.

Mickey 17
Film américano-coréen de Bong Joon-ho (2025)

Le cinéaste assure qu'il n'a pas voulu moquer l'Amérique actuelle. Toute ressemblance de l'univers de ce Mickey avec celui de Donald T. serait donc purement fortuite ? Je n'y crois guère, pour être honnête. Par ailleurs, j'ai nettement préféré Memories of murder et Parasite. Et même Snowpiercer, dont je vous ai parlé ici le mois dernier. Comparaison n'est pas raison: je vais passer à autre chose mercredi !

----------
Avant cela, vous voudriez lire d'autres avis ?

Cette fois, il me semble que c'est Strum qui a dégainé le premier. Rassurez-vous: Pascale est ensuite arrivée dans sa foulée immédiate. Deux opinions similaires que je peux associer à celle de Princécranoir.