samedi 26 avril 2025

Une fille dans la ville

L'anecdote m'amuse: à la toute fin de 1975, quand le gouvernement français crée la classification X, il en profite pour prélever davantage de taxes sur les films visés pour soutenir les oeuvres "de qualité". Rassurez-vous: mon film d'aujourd'hui n'a absolument rien de porno. Son héroïne travaille juste dans un cinéma spécialisé dans ce genre...

Christine n'a en fait rien trouvé d'autre pour gagner un peu d'argent. Derrière son guichet, elle entend tout des dialogues et gémissements qui scandent les séances du Variety - c'est aussi le titre du film. Parfois, entre deux ventes de tickets, elle s'aventure dans la salle. Finalement, quand Louie, un homme plus distingué que les autres, décide de lui offrir un verre de Coca, elle accepte de sortir avec lui. Et, quand il la plante lors d'un rendez-vous, elle le suit discrètement afin d'avoir une vision plus précise de qui il est vraiment. Suspense...
 
Point de galipettes à l'horizon: vous avez ici affaire à un film noir. Dans un style qui m'a rappelé celui des premiers De Palma, cet opus dessine un saisissant portrait du New York nocturne et interlope. J'imagine volontiers qu'à sa sortie dans les années 80, il devait avoir quelque chose d'assez fascinant pour le public avide de sensations nouvelles. Ce n'est pas bien sulfureux, quatre décennies plus tard. J'oserai même classer cet OFNI au rang des films expérimentaux précédemment réalisés par son autrice - que je viens de découvrir. D'après ce que j'ai lu, elle s'inscrit dans la lignée du Jim Jarmusch débutant et s'est dit inspirée par les travaux de Jean-Luc Godard. Autre influence notable selon Wikipédia: celle de John Cassavetes. Personnellement, j'ai surtout apprécié le film pour sa photographie. L'intrigue ne m'a que peu intéressé: elle ne me semble qu'un prétexte pour tourner de (belles) images ! D'où une petite déception à l'arrivée.

Variety
Film américain de Bette Gordon (1983)

Une certitude: je n'ai pas vu beaucoup d'autres films comparables. C'est une qualité, sans doute, à mettre au crédit de ce long-métrage singulier, dont certains disent également qu'il renverse le rapport homme-femme habituel. Et il y a du vrai dans cette affirmation. Mais, allez savoir pourquoi, tout cela m'a fait penser à Blow out. J'aime assez le cinéma parano américain (cf. Conversation secrète) !

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Vous préférez avoir un autre avis avant de vous lancer ?

D'accord ! Inédit en France jusqu'en 2022, le film est toutefois le sujet d'une chronique de "L'oeil sur l'écran". Je n'en ai pas trouvé d'autres...

vendredi 25 avril 2025

Chrono...logique ?

Michael O'Leary estime que le public perçoit bien que tous les films seront disponibles sur des plateformes en quelques semaines à peine. D'après lui, "cela compromet la durabilité de l'ensemble de l'industrie en ayant un impact négatif sur la fréquence à laquelle les spectateurs se rendent en salles". C'est une inquiétude que je partage largement !

Bon... jusqu'au début du mois, je ne connaissais pas Michael O'Leary. Cet homme est le PDG de Cinema United, la plus grosse organisation de salles aux États-Unis. Il a récemment plaidé pour que les cinémas disposent d'une période d'exclusivité d'au moins un mois et demi. Rappel (et contrexemple): l'échec américain du blockbuster Mickey 17 aura conduit la Warner à le diffuser en streaming après... 18 jours ! C'est un fait: dans le monde, la fameuse "chronologie des médias" n'est pas la même partout. Et elle a également fait débat en France...

Chez nous, si ce que j'ai lu est exact, les télés et les opérateurs Web doivent toujours attendre plusieurs mois - en fait, le nombre précis dépendrait de leurs investissements dans la production française. Canal + doit ainsi patienter un semestre complet, alors que Disney + peut rendre ses propres longs-métrages accessibles après neuf mois. Il semblerait que les réglementations américaines aient été négociées dans un contexte pandémique, alors que les grandes compagnies productrices de cinéma pouvaient douter de leur survie économique...

En substance, Michael O'Leary estime donc qu'aujourd'hui, les choses ont pu évoluer dans un sens positif. Il a quelques autres suggestions pour accompagner les salles obscures dans leur reconquête du public. "Nous devons faire les choses autrement", a-t-il clairement affirmé. L'idée serait de développer un véritable offre premium, au-delà même de tout ce que le septième art propose, avec donc un soin particulier apporté aux espaces communs, notamment. Il conviendrait en outre de faciliter l'accès aux films des salles situées en zones non-urbaines et/ou indépendantes. C'est évident: une partie de l'avenir du cinéma se joue au quotidien. Tâchons donc simplement... de ne pas l'oublier !

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Un sujet d'actualité...
Peu après avoir préparé cette chronique, j'ai appris que Netflix attaquait la chronologie des médias devant le Conseil d'État. Précision du Figaro dans son article: la plateforme doit attendre quinze mois avant de diffuser les productions françaises sorties dans les salles. Elle investirait actuellement 50 millions d'euros par an dans le cinéma français, soit 4% de son chiffre d'affaires. La ligne risque de bouger...

Et vous, alors... qu'en pensez-vous ?
Je ne crois pas avoir dit quelque chose de vraiment révolutionnaire. Et j'aimerais beaucoup en rediscuter avec vous. À vos commentaires !

mercredi 23 avril 2025

Duo latino

Il a survécu à la crise sanitaire. Sa vocation ? La promotion du cinéma ibérique et latino-américain. J'ai vu il y a peu deux des films récents projetés au 13ème Festival Ojoloco de Grenoble (25 mars - 6 avril). J'ignore s'ils ont trouvé une structure pour une plus large diffusion. Mais je suis sorti ravi de ces "voyages" - en Argentine et en Uruguay !

Los tonos mayores (ou The major tones)
Film argentin d'Ingrid Pokropek (2023)
Après un accident, Ana, 14 ans, doit vivre avec une plaque de métal dans l'avant-bras, ce qui lui permet de ressentir des vibrations ! L'adolescente en parle à sa meilleure copine, qui les transforme illico en notes de musique (et en tire donc de quoi écrire une chanson). Finalement, tout semble remis en question quand, un soir, le hasard place un jeune soldat sur la route d'Ana. Lui interprète les pulsations ressenties par la jeune fille comme des signaux, en langage morse. Bref, vous l'aurez compris: ce - premier - long-métrage d'une cinéaste de Buenos Aires introduit une bonne dose d'imaginaire au quotidien ordinaire d'une gamine rêveuse. Mais le film va un peu plus loin ! C'est aussi le portrait d'un tandem fille-père, sans autre personnage féminin adulte pour prendre la place et le rôle d'une maman. L'aspect fantastique du scénario se combine donc avec une approche subtile d'un sujet somme toute classique, traité avec beaucoup de douceur. Aucune raison de pleurer. Au contraire: l'espoir est de se réconcilier avec la vie. Je suis convaincu que petits et grands en sont capables...

Agarrame fuerte (ou Don't you let me go)
Film uruguayen d'Ana Guevara et Leticia Jorge (2024)
Un film qui commence mal: nous assistons à un grand rassemblement après la disparition prématurée d'Elena, une très jolie jeune femme. Ce deuil affecte naturellement Adela, l'une de ses amies intimes. Quand la cérémonie funéraire s'achève, elle s'effondre en sanglots dans sa voiture, à l'abri du regard des autres proches de la défunte. Puis, une fois qu'elle a repris contenance, elle se remémore un temps fort de leur relation passée... comme si elle la vivait, à nouveau. Nous, spectatrices et spectateurs, découvrons donc cette histoire grâce à un long flashback. Et ce qui pourrait être banal ne l'est pas ! Pourquoi ? Parce que les deux réalisatrices associées ont eu l'idée d'introduire dans cette reproduction du réel une dose de poésie visuelle. Pour peu qu'on y accroche, on s'évade alors vers un rêve. Toute la puissance consolatrice du cinéma est de ce fait mobilisée pour nous aider à sécher nos larmes - ou, mieux, à ne pas les verser. Un bateau pourrait nous emmener pour prolonger cette escapade. C'est bien à nous de décider jusqu'où accompagner les personnages...

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Une petite conclusion...

L'Amérique latine est bien loin d'être le continent le plus représenté sur ce blog, mais elle devance tout de même l'Afrique et l'Océanie. Pour l'heure, j'ai vu des films de huit de ses pays, les plus nombreux tournés en Argentine, au Brésil et au Chili. Je compte bien continuer !

lundi 21 avril 2025

Idéal de Provence

Jean Giono a 35 ans en 1930 quand paraît Regain, l'un de ses romans cités parmi les plus réussis. C'est un autre célèbre auteur provençal qui en signe l'adaptation sept ans plus tard: Marcel Pagnol, bien sûr ! Les deux hommes sont nés la même année et ont collaboré à l'écriture du scénario. Je n'ai pas d'informations sur le déroulé des opérations...

Une certitude: le personnage qu'interprète Fernandel tient une place majeure dans le film, tandis qu'il serait vraiment "au second plan" dans le livre, d'après ce que j'ai pu lire ici et là. Gédémus, rémouleur faussement sympathique, trimbale sa carriole de village en village avec d'autant plus de difficultés qu'il a perdu son chien pour la tirer. Chance pour lui: il trouve une femme pour remplacer l'animal ! Ensemble, Arsule et lui parcourent les très escarpées campagnes provençales pour trouver de nouveaux clients. Et, un soir, le duo sauve un drôle d'homme d'une noyade dans une rivière sauvage. Finalement, un nouveau couple pourra se former, a priori plus franc...

Regain est un drôle de film, à la fois réaliste, poétique et onirique. D'après mon ressenti, il est ancré dans son époque, ces années trente encore porteuses d'un espoir républicain fondé à la fois sur le progrès et un essor économique enfin envisageable pour les classes sociales dites populaires. Une part de la belle imagerie autour de ces valeurs sera ensuite récupérée par les régimes autoritaires: triste constat ! Bientôt neuf décennies plus tard, le beau long-métrage que j'évoque aujourd'hui semble d'un autre temps - ce qui est de fait assez logique. Pourtant, avec le regard que la caméra amène sur la Provence d'alors et ses petits hameaux en voie de disparition, il y a dans cette histoire éternelle quelque chose de très touchant. Un humanisme profond qu'incarnent à merveille les deux acteurs de la photo, Orane Demazis dans le rôle d'Arsule (ou Irène, en fait) et Gabriel Gabrio en Panturle. Quelques autres protagonistes complètent le tableau, à voir ou revoir.

Regain
Film français de Marcel Pagnol (1937)

Pour son époque, je trouve finalement cet opus assez moderne. Évidemment, tout dépend aussi de l'oeil avec lequel on le regardera et/ou des attentes que son point de départ pourrait faire naître. Certains aspects peuvent étonnamment rappeler La strada (1954) ! Cela étant dit, liés à Pagnol, je préfère d'autres films: la trilogie marseillaise Marius-Fanny-César ou La fille du puisatier. À suivre...

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Et pour aller plus loin...

Je vous conseille de découvrir aussi l'intéressante analyse de Strum.

samedi 19 avril 2025

Un ami atypique

Un film plus léger, aujourd'hui: je termine avec vous cette semaine en évoquant un long-métrage que je n'avais que vaguement vu passer et qui m'avait été recommandé pour le rôle de Benjamin Lavernhe. Dans Le goût des merveilles, l'acteur, alors jeune trentenaire, forme un beau duo avec Virginie Efira. Leur première collaboration, je crois.

Arboricultrice dans la Drôme, Louise vit seule avec ses deux enfants depuis la mort accidentelle de son mari. Avec une pugnacité certaine et beaucoup de courage, elle s'accroche aux rêves du quatuor brisé pour maintenir à flot le verger qui est aussi le cadre de vie familial. Difficile devant de tels paysages ensoleillés de ne pas la comprendre. La vie n'est pas si facile, pourtant, avec maintes factures impayées. Et voilà que Louise renverse Pierre (alias πR), un jeune homme perturbé et solitaire qui est l'ami atypique d'un généreux libraire ! Vous voyez le tableau ? Rien de vraiment très original à attendre. Attention: Le goût des merveilles n'est pas du tout un mauvais film. Il s'avère à la gloire des acteurs-vedettes, mais n'est pas déplaisant. Disons que le récit est largement prévisible dès la première rencontre des protagonistes dans un cadre sublime - et sans grand aléa météo. Virginie Efira et Benjamin Lavernhe sont absolument irréprochables...

Le goût des merveilles
Film français d'Éric Besnard (2015)

Je n'en attendais pas autre chose, mais il peut sembler regrettable qu'un tel film manque ainsi d'aspérités. J'insiste: rien de honteux. C'est un peu mieux ficelé que Les choses simples, du même auteur. Pour l'instant, Éric Besnard m'aura surtout convaincu avec Délicieux. Le feel good movie à la française a encore de l'avenir, je pense. Constat d'évidence: pour ma part, je n'en vois qu'assez peu, en fait...

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Et on en dit quoi, ailleurs ?

Le film est (presque) totalement absent de mes blogs de référence. Seul Laurent lui aurait-il "donné sa chance" ? Ça commence à dater...

jeudi 17 avril 2025

Combien de vies ?

Il n'est pas interdit de juger obscène le fait de représenter un attentat terroriste réel dans un film de fiction. Évoquer Un an, une nuit, opus inspiré du drame du Bataclan et des souvenirs de rescapés ? J'y tenais parce que je ne compte n'occulter aucun des films que je découvre. Même quand, d’après moi, il faut aborder le sujet... avec précaution.

Céline et Ramón, jeune couple de Parisiens, elle travailleuse sociale, lui analyste financier, errent dans les rues de la ville, silencieux, hagards, une couverture de survie sur le dos. On comprend très vite qu'ils sortent vivants de la tuerie survenue dans la salle de spectacle du 11ème arrondissement (un rappel: c'était le 13 novembre 2015). Le film s'intéressera à comment ils vont "surmonter" (ou pas) ce choc.

Oui, le choix de Un an, une nuit de revenir sur ces terribles faits historiques et la manière dont le film les reconstitue sont discutables. Mon avis ? Je me suis senti très ému par moments, mais pas choqué. C'est en réalité parce que je prête à ce long-métrage deux qualités importantes, si ce n'est essentielles: il s'est souvenu que le Bataclan n'était pas un cas isolé - après la gare d'Atocha sur le territoire espagnol et avant Nice, notamment - et surtout, il illustre l'idée qu'au-delà du drame collectif, chaque victime a sa propre souffrance. Et, sur ce point précis, je l'ai trouvé à la fois pudique et très juste. L'interprétation du duo Noémie Merlant - Nahuel Pérez Biscayart s'inscrit à mon sens dans cette logique, malgré le sentiment de colère qui anime parfois les personnages ou le déchirement qu'ils subissent. Sans en dire plus, je note que le scénario offre également un écart possible avec la réalité et que la fin de ce récit peut être comprise d'au moins deux façons différentes. Une réflexion que je vais écarter pour le moment, faute d'avoir lu Paix, amour et death metal, le livre à la source du film. Bon... ce n'est peut-être bien que partie remise. D'ici là, nous pouvons bien sûr toujours en discuter en commentaires !

Un an, une nuit
Film franco-espagnol d'Isaki Lacuesta (2022)

En écho au beau titre du film, je me suis demandé combien de vies avaient été perdues, changées, raccommodées ou bien renouvelées après ces événements tragiques. Et c'est parce qu'elle laisse le champ des possibles ouvert que j'ai aimé cette fiction... venue d'Espagne ! Cela dit sans nullement renier les qualités de quelques films français sur ce même très douloureux sujet, tels que Amanda ou Revoir Paris.

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Un avis plus nuancé ?

Celui de Pascale l'est, me semble-t-il. Arguments à l'appui, bien sûr. Pas d'autre billet en vue chez mes camarades blogueuses et - gueurs. Peu diffusé en France, le film n'a réalisé que 10.340 entrées en salles.

mercredi 16 avril 2025

Leurs premières fois

Bon... changement de programme: ce n'est finalement que demain que je mettrai en ligne une nouvelle chronique consacrée à un film. Aujourd'hui, un mot rapide pour vous signaler une petite nouveauté dans l'une des rubriques du blog, "Les réalisateurs et réalisatrices". D'ailleurs, la voyez-vous toujours en page d'accueil, en haut, à droite ?

Si c'est le cas, je tiens donc à vous signaler que j'y ai ajouté une info supplémentaire sur les films référencés. Comme mon titre de ce jour le suggère, un (1) accompagne à présent les premiers longs-métrages de leur autrice ou auteur - s'il a déjà été chroniqué, bien entendu. J'espère que cela apportera un soupçon de visibilité supplémentaire aux artistes qui se lancent, auxquels certains festivals de cinéma s'intéressent spécifiquement (un autre sujet qu'il me faudra aborder). Je me dis par ailleurs que c'est intéressant de revenir aux sources d'une inspiration, quelle qu'elle soit, et vous invite dès lors à le faire avec moi. Ce ne sont assurément pas les occasions qui manqueront. Sur ce, je vous retrouve donc demain avec un autre film: le 2752ème sur Mille et une bobines ! Je ne changerai pas d'intitulé pour autant...

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Au fait, chères lectrices et chers lecteurs...

Et vous, alors ? Est-ce que ça vous arrive de prêter une attention rétroactive au tout premier film d'un(e) cinéaste que vous aimez ? Et/ou est-ce que vous êtes intéressés par les artistes qui se lancent dans la carrière ? Oui, je reste assez curieux et motivé pour le débat !

lundi 14 avril 2025

Clones tristes

Irai-je voir le prochain film de Bong Joon-ho ? Rien n'est moins sûr. On dit parfois que ses meilleurs opus sont ceux qu'il tourne en Asie. Après le triomphe XXL de Parasite, le cinéaste sud-coréen a collaboré avec la Warner pour produire Mickey 17. Une adaptation du roman SF de l'Américain Edward Ashton dont j'aurais dû me méfier. Peut-être...

N'exagérons rien: Mickey 17 n'est pas un mauvais film. C'est un film un peu décevant pour qui avait, comme moi, apprécié le précédent. Persuadé par son ami Timo que les macarons attirent une clientèle plus nombreuse que les burgers, Mickey Barnes a de très gros ennuis. Fauché, il doit en effet une grosse somme au type peu fréquentable qui était censé l'aider à investir dans cette activité professionnelle lucrative. Il décide alors de quitter la Terre pour rejoindre la colonie humaine bientôt installée sur Niflheim, une planète peu hospitalière. Il devient un Remplaçable, c'est-à-dire un type qu'on exploite à l'envi pour les jobs les plus dangereux... et que son patron peut réimprimer quand il a - littéralement - le très mauvais goût de se tuer à la tâche. Une vie moins glauque depuis que Mickey a rencontré Nasha, une fille embarquée dans le même vaisseau et qui y occupe des fonctions valorisantes. Tout va plutôt bien pour le couple (discret) jusqu'au jour où deux exemplaires du garçon sont simultanément "en circulation". Cela contrevient aux règles de celui qui domine tout ce petit monde...

Arrivés à destination, puissants ou misérables, les uns et les autres goûteront vite aux joies de la cohabitation avec des blattes géantes. Souvent tout à fait dégueulasse, le film n'est toutefois pas dépourvu d'un certain nombre de qualités esthétiques. Bien que peu nombreux au final, les décors et costumes sont dans l'ensemble assez réussis. Les effets spéciaux le sont parfois moins, à la différence de la bande musicale: signée Jung Jae-il, elle me semble constituer l'un des atouts majeurs du long-métrage. Et les acteurs ? Robert Pattinson se tire avec les honneurs de son double rôle, sans faire d'éclat particulier. Autour de lui, dans une distribution très internationale, j'ai été ravi de revoir Anamaria Vartolomei et de découvrir Naomi Ackie. Au rayon des satisfactions... disons relatives, Toni Collette et Mark Ruffalo semblent s'être amusés sur le tournage, mais en font des caisses. Cela étant, Mickey 17 ne réclamait pas de sobriété, de toute façon. Ma note reste relativement généreuse, comparée au plaisir ressenti. Quant au prochain Bong Joon-ho, je l'attends donc... sans impatience.

Mickey 17
Film américano-coréen de Bong Joon-ho (2025)

Le cinéaste assure qu'il n'a pas voulu moquer l'Amérique actuelle. Toute ressemblance de l'univers de ce Mickey avec celui de Donald T. serait donc purement fortuite ? Je n'y crois guère, pour être honnête. Par ailleurs, j'ai nettement préféré Memories of murder et Parasite. Et même Snowpiercer, dont je vous ai parlé ici le mois dernier. Comparaison n'est pas raison: je vais passer à autre chose mercredi !

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Avant cela, vous voudriez lire d'autres avis ?

Cette fois, il me semble que c'est Strum qui a dégainé le premier. Rassurez-vous: Pascale est ensuite arrivée dans sa foulée immédiate. Deux opinions similaires que je peux associer à celle de Princécranoir.

samedi 12 avril 2025

De rudes lendemains

Est-ce la station balnéaire d'Ostie, au sud de l'embouchure du Tibre ? Ou bien, plus au nord, serait-ce Rimini, sa ville natale, sur le littoral adriatique ? Peu importe. C'est en tout cas dans un paysage familier que Federico Fellini tourna son deuxième film en solo: Les vitelloni. Et l'héritage du néoréalisme reculait déjà un peu face à sa fantaisie...

Cinq jeunes hommes désoeuvrés seront mes protagonistes du jour. Moins de dix ans après la fin du fascisme, Moraldo, Alberto, Fausto, Leopoldo et Riccardo forment un groupe soudé, mais pas homogène. Loin de l'engagement de leurs pères, ils passent de longues journées oisives à errer et à séduire les femmes (ou à s'y essayer, du moins). Cela leur paraît normal, sachant qu'on les laisse plus ou moins faire. D'ailleurs, ce ne sont pas les spectateurs qui y trouveront à redire. Sous la caméra du maestro Fellini, cette vie paraît presque enviable. Dans toute la première partie du film, il est question de s'a-mu-ser ! Le désenchantement arrivera ensuite, après une soirée de carnaval...

C'est connu: le plaisir de la vie, c'est toujours mieux à au moins deux. Or, à mesure que le temps passe et que les bons copains des débuts vieillissent, la bande est fragilisée par des comportements et intérêts divergents. Ainsi, d'avoir épousé Sandra qu'il a mise enceinte, Fausto déprime ! Il aura tôt fait de reprendre ses habitudes de type bravache et désinvolte, perdant même son travail dans de tristes aventures. Moraldo, lui, qui était déjà venu au secours d'un Alberto qu'un abus d'alcool avait rendu agressif, tentera encore de "sauver les meubles". Las ! En dépit de ses efforts, Les vitelloni commence à s'assombrir. De l'humour toujours, mais le ton du film évolue assez radicalement...

Derrière les sourires de façade, il y a en fait beaucoup de mélancolie. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, mais je n'en privilégie aucune. Malgré certains aspects autobiographiques, le film laisse chacun libre des conclusions qu'il tire du récit: il n'est ni moralisateur, ni univoque. Souvent, les images parlent d'elles-mêmes, mais les cinq personnages principaux s'avèrent si différents les uns des autres que la désillusion semble pouvoir frapper n'importe qui, à n'importe quel moment. Résultat: à des degrés variés, nous pouvons tous nous y reconnaître. C'est possiblement ce qui explique que cet opus reçut un Lion d'argent à Venise. Et fut ensuite le premier succès de son auteur à l'étranger...

Vous constaterez que chez Fellini, et ce n'est pas qu'une métaphore subtile, il y a ceux qui restent à quai et ceux qui prennent le train. Pour exister et avoir un vrai sens, la "réussite" passe par un départ. Chose qui m'a surpris: dans Les vitelloni, il est également suggéré que garder l'espoir n'est peut-être qu'une question de génération. Cette fois encore, chacun interprétera ce qu'il verra à sa manière. J'aime ce cinéma qui illustre et, cependant, n'impose aucun discours préétabli: j'y vois une forme d'humanisme à laquelle je suis sensible. De toute évidence, elle contribue grandement à mon amour de l'Italie. Soyez dès lors bien (r)assurés sur un fait: je n'ai pas fini d'y revenir...

Les vitelloni
Film italien de Federico Fellini (1953)

Ce beau titre intraduisible fut pourtant traduit: Les inutiles (bof...). Passons sur ce point et retenons qu'il est déjà nettement moins rieur que le précédent de son auteur: Le cheik blanc - avec, déjà, ce duo d'acteurs majeurs que constituent Alberto Sordi et Leopoldo Trieste. Un excellent film, avant les merveilleux La strada et La dolce vita. NB: d'autres perles sont à redécouvrir en section "Cinéma du monde" !

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Une anecdote personnelle...
Ce film m'a appris qu'avant les César, il existait déjà une cérémonie française dédiée au cinéma: les Étoiles de cristal (de 1955 à 1975). Les vitteloni restera comme le premier lauréat du Prix international.

Et pour finir, d'autres liens intéressants...
Il n'en a pas tiré une chronique, mais je sais que notre ami Eeguab demeure attaché à ce film. Strum l'est aussi - et a priori plus que Lui.

vendredi 11 avril 2025

L'Allemagne vue d'ici

J'avais d'abord l'intention de laisser le film de mercredi vivre un jour supplémentaire en tête de blog, mais je me suis tout à coup souvenu que c'était hier la conférence de presse du 78ème Festival de Cannes. L'événement ne débutera que le 13 mai: je décide donc de ne parler aujourd'hui que de... la réussite très relative du cinéma d'Allemagne !

Je vénère ce film, mais je trouve un peu dingue que Paris, Texas demeure la toute dernière Palme d'or remise à un cinéaste allemand. Pire: avant cette consécration de Wim Wenders en 1984, les jurys cannois n'ont honoré que Volker Schlöndorff pour Le tambour (1979). Aucun autre film venu d'outre-Rhin n'a reçu la récompense suprême. Même constat du côté des Grands Prix, qui sont parfois considérés comme de très intéressants "lots de consolation". Il me paraît logique que la compétition soit rude, cela dit, et je note que son palmarès reste assez largement dominé par la France, les États-Unis et l'Italie. Enfin, c'est sans tenir compte des résultats des sélections parallèles...

Est-ce que cela conduit le cinéma allemand à l'échec en France ? Non. Mais les chiffres de notre box-office ne sont pas très élevés ! Précision: je vais m'en tenir aujourd'hui aux films en images réelles. Mais je laisse quelques opus tournés en coproduction internationale...

Voici le classement des meilleurs succès depuis l'ouverture de ce blog:
1. La vie des autres - 1.516.801 entrées,
2. Le ruban blanc - 649.212 entrées,
3. Perfect days - 397.479 entrées,
4. Goodbye Bafana - 364.133 entrées,
5. Hannah Arendt - 347.067 entrées,
6. Le labyrinthe du silence - 340.857 entrées,
7. Toni Erdmann - 337.085 entrées,
8. Pina - 316.716 entrées,
9. Only lovers left alive - 314.861 entrées,
10. Barbara - 291.933 entrées.

Anecdote: Helga, la vie intime d'une jeune femme, un documentaire sorti en 1968, reste le long-métrage allemand qui a le mieux marché chez nous (avec tout de même un peu plus de 4 millions d'entrées). Peut-être que nous pourrions envisager d'être un peu plus ouverts. J'aimerais avoir votre avis et serais heureux de lire vos propositions !