vendredi 28 février 2025

Et les lauréats...

Je ne vais sans doute rien apprendre aux cinéphiles les plus attentifs parmi vous: ce soir, la 50ème cérémonie des César a lieu à l'Olympia. Puis, il sera une heure du matin à Paris lundi quand la 97ème soirée des Oscars débutera au Dolby Theatre de Los Angeles. Deux dates cruciales pour le septième art et que j'anticipe toujours. Oui, de loin !

Concrètement, cette année, cela veut dire qu'il ne faudra pas compter sur moi pour vous proposer un suivi ou, a posteriori, un compte-rendu détaillé de l'un ou l'autre de ces deux grands événements. Mes index thématiques (les voyez-vous toujours, à droite ?) s'enrichiront chacun d'une nouvelle entrée, mais je m'en tiendrai à cela dans l'immédiat. Demain midi, c'est d'un seul film que je vous parlerai. Et lundi ? Aussi.

Je reste naïf, sans doute, mais j'aime l'idée que les remises de prix permettent de replacer certaines oeuvres ou personnalités du cinéma sur le devant de la scène, qui n'auraient pas eu les faveurs du public jusqu'alors. Je suis beaucoup moins sensible à l'idée de célébration nationale, mes idéaux pour la création artistique au sens le plus large ne me paraissant pas - ou guère - compatibles avec le chauvinisme. Les films ont certes une nationalité. Discutable ? C'est un autre débat. Qu'importe les gagnants, au fond: les autres ont toute mon estime. Même si j'ai bel et bien quelques chouchous dans le lot des nommés. Lesquels ? J'estime qu'il sera toujours temps d'en discuter plus tard. Je vous laisse donc à vos éventuels pronostics: cela peut être rigolo de les comparer à d'autres. Un plaisir simple, que je ne renierai pas...

mercredi 26 février 2025

Elle veut savoir !

Rebelote: comme lundi, un père qui disparaît après une grande fête familiale se place au centre des enjeux de mon film de ce mercredi. Toutefois, plus question désormais de suivre la mère: c'est une ado de 15-16 ans qui s'impose dans l'opus presque homonyme - A Chiara. Très peu vu en salles, il a eu droit à une seconde chance grâce à Arte.

Nous sommes en Calabre, cette région qui forme la pointe de la botte italienne, au nord-est de la Sicile. Chiara se dit que ses parents cachent des aspects importants de leur vie quotidienne. Un sentiment d'autant plus oppressant qu'un soir, une voiture a explosé à proximité immédiate de la maison familiale (Rosa et Claudio ont trois filles). Aussi inquiète que déterminée, Chiara - la cadette - sèche les cours et mène son enquête pour comprendre ce qui se passe véritablement. Ce qu'elle finira par découvrir aura de très importantes conséquences. Qu'en est-il ? Je ne vais évidemment pas vous le révéler aujourd'hui. Juste vous dire que je suis vraiment content d'avoir vu A Chiara. Cette troisième et dernière itération d'une série de longs-métrages installés dans le cadre calabrais a de faux airs de documentaire. Bon... c'est tout sauf un défaut, à mon humble avis, quelques scènes oniriques venant brouiller la frontière entre la réalité et l'imaginaire. Voilà donc un film qu'il faut ressentir - par le son aussi, bien entendu. Il suit pas à pas sa jeune héroïne et, au final, s'avère assez touchant !

A Chiara
Film italien de Jonas Carpignano (2022)

Une surprise ? Non, mais l'agréable confirmation que le cinéma italien de notre temps a des choses intéressantes à dire à un public curieux. J'aimerais que la France se montre un peu plus ouverte qu'aujourd'hui. Swamy Rotolo, qui joue ici le rôle principal en compagnie d'une partie de sa famille, mériterait d'être revue. Et d'ici là, des films méconnus pourraient convenir: L'été de Giacomo ou Settembre... entre autres !

lundi 24 février 2025

De longues nuits

C'est vrai que je connais encore très mal l'histoire du Brésil. L'image que j'ai aujourd'hui du pays repose toujours largement sur des clichés. Résultat: c'est souvent le cinéma qui me donne envie d'aller plus loin. Fin janvier, je me suis ainsi précipité pour voir Je suis toujours là. Ce film, que je croyais être une fiction, est en fait tiré de faits réels !

Il nous ramène en janvier 1971, alors que le pays subit une dictature militaire (NB: installée en 1964, elle se maintiendra jusqu'en 1985). La caméra nous présente la famille Paiva - le couple, ses quatre filles et son garçon. L'âge des enfants ? D'environ 10 à 18 ans. Une vie harmonieuse dans une grande maison de Rio. Accès direct à la plage de Copacabana, fêtes fréquentes avec les voisins et amis de passage. Un jour, Rubens, le père, est arrêté pour une "déposition de routine". L'effroyable État policier a l'intention d'abattre celui dont les crimes supposés ne sont jamais que les actes d'un homme généreux et épris de justice sociale. Mais tel n'est pas le sujet de Je suis toujours là. Comme la photo ci-dessus le suggère, le scénario se concentre surtout sur la mère et sur sa réaction à la disparition soudaine de son mari. Elle-même brièvement interpellée, elle comprend vite que la menace pèse sur tout le monde et qu'elle devra donc vivre avec un fardeau constant. Eunice Paiva aurait pu s'effondrer. Non: elle va faire face. Fragilisée bien sûr, mais battante. Un visage de la dignité humaine...

Ses faits et gestes gardent, je trouve, une dimension universelle. C'est l'une des grandes (et belles) forces du récit cinématographique qui nous permet de découvrir cette femme: il s'appuie sur un destin individuel et témoigne aussi de l'importance d'une vision collective. L'occasion d'apprendre que la véritable Eunice Paiva, décédée en 2018 à São Paulo, a aussi lutté pour les autres une grande partie de sa vie. Et le cinéma, dans tout cela ? Soyez-en sûrs: il est tout sauf oublié. Les images de Je suis toujours là sont superbes, en partie tournées en Super 8 - ce qui confère à l'ensemble une puissance émotionnelle rare. Côté son, même réussite, le bruit des camions et des hélicos suffisant nettement à créer un climat de tension, parfois compensé par des musiques des plus entraînantes et quelques tubes imparables. C'est finalement presque à regret que j'ai quitté la salle de cinéma après la projection, bien qu'elle ait duré un peu plus de deux heures. Très franchement, je n'ai guère vu le temps passer: le film est dense. Son héroïne vaudrait le détour à elle seule. Si vous le pouvez, foncez !

Je suis toujours là
Film brésilien de Walter Salles (2024)

Le réalisateur n'avait plus sorti de long-métrage depuis douze ans. Possible que j'y revienne un jour prochain (si je trouve le temps). Précision: il adapte ici un livre de Marcelo Paiva, le fils d'Eunice, né en 1959. La dignité de sa mère m'a rappelé celle d'une autre femme brésilienne, pour le coup purement imaginaire: Clara, dans Aquarius. Pour un parallèle, je tiens aussi à suggérer Nostalgie de la lumière...

 
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Et pour compléter encore mon propos...

Je vous conseille à présent de lire les avis de Pascale et Princécranoir. Auxquels vous pourrez choisir d'ajouter celui de Dasola, bien entendu.

samedi 22 février 2025

Une énigme insoluble ?

David Lynch, mort en janvier, n'aura réalisé "que" dix longs-métrages pour le cinéma. L'un des hommages télé qui ont suivi sa disparition m'a permis d'enfin revoir Lost highway pour une toute première fois depuis sa sortie en salles, il y a déjà une petite trentaine d'années. Nota bene: le film est toujours disponible sur la plateforme France.tv.

Quelle est donc la nature exacte de cette fameuse "autoroute perdue" sur laquelle Lynch voulait nous entraîner en l'an de grâce 1997 ? Difficile à dire et donc à expliquer. Le film a un personnage principal apparemment tourmenté. Sa profession: saxophoniste de jazz. Un job qui semble lui rapporter pas mal d'argent, à en croire la luxueuse villa dans laquelle ce Fred Madison vit avec sa femme Renée (inactive ?). Certains indices suggèrent cependant que son mariage bat de l'aile. Rien ne s'arrange d'ailleurs quand, plusieurs matins de suite, le couple reçoit d'énigmatiques cassettes vidéo. Stop ! Inutile d'en dire plus. Lost highway débute comme un excellent film noir, mais se montre progressivement beaucoup plus complexe que cela. Je me souvenais d'avoir eu du mal à le cerner, à l'époque. D'où cette envie de le revoir.

Je me rappelais aussi une amie (coucou Céline !) un peu dubitative face à mon envie première de comprendre les tenants et aboutissants d'un tel film, qui fait effectivement appel à nos propres ressentis. Formellement, Lost highway est un exercice de style, au sens positif de l'expression: Lynch a tenté des choses jamais ou rarement vues ailleurs. Et quand nos perceptions se brouillent devant des images floues ou des sons incertains, le scénario nous invite à imaginer nous-mêmes ce qui pourrait manquer. Ce n'est pas très confortable. Mais c'est aussi cela, le cinéma: une invitation lancée à la sensibilité de chacun, même si elle est offerte à plusieurs en même temps. Presque trente ans après ma première fois, je conclus deux choses importantes à mon sens: 1) j'ai un peu mieux compris cet "OFNI lynchien" et 2) ce n'est pas un souci si des zones d'ombre subsistent. Au contraire, cela pourra favoriser le débat. Ou une troisième vision !

Lost highway
Film américain de David Lynch (1997)

Un vrai plaisir que de revoir ce film que je jugeais bien trop abscons pour m'intéresser vraiment, en mes très jeunes années étudiantes. Comment le comparer avec un autre pour donner envie ? C'est ardu. J'adopterai donc la solution de facilité en le replaçant discrètement dans la filmo de Lynch (enfin... d'une partie que je connais un peu). Je le préfère à Mulholland Drive. Et à Une histoire simple ? Pas sûr !

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Et puisque j'évoquais un débat...

Je vous renvoie à présent au point de vue de notre ami Princécranoir.

jeudi 20 février 2025

Mécanique du crime

Aéroport de Bastia-Poretta, fin de la matinée du 5 décembre 2017. Deux hommes tout juste sortis d'un terminal tombent sous les balles d'un tueur isolé: l'un d'eux meurt sur le coup, le second quelques jours plus tard, à l'hôpital. Un film - Borgo - est revenu sur ce dossier criminel jugé en juin dernier. Certains avocats n'ont guère apprécié...
 
Je vous laisse découvrir seuls, sur Internet, les nombreuses facettes de cette affaire. Côté cinéma, je vous dirais simplement que Borgo s'appuie sur deux trames distinctes. La première place le spectateur dans les pas d'une jeune femme, Mélissa, une gardienne de prison très récemment mutée en Corse (depuis la banlieue parisienne). Heureuse de cette affectation, elle découvre un cadre professionnel nouveau: le milieu ouvert. Une partie des détenus qu'elle surveille bénéficie d'un quartier strictement réservé, avec des lieux de vie communs. L'incarcération y est donc plus "douce", en quelque sorte. Mélissa doit absolument rester ferme pour rappeler à quelques-uns qu'elle n'est pas leur amie et que ses ordres doivent être respectés. Franchement, le long-métrage est très réussi pour montrer la vie intérieure d'une prison: on comprend bien que son équilibre est fragile et que, souvent, les personnels sont dès lors soumis à rude épreuve. S'agissant d'une fiction, c'est intéressant et surtout... bien ficelé. J'aime à saluer ici la prestation de Hafsia Herzi dans le rôle principal !
 
Nous découvrons également Mélissa dans sa vie familiale, un moyen très efficace pour renforcer notre intérêt pour ce personnage crucial. La seconde trame du film, qui alterne constamment entre les deux, s'oriente autour de flics incarnés par Michel Fau et Pablo Pauly. Ensemble, ils enquêtent sur le double meurtre de l'aéroport bastiais. Leur outil: les images qu'ont capté les caméras de vidéosurveillance. Malheureusement pour moi, j'avais une idée assez claire du résultat de leur recherche avant même de voir le film ! Je peux donc supposer que cela m'a privé d'au moins une partie du plaisir pris à le regarder. Pas question toutefois de jeter le bébé avec l'eau du bain: Borgo possède bien assez de réelles qualités d'écriture et de mise en scène pour captiver le public qui ignorerait tout de l'affaire dont il s'inspire. Même celles et ceux qui craignent l'hémoglobine: la scène d'assassinat présentée dès le début ne laisse apparaître aucune goutte de sang. Habile et crédible, le scénario s'appesantit beaucoup plus longuement sur le sujet de l'embrigadement mafieux. Bien plus redoutable encore.

Borgo
Film français de Stéphane Demoustier (2024)

Le sujet n'est pas des plus originaux, mais son traitement assez bon pour susciter, je crois, l'adhésion d'un large public. Et tant mieux ! J'ai notamment apprécié que rien ne soit abordé ici de manière racoleuse. Je pourrais dire la même chose d'un célèbre film italien traité, lui aussi, sous une forme presque documentaire: Gomorra. Loin, très loin, du glamour qu'ont imaginé Le parrain ou L'impasse...

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Et qui d'autre s'est laissé prendre au jeu ?

Assez peu de monde ! Mais au moins Pascale, Dasola et Princécranoir.

lundi 17 février 2025

Le théâtre en utopie

La guerre, toujours. Le Proche-Orient traverse des heures si terribles que je ne me hasarderai sûrement pas à conjecturer sur son avenir. Je suis allé voir Le quatrième mur, qui nous replonge dans le passé de cette région du monde en évoquant le Liban de 1982 et 1983. Enfant à l'époque, les événements d'alors me sont presque inconnus...

Le quatrième mur
les évoque pour partie, mais ce n'est pas un film historique. C'est une fiction qui imagine qu'un homme de théâtre français décide de rejoindre un Beyrouth déchiré par la guerre civile pour y monter une pièce emblématique: Antigone, de Jean Anouilh. Son espoir: pouvoir s'appuyer sur une troupe de comédiens locaux issus de l'ensemble des communautés habituellement considérées comme rivales (pour ne pas dire ennemies). Concrétiser cette utopie humaniste relève de la gageure, mais un premier groupe est constitué et donne de facto de bonnes raisons d'y croire. Je veux vous prévenir que rien ne sera simple, toutefois: dès les premières images, le film est très explicite sur les violences que le Liban subit au quotidien. Intelligemment, il ne désigne pas de responsable. Son personnage principal - qu'incarne un excellent Laurent Lafitte - n'y comprend rien. Le scénario, lui, montre des faits et n'en accuse personne. C'est fort !

Je dois admettre qu'au départ, je ne m'étais pas imaginé une histoire aussi puissante. L'est-elle parce qu'elle est issue de la littérature ? Chacun de vous en jugera selon ses convictions quant au pouvoir évocateur du cinéma. Je rappelle simplement ici que le long-métrage adapte le roman éponyme de Sorj Chalandon, aujourd'hui disponible au Livre de Poche et d'abord publié aux éditions Grasset, dès 2013. L'auteur, ex-reporter de guerre, ne témoigne pas d'éléments précis qu'il aurait découverts sur le terrain. Il a choisi la forme romanesque pour exprimer ce qui lui était trop douloureux pour être retranscrit dans un article de presse. De mon point de vue, le film rend ce récit quelque peu plus accessible, même s'il faut certes avoir le coeur plutôt solide pour apprécier Le quatrième mur à sa juste valeur. Argument positif: il ne cède rien au pathos et aux émotions "faciles". Appuyé sur de très bons acteurs, dont un Simon Abkarian au charisme toujours envoûtant, c'est en n'enjolivant rien que le film bouleverse. Suffisamment pour m'encourager à creuser le sujet. Avec des livres...

Le quatrième mur
Film français de David Oelhoffen (2025)

Oui, je monte jusqu'à la note presque maximale pour rendre compte de la claque ressentie à la vision de ce film (jusqu'à sa conclusion). Merci au réalisateur - dont j'ai aussi apprécié le Loin des hommes. J'imagine qu'il n'aura pas un grand succès et je trouve cela dommage. Bref... j'avais ressenti des émotions comparables avec Le déserteur. Et à l'époque, je citais aussi Nezouh - qui tient davantage de la fable.

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Pour être complet...

Vous pouvez lire la chronique de Pascale, presque aussi enthousiaste.

samedi 15 février 2025

Dans le grand bain

Nouveaux espoirs sociétaux ? Désenchantement et retour à la réalité ? Je crois encore manquer de recul pour bien cerner les années 1970. Cette décennie - qui m'a vu naître - me semble un peu moins joyeuse que sa devancière. C'est en somme dans cet état d'esprit interrogatif que j'ai découvert un film qui m'attirait depuis des lustres: Deep end.

Mike a 15 ans, un âge auquel les autres garçons se moquent de lui parce qu'ils supposent qu'il n'est encore jamais sorti avec une fille. Mike en fréquente pourtant une, Susan, qu'il sait un peu plus âgée que lui et qui l'accueille à la piscine où il a pu trouver un petit boulot. D'abord mal à l'aise, l'ado apprend le métier et tombe sous le charme de sa collègue, développant alors rapidement un ressentiment jaloux exacerbé à l'égard des diverses fréquentations masculines de la belle. Plutôt confiante, la jeune femme ne manque certes pas d'ambigüité...

Deep end construit en somme un double portrait et adopte un ton badin qui semble être celui de la naissance d'une prime amourette. Sauf que ce qui pourrait être positif dans cette histoire fait long feu. Le vieil établissement de bains qui sert de cadre aux personnages apparaît vite comme un lieu hostile, dont ils sont en fait prisonniers. Les couleurs vives de ses murs entretiennent quelque temps l'illusion d'un possible bonheur, mais c'est un drame qui se joue sous nos yeux. L'humour de certaines scènes n'atténue qu'en partie la dimension pathétique - voire tragique - de l'ensemble. Imaginé par un cinéaste polonais de 32 ans en quête de liberté, le film témoigne d'une époque de transition pour sa jeunesse. C'est la première fois que son auteur obtenait une reconnaissance internationale. J'en reparlerai sûrement !

Deep end
Film britannique de Jerzy Skolimowski (1970)

Il aura aussi fallu trouver des producteurs (et donc quelques acteurs) ouest-allemands pour financer ce projet, pour partie tourné à Munich. Présenté à la Mostra de Venise, il y avait rencontré un succès critique et public indéniable, avant d'étrangement disparaître des écrans jusqu'en 2011, date de sa restauration. La pauvreté de l'Angleterre évoque celle de Naked ou de Fish tank. À voir et revoir aujourd'hui...
 
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Pour finir, pas de liens, mais une anecdote...

Né à Londres en 1953, John Moulder-Brown, le jeune acteur principal de cet opus, donne la réplique à Jane Asher, de sept ans son aînée. Jusqu'en 1968, la comédienne fut la compagne de Paul McCartney. C'est pourtant Cat Stevens qui signe la chanson prémonitoire du film !

mercredi 12 février 2025

Enfermements

Elle s'appelait Mahsa Amini et aurait dû fêter son 23ème anniversaire le 20 septembre 2022. Iranienne, elle est morte quatre jours plus tôt d'une hémorragie intracérébrale, après avoir été arrêtée par la police des moeurs, à Téhéran. Motif: "le port de vêtements inappropriés". Les graines du figuier sauvage nous ramène à ce drame effroyable...

J'avais laissé passer ce long-métrage, couronné du Prix spécial du jury à Cannes, l'année dernière. Ce que je vous en ai dit en introduction n'est pas tout à fait juste: plutôt qu'à la mort de Mahsa Amini, le film s'intéresse aux manifestations (et autres répressions) qui ont suivi. Encore faut-il préciser qu'il aborde cette question assurément sensible par le prisme d'une famille. Le père, Iman, a été nommé enquêteur. Logiquement, sur sa lancée, il pourrait donc devenir juge d'instruction et, sans plus guère attendre, bénéficier d'avantages professionnels certains - un appartement de fonction plus spacieux, par exemple. Conséquence évidente: sa hiérarchie attend de lui un comportement irréprochable. Sa femme et ses filles, elles aussi, doivent s'inscrire dans cette logique étatique d'exemplarité. Convaincue du bien-fondé d'une telle ligne de conduite, la mère, Najmeh, la rappelle chaque jour à son aînée, Rezvan, soucieuse de son influence sur sa soeur, Sana. Inquiète aussi à l'idée que les deux ados puissent s'attirer des ennuis qui fragilisent la carrière de leur père. Ce qui fait monter la tension...
 
Déjà mis en prison et à chaque fois sous la menace de voir ses films censurés, le réalisateur vivrait à présent en exil, en Suisse. Il tourne dans la clandestinité: "Des solutions peuvent toujours être trouvées". D'après lui, "il ne fait aucun doute que la restriction et la suppression de la liberté d'expression ne peuvent être justifiées". Il s'est présenté dans de très nombreux festivals et y a témoigné de ses difficultés concrètes, pour recruter des acteurs et des techniciens, notamment. "Je ne suis pas le seul à en subir, lance-t-il. Mes collègues cinéastes sont soumis aux mêmes circonstances et à lourde pression des forces de sécurité". Cette constante oppression et le climat de paranoïa qu'elle engendre nourrissent bien sûr Les graines du figuier sauvage. Beaucoup de scènes se déroulent à huis-clos et utilisent le hors-champ d'une manière très intelligente. Le monde extérieur, lui, a un rôle-clé à la toute fin du métrage - il est de nouveau question d'enfermement. Des images d'archives redisent alors combien la liberté est précieuse !

Les graines du figuier sauvage
Film iranien de Mohammad Rasoulof (2024)

Avec quelque 615.000 entrées, ce long long-métrage - 2 heures 48 ! - rejoint le podium des plus gros succès du cinéma iranien en France. Le numéro 1 reste Une séparation (2011), que je conseille aussi. Autre "bon plan": Un homme intègre, mon premier Rasoulof (2017). L'existence même de ces films nous laisse une petite lueur d'espoir. Pour retrouver la poésie, je recommanderais Au travers des oliviers.
 
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Vous voulez comparer mon avis à d'autres ?

Bonne idée ! Je vous suggère de lire ceux de Pascale et Princécranoir.

lundi 10 février 2025

Une femme amoureuse

Je le rattraperai sans aucun doute, mais un film de Federico Fellini m'est passé sous le nez. C'est en conscience que j'ai négligé l'occasion de découvrir l'un des tous premiers opus du maestro Luchino Visconti. Finalement, mon envie de renouer avec le cinéma italien classique m'a fait choisir un long-métrage "tardif" de Vittorio de Sica. Perfetto !

Vous les aurez reconnus: Les fleurs du soleil (ou I girasoli en italien) réunit Sophia Loren et Marcello Mastroianni, deux des stars majeures du septième art en Italie. Antonio a gagné quelques jours de répit avant de partir faire la guerre quand Giovanna a accepté de l'épouser. Puis, pour rester encore auprès de sa belle, il fait mine d'être fou ! Démasqué, il est envoyé sur le front russe. Mais, une fois la paix revenue, il ne réapparaît pas. Convaincue qu'il est toujours en vie quelque part en terre étrangère, Giovanna part donc à sa recherche. Et, un matin, elle rencontre un ancien compagnon d'armes d'Antonio. Je ne vous en dirai évidemment pas plus sur ce qui se passe ensuite. Si le parcours des acteurs vous intéresse, vous pourrez toujours noter que Sophia Loren a reçu l'un de ses sept Donatello - l'équivalent italien des César - pour ce beau rôle. Logique: c'est bien elle que la caméra va accompagner avec le plus d'attention. Et comme je la comprends...

Rassurez-vous: Marcello Mastrioanni ne passe toutefois pas inaperçu. Le pourrait-il seulement ? Je suis sûr que non. Son inégalable talent justifie en tout cas qu'on s'intéresse aussi à son personnage. Je crois qu'avec ce film et comme sa partenaire, il a fait ici ses premiers pas d'acteur dans l'ex-Union soviétique - grâce aussi aux coproducteurs russes, je suppose. J'ai apprécié le regard (presque) documentaire que De Sica porte sur le pays, dirigé à l'époque par Léonid Brejnev. Honnêtement, j'ignore si sa sympathie avérée pour l'idéal communiste lui a valu d'être mieux accueilli que d'autres: certains d'entre vous m'éclaireront peut-être sur ce point. Je n'ai rien vu de très militant. Les fleurs du soleil reste à mes yeux un mélodrame très consensuel sur la forme, que la musique de Henry Mancini vient encore sublimer. Les protagonistes apparaissent parfois minuscules dans des plans d'ensemble dont l'esthétique peut évoquer celle des chefs d'oeuvre figuratifs de la peinture. J'ai en outre pris une petite leçon d'histoire. Et dès lors, je ne regrette pas d'avoir fait attendre Fellini et Visconti !

Les fleurs du soleil
Film italien de Vittorio de Sica (1970)

Un couple séparé par la guerre et un film qui gagne à être connu. Inévitablement, j'ai pensé au superbe Quand passent les cigognes. Dans les pays vaincus, le retour à la vie est toujours plus difficile. Cela nous a offert des perles de cinéma. Je vous rappelle humblement que le duo Loren / Mastroianni illumine Une journée particulière. Pour rire, mais pas que, Mariage à l'italienne reste aussi à conseiller.

samedi 8 février 2025

Very bof trip

Le Nouvel Hollywood, vous connaissez ? De la fin des sixties au début des années 80, aux États-Unis, des cinéastes ont pris un ascendant certain sur les studios et osé travailler sur des thématiques nouvelles comme la sexualité, la violence et la place des peuples amérindiens. Certains films ont dès lors connu le succès, d'autres un échec cuisant !

C'est bien malheureux pour Dennis Hopper, mais son deuxième opus en tant qu'acteur-réalisateur est à classer dans la seconde catégorie. Curieusement, cette véritable "sortie de route" est arrivée deux ans seulement après l'une des productions les plus rentables du cinéma made in USA: Easy rider, mis en boîte pour quelque 500.000 dollars et qui en aurait rapporté plus de 60 millions. Bref... film déroutant voire mal maîtrisé, The last movie n'a pas connu la même destinée. L'histoire ? C'est celle d'une grosse équipe de cinéma partie des States afin de tourner un western au Pérou, dans un village de la Cordillère des Andes. Cela sera difficile et même dangereux: la cohabitation avec la population locale connaîtra en effet bien des soubresauts. Pourquoi ? Et la faute à qui ? À vous de voir le film pour le découvrir. Pour ma part, j'ai trouvé l'expérience très amère: le mouvement constant, le montage alterné passé / présent et le vil comportement des personnages m'ont déplu. Et je n'ai pas compris grand-chose. Après coup, j'ai constaté que ce soi-disant film culte était peu aimé...

The last movie
Film américain de Dennis Hopper (1971)

Douze minutes avant que le nom du réalisateur de cet OFNI apparaisse... et plus de vingt avant le titre: je respecte la volonté d'inventer un cinéma différent, mais elle se heurte à mon sentiment d'incompréhension. Je ne retiendrai que quelques très belles images. Parmi les créations Nouvel Hollywood, je préfère La dernière séance et La porte du paradis. Et il m'en reste certes beaucoup à découvrir !

vendredi 7 février 2025

Sur la bonne voix

"C'est dommage que tu l'aies regardé en VF": une phrase que j'ai lue dernièrement sur le compte Insta d'une jeune cinéphile qui évoquait avec franchise ses réserves sur Indiana Jones et le temple maudit. Or, je ne suis pas certain de l'avoir jamais vu en version originale ! J'ai pensé que cela pouvait devenir le sujet d'une (brève) chronique...

Dans la très grande majorité des cas, je regarde les films étrangers dans leur(s) langue(s) d'origine (avec sous-titres, bien évidemment). Il m'arrive de choisir la version doublée quand je ne suis pas seul devant l'écran et/ou quand je retrouve un film que j'avais découvert en français - certains avaient d'excellents comédiens de doublage. Parfois, je me demande aussi comment certains films francophones peuvent être traduits (exemple: Les tontons flingueurs ci-dessus). J'ai un vague souvenir d'un séjour en Allemagne dans une famille d'accueil où j'avais vu une adaptation de Jean Cocteau, Les enfants terribles, dans la langue de Goethe. Ce qui était plutôt... surprenant.

Le 5 du mois dernier, de nombreux passionnés de cinéma en France ont rendu hommage au grand Benoît Allemane, qui venait de mourir quelques jours après avoir atteint l'âge de 82 ans. Ce comédien méconnu du grand public - un "fourre-tout" dans lequel je me place volontiers - arpentait les planches depuis 1963 et a fait une carrière d'acteur épatante, au théâtre, donc, mais aussi au cinéma, à la télé et même sur le Web. La photographie ci-dessus (© Nicolas Abraham) date de 2015 et le présente dans une autre des activités artistiques qui ont jalonné son parcours: celle de doubleur. Son superbe timbre grave lui aura notamment permis d'être, à près de 50 reprises, la voix française d'un très célèbre confrère américain: Morgan Freeman. Comme vous pourrez aisément le vérifier, il avait un talent rare ! Mais j'avais prévu de faire court, ce vendredi, et je me disperse. Bilan: il est très probable que je revienne sur ce sujet un autre jour...

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Et en attendant...

Je suis évidemment curieux de votre position dans ce débat VO/VF. Et, si vous avez aussi une anecdote pour le nourrir, partagez-la donc !

mercredi 5 février 2025

En être ou ne pas en être

Je vous assure que ce n'était absolument pas prémédité ! Il se trouve que j'ai pu voir, coup sur coup, deux films dans le monde du théâtre. Aujourd'hui: Le beau rôle. Une comédie sur une histoire d'amour contrariée par le fait que les amoureux travaillent dans deux milieux différents. Et aussi un regard - pertinent - sur la création artistique...

Henri, comédien, joue à chaque fois dans les pièces mises en scène par Nora, sa compagne. Dès lors, quand la jeune femme monte Ivanov de Tchekhov, elle compte à nouveau sur lui pour être le personnage principal. Henri n'a pas dit non, mais problème: il a aussi l'opportunité de faire ses tous premiers pas au cinéma. Je vous laisserai découvrir comment il le dit à Nora, qui s'inquiète aussitôt... pour son spectacle.

Un acteur peut-il être simultanément en tournage et en répétitions ? S'engager dans un projet de longue haleine aux côtés d'une personne aimée conduit-il à une vraie trahison si on ne va pas "jusqu'au bout" ? Le beau rôle pose finement ces deux questions quasi-existentielles. Elles nourrissent un scénario qui est donc d'abord celui d'une comédie. C'est à mi-parcours que le ton se fait plus grave, sans que le film sombre pour autant dans le drame, cela dit. Je l'ai trouvé intelligent. Divertissant, bien ficelé et pile de la bonne durée pour convaincre ! Victor Rodenbach, réalisateur, signe son premier long, bien conseillé par sa compagne à lui, Pauline Peyrade, une talentueuse quasi-quadra que je connaissais en tant qu'autrice de théâtre. Vous aurez remarqué qu'une "doublette" du même genre est réunie à l'écran, Nora et Henri étant respectivement incarnés par Vimala Pons et William Lebghil. Tous deux inspirés, ils affichent même une complémentarité idéale. C'est en fait pour eux que j'ai voulu voir le film. Je ne suis pas déçu...

Le beau rôle
Film
français de Victor Rodenbach (2024)
Enfin un long-métrage mieux écrit qu'une franchouillardise lambda ! J'oserai même dire qu'il y a quelques très belles scènes de cinéma dans ce premier opus du jeune auteur (diplômé de la Fémis en 2012). Attention, un spoiler: certains l'ont perçu comme un lointain héritier des comédies de mariage de Hollywood, telles que New York - Miami ou Joies matrimoniales, par exemple. J'essayerai d'en voir d'autres...

lundi 3 février 2025

Ce soir au théâtre

Je le crois tout à fait sincère, mais je dis aussi que Quentin Dupieux est un "petit malin". J'apprécie et admire parfois ce drôle de cinéaste pour la concision de son propos, ainsi que pour son côté insaisissable. Est-ce un style ? Ou bien un nouveau système, si personnel soit-il ? Sincèrement, je suis intéressé et me pose la question à chaque fois...

Faute de trouver une réponse, je me concentre sur l'aspect ludique des créations de notre ami QD (à prononcer Kiou Di, pour la blague). Prenez Yannick, par exemple. Cet homme qui interrompt une pièce de théâtre de boulevard pour réclamer un spectacle qui le coupe enfin de ses idées moroses... oui, je le trouve incongru et plutôt amusant. Auprès de quelques amis artistes, j'ai - mieux - compris ce que l'art dit vivant comporte de risqué - et je sais que certains spectateurs expriment parfois leur désapprobation au milieu d'une représentation. Faire un film d'une heure cinq minutes là-dessus ? Oui, bonne idée ! Et même quand, après avoir été chassé de la salle, il fait demi-tour, monte sur scène armé d'un flingue et rédige un texte pour l'imposer finalement aux acteurs, ce Yannick m'apparaît crédible et dérisoire. Sauf que je suis quand même un peu gêné aux entournures, disons. Dupieux ne choisit pas de camp et j'ignore ce qu'il veut dire, au juste.
 
Quand je dis "petit malin", c'est parce qu'en disposant des indices contradictoires, Quentin Dupieux semble autant critiquer l'institution culturelle que moquer une partie du public. Il est tout à fait possible que je me prenne trop la tête et que je gagnerais à regarder ses films après avoir un peu mieux débranché mon cerveau 100% analytique. Avec Yannick, c'est vrai: je reste sur une impression assez mitigée. Et, sur le plan formel, je suis tout de même très largement conquis. La brièveté du film - une constante chez le cinéaste - est un plaisir qui se conjugue intelligemment avec celui des saynètes très étirées. On n'est pas pris pour des idiots, au contraire: des pièces de puzzle apparaissent et on nous laisse juger de comment elles s'emboîtent. Objectivement, ce cinéma-là reste franchement hors du commun ! C'est pourquoi, malgré mes réserves, je reste fidèle à son créateur. Qui trouve ici deux bons alter ego en Raphaël Quenard et Pio Marmaï.

Yannick
Film français de Quentin Dupieux (2023)

Ma note est sévère, mais témoigne sans doute du caractère urticant de certaines séquences du film (et de sa fin ?). Une comparaison m'apparaît possible avec Money Monster ou Cowboy - à vous de voir. Comme je l'ai écrit, je ne remets pas en cause la sincérité de l'auteur qu'est Dupieux. Je dirais juste qu'ici, il oublie vite deux protagonistes importants, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne. Rien de grave...

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Sur la blogosphère, on en parle beaucoup...

Je vous renvoie donc aux chroniques de Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum, ainsi qu'à celle d'Elle et Lui. Des avis (globalement) positifs.

samedi 1 février 2025

Dansons, maintenant !

Il faudra qu'un jour, je me penche plus longuement sur les liens professionnels qui ont pu unir (ou unissent encore) les professionnels du cinéma français à leurs homologues italiens. J'ai regardé Le bal début janvier - un exemple de coproduction italo-algéro-française. Une triple nationalité qui en a fait un film "à part". C'est une qualité !

César du meilleur film en 1984, un prix partagé avec le À nos amours de Maurice Pialat, Le bal est en fait l'adaptation cinématographique du spectacle éponyme du Théâtre du Campagnol, une institution privée du Sud parisien. Neuf femmes et onze hommes se regroupent pour danser et le spectateur est invité à reconnaître dans leurs pas plusieurs épisodes de l'histoire de France. C'est tout à fait évocateur pour qui a au moins quelques notions sur l'arrivée au pouvoir du Front populaire, l'Occupation, la Libération ou encore Mai-68, par exemple. Une petite précision: plus ou moins longues, les différentes saynètes se succèdent dans l'ordre chronologique, de simples photos sur le vif venant s'intercaler entre deux chorégraphies du film, sans paroles. Complète réussite ? Je ne suis pas aussi catégorique, à vrai dire. Mais j'ai assurément vu un vrai film de cinéma, avec quelques clins d'oeil amusants au septième art (et particulièrement à Jean Gabin). J'ai également apprécié les ruptures de ton, de la comédie burlesque assumée au drame discret. Et depuis, le temps a poursuivi sa route...

Le bal
Film italo-algéro-français d'Ettore Scola (1983)

Envie d'un diptyque ciné ? Je vous suggère Splendor du même Scola. Il se dit que, tombé malade pendant le tournage, le maître italien placé derrière la caméra avait vu Le bal lui échapper (en partie). L'Académie lui a toutefois remis son César de la meilleure réalisation. Point amusant: le film était aux Oscars sous sa bannière algérienne. Bon... je préfère Que le spectacle commence - opus 100% américain.

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Un contrepoint ?

Vous découvrirez une critique négative sur le site "L'oeil sur l'écran". Avec aussi un commentaire en réponse à l'un des défenseurs du film.