Vous connaissez la dernière ? Carla Bruni doit faire une apparition dans le prochain Woody Allen, tourné à Paris. Le problème est que, selon le Daily Mail, la très chère Madame Sarkozy, privée qu'elle est de dialogue, ne peut s'empêcher de se tourner vers la caméra. Plusieurs sources indiquent qu'elle a dû refaire de nombreuses fois une scène toute simple, au cours de laquelle elle est censée acheter une baguette. Bref. Plutôt que de cette histoire, j'aime autant parler de vrai et bon cinéma français. Et de Mathieu Amalric, par exemple. Et même si je vois mal comment vous pourriez avoir évité la promo de Tournée, son quatrième et dernier film à ce jour, récompensé cette année à Cannes d'un Prix de la mise en scène. Une oeuvre qui, sans que je sache exactement pourquoi, m'a tout de suite attiré.
Comme son nom le suggère, Tournée évoque la visite en France d'une troupe de music-hall américaine, un homme et cinq femmes plutôt girondes, accompagnés de leur producteur, joué par Amalric lui-même. Spécialité de ce petit groupe: le New Burlesque, concept de shows d'une poésie certaine tournés vers... le striptease. Surprenant. Que les âmes prudes se rassurent: le film n'est jamais érotique, encore moins porno. Il est parfois coquin, c'est vrai. D'après moi, il est surtout profondément libéré. Libéré des entraves même d'un cinéma trop classique. Le long-métrage m'a semblé n'avoir ni vrai début, ni réelle fin. En fait, je le définirais plutôt comme une tranche de vie commune à plusieurs personnes. Notez qu'aux côtés des filles elles-mêmes, peut-être bien, paradoxalement, pas si exposées que ça, c'est un morceau de l'histoire personnelle d'un brave type, Joachim Zand, leur tourneur, qui est ici racontée. L'enfant de France de retour au pays dans de drôles de conditions. Nul n'est prophète... vous connaissez certainement le proverbe.
Tournée, d'après certains critiques, évoque également le cinéma d'un John Cassavetes. J'aurais bien voulu vous dire ce que j'en pense, mais je ne connais encore aucun des films de ce réalisateur américain. J'ai simplement désormais envie de le découvrir, lui aussi. Cette "approche à distance" m'en a donné l'idée, car j'ai beaucoup aimé le travail de Mathieu Amalric sur ce long-métrage. Est-ce parce qu'il débute au Havre, une ville que j'ai moi-même appris à aimer au cours des quatre années de ma vie que j'y ai passés ? Peut-être, mais pas seulement. Il est clair que c'est aussi cette Province française qui est ici filmée, la troupe ayant justement du mal à trouver une salle parisienne où se produire. L'intelligence même du propos est que les images nous embarquent directement avec ces hommes et ces femmes, qu'on ne voit jamais longtemps depuis les rangs du public, mais souvent à l'hôtel après le spectacle ou depuis les coulisses durant les représentations. C'est en ce sens que la mise en scène méritait en effet d'être louée et récompensée. Reste le jeu des comédiens. Très inspiré, le réalisateur-acteur s'offre quelques scènes marquantes, notamment une qui a fait couler beaucoup d'encre, cinq minutes à une station-essence autoroutière. Quant aux artistes, cet homme et ces cinq femmes qui rejouent finalement leur(s) propre(s) rôle(s), ils délivrent une telle prestation que l'envie m'est venue, à moi qui n'aime pourtant pas franchement le cabaret, de les découvrir sur une vraie scène, et pas uniquement sur un plateau de cinéma. La bonne nouvelle, si j'ai bien suivi, c'est que ça sera très certainement possible en France, un jour prochain.