dimanche 31 juillet 2011

Un homme à femmes

Une chronique de Martin

Rosanna Arquette est Johanna dans Le grand bleu. Louise Bourgoin l'héroïne qui s'embarque dans Les aventures... d'Adèle Blanc-Sec. Et donc Anne Parillaud celle de Nikita: Luc Besson est un réalisateur entouré de femmes. Le fait lui est parfois reproché, au seul motif qu'il préférerait l'image au scénario et, conséquemment, la beauté plastique de ses actrices à leur talent. Allez savoir: c'est une question de goût(s). Voici quatre autres exemples pour vous faire une idée...

Natalie Portman / Léon / 1994
Ici, difficile d'accuser le réalisateur de concupiscence. La future star n'a que treize ans quand elle tourne avec lui. Reste qu'il s'agit bien là de son tout premier film, six autres devant suivre dans les cinq ans. Le film porte le nom du personnage de Jean Reno, l'une des têtes d'affiche de l'univers Besson. Natalie Portman aurait toutefois dit récemment qu'elle rempilerait volontiers pour un Léon 2. Officiellement, l'idée de cette suite tient de la rumeur persistante. Remontant même à au moins une dizaine d'années...

Milla Jovovich / Le cinquième élément / 1997
Là, le doute n'est pas permis: la jeune mannequin américaine d'origine russo-serbe est bien sortie avec le réalisateur, au point même de devenir sa femme ! Les gazettes - et sa notice Wikipedia - soulignent qu'elle l'est restée un peu moins de dix-huit mois. Actrice avant de rencontrer Luc Besson, Milla Jovovich l'est restée. Sa prestation à l'écran est correcte: la fille aux cheveux orange s'en sort avec les honneurs dans ce qui est le roi du box-office cette année-là. Je ne serais pas opposé à l'idée d'y revoir Leeloo un jour ou l'autre.

Rie Rasmussen / Angel-A / 2005
Cette fois encore, Luc Besson fait appel à une femme déjà connue dans le monde du septième art et de la mode. Je ne peux pas trop vous parler du film, parce que... je ne l'ai pas vu. Comme son nom l'indique, il s'agirait d'une histoire d'ange, avec un type suicidaire qui, finalement, change d'avis après avoir rencontré son âme soeur. Le type en question, c'est Djamel Debbouze, et je crois que c'est à ça et au fait qu'il a été tourné en noir et blanc que le long-métrage doit sa réputation. Rie Rasmussen n'a pas conquis la même notoriété. Pourtant, elle est toujours au cinéma, devant et derrière la caméra.

Michelle Yeoh / The lady / 2011
J'avoue que je suis inquiet. Programmé pour sortir dans les salles françaises le 30 novembre prochain, voici pour moi un projet risqué de Luc Besson: un film sur la dissidente birmane Aung San Suu Kyi. Pas de droit à l'erreur ici: le sujet est trop noble pour être dévoyé. J'ai été surpris qu'un tel scénario intéresse le cinéaste. Si j'ai tout bien compris, il lui est tombé des mains de son actrice principale, Michelle Yeoh, elle-même récipiendaire d'un texte écrit par la femme romancière du producteur britannique Andrew Harries. Compliqué ! Qu'est-ce que ça donnera ? On ne tardera plus à le savoir. Cinéaste habitué à une certaine confidentialité, Luc Besson se l'est ici imposée, sachant qu'une partie du tournage a eu lieu clandestinement en Thaïlande. À suivre, à la faveur de l'automne...

vendredi 29 juillet 2011

Noir après bleu

Une chronique de Martin

Si j'ai tenu à revoir Nikita à l'occasion d'un récent passage télévisé, c'est parce que je crois me souvenir que le film de Luc Besson fut l'un des premiers que je vis au cinéma sans mes parents. Au moment d'entrer dans la salle, à pas encore seize ans, je ne savais pas à quoi m'attendre. L'autre soir, il me restait simplement en mémoire quelques répliques et images éparses, surtout concentrées au début du métrage. Et puis, bien sûr, je me rappelais la trame générale, celle de cette ex-junkie devenue exécutrice des très basses oeuvres pour le compte du gouvernement français. J'avais oublié les détails précis et pas vraiment les grandes lignes. J'ai voulu vérifier concrètement si le tout parvenait encore à me faire forte impression.

L'inconvénient majeur, par rapport à il y a 21 ans (!) déjà, c'est donc que je n'avais plus vraiment de véritable surprise à espérer. Nikita et moi, ce fut d'abord un blind date, une rencontre à l'aveugle faiblement éclairée par quelques mots piochés à la dernière minute dans le programme du cinéma. De mémoire, je cite: "Luc Besson n'a pas révélé le thème de son nouveau film, simplement qu'il serait aussi noir que le précédent était bleu". C'était un peu court pour qui comme moi n'avait pas spécialement apprécié l'épopée du cinéaste barbu au milieu des dauphins. Reste que, pour le pré-ado que j'étais, le métrage contenait tous les arguments pour frapper la rétine. Constat autre pour l'adulte d'aujourd'hui, la faute, je crois, à l'aspect artificiel d'un scénario intéressant, mais pas tout à fait abouti.

Comme bien souvent chez Luc Besson, on ressent d'emblée l'affection que le réalisateur porte à son actrice principale, ici Anne Parillaud. C'est déjà bien, me direz-vous, mais pas vraiment suffisant. Hystérique quand elle est sous l'emprise de la drogue, Nikita s'adoucit progressivement après avoir sauvé sa peau et parvient même sans grande difficulté à mener sa nouvelle (double) vie. Problème: ce qui lui arrive reste plutôt prévisible, dans une espèce de crescendo de la fatalité qui laisse à penser qu'on n'échappe jamais vraiment à son destin. Autre souci: ce qui survient n'émeut en fait qu'assez rarement, même si le plus beau rôle reste à mes yeux celui de Jean-Hugues Anglade alias Marco, l'amoureux de la flingueuse repentie. Tout ça m'a semblé manquer de contraste et de froideur. Ce qui me semble tout de même un drôle de paradoxe, à vrai dire...

Nikita
Film français de Luc Besson (1990)
Ni mauvais, ni tout à fait convaincant, il y a là un entre-deux cinématographique un peu frustrant. Sans véritablement attendre monts et merveilles, j'espérais un peu mieux. De l'auteur, je crois que mon film préféré demeurera Léon. Pas question d'en rajouter encore: comme dans le Ni pour ni contre (bien au contraire) réalisé par Cédric Klapisch, il reste de belles choses ici, un jeu d'acteurs franchement correct, une image de Paris qui regroupe aspects lumineux et côtés sombres, ainsi qu'une vraie place dans l'évolution du film français de genre. Un an plus tard, Luc Besson partait retrouver les océans avec Atlantis et, dans la foulée, s'en allait faire carrière aux States. Un vrai tournant, en somme, pour son travail.

jeudi 28 juillet 2011

De mal en pis

Une chronique de Martin

J'en ferais le pari sans hésiter: il vous est déjà arrivé de vivre l'une de ces journée-catastrophe, au cours de laquelle même le ciel semble devoir nous tomber sur la tête. Les voyant venir, vous essayez vaillamment de les éviter, mais les événements funestes s'enchaînent à un rythme fou, vous laissant sans réaction, impatient de voir arriver le lendemain. C'est ce qui arrive à Daniel, le héros poissard du film d'aujourd'hui, chargé d'organiser la cérémonie mortuaire de son père. Les employés des pompes funèbres amènent d'abord un mauvais cercueil ! Joyeuses funérailles, affirme le titre français de cette comédie anglaise. Foutue façon de parler, oui...

Entendons-nous: pathétiques pour la famille du mort, elles peuvent même être drôles pour le spectateur que vous serez. Pour vous faire une petite idée de tout ce que le scénariste du film a osé inventer comme péripéties, il "suffit" en fait d'imaginer le plus incroyable, auquel vous ajouterez le plus fou. C'est bien simple: rien ne se passe simplement, comme prévu dans un premier temps, et personne n'épargne donc le pauvre Daniel, ni son frère arrogant, ni sa femme obsédée par l'achat d'une nouvelle maison, ni même son ami qui a pris un cachet de LSD à la place d'un Valium, croyant pouvoir calmer son angoisse et, au contraire, devenant plus qu'agité. Je vous passe les détails: Joyeuses funérailles, un film où tout part en sucette.

Mais oui ! Il y a bien un homme nu au coeur de ce moment consacré au recueillement. À ce titre, et à d'autres, le film n'invente pas réellement de moteur comique. On dira qu'il recycle avec jubilation un certain nombre de concepts qui ont fait preuve de leur efficacité. Ce n'est déjà pas si mal ! Cet humour anglais, suite de calamités subie avec un flegme décroissant, fait toujours rire ou sourire. J'ajoute que les personnages sont assez nombreux pour permettre immédiatement à tout un chacun de reconnaître des caractères présents dans sa propre famille et/ou... dans sa propre personnalité. Joyeuses funérailles se consomme donc avec plaisir et amusement. Ce n'est certes pas la comédie du siècle, mais, tel un corbillard perdu sur la route d'un cimetière, ça vaut encore le coup de faire un détour.

Joyeuses funérailles
Film anglais de Frank Oz (2007)
Vous l'avez compris: j'ai bien aimé ce petit film sans prétention. Devant l'écran, j'ai souvent pensé à Very bad trip: même si j'ai trouvé cette production un poil moins subtile, c'est le même genre d'histoires qui, à partir d'un point de départ de la vie ordinaire, fait dérailler le quotidien de façon incontrôlée et fantasque. Les Anglais sont des maîtres en la matière, j'ai l'impression. Et, dans l'espoir d'encore le vérifier, j'aimerais un jour découvrir Clockwise, film déjanté où le génial John Cleese joue un directeur d'école en retard pour la première fois de sa vie, juste le jour où il ne fallait pas...

mercredi 27 juillet 2011

Être un oiseau

Une chronique de Martin

Je m'en voudrais de vous inquiéter, mais j'ai l'impression que la folie me hante. Parents et amis, rassurez-vous tout de suite: elle le fait seulement autour du cinéma. Simple constat que vous pourrez faire également: j'ai vu pas mal de films sur cette thématique dernièrement. Ultime exemple à ce jour: le remarquable Birdy.

L'histoire débute sur l'admission à l'hôpital d'un type inconnu salement amoché. Italo-américain et jeune vétéran du Vietnam, Alfonso Columbato sort du conflit avec de graves blessures au visage et du coup couvert de pansements. Si l'on parvient à reconnaître enfin un Nicolas Cage âgé alors de 20 ans, c'est que le long-métrage est parsemé de flashbacks. Est-ce la conséquence de sa nationalité britannique ? Plus que de tourner un film de guerre, il s'agit en effet pour le réalisateur Alan Parker d'illustrer le traumatisme qu'ont laissé les combats et, dès lors, d'évoquer d'abord ce qui les avait précédé. Dans la Philadelphie des années 50, on découvre aussitôt que le héros du film est l'ami d'un garçon passionné par les oiseaux, lequel donne son titre au métrage, Birdy, donc. Un garçon qu'on retrouve un peu plus tard à l'hôpital, lui aussi, prostré dans d'étranges postures assises ou couchées, et, par dessus tout, le silence permanent.

Sans trahir de grand secret, je crois pouvoir vous révéler que Birdy a donc sombré dans la folie. L'intérêt du film n'est pas là: il tient davantage à ce que l'origine de cette pathologie mentale reste indécise. Traumatisme lié à la guerre ? Blessures intimes antérieures et encore plus profondes ? C'est là qu'il me faut me taire si je veux vous préserver la surprise de la découverte. Je souligne juste qu'il y a en tout cas une vraie progression dans le scénario, à partir d'un point de départ assez simple dans l'idée: l'implication volontaire croissante d'Alfonso Columbato pour sauver son ami du néant de la pensée intérieure. Le long-métrage ne fait donc pas qu'illustrer les ravages que peut causer la lutte armée sur l'esprit des jeunes hommes. D'après moi, il dépasse ce thème majeur pour se tourner vers le récit d'une amitié quasi-inaliénable, basée sur une tolérance sans bornes pour une certaine différence. En ce sens, bien que déjà assez vieux dans les faits, le film n'est pas dépassé dans ce qu'il raconte.

Bien évidemment, sur le plan formel, on a déjà vu plus belle réussite. Comme souvent avec les oeuvres déjà âgées de plusieurs décennies, il est conseillé de dépasser la forme pour mieux s'intéresser au fond. Un petit mot quand même pour défendre les moyens: je suis parvenu sans mal à trouver le film efficace, malgré son aspect vieillot d'apparence, grâce bien sûr à deux comédiens tout à fait impliqués et convaincants - Nicolas Cage, donc, et bien sûr son partenaire Matthew Modine, expressif même quand il n'a rien à dire. Birdy porte certes la marque du temps, mais n'en reste pas moins un film touchant, qui fait réfléchir et nous amène facilement dans la peau des personnages. Et si c'était moi ? Comment aurais-je réagi ? Qu'aurais-je fait ? Ce sont quelques questions qui me sont venues devant le travail d'Alan Parker. Pas mécontent en somme d'avoir enfin abordé la filmographie de ce réalisateur culte des années 70-80.

Birdy
Film américain d'Alan Parker (1985)
Pour ne rien dire de plus sur le film, si ce n'est donc que je l'ai vraiment bien aimé, j'ai envie de passer aux possibles comparaisons. Je commence en effet à avoir quelques références intéressantes quant aux films évoquant la guerre du Vietnam. Faute d'être absolument érudit et d'avoir par exemple vu un aussi grand classique que l'est Apocalypse now, je vous renvoie vers un autre standard du genre, Full metal jacket, dans lequel Matthew Modine jouait également ! Après ça, si vous avez encore le courage d'aborder franchement une autre vision du conflit, je vous conseille également Les visiteurs, oeuvre pessimiste assez méconnue. Et, pour une liste plus complète, je reste bien sûr ouvert à toutes vos suggestions...

lundi 25 juillet 2011

Le petit chaperon rouge sang

Une chronique de Martin

Je vous l'ai expliqué une première fois au tout début de cette année 2011: si Hanna a d'abord attiré mon attention, c'était sincèrement pour la présence de Cate Blanchett, une actrice pour qui j'éprouve une certaine admiration, au générique. J'ai consciencieusement évité d'en savoir beaucoup plus avant de découvrir le film sur grand écran. Quelques jours avant d'aller au cinéma, j'ai appris qu'il était question d'une enfant transformée en tueuse, mais que la belle Australienne n'était pas l'héroïne du métrage, "juste" son premier personnage secondaire et en l'occurrence... la méchante de l'histoire. Surprise !

Face à ce contre-emploi prometteur, dans la peau de l'héroïne, j'ai retrouvé Saoirse Ronan, 17 ans, dont je vous ai parlé il y a tout juste quelques jours à propos de Lovely bones. Hanna est une gamine élevée à la dure par son seul père, dans un lieu indéterminé, éloigné de toute civilisation. Le film débute dans une forêt enneigée, quand, après être parvenue à abattre un cervidé à la chasse, l'adolescente écope d'une véritable rouste de la part de son paternel, preuve évidente pour lui qu'elle n'est pas prête. On découvre un peu plus tard que la jeune fille, elle, se sent disposée et on comprend alors à quoi. Après avoir activé une balise de détection, le temps est venu d'affronter une ennemie encore inconnue, plus âgée mais sans état d'âme. L'adversaire s'appelle Marissa Wiegler. "Désormais, ce sera toi ou elle", prévient le papa quelques minutes avant de s'embarquer dans une mission parallèle. "On se retrouvera à Berlin", ajoute-t-il avant de laisser sa fille voyager seule. C'est lentement qu'on décrypte l'énigme de ces vies isolées désormais menacées. J'ai bien envie d'ajouter que ce n'est pas vraiment ce qui est le plus important.

Si j'ai plutôt aimé Hanna, c'est qu'après un petit temps d'adaptation à son univers, je n'ai plus guère fait attention aux invraisemblances de son scénario. Et pour cela, j'ai suivi une méthode: laisser toujours au second plan les justifications "officielles" à la course-poursuite pour me concentrer sur le style. Sans être parfait, sans pouvoir prétendre d'emblée au statut de futur standard, le film dénote un peu de la production habituelle pour son cadre fantaisiste. Relisez le titre de ma chronique: bien aidé il est vrai par des évocations aux contes traditionnels, j'ai fini par voir dans le métrage leur version modernisée. Quelques exemples épars: outre le sang dans les dents du grand méchant loup qu'est devenue Cate Blanchett, j'ai su déceler le traditionnel danger qui rode autour de l'enfant, le mystère persistant qui plane sur ses origines précises ou encore la mort cruelle qui s'abat sur sa grand-mère. Et je ne vous parle même pas du plus explicite et de tous les petits détails contenus dans l'imagerie de ce film riche en références. Franchement, faute d'être toujours bien dosé, le tout est bien trouvé et ajoute un peu de sel à l'aventure.

Comme un gamin, mais moins apeuré, je me suis donc volontiers laissé prendre au jeu. J'ajoute pour dissiper toute ambiguïté éventuelle que le film me paraît destiné à un public assez adulte. J'ai compté au moins deux très jeunes bambins dans la salle où je l'ai découvert: je ne crois pas qu'ils aient pu l'apprécier, la chose montrée n'étant pas dénuée de violence. J'ai noté que le réalisateur, Joe Wright, suggère aussi, autant qu'il n'illustre. Sa bonne maîtrise du hors-champ nous épargne les tombereaux d'hémoglobine et, personnellement, j'ai trouvé ça intelligent - et un peu troublant, aussi, vu qu'on ne voit pas ce qui arrive à certains personnages secondaires. La raison tient peut-être à ce qu'auparavant, il s'était fait connaître pour des travaux bien différents, signant notamment l'adaptation d'un roman de Jane Austen. On notera pour être complet que Hanna est un film sans immense vedette: j'aime particulièrement Cate Blanchett, d'accord, mais je ne la qualifierai pas de star pour autant. Saoirse Ronan, elle, commence effectivement à faire sa place au soleil, mais elle n'en est encore qu'au début de sa carrière. Quant à Eric Bana, s'il est à l'évidence assez expérimenté, ce n'est pas non plus l'acteur qu'on voit le plus souvent sur nos écrans. Le reste de la distribution ? Des comédiens que je connaissais pas et parfois piochés en Allemagne, l'un des pays de production d'un film justement plaisant pour ses singularités.

Hanna
Film anglo-allemand de Joe Wright (2011)
Petit Jason Bourne féminin. Jeune Nikita venue de l'étranger. Hit-girl dans un autre costume. Face aux surprises offertes par le scénario, les comparatifs n'ont pas manqué et il faudrait alors que je découvre ou regarde à nouveau chacun des trois films concernés pour donner mon avis sur leur pertinence. D'ici là, je peux conseiller la production d'aujourd'hui pour elle-même, au moins à ceux qui n'attendront pas un chef d'oeuvre, mais un simple et aimable divertissement. Souvenez-vous: en chroniquant L'agence, j'évoquais mon affection pour les petits films. En voici d'ailleurs un nouveau où il est question pour le personnage principal de refuser les coups du sort qui seraient écrits à l'avance. Très original, non, mais à coup sûr rafraîchissant ! Avec une mention spéciale à la B.O. signée Chemical Brothers.

dimanche 24 juillet 2011

Cluedo

Une chronique de Martin

Si ce n'est pas un record, ça ne doit pas en être loin: après avoir sorti 8 femmes en 2002, François Ozon peut se réjouir de voir le film nommé pour douze Césars l'année suivante, mais las ! Son équipe, ses actrices et lui repartiront finalement bredouilles de la cérémonie. Reste ce projet au ton particulier, que j'ai trouvé assez original.

Comme son nom l'indique, 8 femmes, c'est avant tout l'occasion d'ouvrir le carnet d'adresses du réalisateur et de pouvoir alors admirer huit comédiennes dans un singulier exercice de style. Il y a là un remarquable mélange de statuts, d'expériences et de talents. Citons-les: Fanny Ardant, Emmanuelle Béart, Danielle Darrieux, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Firmine Richard et enfin Ludivine Sagnier, sans oublier Virginie Ledoyen, que vous aurez probablement reconnue sur la photo ci-dessus. Si la comédienne tient un revolver, c'est qu'il est aussi question d'un meurtre, celui d'un père de famille, aussi le seul homme de la distribution, Dominique Lamure alias Marcel à l'écran. Au matin du 24 décembre, ce brave bourgeois a été retrouvé assassiné dans son lit, un poignard planté dans le dos. Il s'avère alors bien vite que chacune des dames à proximité immédiate aurait au moins eu un mobile pour commettre ce crime odieux et manque même d'un alibi pour s'en disculper tout à fait. L'hypothèse d'un rôdeur nocturne étant rapidement écartée de fait...

François Ozon nous convie donc à un jeu de Cluedo. Qui a donc commis le crime ? Gaby, la femme du mort ? Mamy, sa belle-mère ? Suzon ou Catherine, l'une de ses filles ? Les soupçons peuvent aussi porter sur sa soeur, sa gouvernante, sa bonne ou sa belle-soeur. Chacune est à la fois suspecte et enquêtrice dans cette affaire incroyable. C'est en cela que 8 femmes est extrêmement caustique, d'un cynisme macabre du meilleur ton. L'idée même de l'assassinat parait incongrue à tout le monde, spectateurs compris. Il faut pourtant se rendre à l'évidence et s'efforcer de trouver la coupable avant qu'elle ne frappe encore. Du public, on se sent alors un peu comme chez Agatha Christie, les demi-mondaines d'après-guerre ayant remplacé les dix petits nègres du roman. Littéraire, ce film ? Sans s'embarrasser d'envolées lyriques, les dialogues viennent toutefois bel et bien d'une langue écrite, le long-métrage s'inspirant d'une pièce de Robert Thomas, créée à Nice en 1958. L'auteur est d'ailleurs connu comme un spécialiste de ces comédies policières qu'on a longtemps pu croire l'apanage des auteurs anglo-saxons.

Je ne sais pas si c'est d'avoir été porté à l'écran ou son âge avancé, mais 8 femmes n'est toutefois pas un film drôle. Je dirais aisément que c'est d'abord un long-métrage raffiné, avec un gros travail accompli sur le décor et les costumes. Le talent du staff technique, c'est d'avoir su recomposer un univers réaliste tout en apportant quelques touches colorées pour également permettre une distance. Dit autrement, on trouve ça crédible sans trop y croire pour autant ! Voilà l'argument numéro 1 que je retiendrai pour défendre le film: son efficacité, la manière dont il parvient à être lisible en restant d'une certaine façon tout à fait fantaisiste. Autre incongruité caractéristique et assez bien venue: l'introduction au coeur même des dialogues de chansons plus ou moins récentes, une pour chacune des personnages. Ces passages surprennent, mais permettent aussi de caractériser au mieux les protagonistes pour mieux échafauder son propre scénario dans l'attente de la révélation finale. Vous aurez deviné que cette dernière peut étonner, elle aussi: je ne suis pas sûr que beaucoup d'apprentis détectives auront su imaginer le pourquoi du comment. Cette clé d'énigme révélée, le film s'arrête rapidement sur un dernier air connu et une note assez sombre, loin des nuances fluo utilisées jusque là. Voyez si vous êtes curieux de tout savoir...

8 femmes
Film français de François Ozon (2002)
C'est un comble: alors que le cinéaste est connu pour la multiplicité des formes de son inspiration, l'autre film de lui que j'ai chroniqué ici est Potiche, sans doute celui qui ressemble le plus à l'oeuvre présentée aujourd'hui. J'attendrai donc pour faire un classement personnel de mes préférences. Maintenant, s'il me faut évoquer d'autres propositions cinématographiques comparables, je dois admettre que je sèche un peu. Le style ici développé ne m'est pas familier, mais, si on se contente du fond, il faut sûrement aller chercher dans les autres scénarios à "twist" final, par exemple ceux de Sixième sens ou de Shutter Island. François Ozon garde toutefois sa propre personnalité, qu'on peut assurément apprécier... ou pas.

vendredi 22 juillet 2011

Elle, le feu

Une chronique de Martin

Il n'y a pas d'âge pour aimer le cinéma. J'ai toutefois constaté que, né à quelques jours de la fin de la première moitié des années 70, c'est la culture des années 80 que je connais le moins bien. Non pas que mes parents aient refusé de m'y initier, simplement, je suppose que, pour certaines choses, j'étais juste trop petit. Ce qui est curieux, c'est que je pense pouvoir dire que je maîtrise un peu mieux la décennie de ma naissance et ses devancières. Par chance, il est toujours possible, à l'occasion, de s'offrir des séances de rattrapage !

C'est ainsi que je me suis retrouvé devant ma télé, pour la diffusion de L'été meurtrier. Plus qu'Isabelle Adjani, à vrai dire follement sexy dans ce film, ce qui m'a attiré ici a d'abord été une vraie curiosité autour de la prestation d'Alain Souchon. Mes oreilles ont souvent pris plaisir à écouter le poète lunaire et je voulais découvrir ce qu'il était capable d'offrir au regard. Je n'ai pas été déçu. Sous les bouclettes de Florimond, alias Pin-Pon, l'ami de Laurent Voulzy m'a offert exactement ce que j'attendais de lui: une interprétation fabuleusement juste d'un homme amoureux que, par son attitude même, sa petite amie étonne, déroute et finit par inquiéter. Il y a effectivement un crescendo dramatique dans la très efficace intrigue de cette belle production, née d'une idée du romancier-scénariste Sébastien Japrisot, développée sous les encouragements du cinéaste Jean Becker. Un travail collectif, donc, dont l'intensité a conservé une réelle intensité à ce jour, 28 ans après la sortie du film en salles.

Reprenons. L'été meurtrier consacre bien sûr aussi Isabelle Adjani. Elle est ici Éliane, incarnation de la féminité si affirmée que tous l'appellent juste Elle. Aux yeux des garçons, la jeune femme a de fait un charme volcanique, tout en assurance: on ne s'étonne guère que, dans ce village de Provence, elle passe pour une Marie-couche-toi-là du plus bas étage. Cette réputation ne rebute pas Pin-Pon, garagiste un peu rêveur, pompier volontaire à ses heures. Bien qu'elle semble d'abord devoir lui résister, Elle lui cède finalement assez facilement, au terme tout de même d'un repas bien arrosé et de ce qu'il faut bien appeler une crise d'hystérie. Signe avant-coureur de... c'est à vous de voir ! Il est clair qu'il ne sera pas question ici d'histoire d'amour pure et dure, mais, comme vous le verrez peut-être, d'un scénario placé à mi-chemin entre le thriller policier et le drame de moeurs assez sordide. La belle enfant saura s'incruster dans la vie des autres pour le meilleur et peut-être aussi pour le pire. Le mieux étant vraiment désormais que je me taise pour ne pas trop en révéler...

L'été meurtrier rebutera peut-être ceux d'entre vous qui ont du mal avec un certain cinéma français. Personnellement, je l'ai en fait aimé pour ces mêmes raisons, ce classicisme, cette simplicité formelle. Cette façon de filmer me semble laisser toute la place aux acteurs et, jusque dans ses seconds rôles, le long-métrage ne manque pas d'effectivement faire briller quelques grands noms "de chez nous". Outre ceux que j'ai déjà cités, je retiens Suzanne Flon en grand-mère complice, Michel Galabru en patriarche brisé, François Cluzet en loser magnifique et petit frère inconséquent, Martin Lamotte en cocu arrogant... entre autres. Oui, ces deux grosses heures sont passées pour moi comme une lettre à la Poste. Il m'a semblé aussi qu'un soin tout particulier était apporté aux décors de cette production, magnifiés encore par un jeu sur la lumière tout à fait convaincant. Objectivement, même en s'appuyant sur les idées de son ami Sébastien Japrisot, je ne suis pas sûr que Jean Becker ait ici inventé grand-chose. Néanmoins, et c'est déjà bien, il prouve une fois encore qu'il est un bon artisan. Son film a la saveur du travail bien fait. Voilà: je n'ai certes pas vu un chef d'oeuvre, mais je me suis régalé.

L'été meurtrier
Film français de Jean Becker (1983)
Au risque de dévoiler encore un élément important, je dirais finalement que, devant la prestation du duo Adjani/Souchon, j'ai pensé à Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade dans 37°2 le matin. J'indique toutefois à ceux qui ont vu le film de Jean-Jacques Beineix que le fin mot de l'histoire est ici bien différent. Je me suis aussi souvenu de L'histoire d'Adèle H. à plusieurs reprises, mais chut ! Pas sûr qu'il faille conseiller ça aux plus jeunes, mais, pour les ados cinéphiles d'aujourd'hui comme pour ceux d'hier, il y a tout de même dans cette escapade en Provence de la belle ouvrage tout à fait digne d'être considérée. Oui, c'est un vrai petit coup de coeur personnel !

jeudi 21 juillet 2011

Histoires sans paroles

Une chronique de Martin

Ni à vendre ni à louer, film de Pascal Rabaté, est un cocktail. Décor: la côte atlantique dans ce qui pourrait être des vacances estivales, mais serait plutôt, pour le cinéaste, un week-end ordinaire avant la belle saison. Les ingrédients ? Une série de personnages pittoresques, un homme qui court après son cerf-volant, deux voyous dans une voiture de golf, des retraités qui se parlent par Scrabble interposé, le père maniaque d'une famille de campeurs, un couple punk de filles ou encore un VRP masochiste (entre autres). Aréopage un peu étrange: un cocktail, c'est forcément un peu secoué, non ?

J'ai eu envie de voir ce film dès que, pour en parler, la critique a évoqué l'univers de Jacques Tati, fameux cinéaste des temps anciens dont j'apprécie les quelques oeuvres que je connais - ou visualise. Rendu au cinéma, j'ai vu dans cette création atypique des traces dignes des Deschiens, parallèle d'autant plus facile que des membres de la troupe parsème l'image de leur fantaisie. Le point commun essentiel, c'est l'absence de tout réel dialogue: en plus d'une musique entraînante, le son qui parcourt Ni à vendre ni à louer est composé de quelques mots éparpillés et surtout de bruits, borborygmes divers et autres éclats de voix. Ce qui se passe à l'écran parle de lui-même sans qu'il faille l'expliciter, dans la grande tradition du burlesque.

Cette vraie qualité du film est aussi sa limite. Ni à vendre ni à louer est également un puzzle, dont les pièces s'assemblent sans difficulté particulière, mais qui, une fois terminé, ne laisse pas forcément place à un dessin apte à frapper durablement la mémoire du public. C'est une oeuvre modeste, à tous les sens du mot: sans ambition démesurée, mais qui ne se prend pas pour ce qu'elle n'est pas. Il y a une évidente sincérité dans la manière dont ces quelques histoires sans paroles ont été tournées et interprétés. Sans grande esbroufe ou tape à l'oeil, les comédiens parviennent à faire passer une émotion pure, à la fois quelques rires et un peu de nostalgie aussi. C'est le signe d'une réussite, pareillement modeste, mais bien réelle.

Ni à vendre ni à louer
Film français de Pascal Rabaté (2011)
D'abord connu comme auteur BD, le cinéaste impose ici un style intéressant, puisqu'à l'évidence assez personnel. Son travail gagne encore en efficacité grâce à la complicité d'acteurs joliment investis dans le projet, et pas des moindres. On retrouvera ainsi avec plaisir des comédiens aussi divers que Jacques Gamblin, Maria de Medeiros, François Damiens, Gustave Kervern, Charles Schneider ou encore François Morel. Voilà qui m'a donné envie de découvrir également l'autre film de Rabaté, Les petits ruisseaux, avec pour héros l'inénarrable Daniel Prévost. Mais aussi, l'oeuvre de Jacques Tati, donc, et par exemple Les vacances de Monsieur Hulot. À suivre...

mercredi 20 juillet 2011

Au nom du père

Une chronique de Martin

J'abuse un peu, aujourd'hui, à reprendre ainsi le titre du superbe film de Jim Sheridan. Mulan, la guerrière légendaire ne soutient pas vraiment la comparaison. Il s'agit toutefois bel et bien de s'intéresser à une héroïne mythique de la Chine ancestrale, jeune femme d'honneur qui prend la place de son aîné lors des longues guerres contre les Rouran, ces tribus nomades des frontières septentrionales de l'empire. L'époque ? Entre le 4ème et le 6ème siècle de notre ère.

Si cela vous dit quelque chose, ne soyez pas surpris: sans être spécialistes de l'histoire sino-mongole, votre science infuse vient peut-être bien du studio Disney, qui a illustré ces légendes ancestrales en dessins animés. Venue cette fois non plus des States mais de Chine, la production dont je vous parle aujourd'hui est un film avec vrais acteurs: Mulan, la guerrière légendaire est sorti directement en DVD sous nos latitudes. Pour dire vrai, j'en possède un exemplaire depuis bientôt un an, puisqu'en ce qui me concerne personnellement, j'ai fait quelques achats à Shanghai l'an passé.

Et donc ? Je dirais que Mulan, la guerrière légendaire ne casse pas trois pattes à un canard mandarin. Le positif, d'abord: c'est au moins une jolie reconstitution. Même si les décors ne sont pas toujours aussi somptueux que dans d'autres films épiques, ils restent agréables au regard. C'est surtout sur les costumes que la production prend de l'ampleur: le petit garçon que je reste devant un projet cinématographique a admiré l'allure de ces chevaliers chinois fidèles à leur patrie. La manichéisme du propos fait qu'on peut vite décrocher, mais, côté images, on en aura au moins pour son argent.

Le gros défaut de ce film, c'est sa prévisibilité: on voit tout arriver d'avance et l'intégrité de l'héroïne n'est jamais exagérément remise en question. Mulan, la guerrière légendaire a le mérite d'annoncer la couleur dès son titre: il y a les bons, les méchants et finalement aucun personnage réellement ambigu. Bien évidemment, ce sont ici encore les bons qui gagnent, même s'ils perdent inévitablement quelques plumes en cours de route. Je me garderai toutefois de jeter le bébé avec l'eau du bain: pour qui veut se détendre devant un film simple et sans prise de tête, l'oeuvre du jour reste une option honorable. Il lui manque juste, à mes yeux, un peu de consistance.

Mulan, la guerrière légendaire
Film chinois de Jingle Ma (2009)
Certains d'entre vous s'en souviendront: je vous ai déjà parlé plusieurs fois de Gladiator. Je vois beaucoup de points communs entre les deux productions, avec plus ou moins les mêmes avantages et les mêmes inconvénients que cela peut générer: détente garantie, mais scénario un tant soit peu simpliste. Je me répète jusqu'au bout en soulignant que, faute de complexité, dans le genre, j'aime autant regarder les vieux films des années 50 ou 60, comme Le Cid ou bien La chute de l'empire romain. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas aimé du tout, mais simplement que j'avais espéré (un peu) mieux.

lundi 18 juillet 2011

Complètement fou !

Une chronique de Martin

Aujourd'hui, un classique: Vol au-dessus d'un nid de coucou. J'ai saisi l'occasion de sa dernière diffusion à la télé pour le découvrir enfin - merci Arte ! Ce n'était pas spécialement prévu, d'ailleurs, mais, encouragé par plusieurs amis, je me suis finalement décidé. Pas de regret: cette immersion au coeur d'un hôpital psychiatrique est restée intéressante en dépit de son "grand" âge - 36 ans. Je suis aussi content de pouvoir désormais ajouter un film à la liste de ceux que j'ai vus, réalisés par Milos Forman. Et, pour info, je précise immédiatement que le métrage a obtenu cinq Oscars en 1976.

Pour le détail de ces récompenses, je vous encourage à faire un saut sur la page dédiée. Afin de dire désormais un mot de ce que le film raconte, je note en fait qu'il commence lors de l'admission hospitalière d'un dénommé Randle Patrick McMurphy, rôle difficile attribué à un impressionnant Jack Nicholson. On ne sait pas vraiment si l'intéressé est réellement fou ou s'il simule. Épris de liberté, contestataire dans l'âme, il a en tout cas intérêt à feindre, vu que, ancien prisonnier, il retournerait derrière les barreaux si son état psychologique était jugé normal. Lors de ce Vol au-dessus d'un nid de coucou, le personnage va se heurter à la suspicion professionnelle d'une infirmière, Milfred Ratched (Louise Fletcher). Une femme tout aussi déroutante dans ses méthodes de soin...

C'est autour de cet improbable duo que s'articule l'essentiel du propos du film. Qui sont les fous ? Qui sont les gens normaux ? Question essentielle, interrogation capitale portée par des acteurs au sommet de leur art. Et pas seulement: si Vol au-dessus d'un nid de coucou est resté dans l'histoire, c'est qu'outre les deux que je viens juste d'évoquer, il regroupe aussi des comédiens de très bon calibre comme Danny de Vito ou Christopher Lloyd, mais également, quelques pensionnaires d'un asile américain et vrais malades ! D'aucuns, rappelant les origines tchécoslovaques de Milos Forman, ont vu dans son intrigue une métaphore de la vie sous le régime communiste de l'époque. Cette perspective peut éclairer le métrage d'un jour nouveau. Je ne suis pas allé aussi loin: j'ai pris les choses au premier degré. Elles m'ont semblé assez surprenantes comme ça.

Vol au-dessus d'un nid de coucou
Film américain de Milos Forman (1975)
Mon père m'avait prévenu: il ne faut pas escompter se détendre devant pareil film. Faut-il y voir la conséquence du temps écoulé depuis sa sortie en salles ? Il a su me convaincre sans m'emballer. Maintenant, je trouve tout de même très intéressant de le replacer dans la filmographie de son auteur. Pour ne citer que les oeuvres dont j'ai déjà parlé ici, quelques parallèles implicites me semblent envisageables avec Amadeus et, surtout, avec Man on the moon. J'ai préféré ces deux films-là à celui d'aujourd'hui et j'espère voir également les autres pour une analyse plus complète. Goûter ou non à ce cinéma doit dépendre de nos attentes du moment, je crois.

dimanche 17 juillet 2011

Picte et picte et Rome et drame

Une chronique de Martin

Je vous préviens: je n'ai pas l'intention aujourd'hui de faire un cours d'histoire. Il est fort possible que Centurion prenne certaines libertés avec la réalité antique, mais je n'en ai cure: je veux parler du film pour ce qu'il est, un simple divertissement pour cinéphile moyennement exigeant. Je l'ai découvert l'autre jour sans y attendre de message philosophique venu des temps anciens. Et j'ai bien fait !

Le héros du jour s'appelle Quintus Dias. Légionnaire des armées romaines, il ne sent pas exactement le sable chaud, d'autant en fait qu'il est le chef d'une garnison postée à la frontière nord de l'empire, dans ce qui est aujourd'hui l'Écosse. Attaquée par un groupe armé picte, il est fait prisonnier et, après avoir passé un sale quart d'heure, parvient à s'échapper. C'est là qu'il tombe sur des militaires de son camp, venus eux aussi botter les fesses des peuplades locales pour la gloire de la Louve. Centurion démarre alors, son scénario développant une idée simple: seuls une poignée de soldats échappent à une embuscade et, après avoir vainement tenté de porter secours à leur général pris en otage, ces mêmes rescapés marchent finalement vers les lignes arrières et les joies inédites de la retraite.

Bien entendu, les choses ne seront pas si simples. Les codes du film d'action sont alors respectés: même s'ils se replient, les personnages principaux gardent en eux une dose d'héroïsme et un sens du devoir suffisants pour ne pas le faire par simple couardise. Il est évident d'emblée qu'avant de parvenir à bon port, toutes sortes de péripéties vont venir contrarier leur progression, péripéties au cours desquelles ils auront de multiples occasions de prouver leur valeur et leur ardeur au combat. En ce sens, Centurion reste un film assez basique, apte à surprendre seulement les rares spectateurs peu habitués au genre. Ce film tient du western, jusque dans la constitution d'un groupe hétéroclite, où chaque membre n'a pour envie que de sauver sa peau.

L'originalité est ailleurs. L'ennemi lancé aux trousses de nos Romains égarés n'est pas plus nombreux, mais il est dominé par une femme aussi sauvage que... muette. Sans malheureusement parvenir totalement à échapper à un certain nombre de clichés, le film prend alors une tournure plutôt intéressante. Autre atout: entendre les légionnaires parler anglais surprend un peu, mais que leurs ennemis s'entretiennent en gaélique ajoute un petit soupçon d'authenticité assez bienvenu. Techniquement, même si les sanglantes batailles restent parfois assez confuses, le long-métrage est ma foi réussi pour ses costumes et ses décors naturels, absolument somptueux. Centurion permet de s'évader du quotidien: c'est sa qualité principale. Un bilan honorable, donc, même s'il y avait sans doute encore mieux à faire. À réserver pour les soirées sans prise de tête.

Centurion
Film anglais de Neil Marshall (2010)
La nationalité du long-métrage vient expliquer qu'il puisse paraître manquer d'emphase dans les scènes d'action. Je n'ai pas (encore ?) eu l'occasion de comparer avec L'aigle de la neuvième légion, film autour des mêmes soldats, sorti cette année. Pour ce qui est maintenant de mes références en péplums récents, elles demeurent assez pauvres. Dernièrement, je vous ai parlé d'Alexandre, un film que j'avais bien aimé. Puisqu'il est ici question de Rome, citions aussi Gladiator: par sa grandiloquence même, le film de Ridley Scott est moins sincère et donc moins agréable. Enfin, à mon goût...

vendredi 15 juillet 2011

Un air de famille

Une chronique de Martin

Aujourd'hui, un texte un peu différent et qui j'espère vous plaira. Comme tous les autres, il reste bien sûr soumis à vos appréciations.

De vous avoir parlé lundi du film
Omar m'a tuer m'a aussi donné envie de prolonger ma chronique d'un autre plus factuelle, sur trois des protagonistes de cette aventure. Je n'ai en effet pu m'empêcher de me rappeler que Roschdy Zem, le réalisateur, et Sami Bouajila, l'acteur, étaient tous deux liés d'amitié avec Rachid Bouchareb, d'abord sur le projet et avec qui ils ont tourné deux premiers films d'une série de trois: Indigènes et Hors-la-loi. Et j'ai du coup eu envie d'évoquer deux autres des comédiens impliqués. C'est parti !

En tournant Omar m'a tuer, Roschdy Zem a donc repris le flambeau de son ami Rachid Bouchareb. C'est son deuxième film de cinéma derrière la caméra, après Mauvaise foi, que je n'ai pas encore découvert. Sous les projecteurs des plateaux de tournage, Zem joue depuis 1987: il compte aujourd'hui une grosse cinquantaine de rôles, sans même en ajouter avec le théâtre. De quoi, je l'espère, apprendre à mieux le connaître à l'avenir. Je saisirai les occasions.

Rachid Bouchareb, lui, fut d'abord assistant-réalisateur de télévision. Pour le cinéma, il a produit quelques longs-métrages et en a réalisé sept, Hors-la-loi, le dernier à ce jour, ayant été nommé pour l'Oscar du meilleur film étranger l'année dernière. Si mes informations sont bonnes, il contribue aussi à la formation d'une partie des cinéastes de demain, en tant qu'administrateur de la FEMIS, l'école parisienne de l'image et du son. J'attends désormais son prochain film. J'avoue sans fausse honte ne pas savoir exactement à quoi m'attendre.

Sur les écrans depuis vingt ans, Sami Bouajila a lui aussi une longue et belle carrière derrière lui. Au cinéma, il a reçu un César en 1998 pour un second rôle dans Les témoins, film d'André Téchiné. Amoureux transi dans le récent De vrais mensonges, il n'hésite donc pas à passer du coq à l'âne, puisque, cette année, on l'a également vu jouer un assassin dans Signature, une série télé tournée sur l'île de la Réunion. À dire vrai, je connais encore mal sa filmographie, mais il m'intéresse grandement: j'apprécie déjà l'audace de ses choix.

La grande star de cette famille de comédiens reste sans aucun doute Jamel Debbouze. Pas plus tard qu'aujourd'hui, je lisais son portrait dans Libé, papier assez chiadé qui évoquait l'homme derrière l'acteur et réciproquement. L'enfant de Trappes a sans doute ses défauts, voire ses contradictions, mais je le trouve attachant, car finalement sincère. Et j'apprécie l'étendue de ses engagements cinématographiques, dont ses prochains projets donnent une idée. Entre l'attendu Poulet aux prunes de Marjane Satrapi (Persepolis) et Le Marsupilami adapté par Alain Chabat, du rire ET des idées !

Et puis, malgré ses frasques répétées, je ne parviens pas à oublier Samy Naceri. Ce monstre d'instabilité est, aux dernières nouvelles, en hôpital psychiatrique fermé, comme prisonnier de droit commun toujours sujet aux plus violentes des sautes d'humeur. Je trouve normal qu'il paye pour ce qu'il a fait. Cela dit, en dehors de ce casier judiciaire lamentable, je dirais qu'il y a un homme et, en rapport avec ce qui nous occupe aujourd'hui, un acteur que je regrette. Révélé dans Taxi en 1998, une niaiserie "longue durée" assez sympa au départ, il n'en était pourtant pas à son premier film. Je le crois capable de mieux et espère qu'un jour, il parviendra à s'amender réellement, à dompter ses mauvais penchants, pour (se ?) le prouver de nouveau. Malgré une période creuse depuis 2008, on lui prête quelques projets pour 2012, notamment le tout prochain film d'Alexandre Arcady, Ce que le jour doit à la nuit, tiré du roman éponyme de Yasmina Khadra. Oui, c'est bien sûr à condition que...

Voilà. Si je ne suis pas exhaustif ou si j'ai commis quelques erreurs factuelles, les commentaires peuvent également servir à compléter et/ou corriger. Merci d'avance pour vos éventuelles contributions.

lundi 11 juillet 2011

La construction d'un innocent ?

Une chronique de Martin

Je n'étais pas encore sur la Côte d'Azur quand l'affaire Omar Raddad a éclaté. Condamné à Nice à 18 ans de réclusion criminelle en 1994, à l'heure où j'étais étudiant en première année de droit, le jardinier marocain clame depuis son innocence et demande du coup à être rejugé, ce que la cour de cassation lui a pourtant refusé en 2002.

Reconnu coupable d'avoir tué sa patronne Ghislaine Marchal, il fait aujourd'hui l'objet d'un film: Omar m'a tuer, titre-réplique, faute d'orthographe comprise, des derniers mots attribués à la victime, retrouvés écrits en lettres de sang sur la porte de la cave où elle fut retrouvée morte. La première question que pose le métrage, c'est celle de sa pertinence: cette affaire devait-elle être ainsi transposée au cinéma ? Une réponse positive peut venir de la dramaturgie même du réel: il peut certes sembler regrettable que le film ait été distribué pour une sortie lors du 20ème anniversaire des faits, mais il s'avère impossible d'occulter que, si longtemps après, la question de ce qui s'est vraiment passé ce jour de juin 1991 fait toujours débat. Même s'il y a donc bien, depuis plus de 17 ans, un coupable désigné dans cette affaire, coupable à la demande duquel le parquet de Grasse a très récemment examiné d'ultimes échantillons ADN, avant de les déclarer inexploitables. Coupable sorti de prison prématurément, dès septembre 1998, au bénéfice d'une grâce présidentielle. Point qui me paraît des plus importants: il est ici présenté dans toute son ambivalence, c'est-à-dire défauts compris.

Si ce n'est au cours d'un bref flash-back, le film ne s'attarde que peu de temps sur la victime. Son scénario s'inspire de deux sources pareillement orientées: un livre écrit par Omar Raddad lui-même, ainsi qu'un autre ouvrage, signé de l'académicien Jean-Marie Rouart, convaincu de son innocence. Logiquement, il s'articule dès le début autour de deux axes: la vie du jardinier, en liberté, au procès évidemment, et en prison, et la contre-enquête menée tambour battant par l'écrivain, à grand renfort d'investigations sur le terrain. Le résultat de ces chassés-croisés laisse, sinon l'impression persistante d'une erreur judiciaire, celle d'une procédure bâclée, biaisée, au préjudice évident des droits de la défense. Les questions reviennent donc: l'homme qui a été condamné méritait-il de passer des années derrière les barreaux ? N'aurait-il pas dû être acquitté, simplement au bénéfice du doute ? Intelligemment, Roschdy Zem, réalisateur, ne répond pas vraiment: il (r)ouvre quelques pistes, partielles et parfois partiales, qui peuvent simplement donner matière à réflexion. Bien qu'il se garde de tout manichéisme exacerbé, on imagine facilement le trouble qu'Omar m'a tuer a pu causer à la famille et aux proches de feue Ghislaine Marchal.

Cinématographiquement, sans qu'on y prête forcément attention, deux techniques ont été adoptées. Pour suivre les pérégrinations éditoriales de Jean-Marie Rouart, alias Pierre-Emmanuel Vaugrenard joué par Denis Podalydès, la caméra tourne à distance, parfois posée sur un rail. Inversement, s'il s'agit de s'intéresser à Omar Raddad himself, incarné par un Sami Bouajila impressionnant d'expressivité, elle s'approche, renforçant encore la possible empathie ressentie pour le sujet. Omar m'a tuer, sans être un plaidoyer, évite délibérément les réquisitoires. C'est aussi, d'après moi, l'histoire d'une métamorphose, celle d'un comédien qui n'a pas hésité à perdre 18 kilos pour devenir son personnage. Le fond du propos ne peut sans doute pas emporter une totale adhésion, mais il reste toujours cette transformation dont le modèle lui-même reconnaît l'efficacité. "Ces mots sont les miens. Ce film, c'est ma vie", a pu dire en substance Omar Raddad, le vrai. Un aspect me dérange quelque peu: parce qu'on peut rester sur une impression trompeuse, et, objectivement, sur une petite phrase devenue inexacte, il est dommage que les derniers développements judiciaires de l'affaire, qui auraient pu être cruciaux pour l'avenir, ne soient pas mentionnés.

Omar m'a tuer
Film français de Roschdy Zem (2011)
Je reviens sur la date de sortie: j'ai d'autant plus de mal à concevoir un hasard que le titre, lui, ne laisse aucune place au doute, écrit d'ailleurs sur l'affiche du film tels que les mots l'étaient sur la porte de sinistre mémoire. En dépit de ces indélicatesses, le long-métrage reste intéressant à suivre et, ainsi que je l'ai également souligné, permet à Sami Bouajila de démontrer toute l'étendue de son talent. Maintenant, je n'ai pas souvenir d'autre film sur une possible erreur judiciaire pour une comparaison de style. Le grand Douze hommes en colère, je l'ai vu au théâtre, avec un Michel Leeb très convaincant dans le rôle tenu jadis par Henry Fonda. Dans ma pile de DVDs, j'ai aussi L'affaire Dominici avec Jean Gabin. Et j'ai noté que la justice pénale française semble de nouveau inspirer les réalisateurs cinéma. On annonce prochainement des productions sur la tragédie d'Outreau ou le meurtre de la famille Flactif au Grand Bornand. À suivre...

samedi 9 juillet 2011

QT, Jamie et moi

Une chronique de Martin

Parce que le cinéma, c'est fait pour s'amuser, je coupe ici, volontairement, le rythme de mes chroniques ordinaires par un texte un peu fantaisiste. Je n'en ai encore jamais écrit dans le genre. Objectivement, ça repose sur trois fois rien, mais voyez plutôt...

Je suis en retard: il y a déjà quelques semaines, la presse cinéma nous apprenait que Quentin Tarantino était à la recherche d'un acteur noir pour son prochain film, présenté comme un western et connu (provisoirement ?) sous le nom de Django unchained. Une histoire d'esclavage et de vengeance. Aujourd'hui, j'ai un souci: QT a trouvé son bonheur. Bah... voici quand même ceux à qui j'avais pensé.

D'abord, Jamie Foxx, que je n'avais pas retenu dans ma petite liste des possibles, mais qui a finalement décroché la timbale. L'avenir nous dira si c'est un bon choix: j'ai de fait apprécié les deux films que j'ai vus avec l'intéressé, L'enfer du dimanche et Collatéral. J'aurais préféré Will Smith, qui était aussi... le premier choix de QT !

Autre option à laquelle j'ai cru: Samuel L. Jackson. Elle m'a paru d'autant plus crédible que le comédien a déjà travaillé avec QT, incarnant un tueur évangéliste dans Pulp fiction. Il est ma foi positif que le réalisateur innove un peu et évite la facilité de tourner plusieurs fois avec les diverses stars qui ont contribué à son succès. Même s'il y a des exceptions... mais ça, c'est une autre histoire !

Pour jouer les affranchis, à tous les sens du mot, je pensais également que Morgan Freeman ferait l'affaire. Son nom évocateur parle pour lui, n'est-ce pas ? Sans doute qu'à 74 ans, le vieux copain de Clint Eastwood a d'autres ambitions cinématographiques. Notez bien toutefois qu'il est malgré tout assez crédible en papy flingueur ! Pour le vérifier, je vous renvoie par exemple à ma chronique de Red.

Denzel Washington, un prétendant ? Son interminable filmographie fait de lui un candidat sérieux, mais peut-être justement un peu trop. Je n'ai pas vu tous ses films, mais j'ai peine à penser à un rôle décalé comme peuvent l'être ceux que Quentin Tarantino offre parfois. Et puisque DW a été un American gangster, je me dis finalement qu'une future collaboration reste envisageable. À suivre...

Personnellement, je crois que j'aurais choisi Eddie Murphy ! Désormais sorti des pitreries de la série Shrek, j'aurais bien vu l'infatigable comique faire un surprenant retour pour marquer l'année de ses 50 ans ! Je crois avoir noté que l'intéressé a un contrat d'exclusivité avec Paramount Pictures: cela peut-il expliquer certains de ses choix cinématographiques ? Possible. Et tant pis pour QT...

Le flic de Beverly Hills, quand même, ça aurait eu de la gueule ! Maintenant, ce qui aurait pu être sympa également, c'est de voir débouler Danny "Roger Murtaugh" Glover. Serait-il en fait trop vieux pour ses conneries ? Je ne crois pas, quand même ! Je constate ici qu'il tourne encore beaucoup: pas moins de dix films l'année dernière et au moins quatre cette année. Alors, autre partie remise ? À voir. Les quatre Arme fatale semblent quand même loin, aujourd'hui...

Pour Sidney Poitier, je veux bien l'admettre, c'était moins évident. Désormais âgé de 84 ans, le tout premier Noir couronné d'un Oscar du meilleur acteur - c'était en 1963, pour Le lys des champs - reste absent du cinéma depuis 2006 et un film ironiquement intitulé Bicentennial nigger. Décoré il y a deux ans par Barack Obama himself, il faudrait quand même que je me décide à le découvrir...

Et maintenant, la première comédienne noire récompensée de l'Oscar de la meilleure actrice ! Vous connaissez ? C'est Halle Berry ! J'ai secrètement rêvé que Quentin Tarantino nous prenne à contre-pied et nous réserve l'une des fantaisies dont il est coutumier en optant pour un premier rôle féminin là où tout le monde imaginait plutôt une incarnation masculine. Raté ! On reverra la belle Halle en fin d'année dans New year's eve, film sur la Saint-Sylvestre de plusieurs couples. Tout ça s'annonce bien différent... et moins sanguinolent, je pense.

Et vous alors, les amis ? Vous auriez choisi qui, à la place de QT ?

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Précision (mercredi 20 juin, 19h25):
J'ai corrigé le texte sur Morgan Freeman pour confirmer ce qu'indique David en commentaires: l'acteur a 74 ans et non pas 64. Il faut croire que j'étais encore un peu endormi quand j'ai fait ce simple calcul...