mercredi 31 août 2022

Tels des naufragés

C'est terrible: j'ai l'impression que Des feux dans la nuit est passé totalement inaperçu. Quand j'ai repéré cet opus à l'affiche du cinéma que je fréquente le plus, en première semaine, il passait quatre fois par jour. Et sept jours plus tard, il n'avait plus droit qu'à une séance quotidienne (à 21h40). J'y suis allé un vendredi soir. J'étais tout seul !

Adaptation libre d'une nouvelle du Japonais Akira Yoshimura, le film nous conduit sur une île, au 16ème siècle. Les habitants d'un village tentent de survivre grâce à la pêche. Les hautes montagnes voisines n'offrent aucune alternative à cette existence morne et misérable. Quand la disette s'éternise, le dernier recours est celui d'un homme extérieur à la communauté. Lui passe de temps en temps échanger quelques sacs de grain contre ceux qui, pour sauver leurs familles affamées, n'ont plus d'autre solution que de se vendre eux-mêmes. Entièrement tourné en Corse, le long-métrage impose un contraste saisissant entre la magnificence de son décor naturel et les aspects sordides de son scénario. Oui, la beauté gagne et la dureté avec elle. Des feux dans la nuit ne laisse que peu de place à l'espoir d'un monde meilleur pour ses personnages et, au passage, égratigne l'image lisse de certains d'entre eux. Et assurément, cela vient renforcer le récit...

Le film a aussi le mérite de révéler un jeune acteur: Igor van Dessel. Dans toute la distribution, je ne connaissais guère qu'Ana Girardot. La fille d’Hippolyte se tire honorablement de son rôle de guérisseuse du village et est également parvenue à m'émouvoir en mère-courage. J'ai aussi reconnu Jérémie Elkaïm, mais il n'a qu'un tout petit rôle dans cette histoire (même si, à vrai dire, il est tout à fait central). Sincèrement, je vais ajouter que Des feux dans la nuit m'a aussi plu sur le plan formel, avec sa palette bleutée, douce et froide à la fois. L'irruption soudaine du rouge sera un tournant - je n'en dis pas plus. Tout cela est très épuré, à vrai dire, et il m'apparaît donc probable que le réalisateur n'ait disposé que d'un budget relativement modeste. L'atmosphère de conte qu'il a créée est digne d'éloges: je dois avouer que c'est elle qui a titillé ma curiosité, et ce dès la bande-annonce ! Bref, vous l'aurez compris: je ne regrette pas ma séance "en solo". Reste à espérer que le long-métrage puisse profiter d'une seconde vie décente côté télé et vidéo. J'ai, malheureusement, quelques doutes...

Des feux dans la nuit
Film français de Dominique Lienhard (2022)

Un beau travail d'artisan et l'un de mes coups de coeur du millésime. Pourquoi est-il absent de tant de médias ? Je l'ignore. Sa sortie estivale semble le condamner à l'anonymat: c'est vraiment dommage. Navré, mais je me sens un peu sec pour les comparaisons possibles ! Plus tôt cette année, j'avais aimé un autre drame posé dans un cadre d'une incroyable beauté: le très étonnant Piccolo corpo, venu d'Italie.

lundi 29 août 2022

Au nom de la morale

Il s'appelait Saeed Hanaei et voulait sauver sa ville de la déchéance. En substance, c'est en tout cas l'explication qu'il donna aux autorités après avoir assassiné seize femmes, prostituées et souvent junkies. Survenue en 2000 et 2001, cette très sordide histoire nous parvient grâce au cinéma et un film qu'elle a inspiré - Les nuits de Mashhad...

D'abord, une précision s'impose: Mashhad est la deuxième ville d'Iran en termes de population. Et l'ex-président Mahmoud Ahmadinejad estimait qu'elle était aussi (je cite) "la capitale spirituelle" du pays ! Vous le savez probablement: là-bas, la religion est une composante essentielle de la vie sociale, souvent sclérosée par une morale définie par les gardiens de la foi. C'est en ce sens que Les nuits de Mashhad peut être perçu comme un film important. En confiant une enquête criminelle au long cours à une femme journaliste, le scénario invente quelque chose qui n'existait pas dans la réalité et révèle l'intention première de l'auteur-réalisateur: se servir de ces monstrueux faits divers pour exposer le délitement et la corruption des autorités iraniennes - ce que le gouvernement de Téhéran a bien sûr dénoncé. Que le cinéaste vive depuis longtemps en Europe le disqualifierait pour parler ainsi de son pays d'origine. Cela, je vous laisse en juger...

Et moi ? Je trouve que Les nuits de Mashhad tient du réquisitoire implacable (et au moins partiellement justifié). J'admets volontiers qu'avant même d'aller le voir, je me suis également posé la question de sa nationalité. Conclusion: qu'il soit financé par des producteurs danois, suédois, allemands et français n'est pas le plus important. Comment peut-on reprocher à l'équipe d'avoir tourné en Jordanie plutôt que clandestinement ? Comment méjuger Zahra Amir Ebrahimi, Prix d'interprétation féminine à Cannes cette année, exilée en France et jadis menacée de coups de fouet dans une affaire de sextape ? Vous me direz que je m'éloigne du cinéma et vous n'aurez pas tort. Maintenant, pour y revenir, je ne dirai pas que j'ai vu le film parfait. Extrêmement explicite dans ses scènes violentes, le long-métrage risque de choquer certains spectateurs - j'étais moi-même à la limite. Restent un sujet important, donc, des comédiennes et comédiens solides dans l'ensemble, et une mise en scène tout à fait à la hauteur. Des films imparfaits de ce calibre, je suis décidé... à en voir d'autres.

Les nuits de Mashhad
Film germano-franco-suédo-danois d'Ali Abbasi (2022)

Ce long-métrage n'est pas qu'un thriller de plus. Malin, son montage alterné nous intéresse successivement à l'enquête et à la condition sociétale des Iraniens coupés des (prétendues) élites. Je dois signaler que c'est parfois bien difficile à regarder et, plus encore, à admettre. Le parallèle possible avec La nuit du 12 a quelque chose d'effarant. Vous préféreriez voir un film iranien ? Je suggère Un homme intègre.

----------
À l'évidence, le film ne fait pas l'unanimité...

Assez longtemps indécis, j'ai failli rater sa diffusion sur grand écran ! Dasola, elle, paraît l'avoir vraiment apprécié. Pascale ? Un peu moins.

samedi 27 août 2022

Ça fait peur ?

Vous l'aurez compris en me lisant: le film que j'ai présenté avant-hier m'a laissé un peu sur ma faim du strict point de vue de l'épouvante. Résultat: je me suis demandé ce qui pouvait faire peur au cinéma. J'imagine qu'il vaut mieux ne pas se contenter d'être dans son canapé pour trembler vraiment. Et le choix des personnages me paraît large !

Nosferatu le vampire / Friedrich Wilhelm Murnau / 1922
En remontant vers les origines de la terreur, je me dis que le vampire est le premier freak du septième art. Son âge avancé impressionne. S'il évite gousses d'ail et pieux dans le coeur, il restera un adversaire coriace, mais tellement connu désormais qu'il ne suscitera qu'un effroi relatif. Et voilà longtemps qu'on retient aussi son côté romantique. Personnellement, je n'ai pas le souvenir qu'une créature aux dents longues m'ait jamais fait frémir. OK, si cela change, je vous le dirai ! Il est avéré que je suis encore loin d'avoir fait le tour de la question...

World war Z / Marc Forster / 2013
Étaient-ils vraiment partis ? Ces dernières années, j'ai l'impression que les zombies ont fait un retour fracassant dans les salles obscures. Ici ou ailleurs, je note qu'il n'est pas toujours simple de comprendre comment tuer un mort-vivant - euh... si tant est que ce soit possible. J'ai constaté aussi que certains de ceux d'aujourd'hui en ont terminé avec les mouvements lents et se déplacent même beaucoup plus vite que le commun des mortels. Je préfère ceux qui inspirent des films comiques ! Peut-être parce que ça renforce leur apparence humaine...

The host / Bong Joon-ho / 2006
J'en arrive à toutes les créatures de poils, de plumes ou d'écailles. L'imagination des designers de cinéma est sans limite: je pense donc que nous sommes encore loin d'avoir éradiqué ces fichues bestioles. Comment les reconnaître ? À leur taille démesurée et à leur appétit vorace pour la chair humaine ! Leur mode de vie, lui, peut varier. Certaines aiment se tapir dans un coin sombre en attendant l'instant idéal pour bondir sur leur proie, mais d'autres attaquent en plein jour. Face à elles, le meilleur réflexe à adopter est sans nul doute de fuir...

Ça / Andrés Muschietti / 2017
Bon... cette fois, ça passe ou ça casse. J'ai connu une amie effrayée à la simple idée de croiser un clown. Moi, c'est le contraire: le nez rouge m'évoque d'abord l'artiste de cirque qui fait rire les enfants. Inutile de choisir: un camp: les deux sentiments se valent, dirais-je. Toutefois, c'est bien du côté du mal que la balance semble pencher depuis quelques années désormais, au grand dam des coulrophobes. Ces derniers sont d'ailleurs pris très au sérieux par les psychiatres. Finalement, j'ai du bol: la séance cinéma me coûte bien moins cher...

Les autres / Alejandro Amenàbar / 2001
Et les fantômes, maintenant ? C'est à ceux que va ma préférence. Pourquoi diable ? Simplement parce que j'aime croire que ce qui est là n'est pas toujours perceptible et inversement ! Autre source de plaisir cinématographique: ce constat que les esprits s'incarnent de façons très diverses - et pas forcément pour faire peur. Sur écran, il arrive qu'un(e) protagoniste soit ravi(e) d'être hanté(e) ou ose s'en amuser. Cela peut à coup sûr donner lieu à quelque jolie histoire fantastique. Pour en connaître une, la condition est de ne pas avoir peur du noir...

Les dents de la mer / Steven Spielberg / 1975
Après ce tour d'horizon (que vous pourrez compléter à l'envi), je crois qu'il serait de bon ton de conclure en vous parlant très ouvertement de ce qui peut me faire le plus peur: ce qu'on ne nous montre pas ! Sûrement frustrant pour certains amateurs de cinéma, le hors-champ constitue pour moi une grande source d'imagination - s'il est utilisé avec intelligence et parcimonie, évidemment. L'un de mes fantasmes absolus serait de voir un film qui fasse frissonner sans RIEN dévoiler. Certains commencent ainsi, c'est vrai, mais sans "tenir la distance". Allez savoir: peut-être que ce qui reste dans l'ombre est mieux perçu que ce qui saute aux yeux, en fait. Ouais, je n'en suis pas aussi sûr...

----------
Je vous répète que le débat est ouvert...

Vous pouvez dès lors enrichir cette liste de tous vos monstres à vous !

jeudi 25 août 2022

Sous la surface

L'urbex, vous connaissez ? Cette pratique consiste à visiter des lieux divers construits par l'homme et finalement, après un certain nombre d'années d'utilisation, laissés à l'abandon. La fascination (artistique) que j'éprouve à l'égard des fantômes en tous genres y trouve un écho. Et c'est notamment cela qui m'a motivé à regarder The deep house...

Autant vous le dire: les critiques que j'avais parcourues sur cet opus français joué par un duo anglo-saxon auraient pu me décourager. Après tout de même quelques atermoiements, j'ai fini par plonger avec Tina et Ben vers la "maison profonde" du titre. Je rembobine juste pour vous: les deux personnages, amoureux, sont en vacances quelque part dans la France rurale et ont entendu parler d'un lac recouvrant d'anciennes habitations. Problème: ledit lac est une base touristique importante et il semble dès lors impossible d'y plonger. Heureusement pour les tourtereaux, un homme habitant les environs entend leur déception et se propose de les conduire vers un site capable d'étancher leur soif d'aventure. La suite se passe sous l'eau. Comme vous l'imaginez, elle est plutôt éprouvante pour les nerfs ! Certain(e)s d'entre vous risquent de se noyer au premier poisson vaguement inquiétant. Les autres s'accrocheront à un long-métrage très moyen, que son décor subaquatique sauve du complet naufrage. Trois étoiles, donc ? Oui, oui ! Parce que j'ai décidé d'être généreux...

The deep house
Film français d'Alexandre Bustillo et Julien Maury (2021)

Les deux garçons n'en sont pas à leur coup d'essai, mais j'ignore tout des autres films qu'ils ont réalisés ensemble. Il leur a été reproché d'être peu inventifs et ce malgré leur volonté affichée d'apporter quelque chose d'original au genre horrifique - une critique fondée. Autant revenir à un classique comme Massacre à la tronçonneuse. Sauf si vous préférez les fantômes - et le frisson - de Sixième sens...

lundi 22 août 2022

Un séduisant brigand

Je n'ai pas compté. Je ne sais donc pas combien de fois le cinéma s'est efforcé de nous rendre un voleur sympathique. Je suis convaincu qu'il existe des centaines d'exemples - et sur Mille et une bobines aussi. J'ajoute aujourd'hui à la liste The grey fox, un film canadien que j'ai découvert par hasard et qui célèbre ses 40 ans, cette année...

Bill Miner, lui, en a une bonne cinquantaine quand l'administration pénitentiaire américaine le libère, après 33 ans derrière les barreaux. Voleur dès son plus jeune âge, braqueur de diligences, notre homme retrouve alors sa soeur, malgré la franche hostilité de son beau-frère. Las ! Il ne parvient pas à se convertir en sage travailleur et se décide à reprendre sa route pour rallier le Canada et... y attaquer des trains. Je vous laisse découvrir la suite, mais le fait est que ce Bill Miner s'avère franchement attachant. Le sourire timide et les grands yeux bleus de l'acteur Richard Farnsworth n'y sont sûrement pas pour rien. Néanmoins, le film a bien d'autres atouts, avec une distribution riche d'actrices et d'acteurs inspirés, ainsi qu'une esthétique de western aux petits oignons. The grey fox est censé se dérouler au tout début du 20ème siècle: c'est donc le portrait d'un homme soudain dépassé par son temps, mais pourtant combattif et assez loin d'être désabusé. Bon... j'insiste (un peu): ce film m'a procuré beaucoup de plaisir. Nommé treize fois aux Genie Awards canadiens, il repartit avec sept !

The grey fox
Film canadien de Phillip Borsos (1982)

Coup de coeur instantané pour cet opus dont j'ignorais l'existence jusqu'à son passage sur mon écran-radar, il y a quelques semaines. Superbement filmé et parfaitement joué, il ne mérite pas de tomber dans l'oubli. Cela dit, Butch Cassidy et le Kid reste ma référence première des voleurs séduisants au Far West. Pour citer un film moins connu, je choisirais Bad company. Un peu plus mélancolique...

----------
Un dernier mot...

J'ai cherché en vain la trace du renard gris chez mes amis de blogs. NB: le moteur de recherche était en panne chez Ideyvonne et Eeguab. J'ajouterai volontiers tout lien pertinent sur le long-métrage du jour !

vendredi 19 août 2022

Tréfonds

La nuit du 12 restera, je crois, comme l'un des grands films français du millésime actuel. Je vous avoue que je fondais de grands espoirs sur ce polar. Et au final, je le constate: il les a parfaitement comblés. Cela ne veut toutefois pas dire que je le conseillerais à tout le monde. La justice peut être une lumière. Cet opus, lui, s'avère très sombre...

D'emblée, nous sommes plongés dans la réalité la plus crue: un carton préalable nous indique qu'en France, un meurtre sur cinq demeure sans coupable identifié. Et nous voilà embarqués dans une brigade criminelle, qui, de nuit, fête le départ à la retraite d'un de ses chefs. Seulement des hommes dans ce groupe. Pas forcément les plus fins. Aussitôt après, le cadavre partiellement calciné d'une jeune femme est découvert dans une rue d'une ville moyenne des Alpes. Deux flics venus de la grande ville fouillent aussitôt dans la vie de la victime pour identifier un suspect (ou au moins un mobile). L'image proprette de Clara en prend un coup, mais de fait sans que l'enquête avance pour autant. Et le film nous montre très bien le côté ingrat et futile de l'investigation policière. C'est tout à la fois sobre et passionnant...

Si ce n'est face à la mort primitive, La nuit du 12 n'est pas un film spectaculaire. Disons plutôt qu'il ne joue pas sur des effets tapageurs. Il montre au contraire ce que l'être humain peut être - ou devenir - devant la violence et, a fortiori, dès lors qu'il se heurte à des murs malgré ses envies de comprendre. L'énigme qui est (pro)posée compte moins que la profonde étude de moeurs, d'une subtilité rare. En ce sens, le long-métrage vient nous bousculer tant il sait s'ancrer dans notre époque - et notamment au sujet de la condition féminine. Chacun à leur place, les actrices et les acteurs jouent parfaitement sur toutes les nuances du scénario, dont les belles qualités d'écriture paraissent renforcées par la "plastique" du film, ses images, ses sons et même ce à quoi il fait allusion, ce qu'il suggère... c'est très solide !

Autre aspect très intéressant: le récit nous montre progressivement que, même en groupe, on peut se retrouver tout à fait seul, soudain. C'est pour cela que tout paraît si noir, finalement, les faits criminels eux-mêmes ne servant alors que de révélateurs - terribles symptômes d'une société individualiste, de plus en plus à la dérive. L'empathie existe, mais elle a le plus souvent tendance à s'effacer avec le temps. Dès lors, les ellipses que s'autorise le film lui apportent un sens incroyablement puissant: elles montrent que l'oubli peut parfois faire des ravages, mais aussi, heureusement, que les années qui passent et le courage de certains sont susceptibles d'apporter de l'apaisement. Le tout en deux heures de cinéma, cela fait beaucoup, me direz-vous. C'est vrai ! Mais nul n'est obligé d'y voir autre chose qu'un bon polar...

Je dirais que le crime nous place face aux tréfonds de l'âme humaine. Pour ma part, j'ai également aimé La nuit du 12 car il se déroule dans des montagnes proches de chez moi. J'irai les voir de plus près d'ici quelque temps, sans doute, non par fétichisme, mais par envie d'apprécier leurs beautés indéniables d'un peu plus près. Avec un oeil passionné et donc attentif, je pense surveiller également le palmarès des César 2023, où j'espère voir certains comédiens et/ou techniciens de ce grand moment de cinéma (qui paraît faire l'unanimité critique). Entre les deux, je verrai peut-être d'autres films du même cinéaste. Je crois qu'il serait intéressant aussi de lire le texte qui l'a inspiré dans 18.3 - une année à la PJ, un livre de Pauline Guéna paru en 2020 aux éditions Denoël. Votre avis m'intéresse, si vous m'avez précédé...

La nuit du 12
Film français de Dominik Moll (2022)

Ma conclusion est tout à fait positive. Ce qui est ici montré des flics n'est peut-être pas conforme à la réalité, ni même juste "proche de". N'empêche: la complexité, le non-manichéisme et les nuances du film ont permis que je m'intéresse de près à cette enquête (non-aboutie). Pour la facette immersion policière, Scènes de crimes et BAC Nord me semblent un peu moins justes. Et j'aimerais aussi revoir L. 627...
 
----------
Pour aller plus loin avec ce film...

Vous pourriez lire les avis de Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.

mercredi 17 août 2022

Aux origines de l'infini

Les Anglo-saxons appellent cela un spin-off. On prend un héros secondaire apparu dans tel ou tel film... et on en fait le héros principal d'un tout nouvel opus. Et 27 ans après avoir été le comparse du cowboy Woody dans Toy story, Buzz l'Éclair a eu droit à "son" film !

On peut aussi parler d'une origin story, dans la mesure où un carton nous informe d'emblée que tout ce qui va nous être raconté se passe avant ce que l'on connaît déjà (ou ce que l'on est supposé connaître). Rassurez-vous: si vous êtes passé à côté, Buzz l'Éclair - le film - demeure vraiment une oeuvre indépendante. Elle raconte l'histoire d'un groupe d'hommes et de femmes qui se sont posés sur une planète lointaine pour découvrir 1) qu'elle était hostile et 2) que le seul moyen de retourner sur Terre leur était désormais totalement inaccessible. Enfin... jusqu'à ce que l'un d'eux se lève pour changer cela, bien sûr ! Sur une trame assez classique, ce film d'animation est très efficace pour nous emmener dans les étoiles. C'est une comédie intelligente. On y dit deux mots de l'adaptation de l'humain à son environnement...

C'est prévisible: le film invente aussi une galaxie de protagonistes autour du premier d'entre eux. Dans l'ensemble, ils sont tous rigolo ! Chat-robot, spationaute franchement maladroit ou grand-mère rebelle inquiète à chaque apparition de la police, le casting est attachant. J'ajoute qu'il n'est pas que blanc et qu'il comporte deux personnages de femmes homosexuelles - ce qui me semble inédit chez Disney. Attention: je ne veux pas vous gâcher le bonheur de la découverte. Formellement parlant, Buzz l'Éclair est une merveille, évidemment. Dans mon entourage, une petite fille de 8 ans et demi l'a apprécié sans réserve. Même constat pour... ma mère, qui l'a vu avec moi. Pourquoi bouder son plaisir ? Après plusieurs films du studio Pixar réservés aux plateformes et supports numériques, c'est chouette d'enfin renouer avec l'écran géant et l'émotion collective du cinéma. Vers l'infini et au-delà ? Peut-être. Soyez-en assurés: je suis partant !

Buzz l'Éclair
Film américain d'Angus MacLane (2022)

Une réussite. Et ensuite, des suites ? Ce n'est évidemment pas exclu. Mais j'insiste: cet opus peut se suffire à lui-même et faire la joie d'enfants de tous âges - jusqu'à la majorité et bien au-delààààààààà. Après l'avoir vu, vous aurez peut-être envie de revenir aux sources avec Toy story (et ses trois prolongations). Pour rester dans l'espace encore, je vous re-recommande le 100% made in France Terra Willy !

lundi 15 août 2022

Un bout d'chemin ?

Elle est actrice, lui compositeur de musiques de films. Un projet commun permet à Françoise et Henri de se rencontrer à New York. Ensemble, ils oublient leur vie d'avant et entament alors un road trip vers Las Vegas. En gros, hein ? Je passe quelques étapes, sachez-le. Un homme qui me plaît, un p'tit air de Lelouch ? Normal: c'en est un !

Je n'ai jamais été dingue dudit Claude, mais cet opus millésimé 1969 sent bon la liberté et s'avère plutôt sympathique. Si j'ai eu envie d'adhérer à l'escapade des deux personnages, c'est bien grâce au duo qui les incarne: Annie Girardot et Jean-Paul Belmondo, un couple étonnant au cinéma, mais dont le potentiel glamour est intéressant. Mademoiselle apparaît un peu plus à son aise que Monsieur, en fait. Rien de scandaleux: on arrive à croire en la possibilité d'une idylle. Surprises: à de nombreuses reprises, le scénario s'écarte d'une route trop balisée et change même d'orientation en toute fin de parcours. Pourquoi ? Comment ? Je vous laisse le découvrir par vous-mêmes. Imparfait, le long-métrage a un certain charme - difficile à définir. Lelouch l'a dit: "Il nous emmène au cinéma et est rattrapé par la vie".

Un homme qui me plaît
Film français de Claude Lelouch (1969)

Je ne sais pas si c'est mon DVD, l'étalonnage sonore du film lui-même ou autre chose, mais j'ai parfois eu du mal à entendre les dialogues. Sans cela, il aurait peut-être obtenu une note légèrement supérieure. Bon... sans en tomber amoureux, j'ai plutôt bien aimé l'ensemble. Quelque part entre Pierrot le fou et... Thelma & Louise, cet opus trouve sa force dans quelques plans sublimes. Et sa fin, inattendue...

dimanche 14 août 2022

Un instantané photo

C'est la fin de la semaine et je vais faire plutôt court aujourd'hui. Quelques mots rapides, simplement, pour évoquer Hiroshi Sugimoto. Vous le connaissez ? Ce photographe japonais a 74 ans. J'ai découvert une partie de son travail au cours d'une grande exposition d'art contemporain. J'en parle parce qu'il a un - petit - lien avec le cinéma !

En 1978, Sugimoto a imaginé une série de photos en noir et blanc intitulée Theatres (en anglais). Il s'est rendu dans de vieilles salles désaffectées de l'époque du muet, avec l'écran comme seule source lumineuse. Grâce à une pose lente, il a ainsi saisi sur pellicule un film complet à chaque fois: un effet fantomatique garanti... et recherché par l'artiste qui, d'après Wikipédia, s'est fait connaître par sa volonté de démontrer que ce que montre une photo n'est pas la réalité exacte. J'aurais beaucoup à dire sur ce point, mais je préfère laisser le débat ouvert à vos éventuels commentaires et vos rétines à 99% disponibles pour découvrir l'artiste comme je l'ai fait: sans le moindre a priori. Vous m'en direz des nouvelles: l'expression est désuète, mais sincère. D'ailleurs, il se peut que je reparte bientôt sur les traces de Hiroshi...

----------
Et vous, alors, les ami(e)s qui passez ici...

Vous connaissiez cet artiste ? Vous en auriez d'autres à me conseiller ? Je suis tout ouïe, car c'est un fait: il me reste beaucoup à apprendre !

vendredi 12 août 2022

Paroles et musique

La mort a-t-elle une valeur ? On a tous en tête un exemple d'artiste décédé dont, soudain, les ventes explosent - ou bien de plateforme musicale prompte à augmenter ses prix sitôt après la mort d'une star populaire. Sorti en juin, Le goût et les couleurs évoque ce sujet sensible et s'efforce d'en faire un argument de comédie. Et pas que...

Marcia, une jeune musicienne qui a fait un début de carrière correct avec son premier album - "deux chansons diffusées par les radios" selon son manager - aimerait donc écrire un deuxième avec celle qu'elle considère comme une référence: Daredjane, une chanteuse solitaire que le public a complètement oubliée. L'ex-idole se laisse convaincre de la sincérité de son admiratrice, mais meurt soudain dans un accident probablement causé par l'abus d'alcool. Et l'héritier de ses droits, lui, n'a vraiment aucun intérêt pour le patrimoine musical dont il a désormais la responsabilité: sans scrupule, il est prêt à le vendre à qui lui en offrira le meilleur prix ! Les questions d'intégrité artistique ne le concernent guère. Voilà... sur cette base intéressante, le film nous offre une vraie-fausse comédie romantique décente et (parfois) un peu caricaturale. On a le droit de sourire, oui. Rire ? Je n'y suis pas parvenu. Mais rien d'étonnant à cela, dirais-je...

Les goûts et les couleurs
est un film qui joue sur plusieurs tableaux. Dans le rôle principal, Rebecca Marder s'avère plutôt convaincante pour exprimer la relative complexité de son personnage. La manière dont Marcia évolue est bien relatée, mais quelques petites faiblesses dans l'écriture scénaristique rendent certains des rebondissements invraisemblables (ou précipités dans un film de presque deux heures). Au final, j'ai pensé que le récit était trop dense: les vingt minutes initiales sont assez jolies et la fin inattendue, ce qui reste à l'honneur du réalisateur-scénariste, Michel Leclerc, d'ailleurs fidèle à lui-même. Même si je regrette quelques clichés, j'ai du respect pour son travail d'auteur, clairement engagé à gauche, et me semble-t-il capable d'autodérision. Ici, il s'entoure d'acteurs sympathiques, Félix Moati, Philippe Rebbot et Judith Chemla semblant tous à leur juste place. Désolé pour Eye Haïdara, un peu larguée en chemin. Si je peux dire...

Les goûts et les couleurs
Film français de Michel Leclerc (2022)

Je vous disais que le cinéaste était fidèle à lui-même: l'arrière-plan politico-social du film reste relativement discret dans cette comédie honnête. L'ancrage à gauche des idées était, à mon sens, plus net dans d'autres opus comme La lutte des classes ou Le nom des gens. Est-ce le signe d'une évolution ? On verra bien la suite. Pour le côté musical, j'avoue sans hésiter préférer Once et/ou New York melody.

----------
Attention à ne pas confondre...
Un autre film français est sorti sous le même titre en juin... 2018. Réalisé par Myriam Aziza, il raconte l'histoire d'une femme lesbienne et juive, tombée amoureuse d'un chef cuisinier d'origine sénégalaise. Présenté ainsi, j'avoue que je n'ai pas très envie de le voir, en fait...

Si vous voulez davantage de précisions...
Vous pouvez également aller lire la chronique - positive - de Pascale.

mercredi 10 août 2022

L'ode au voleur

Connaissez-vous Albert Spiaggari ? Cet homme aux multiples visages est resté célèbre pour avoir été l'organisateur du "Casse du siècle". C'était à Nice, en juillet 1976: après avoir creusé une longue galerie depuis les égouts de la ville, le malfaiteur et ses quelques complices sortaient de la Société Générale... avec cinquante millions de francs !

Malgré son sens très personnel de la justice et son clair attachement pour l'Algérie française, il semble qu'Albert Spiaggari ait conservé jusqu'à sa mort - en 1989 - une certaine affection dans les coeurs niçois. Le film Sans arme ni haine ni violence témoigne de cet état de fait: acteur et réalisateur, Jean-Paul Rouve dresse un portrait flatteur du truand populaire qui, c'est vrai, n'a jamais tué quiconque dans le cadre de ses activités délictueuses. L'aspect très pittoresque du personnage ressort pleinement, d'autant que d'importantes libertés ont été prises avec le strict cadre biographique, si j'ai bien compris. L'idée du scénario est de rendre le filou attachant et très impliqué dans la construction de sa propre légende. Ainsi, la grande interview qu'il accorde à un supposé journaliste de Paris Match (Gilles Lellouche) apparaît-elle comme une goutte de plus dans un océan de mensonges. Le résultat est là: le voleur en cavale apparaît plutôt sympathique. Appréhendé comme un divertissement, le long-métrage tient la route. C'est très souvent le cas des histoires de braquage portées à l'écran...

Sans arme ni haine ni violence
Film français de Jean-Paul Rouve (2008)

Une note généreuse pour cet opus simple, vite oublié, mais agréable. Franchement, Jean-Paul Rouve m'est apparu ici plus à son avantage que Francis Huster filmé par José Giovanni (Les égouts du paradis). Libre à vous de préférer le diptyque Mesrine, sorti la même année. Pour ma part, je préfère rester encore un moment sur la Côte d'Azur avec Mélodie en sous-sol et La bonne année ! Un brin de nostalgie...

----------
Je termine avec mes traditionnels liens...

Je vous renvoie ainsi aujourd'hui vers les blogs de Pascale et Laurent.

lundi 8 août 2022

À quelques pas

Les films de Kelly Reichardt sont à la fois réputés et confidentiels. Généralement (très) bien accueillis par la presse, ils n'attirent guère qu'un nombre limité de spectateurs dans les salles de cinéma françaises. C'est dommage: la réalisatrice nous parle de l'Amérique d'aujourd'hui d'une façon singulière - et qui vaut donc bien le détour...

Dans Old joy, l'intrigue tourne à 99,9% autour de deux personnages masculins: Mark, en passe de devenir père, et Kurt, son vieux copain célibataire qu'il avait presque oublié et qui lui propose d'aller passer tout un week-end en bivouac, à proximité immédiate d'une source chaude. À peine plus d'une heure durant, ce scénario, minimaliste, nous embarque avec les deux hommes, qui se parlent assez peu pendant leur escapade. Quand elle ne les filme pas, la caméra se pose sur la nature environnante ou les abords des routes qu'ils parcourent sans trop se soucier de savoir où elles peuvent mener exactement. Pour eux et pour nous, il s'agit de contempler, voire de s'abandonner. Ce voyage n'est pas de ceux dont on revient émerveillé par l'aspect fabuleux des sites qu'il nous aura permis de découvrir enfin. Je dirais qu'il est d'abord intérieur et, de ce fait, propre à chacun de nous. "Une méditation discrète et sensuelle", comme l'a présenté Le Monde.

Old joy
Film américain de Kelly Reichardt (2008)

Cette "vieille joie" née d'un cheminement apaisé vers l'environnement proche peut, c'est vrai, échapper à certains d'entre vous, mais reste dans le droit fil de ce que la cinéaste a pu nous offrir par ailleurs. (Re)découvrir First cow après cet opus imaginé plus de dix ans auparavant pourrait être une très bonne idée, même si Night moves reste le plus accessible des Kelly Reichardt. Ma solution: voir les deux.

----------
Et si vous hésitez encore...

Ce cher Strum pourrait, lui aussi, vous inciter à faire le premier pas. NB: un autre avis sur le film est en ligne du côté de "L'oeil sur l'écran".

samedi 6 août 2022

Multifonctions

La voix caverneuse de Leonard Cohen est revenue à ma mémoire quand j'ai choisi d'aller voir I'm your man, film... allemand sans lien véritable avec la chanson homonyme du regretté crooner canadien. D'ailleurs et pour tout dire, le titre original est Ich bin dein Mensch ! Je pense que c'est bien plus proche des intentions de la réalisatrice...

Alma, brillante scientifique, est censée tester un robot humanoïde afin de déterminer s'il est vraiment raisonnable de le commercialiser. Bien plus qu'un aide ménager ultra-perfectionné, ledit robot est conçu selon un modèle unique, afin de correspondre au mieux aux idéaux intimes de sa future propriétaire, clause de confidentialité à l'appui. Laquelle fait sa "connaissance" au cours d'une soirée latino organisée pour mettre en lien d'autres machines et des célibataires endurci(e)s. Vous l'aurez compris: nous voilà en face d'une comédie. L'argument principal est suffisamment efficace pour qu'on adhère vite à l'idée incongrue d'un amour parfait déterminé par algorithme. J'ai vu pire...

Petit à petit, le film va plus loin que son simple postulat initial. L'occasion d'interroger nos sentiments sur le possible caractère humain des robots et, réciproquement, les comportements robotiques des hommes et des femmes que nous sommes et/ou côtoyons. Heureusement, I'm your man n'a aucune leçon particulière à donner. C'est avec intelligence - et en nous proposant, dirais-je, un final touchant et plutôt inattendu - qu'il nous invite à réfléchir gentiment sur notre modeste condition de mortel(le). Je veux souligner l'interprétation inspirée de Maren Eggert, qui a été honorée de l'Ours d'argent de la Berlinale 2021 pour ce très bon travail, tout en finesse. À ses côtés, le Britannique Dan Stevens invente des postures robotiques convaincantes... et impressionne par sa parfaite maîtrise de la langue de Goethe. Côté formel, je veux souligner que les décors m'ont paru très bien trouvés. Un coup de coeur pour ce joli petit film !

I'm your man
Film allemand de Maria Schrader (2021)

Je dois vous dire que je ne suis pas très surpris de voir une femme aux commandes de ce long-métrage, de fait aussi malin que délicat. Son aspect comique ne saurait tout à fait dissimuler un versant mélancolique certain qui, j'insiste, invite à (re)penser la condition humaine. De Blade runner à Her, le cinéma US nous aura habitués ! Pour les plus jeunes, Le géant de fer reste un must à ne pas négliger.

----------
Vous voudriez lire un avis féminin ?

Pas d'souci: encore une fois, vous pouvez compter sur l'amie Pascale.

vendredi 5 août 2022

Déjà !

Si vous lisez ce message, merci: ça me fait plaisir de vous "revoir" ! J'ignore encore si je vais pouvoir republier d'une traite jusqu'à la fin de l'année, mais c'est l'intention: ne plus m'interrompre avant Noël. Dès demain, je compte reprendre le rythme, à raison d'une chronique proposée tous les deux ou trois jours. Cela me paraît "raisonnable"...

J'aime trop le cinéma pour m'arrêter totalement, mais combiner aussi avec mon job et mon autre blog n'est pas facile: je m'accroche, donc. Tant que le plaisir est présent et partagé, pourquoi vouloir couper ? Côté salles, j'ai dépassé mon total de films vus en 2020 et approche de celui de 2021 - ce qui donne l'impression d'un certain renouveau. Cela dit, je suis encore loin de mon record: 78 séances (en 2017). Aujourd'hui, en réalité, je me dis que l'heure n'est pas aux bilans. Toutes affaires cessantes, je file donc pour finir mon prochain texte !