dimanche 24 décembre 2023

Avant le réveillon...

Bon, eh bien... je n'ai pas grand-chose à vous raconter aujourd'hui. Car, contrairement à l'année dernière à la même époque, j'ai du pain sur la planche et suis à mon bureau à l'heure où vous lisez ces lignes. Mon prochain jour de repos sera mercredi: j'irai peut-être au cinéma !

L'information du jour: Mille et une bobines entre en pause hivernale. Elle sera courte: je vous retrouverai, je l'espère, tout début janvier. J'ai encore quelques films de décembre à présenter, avant d'en venir aux traditionnels tops - qui pourraient légèrement innover, cette fois. 2023 aura été une assez belle année sur les écrans. Supérieure à 2022 pour le nombre total d'entrées dans les salles françaises, d'ailleurs. Avant d'en reparler avec vous, je veux vous souhaiter un joyeux Noël et de précieux moments pour achever le millésime. À très bientôt ici !

vendredi 22 décembre 2023

Sous la ville

C'est vers le début des années 90 que j'ai commencé à aller au cinéma sans mes parents. Luc Besson était encore un réalisateur apprécié ! J'ai il y a peu eu envie de revenir à la source d'un parcours artistique mouvementé avec un film que j'avais découvert à la télé: Subway. Bientôt quarante ans plus tard, il est certain qu'il a vieilli. Oui, bon...

Subway
, c'est vraiment un film au look des années 80. Il est sorti pile au mitan de la décennie. Besson voulait Charlotte Rampling et Sting en vedettes, mais n'a eu "que" Isabelle Adjani et Christophe Lambert. Quel casting, tout de même ! Aux côtés du duo principal, on trouve d'autres grands noms comme Richard Bohringer, Michel Galabru, Jean-Hugues Anglade, Jean-Pierre Bacri... et j'en oublie sûrement. Tout ce petit monde s'est donné rendez-vous dans le métro parisien pour raconter l'histoire d'un maître chanteur pourchassé par la police et soudain tombé amoureux de la femme de sa victime. Un scénario minimaliste, l'intérêt du film venant de son cadre relativement inédit. L'histoire retient d'ailleurs que des agents assermentés de la RATP assistèrent au tournage pour contrôler l'image de leur chère société. Aujourd'hui, tout cela semble presque risible, mais il faut se souvenir que, derrière la caméra, notre ami Lucho n'avait guère que 25 ans. Treize nominations aux César et presque trois millions de spectateurs plus tard, sa carrière était lancée et proche d'atteindre son sommet...

Subway
Film français de Luc Besson (1985)

Un incontournable ? Non, mais un marqueur du cinéma hexagonal. Suivant sur la liste, Le grand bleu - le sommet ! - me plaît moins. C'est ensuite, avec Nikita, que j'ai vraiment "mordu" au style Besson. Le fait est que le goût m'est passé depuis: c'est un peu regrettable. 1985, ce n'est pas si loin: l'année du premier Retour vers le futur. Celle de Brazil, aussi, ou de Legend, entre autres. Ah, la nostalgie...

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Vous voulez d'autres avis ?

Je dois reconnaître que celui de Vincent est pour le moins expéditif. Ideyvonne, elle, parle du chef décorateur: le grand Alexandre Trauner. Et "L'oeil sur l'écran" a rédigé une chronique sous la forme classique...

mercredi 20 décembre 2023

Si proches

Le premier film du cinéaste tokyoïte Yasujiro Ozu (1903-1963) diffusé en France y est arrivé en 1978, 25 ans après sa sortie au Japon. Profiter du DVD - comme je l'ai fait en 2010 - est donc un privilège. Désormais familier avec le maître, je n'ai pas hésité bien longtemps avant d'aller voir l'un de ses films repris en salle. Quel grand bonheur !

Les soeurs Munakata
contient tout ce que je peux attendre d'un film signé Ozu. Il s'inscrit dans le Japon de l'après-guerre, un pays meurtri qui s'apprête à vivre de profondes mutations sociétales. Le scénario s'inspire d'un roman et nous raconte l'histoire de deux frangines complices, mais très différentes du point de vue du comportement. Setsuko, l'aînée, est une femme mariée discrète, qui s'habille souvent d'un kimono et se montre de ce fait proche du modèle traditionnel. Mariko, à l'inverse, n'a pas d'homme dans sa vie, porte des vêtements occidentaux, fume et n'a rien contre l'idée de boire du Coca-Cola ! C'est d'ailleurs ce qu'elle fait un jour avec Hiroshi, un jeune homme attirant, tout juste revenu de quelques années passées en France. Progressivement, à mesure qu'apparaissent les diverses interactions entre ces protagonistes, le récit prend une belle ampleur dramatique. C'est alors sans difficulté qu'il nous emporte au coeur de son propos...
 
Comme d'autres cinéastes japonais de son temps, Ozu se caractérise par son humanisme et la vaste étendue de sa palette émotionnelle. J'imagine qu'il y a au moins un peu de lui dans le personnage du père qu'incarne le magnifique Chishu Ryu, l'un de ses acteurs fidèles. Cependant, ainsi que son titre le laisse supposer, c'est bien du côté féminin que le film penche le plus - et c'est tout à fait admirable. Passés les premiers instants, j'ai oublié que Les soeurs Munakata datait d'il y a bientôt trois quarts de siècle. Oui, car il m'a enchanté. J'ose dire que c'est en fait grâce à sa modernité, mais il est évident que l'empathie que j'ai ressentie pour Setsuko, Mariko et les autres compte aussi pour beaucoup dans cette très positive impression. J'aurais attendu longtemps avant de regarder mon premier film japonais en images réelles cette année, mais je l'ai fort bien choisi. Désormais, je veux en voir un muet: j'y reviendrai le moment venu. Suggestion: d'ici là, ne snobez surtout pas le cinéma d'Asie classique !

Les soeurs Munakata
Film japonais de Yasujiro Ozu (1950)

Quatre étoiles légitimes et une demie "bonus" pour le coup de coeur ! Si vous n'avez jamais rien vu du cinéaste, Voyage à Tokyo s'impose comme LE long-métrage idéal pour une séance de rattrapage d'hiver. Vous pourrez ensuite aller voir chez Kurosawa, Mizoguchi et Naruse. Et "l'héritier" Kore-eda ? Son nouvel opus sort dans pile une semaine. Après Une affaire de famille et Les bonnes étoiles, je vais foncer...

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Une dernière info pour la route...

La plateforme Internet d'Arte propose actuellement dix films d'Ozu. Un court documentaire consacré au maître est également disponible.  Le tout offert en consultation libre et gratuite jusqu'au 29 avril 2024. 

lundi 18 décembre 2023

Les airs de la mer

Vous aimeriez voyager en Cornouailles britannique ? C'est très simple. C'est le territoire le plus au sud-ouest de l'Angleterre - et un duché confié aux bons soins du prince William, fils aîné du roi Charles III. Point de têtes couronnées dans mon film du jour: les anglophones auront déjà compris que Fisherman's friends parle de pêche en mer !

C'est (un peu) plus compliqué. Énième représentant d'un cinéma social anglais élevé au rang de référence, ce très aimable long-métrage s'installe dans un petit port, auprès de travailleurs de la mer habitués à occuper leur temps libre en reprenant des chants de marins traditionnels. Or, un beau jour, quatre Londoniens n'ont d'autre choix que de passer dans le coin lors d'un enterrement de vie de garçon. L'un d'eux est le patron d'une firme musicale: il fait alors semblant d'aimer les airs qu'il découvre et met au défi l'un de ses copains salariés de "signer" le groupe pour l'enregistrement d'un album. Imaginez-vous la suite ? Fisherman's friends est un feel good movie des plus prévisibles et, sans surprise, s'inspire d'une histoire vraie. Cela ne le rend pas antipathique... et j'ai donc passé un bon moment devant ce qu'il est convenu d'appeler "un petit film sans prétention". Ou "une variation sur un air connu", comme l'aurait dit un musicien...

Fisherman's friends
Film britannique de Chris Foggin (2019)

Ai-je raison de penser que c'est The full monty qui a lancé la mode des films sociaux de cet acabit ? Il faut que je me décide à le revoir pour l'affirmer en connaissance de cause (et mieux qu'au "feeling"). Mais avant cela, je vous confirme mon affection pour le cinéma social britannique, a fortiori quand il est comme ici d'une humeur joyeuse. Vous êtes motivés ? J'ai deux suggestions: Pride et The singing club.

samedi 16 décembre 2023

Pour sa pomme

Elle s'est fait connaître sous un pseudo fruité et une large mèche blanche dans ses cheveux noirs. Auteure, compositrice et interprète née en 1996, Claire Pommet - alias Pomme - a été sacrée artiste féminine de l'année 2021 aux Victoires de la Musique. Sa gamme s'étend désormais jusqu'au cinéma - qu'elle a abordé à contre-emploi !

Dans La Vénus d'argent, la jeune femme endosse le costume rigide d'une apprentie tradeuse (euh... c'est ça, le féminin de trader ?). Jeanne, 24 ans, est l'aînée des trois enfants, deux filles et un garçon, d'un gendarme que sa femme a quitté. Elle avait elle aussi envisagé une carrière militaire, avant de renoncer, et souhaite s'émanciper pour enfin quitter une caserne où son ambition est un peu à l'étroit. Et puis, il y a Augustin, l'homme qu'elle côtoyait quatre ans auparavant. Bref... sur une trame relativement classique, le film construit un portrait féminin complexe et, de fait, plutôt intéressant. Pour sa première apparition à l'écran, Claire Pommet se montre convaincante et a la chance d'être entourée d'acteurs estimables comme Niels Schneider, Grégoire Colin ou encore Sofiane Zermani. Bémol: le casting féminin est moins fourni, la seule Anna Mouglalis donnant la réplique à Pomme dans ce qui est aussi un film de femme. Côté technique, rien à signaler, si ce n'est quelques beaux plans nocturnes et une bande-son parfaite avec les images. Un bilan positif.

La Vénus d'argent
Film français d'Héléna Klotz (2023)

Entendons-nous bien: oui, le monde de la finance est l'un des cadres de ce film, mais non, il ne faut certainement pas l'y laisser enfermé. Pour cela, voyez plutôt Margin call ou à la limite Money Monster. Maintenant, si un portrait féminin dans un environnement atypique peut vous intéresser, c'est parfait: vous avez frappé à la bonne porte. La voie royale et Le théorème de Marguerite avaient ouvert la voie !

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Maintenant, je dois vous avouer un truc...

Je suis navré: j'avais conseillé le film à Pascale et elle ne l'a pas aimé.

jeudi 14 décembre 2023

Perdus

J'avais depuis longtemps l'envie de voir Gerry... et m'étais imaginé que je découvrirai alors ce que j'appelle parfois un film expérimental. Mon manque d'inspiration (sémantique) ne doit pas occulter le fait que j'ai effectivement eu affaire à un long-métrage des plus curieux. Sans être franchement malhonnête, puisque je le savais par avance...

Gerry
, donc. Ce n'est pas le nom du personnage principal, mais celui des deux personnages principaux. Deux bons copains partis randonner dans le désert californien, en quête d'un possible monument iconique que la caméra ne nous montrera jamais. C'est après quelques minutes de métrage seulement que le duo renonce et fait donc demi-tour. Après quoi, nous voilà embarqués avec lui dans une longue errance pédestre au beau milieu de nulle part ! Le seul point d'accroche éventuel pour le spectateur ? La présence de deux stars du cinéma hollywoodien au mieux de leur forme: Matt Damon et Casey Affleck. Dans leur sillage, nous sommes invités à ce genre de trip hypnotique dont l'Amérique accouche parfois entre deux grosses productions standardisées. Autant le dire: il faut être réceptif pour vivre la chose avec toute l'intensité souhaitée (ou souhaitable) sur un écran géant ! J'ai eu la chance, pour ma part, de profiter d'une version ciné-concert signée par le groupe breton Ô Lake, dont j'ai apprécié la prestation. De fait, ce n'est pas tous les jours qu'un tel spectacle est accessible...

Gerry
Film américain de Gus van Sant (2002)

Cela m'a fait plaisir de "retrouver" un cinéaste que je connaissais pour d'autres films plus conventionnels (Paranoid Park, Restless...). Ici, il nous embarque dans un projet différent: certains critiques jugent même qu'il aurait sa place dans un musée d'art contemporain. Le parallèle avec Kelly Reichardt (Old joy ou First cow) est fondé. Leave no trace permet une autre exploration du territoire américain !

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Besoin d'autres éclairages ?

Vous trouverez peut-être quelques pistes chez Pascale, Vincent et Lui.

lundi 11 décembre 2023

Elle, lui et l'océan...

Son premier long-métrage lui a valu le Grand Prix du jury du Festival de Cannes (une récompense que lui avait remise Sylvester Stallone). C'était en 2019 et, depuis cet Atlantique, Mati Diop n'a plus tourné d'autre fiction comme réalisatrice. Navré: j'ignore tout de son actu. Mais, par bonheur, j'ai un beau film à évoquer avec vous aujourd'hui !

Ada est une jeune femme de la banlieue de Dakar. Il a été décidé qu'elle serait mariée à Omar, un bon parti qu'elle ignore superbement. Au désespoir de ses parents, la post-adolescente est plutôt sensible au charme de Souleiman, un simple ouvrier du bâtiment, sans salaire versé depuis quatre mois. Problème: frustré par sa situation sociale précaire, ce garçon décide de quitter le Sénégal et, aux côtés d'amis concernés par les mêmes ennuis financiers, embarque sur un bateau dans l'espoir de rallier l'Espagne. Vous ne serez sûrement pas surpris si je vous dis qu'Atlantique s'inspire de faits réels. Je dois ajouter que, pour autant, il n'y a pas lieu d'y voir un documentaire. Le drame attendu se teinte vite d'une très intéressante dimension fantastique. Certains ont pu l'apprécier aussi en tant que manifeste féministe. Quant à moi, je retiens le portrait nuancé d'une jeunesse africaine. Même si le récit pourra tendre à une forme d'universalité, à mon avis.

Autre élément qui m'a intéressé: l'ancrage du film sur son territoire. Étant donné qu'Ada reste à terre, nous découvrons son cadre de vie en la suivant. Or, les occasions de faire un tel voyage sont rares ! D'une certaine façon, on pourrait dire que Mati Diop mystifie le public européen, puisqu'au bord de l'océan, elle montre une gigantesque tour urbaine, projet de l'ex-président Abdoulaye Wade... finalement resté dans les cartons. En interview, la réalisatrice parlait de la conception de Diamniadio, une nouvelle cité bâtie à proximité de la capitale. L'idée ? "Une ville dédiée au mode de vie haut de gamme, construite par des hommes qui n'y auront pas leur place", d'après ses propos. Atlantique est donc bien un film politique, même si c'est en filigrane. Bon... il est tout à fait permis de ne s'intéresser qu'à l'histoire d'amour qui forme sa trame principale: elle est vraiment touchante ! C'est sûrement l'aspect que je vais le mieux
garder en mémoire. Croyez-moi: même soutenu par des producteurs français, le cinéma d'Afrique mérite bien le détour. A fortiori quand il est aussi féminin...

Atlantique
Film (franco-)sénégalais de Mati Diop (2019)

Peut-être pas une merveille, mais j'insiste: une oeuvre remarquable. Jusqu'à présent, du cinéma de ce pays, je ne connaissais qu'un film également digne d'intérêt et plutôt ancré dans le réel: La pirogue. Maintenant, pour faire un vrai pas de côté vers d'autres horizons artistiques, j'ose un lien avec deux longs-métrages récents où Éros côtoie Thanatos: Vers l'autre rive et Vif-argent. Deux perles rares...

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Et au hasard d'Internet, cette confirmation...

Vincent, lui aussi, avait aimé le film. Il ne fait cependant que le citer.

samedi 9 décembre 2023

Journées de campagne

Je ne crois pas indécent d'affirmer qu'Albert Dupontel s'est assagi. J'ignore si son nouvel opus lui vaudra les quelque deux millions d'entrées de ses trois films précédents, mais je tenais à le voir. Second tour vaut bien qu'on s'y intéresse, d'ailleurs, car le cinéaste reste très fidèle à lui-même. Capable d'être doux et féroce à la fois...

Pierre-Henri Mercier est candidat à la présidence de la République. Dans son programme, il a retenu les grandes lignes d'un capitalisme assumé. Une posture qui lui vaut d'être "en même temps" le favori des sondages et le chouchou des médias. Sauf qu'une journaliste différente des autres va bientôt s'incruster dans son champ de vision politique ! Son rédacteur-en-chef avait exigé de ladite Nathalie Pove qu'elle couvre l'actualité du foot pour la punir pour son impertinence. Faute d'autre solution, il la charge finalement du suivi de la campagne électorale, sur la base de questions inoffensives, validées à l'avance. Second tour apparaît d'emblée comme un film très "dupontellien". Honnêtement, j'en ai vu d'autres et des plus fins, mais ce sentiment d'évoluer en terrain familier n'est pas désagréable ! Enfin, pour moi...

Avis à ses fans: Albert Dupontel revient à l'écran en tant qu'acteur principal de cette vraie-fausse comédie - sa première tête d'affiche depuis trois ans. Et bien sûr, il sait toujours parfaitement s'entourer ! Je passe sur les caméos de ses amis pour saluer la bonne prestation d'un habitué, Nicolas Marié, parfaitement convaincant en cameraman attachant, un peu benêt et malgré tout plutôt efficace dans son poste d'équipier. Cela dit, plus que lui, c'est évidemment Cécile de France qui attirera ici l'essentiel de la lumière. Je dois dire que l'actrice belge le mérite amplement, ne serait-ce que pour son humilité dans le jeu. À nouveau, elle place ses partenaires à égalité - et c'est agréable. Quelques très jolies scènes la mettent ainsi parfaitement en valeur. L'homme placé derrière la caméra n'est pas manchot, à l'évidence. Son regard sur la société française est plein d'acuité, mais il dispose également d'un talent consommé pour la mise en scène. La tendresse déployée pour ses personnages apparaît alors comme une qualité supplémentaire et la marque de son style. Ce dont je ne me lasse pas.

Second tour
Film français d'Albert Dupontel (2023)

Quelques faiblesses et peut-être une histoire bien trop rocambolesque pour faire l'unanimité... mais des qualités qui prennent le dessus. Pour comparer, il serait intéressant de voir ce long-métrage en duo avec Président, où le personnage d'Albert Dupontel s'avère glacial. Bref, la chose publique sait inspirer de bons films. Un exemple: celui que j'ai chroniqué tout début mai, De grandes espérances. À suivre !

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Je termine avec un hommage...

Albert Dupontel entend dédier ce nouveau film à Bertrand Tavernier, Jean-Paul Belmondo et Michel Deville. On a connu de pires références.

Et, pour être complet, un autre avis...
Pas d'hésitation à avoir: vous pouvez aussi consulter celui de Pascale.

jeudi 7 décembre 2023

Un secret bancaire

Jodie Foster. Denzel Washington. Clive Owen. Willem Dafoe. Christopher Plummer. Chiwetel Ejiofor. Cette distribution de prestige m'a encouragé à regarder Inside man, le deuxième plus gros succès du réalisateur américain Spike Lee dans nos chères salles françaises. J'avais également constaté qu'il jouissait d'une excellente réputation !

Déguisés en peintres, un groupe de malfrats s'introduit sans difficulté dans une grande agence bancaire de Manhattan. Une bonne trentaine d'innocents sont pris en otage et menacés du pire en cas de rébellion. Histoire de démontrer qu'il ne plaisante pas, le chef des braqueurs passe à tabac un membre du personnel et n'est pas loin de le tuer. Malgré l'entrée en jeu rapide d'un négociateur chevronné, la situation semble pouvoir dégénérer à tout moment. Or, passées les scènes d'exposition, Inside man déroule un scénario nettement plus retors que je n'avais pu l'imaginer dans un premier temps - et c'est heureux. Je me suis alors demandé à qui pouvait profiter le crime commis devant mes yeux, les bad guys semblant ne pas s'intéresser à l'argent. Seul "problème": j'ai rapidement compris ce qu'il en était au juste. Cela n'a pas totalement altéré mon plaisir, mais un suspense éventé est parfois vecteur de frustration pour les gourmands de cinéma comme moi. Soyez-en assurés: le film d'aujourd'hui a d'autres qualités largement compensatrices. Pas question, donc, de bouder son plaisir !

Inside man - L'homme de l'intérieur
Film américain de Spike Lee (2006)

Elle est redondante, c'est certain, mais la seconde partie du titre d'exploitation du film en France permet de le distinguer d'un opus diffusé sur Netflix à l'automne 2019 et d'une série produite en 2022. Cela précisé, je vous recommande Bandits, mon film de braquage(s) préféré. Mélodie en sous-sol, c'est vraiment un tout autre genre ! Idem pour La grande attaque du train d'or, un classique plutôt fun...

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D'autres regards vous intéresseraient ?

Je vous suggère d'aller voir chez Pascale, Ideyvonne, Benjamin et Lui.

mercredi 6 décembre 2023

Chemins de traverse

Tiens ! Découvrir consécutivement deux films en projection unique me donne une idée: évoquer d'autres façons d'aborder les salles obscures. Faute d'avoir déjà fréquenté un drive-in, j'en compte quatre à ce stade de ma ciné-folie. Et je suis sûr de ne pas être exhaustif ! Mais qu'importe: je serais déjà content de susciter quelques envies...

... de projections uniques

À dire vrai, la bizarrerie indienne dont j'ai parlé samedi fait figure d'exception: habituellement, je vais plutôt voir des films ordinaires joués à plusieurs reprises, avec la joie d'ainsi remplir mon agenda. Mais j'essaye de ne pas manquer les reprises d'opus patrimoniaux intéressants, qui peuvent n'être projetés qu'une seule fois. C'est peu !

... d'avant-premières

Je le reconnais: je prêche, mais je pratique fort peu. Il est très rare que je cherche à découvrir un film avant sa vraie sortie officielle. Cela dit, si l’occasion se présente, je finirais peut-être par renouer avec la formule des avant-premières surprises. Le côté imprévu ajoute du piment ! Et, jusqu'à ce jour, je ne suis jamais mal tombé...

... de festivals
Pour le coup, j'ai de la chance: il en existe plusieurs dans ma ville actuelle et d'autres dans ses environs immédiats. Cela m'aura permis d'appréhender des cinématographies rares et étonnantes, africaines ou sud-américaines par exemple. Et oui, je le referais très volontiers. Qui devinera le prochain drapeau sur le blog ? Je l'ignore moi-même...

... de ciné-concerts
Aïe ! J'ai oublié le titre du premier film que j'ai vu sous cette forme. Parfois, jouer la bande-originale live suffit à enthousiasmer le public. J'en ai vu aussi d'un autre type (au moins un par an depuis 2019). Hybrides et donc ambitieux, ces spectacles revisitent le septième art en faisant défiler les images sur une partition musicale 100% inédite !

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J'ai tout dit... non !
L'image ? Vous avez reconnu ?

Ce photogramme est issu de Wild, un film de Jean-Marc Vallée sorti en 2014, avec Reese Witherspoon dans le premier rôle. Impossible pour moi d'en dire plus: je n'ai pas encore vu cet opus du cinéaste québécois, décédé fin 2021. Je voulais juste faire écho à mon titre...

Et vous, alors ? Vous faites comment ?
Je n'ai peut-être pas fait le tour de toutes les méthodes alternatives pour "consommer" du cinéma. Bons plans et commentaires appréciés !

lundi 4 décembre 2023

C(h)oeurs d'Italie

C'est un constat que je fais depuis longtemps: l'Italie et le Japon alternent à la quatrième place des pays producteurs de cinéma représentés sur ce blog. Aujourd'hui, je vais vous emmener à Rome pour évoquer un petit film découvert lors d'un festival: Settembre. J'ignore s'il a un distributeur pour s'assurer une sortie "tous publics"...

Pire: je ne sais même pas si on parle encore de film choral fin 2023. C'est en tout cas l'expression que je vais retenir pour résumer l'esprit de cette modeste production. Quelques personnages archétypaux, ignorant tout les uns des autres, vivent néanmoins des situations comparables et, au gré du seul hasard, finissent par se rencontrer. Parmi eux, vous vous attacherez peut-être au vieux médecin divorcé, à sa patiente négligée par son mari, au boulanger tombé amoureux d'une jeune prostituée, à l'ado qu'un très dévoué camarade de classe aide à préparer sa première expérience sexuelle... ou alors à chacun d'entre ces personnages, tous crédibles à mes yeux. Et c'est un atout !

Si j'en viens à oublier les acteurs, cela n'a pas d'importance, au fond. Mes attentes d'avant-séance n'étaient pas très hautes, cette fois. Soyez informés d'une chose: Settembre est un film doux, bienveillant. J'imagine qu'au goût de certains, il paraîtra donc beaucoup trop sucré. Ma mansuétude me pousse à en dire du bien. Les touches d'humour qui parsèment le métrage ne redéfiniront certes pas l'art du cinéma mondial, mais rien ne dit que la réalisatrice en avait l'ambition. Honnêtement, le montage aurait gagné à être un peu plus resserré. C'est un détail: le calme des images produit un contraste agréable lorsque tout s'agite autour de vous. Une affaire de ressenti, en fait...

Settembre
Film italien de Giulia Louise Steigerwalt (2022)

Quelques infos sur la cinéaste: elle a 41 ans et est diplômée de philo. De nationalité américaine, elle exerce également comme comédienne et romancière. Settembre est son premier film derrière la caméra. Bon... sa manière d'observer un échantillon de la société italienne d'aujourd'hui n'a pas l'acuité d'un Moretti (Mia madre, Tre piani). Aucune polémique, hein ? Rome non plus ne s'est pas faite en un jour.

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Une précision pour finir...

C'est le seul film que j'ai vu du festival (Dolce Cinema / Grenoble). J'ai appris ensuite qu'il en était reparti récompensé du Prix du public !

samedi 2 décembre 2023

Le réveil du tigre

La crise sanitaire l'a freinée, mais l'Inde garde la tête pour le nombre de films produits chaque année. Très peu arrivent dans les salles françaises. Je n'en avais moi-même pas vu depuis près de cinq ans quand un copain m'a proposé une séance cinéma en mode Bollywood. Et, avant de sauter le pas, j'ai cru bon de regarder la bande-annonce !

Surprise: alors que je pensais tomber sur une interminable comédie musicale, j'ai en réalité eu affaire à un film d'action ultra-musclé. Tiger 3 - qui paraît n'avoir été diffusé que le 12 novembre dernier - est, comme son nom l'indique, le troisième épisode d'une franchise extrêmement populaire dans son pays d'origine. J'ai cru comprendre que cela va encore plus loin: la saga aurait rencontré un si vif succès que ses producteurs l'auraient intégré dans un "univers" plus large. Quoi qu'il en soit, cet opus n'a rien à envier aux blockbusters américains qui, eux, déferlent en nombre sur l'Europe. Le scénario imagine un sale type prêt à tout faire pour empêcher la réconciliation de peuples que les dirigeants de l'Inde et du Pakistan veulent bâtir. Heureusement, il reste un espoir: un certain Avinash Singh Rathore devrait pouvoir écarter la menace avec ses gros bras et ses armes lourdes. Un peu comme le ferait un James Bond revisité, en somme...

Ici, pourtant, point de girls, mais une demoiselle qui a des ennuis sérieux... et qui s'implique sur le terrain pour qu'ils soient résolus. Prière de ne pas espérer de Tiger 3 la moindre once de crédibilité ! Au moins traite-t-il les femmes et les hommes à égalité: l'histoire qu'ils portent toutes et tous est invraisemblable, de toute façon. Cette faculté à raconter absolument n'importe quoi a un avantage certain: elle nous offre quelques grands morceaux de bravoure. Puisqu'il s'agit au fond d'éviter un coup d'État, les personnages n'hésitent jamais à "mouiller la chemise" lors de virevoltants combats au corps à corps, quitte ensuite à rejoindre un hélicoptère en vol après avoir sauté dans le vide. Bref, plus c'est gros, mieux ça passe. Précision: ma séance était organisée par une association spécialiste de ce cinéma et qui avait aussi invité une danseuse à se produire avant la projection. Et trois heures plus tard, c'est sur un autre ballet un peu kitsch que s'est déroulé le générique. Des applaudissements copieux ont finalement accueilli le premier des teasers de l'épisode 4 !

Tiger 3
Film indien de Maneesh Sharma (2023)
C'est le septième opus de cette nationalité chroniqué sur les Bobines. Pour le Bollywood dansé et chanté, voyez plutôt Devdas... et retenez le nom de The lunchbox si vous cherchez une belle histoire sociale. Désolé: je n'ai pas (encore ?) vu d'autre film indien comparable à celui d'aujourd'hui. Mes "références" bourrines sont plutôt américaines. Cela se jouerait entre Machete, Expandables et Fast and furious 8 !

jeudi 30 novembre 2023

À bon compte ?

Son rêve, ce serait de faire des maths tout le temps. La seule façon de mettre un peu d'ordre dans notre monde infini, pense-t-elle. Marguerite, étudiante à Normale Sup, doit soutenir une thèse à l'oral pour devenir chercheuse. Mais cette ultime épreuve la voit échouer ! Le raisonnement de la jeune femme est contredit. Et tout s'écroule...

Qu'arrive-t-il en pareil cas ? Je n'ai pas fait d'études assez longues pour le savoir. J'imagine qu'après de si longues années d'un travail acharné, l'étudiant, fille ou garçon, qui n'obtient pas le diplôme convoité peut allégrement "péter les plombs". C'est l'hypothèse du film dont je voulais vous parler aujourd'hui: Le théorème de Marguerite. La thésarde qui en est l'héroïne encaisse le choc et cherche un boulot utile pour oublier sa grosse déconvenue de scientifique chevronnée. Je vous laisserai découvrir par vous-mêmes comment elle s'y prendra pour retrouver un mental conquérant et si elle oubliera ces maths qu'elle a si longtemps considérées comme sa raison d'être. Un point important: il n'est pas du tout nécessaire d'être un pro des équations pour tout comprendre au scénario ! Car l'enjeu véritable est ailleurs...

Il me semble en effet que le film est d'abord le portrait d'une femme. D'une femme comme il y en a encore peu, je suppose, la protagoniste du long-métrage apparaissant d'ailleurs particulièrement solitaire. Est-ce logique ? Normal ? Injuste ? Le théorème de Marguerite n'assène aucune réponse, mais nous invite à réfléchir à la question. Pour cela, au-delà de ses qualités d'écriture, il peut surtout s'appuyer sur la parfaite interprétation d'Ella Rumpf, l'actrice principale, 28 ans. J'ai trouvé très intéressant son duo avec un garçon de la Comédie française, Julien Frison, 30 ans, que je n'avais pas repéré jusqu'alors. Face à l'expérimenté Jean-Pierre Darroussin, la jeunesse assure. Clotilde Courau, elle, est une jolie retrouvaille (dans un petit rôle). Qu'ai-je aimé encore ? Les ruptures de ton du récit, ses notes humoristiques, ses petites touches dramatiques et son optimisme finalement salvateur. Sans hésiter, je dis que tout est bon à prendre !

Le théorème de Marguerite
Film français d'Anna Novion (2023)

Les deux premiers films de la cinéaste sont sur Mille et une bobines. Attention: si ce n'est un rôle pour Darroussin, ils n'ont guère de lien avec ce nouvel opus. Certains ont vu en Marguerite un personnage proche de celui de Sophie dans La voie royale... et cela me convainc davantage que le parallèle (masculin) avec Un homme d'exception. Pour d'autres maths féminines, autant revoir Les figures de l'ombre !

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Un dernier mot ?

Oui: pour relayer l'avis de Dasola. Et celui de Pascale... en point final.

lundi 27 novembre 2023

Le voyage de Mahito

À 82 ans, Hayao Miyazaki signe-t-il une oeuvre à visée testamentaire avec Le garçon et le héron ? Certaines des critiques que j'ai lues après avoir découvert le film l'affirment. Il est vrai que le maître japonais renoue avec ses motifs, mais aussi avec quelques souvenirs très lointains: les bombardements de Tokyo, une mère hospitalisée...

Celle de Mahito, le jeune héros du film, est également la pensionnaire d'un établissement de soins, qu'un raid aérien dévaste soudainement. Sa mort conduit l'enfant et son père, ingénieur dans une usine d'armement, à quitter la capitale pour une maison à la campagne. D'abord meurtri par le deuil, Mahito y découvre une jeune femme souriante qui n'est autre que sa tante. Très vite, la gigantesque tour couverte de végétation qu'il repère à proximité l'intrigue fortement. Le gosse tient à comprendre ce qu'est devenu le majestueux oiseau entré par l'une des fenêtres, mais les lieux lui semblent inaccessibles. Préoccupées, de vieilles dames l'invitent à ne pas aller voir plus loin...

Le garçon et le héron
s'ouvre donc sur un drame et des images saisissantes, aussitôt suivies d'autres, bucoliques et donc porteuses d'apaisement. Nous n'en sommes encore qu'au prélude: un univers imaginaire va bientôt se déployer devant nos yeux (émerveillés). Pélicans, grenouilles ou poissons parlants, d'autres animaux unissent leurs forces pour nous emmener ailleurs, en un lieu où une réponse pourrait bien être donnée aux délicates questions que Mahito se pose. Il lui faudra dès lors suivre un parcours initiatique, un thème habituel dans toute l'oeuvre du génie à l'origine de ce superbe dessin animé. Mais il ne faut pas priver les adultes de ce voyage à nul autre pareil...

J'insiste sur un point: l'animation s'apparente ici à de l'orfèvrerie. Habitués que nous sommes à une telle prouesse, il peut nous arriver d'oublier à quel point ce style est même emblématique de son auteur. Actif depuis les années 60 et découvert en France avec une trentaine d'années de retard, Miyazaki-san n'en finit plus d'épater ! Son travail me fascine d'autant plus qu'il est tout aussi inventif que constant. Aujourd'hui, ses divers exégètes s'interrogent sur ce qu'il adviendra de Ghibli, son studio, lorsqu'il rejoindra son vieil ami Isao Takahata parmi les étoiles. Avant de le savoir, pouvoir profiter de son talent avec ce nouvel opus - diffusé en salles obscures - tient du privilège...

Bon... déjà fort longue, cette chronique élude toutefois l'hypothèse d'un ultime message du réalisateur nippon à son public, fidèle ou non. Petit indice: parmi ses personnes importants, Le garçon et le héron compte un vieux monsieur, chargé de la construction et de l'équilibre du monde. En s'apercevant ensuite qu'à l'écran, ce monde est édifié sur treize briques fondatrices, comme autant de films d'animation inventés par Miyazaki, d'aucuns ont vu en ce protagoniste l'alter ego du cinéaste. Je le reconnais: cela ne me paraît pas du tout absurde. D'ailleurs, j'ai noté que le film parlait de transmission, entre autres. J'ajoute que ce n'est pas forcément ce à quoi j'ai été le plus sensible. Embarqué dans une aventure complexe, je me suis laissé emporter par le récit. "Ceux qui cherchent à comprendre périront": cette phrase d'une scène de transition m'incite à me contenter de mes émotions pour vous recommander une rapide sortie au cinéma le plus proche...

Le garçon et le héron
Film japonais de Hayao Miyazaki (2023)

Je n'avais encore regardé qu'un seul film venu du Pays du soleil levant cette année... et c'était déjà un animé: 7 jours, de Yuta Murano. Celui d'aujourd'hui lui est largement supérieur et pourrait s'inscrire comme une nouvelle référence. Cela dit, je vous avoue humblement que j'ai préféré Le voyage de Chihiro. Et sur le sujet du traumatisme lié à la guerre, Dans un recoin de ce monde est à voir, sans hésiter !

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D'autres regards pour vous convaincre ?

Princécranoir et Strum ont été parmi les premiers à publier un avis favorable. Pascale a aimé aussi, avec (un peu) moins d'enthousiasme.

samedi 25 novembre 2023

Une seule couronne

Je suis allé au Danemark en 2010 et y retournerai très volontiers. Quelques années plus tôt, j'avais appris d'un Danois que ce pays nordique est encore gouverné par une reine: Sa Majesté Margrethe II. Il faut remonter jusqu'en 1387 pour trouver la première souveraine qui ait porté ce prénom. Et le personnage-phare de mon film du jour !

À qui voudra bien s'intéresser à ce sujet, Margrete, reine du Nord raconte comment, au tout début du XVème siècle, la monarque parvient à rassembler sous la même couronne le Danemark, la Suède et la Norvège. Le scénario suggère qu'elle ouvre ainsi une ère de paix et de prospérité pour les différents peuples relevant de son autorité. Mais, très vite, un fichu grain de sable vient enrayer la mécanique royale: alors que Margrete a placé Erik, son fils adoptif, à ses côtés comme héritier, elle voit un autre homme, Olaf, débarquer à la cour. Et, pire, affirmer qu'il est son vrai enfant - celui qu'on croyait mort depuis des lustres. De quoi faire basculer un royaume dans le chaos ! Je vous laisse désormais découvrir par vous-mêmes ce qu'il adviendra de celui du Danemark (et aussi des autres terres à lui associées). D'après ce que j'ai pu comprendre, le film prend d'importantes libertés avec la réalité historique. Qu'à cela ne tienne: ce que j'ai vu m'a plu. Tout au plus m'a-t-il manqué quelques scènes d'action plus enlevées. L'essentiel se passe dans un palais et cela reste agréable à regarder...

Margrete, reine du Nord
Film danois de Charlotte Sieling (2021)

Une réalisatrice pour ce beau portrait féminin: c'est une bonne chose. Si j'avais senti un peu plus de souffle épique, je pense que ma note aurait été arrondie à l'étoile supérieure. Tant pis pour cette fois ! Cette année, j'ai adoré La dernière reine, dans un genre proche. Passionnés d'histoire, il est possible que Marie Stuart, reine d'Écosse vous convienne pareillement. Et ne pas oublier Elizabeth, of course...

vendredi 24 novembre 2023

Offrons du cinéma !

Je dois bien l'admettre: c'est très souvent au cours des derniers jours avant la date fatidique que je fais mes courses (et cadeaux) de Noël. Autant dire qu'à un mois de l'échéance, je n'ai même pas commencé ! Vous n'avez pas d'inspiration non plus ? Je me dis que le cinéma pourrait être d'un grand secours, dans certains cas. À vous de juger...

Il y a quelques années, ma chère maman m'avait offert une carte d'abonnement pour un an d'accès illimité aux salles d'un grand réseau national. Elle n'a fonctionné que dix mois... et je n'ai jamais obtenu de remboursement ou de prolongation. Ce genre de déconvenues s'évite facilement: en offrant des livres sur le cinéma, par exemple. J'ai déjà une belle collection: je vous en reparlerai un jour prochain. D'ici là, je suis à l'affût de toute bonne idée pour préparer les Fêtes. Soyez rassurés: l'heure de la pause hivernale sur Mille et une bobines n'a pas encore sonné - je prends encore un mois pour parler de films. Si vous voulez m'en recommander pour Noël, n'hésitez surtout pas ! C'est de fait un autre sujet sur lequel je sèche, année après année. J'imagine que, dans un mois, je m'en sortirai avec un bon classique...

mercredi 22 novembre 2023

Comme une fièvre

L'ai-je déjà dit ? Peut-être. S'il fallait que je désigne quelques mots auxquels je tiens, je crois que l'utopie serait vraiment bien placée. Celle de Raymond Maufrais était d'explorer des zones peu défrichées. C'est ainsi qu'avant même ses vingt ans, il arpenta le Mato Grosso brésilien auprès des Chavantes, Indiens réputés hostiles aux Blancs...

Le film La vie pure revient sur les traces de cet homme, mais choisit de ne pas se consacrer à ses premières expéditions en Amérique latine. Le scénario ne retient que la dernière: un parcours en Guyane française, à destination du Brésil, avec l'idée de gravir les sommets mythiques des monts Tumuc-Humac (en fait une suite de collines). Parti au début de l'été 1949, Maufrais, ex-résistant, ne revint jamais de ce voyage. Ce que les historiens en savent toutefois aujourd'hui est issu d'un carnet qu'il laissa derrière lui et qui, lui, fut retrouvé. Épuisé et malade après des semaines de jungle, le jeune explorateur aurait achevé son périple en se jetant dans un fleuve, dans l'espoir insensé de dériver jusqu'à un village où il pourrait enfin être soigné. Vous l'aurez compris: le long-métrage évoque ce qui s'est passé avant. Il s'avère très touchant, sans déployer de grands moyens techniques. Et les scènes extérieures dévoilent bel et bien un territoire fascinant !

Ce récit est d'autant plus fort qu'il s'appuie sur un montage alterné. Entre deux scènes de jungle, il nous mène à Toulon, la ville d'origine de Maufrais. Nous y rencontrons sa mère et son père, un couple capable de laisser son enfant vivre son utopie, mais bien sûr inquiet de ne pas le voir revenir. Edgar vaudrait sûrement un film à lui seul ! Plutôt que de céder aux larmes, il mena au total dix-huit expéditions en douze ans et sur 12.000 kilomètres pour retrouver son fils. Point positif: La vie pure ne présente jamais cet acharnement paternel comme une banale lubie. À vrai dire, c'est surtout Raymond lui-même que la caméra filme, sans d'ailleurs porter le moindre jugement moral sur son entreprise et/ou sa dimension pathétique. Bon... je doute que de grosses sommes d'argent aient été investies sur ce tournage. Conséquence: les images ne sont pas toujours les plus spectaculaires. Cela ne m'a pas réellement dérangé, d'autant que le tout dernier plan m'a laissé le temps de vivre une belle émotion - et c'était nécessaire. Vous voulez en savoir plus ? Internet regorge d'éléments intéressants !

La vie pure
Film français de Jeremy Banster (2015)

Le parcours de Raymond Maufrais est édifiant et je suis heureux d'avoir pu le découvrir grâce au cinéma. Il le rapproche quelque peu de Christopher McCandless, le héros - malgré lui ! - de Into the wild. Dans l'idée d'une rencontre avec un peuple étranger, j'ai pensé aussi aux temps anciens et au destin de Percy Fawcett (The lost city of Z). Avant de décoller vers l'Afrique pour revoir Gabriel et la montagne...

lundi 20 novembre 2023

Noir d'Espagne

Avril 2001. Les tours du World Trade Center percent toujours le ciel de New York lorsque L'échine du Diable débarque dans les cinémas espagnols. Ce film, le Mexicain Guillermo del Toro l'a rêvé longtemps avant de le tourner, aidé par les frères Agustin et Pedro Almódovar. La France ne le découvrira enfin qu'un an plus tard, début mai 2002...
 
Carlos, un garçon d'une douzaine d'années, est confié à un orphelinat catholique. Nous sommes vers 1936, en pleine Guerre d'Espagne. D'emblée, le nouveau venu - que la directrice de son lieu d'accueil considère comme une encombrante bouche à nourrir - est malmené par ses condisciples. Pour gagner leur respect, il met au défi le chef de la bande de l'accompagner dans une sortie nocturne non-autorisée. Cela ne suffira pas, mais d'autres circonstances permettront à Carlos de faire sa place dans la petite troupe de ces gosses aux parents évanouis. Comme souvent chez Guillermo del Toro, la réalité tangible est accompagnée d'une autre, fantastique, aux contours insondables. L'échine du Diable ne dévoile donc ses secrets qu'au compte-gouttes. Et ce qu'il va alors révéler ne plaira pas forcément à chacun de vous...

Pour ma part, je reste sensible au charme persistant d'une esthétique particulière, propre à son auteur. J'apprécie cette subtile combinaison entre l'idée que l'on peut se faire de cette page noire de l'histoire espagnole et les inventions de Guillermo del Toro, lui-même explicite quant à ses influences multiples. Il est vrai également que ce décorum prend beaucoup de place à l'écran, au détriment parfois d'une intrigue mieux ficelée (ce que certains ont reproché à L'échine du Diable). D'après moi, c'est autour des enfants que le scénario est construit. J'estime toutefois que le casting adulte est lui aussi à la hauteur ! Marisa Paredes et Irene Visedo forment deux figures féminines fortes et fascinantes jusqu'au bout du métrage. J'ai aimé aussi la prestation qu'offre Federico Luppi, vieux médecin sage et antagoniste parfait d'Eduardo Noriega - dont je préfère taire le rôle dans ce sombre récit. Nommé deux fois aux Goya, le film reçut notamment un Grand Prix d'argent du meilleur film fantastique européen au cours du Festival d'Amsterdam et un Prix spécial du jury à celui de Gérardmer (Vosges).

L'échine du Diable
Film hispano-mexicain de Guillermo del Toro (2001)

Mon troisième opus signé GDT cette année, meilleur que Pacific Rim et, à mes yeux, légèrement en-dessous du malaimé Crimson Peak. Qualité: des rebondissements qui ne ménagent pas les personnages d'enfants, d'ailleurs très bien joués par les jeunes acteurs concernés. Avec Les révoltés de l'an 2000, on parle de revanche dans le cinéma espagnol. Et de "spectacles" à manipuler avec une grande précaution !

samedi 18 novembre 2023

Écolo ma non troppo

Intouchables les a fait grimper jusqu'à la deuxième place des succès du cinéma français. C'était en 2011. Olivier Nakache et Éric Toledano peuvent être sereins, même si leur opus 2023 ne montera pas si haut. Quelque 140 avant-premières ont été organisées partout en France pour la promotion de ce nouveau film. De la pub en version bulldozer !

Je dois bien le dire: dans les premiers jours qui ont suivi la sortie d'Une année difficile, j'en ai surtout eu des échos défavorables. Résumons: Albert et Bruno se rencontrent par hasard et découvrent qu'ils sont tout aussi fauchés l'un que l'autre. Leur nature combinarde aidant et malgré leur désinvolture, ils intègrent un collectif écolo. Ambition: profiter des chips et bières gratuites que les militants partagent lors de leurs réunions, sans réellement s'engager toutefois. Bientôt, les beaux yeux de Valentine, l'une des leaders charismatiques du mouvement, leur donnera l'envie de faire partie des forces vives mobilisées sur le terrain. Est-ce que tout cela est crédible ? Mouais. Franchement, on s'en fiche un peu: Pio Marmaï et Jonathan Cohen forment en tout cas un duo (de pieds nickelés) plutôt vraisemblable. Quant au désir de fréquenter Noémie Merlant, je peux le comprendre. Et c'est grâce à ces trois comédiens que le film, lui, pourrait séduire !

Fidèles à eux-mêmes, Nakache et Toledano s'offrent une chronique amusée de la France d'aujourd'hui, et ce sur un ton assez consensuel. De fait, je les ai connus - un peu - plus percutants. L'irruption inattendue de présidents de la République en début et fin de métrage reste insuffisante à faire d'Une année difficile un pamphlet politique. Il lui manque ce petit côté incisif propre aux films vraiment engagés. Personnellement, je ne trouve pas que ce soit un souci: j'étais venu pour un spectacle de ce genre et sans attendre qu'il fasse des vagues. Il est certes possible que je me montre plus exigeant une autre fois. Pour l'heure, je vais camper sur ma position et accorder une note généreuse. Pour le fond, hein ? La forme, elle, carbure à l'ordinaire. Seule la conclusion sort du lot, mais... elle le fait encore timidement. Au terme de deux heures de projection, il faudra s'en contenter. Quitte, d'ailleurs, à attendre un passage télé. Histoire de voir venir...

Une année difficile
Film français d'Olivier Nakache et Éric Toledano (2023)

Rien de transcendant, mais rien de honteux non plus: je choisis donc d'arrondir ma notation "raisonnable" à la demi-étoile supérieure. Allez... je reconnais toutefois qu'en d'autres mains, les bras cassés que sont Albert et Bruno auraient sans doute eu davantage d'éclat. Vous avez tiqué sur la satire des milieux écolos ? Les militants verts sont regardés autrement dans Sabotage. Et, bien sûr, dans Demain...
 
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Une chronique un peu plus nuancée vous tente ?

Vous en trouverez une chez Pascale. Un regard positif, mais pas trop.

mercredi 15 novembre 2023

Le peuple des glaces

Paris, Nancy, Reims, Rouen et Le Havre: c'est au nord de la France que j'ai passé la moitié de ma vie jusqu'à aujourd'hui. Je me souviens des gentilles moqueries de mes cousins sudistes et de leur certitude d'avoir à affronter des températures polaires en me rendant visite. J'ai attendu le mois dernier pour enfin découvrir Nanouk l'Esquimau !

Je crois toutefois que c'est à Nice (ou dans ses environs immédiats) que, pour la première fois, j'ai eu vent de ce film d'un autre âge. Aucun doute, le grand froid est de mise: comme son nom l'indique explicitement, cette très ancienne oeuvre de cinéma fait le portrait d'un Inuit, ainsi que l'on appelle désormais les peuples autochtones des régions arctiques de l'Amérique du Nord. Tourné sur ces terres inhospitalières au tout début du siècle dernier, Nanouk l'Esquimau est le plus souvent présenté comme l'un des premiers documentaires de l'histoire du cinéma, mais ce n'est pas tout à fait vrai, en réalité. L'homme est filmé avec sa vraie famille et ses vrais chiens, d'accord. Après ma séance, j'ai appris que Robert J. Flaherty, le réalisateur américain parti capter ces images, avait dû retourner sur le terrain après avoir perdu un premier film dans un incendie. On sait en outre qu'il a mis en scène certaines séquences, au détriment de la vérité "pure". Mais il l'aurait fait sans mentir à ses hôtes et en veillant bien à leur montrer le résultat de son travail au fil de l'avancée du projet...

La manière dont le film a été produit est aussi savoureuse qu'insolite. Nanouk l'Esquimau fut en effet financé par Révillon Frères, fourreur parisien, et inspira le nom donné ensuite à une fameuse gourmandise glacée. Je vous rassure tout de suite: il y a d'autres (bonnes) raisons pour qu'il soit perçu de nos jours comme un véritable film-culte. Formidablement conservées, les images ont ce pouvoir de séduction particulier que possèdent en général les grands classiques du muet. Les cartons explicatifs, eux, sont parfois un peu trop grandiloquents, mais nous aident à mieux appréhender ce qui nous est donné à voir. Personnellement, j'ai eu la chance de profiter de tout cela à l'occasion d'un ciné-concert de la compositrice et batteuse jazz Anne Paceo. Mieux encore: c'était en fait un mardi après-midi, au coeur d'une salle de taille significative et pour une bonne partie remplie d'enfants attentifs. Croyez-moi: le spectacle, intemporel, peut aussi bien plaire aux bambins du 21ème siècle qu'aux adultes qui y assistent avec eux. Et je ne me suis pas ennuyé une seule seconde pendant la projection !

Nanouk l'Esquimau
Film (franco-)américain de Robert J. Flaherty (1922)

Cet objet de curiosité conserve quelque chose de très touchant en lui qui l'aide à briller encore. Son aspect ethnographique m'a rappelé celui... de La chasse au lion à l'arc ! Précision: c'est grâce à Tabou et donc à Bora-Bora que j'ai fait connaissance avec R. J. Flaherty. L'Arctique ? Je l'ai vu dans deux thrillers - Far North et On the ice - et un (beau) film animé, Tout en haut du monde. De quoi s'évader...

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Envie de rester en ces glaciales contrées ?

Une suggestion: vous fier à Eeguab et Lui pour vous servir de guides.