samedi 30 avril 2022

D'égale à égale

Douze années passent entre le film d'hier et celui dont je veux parler aujourd'hui: L'une chante, l'autre pas. Agnès Varda a presque 39 ans quand sort ce long-métrage, après avoir eu à renoncer à un autre avec Delphine Seyrig, d'abord prévu sous le titre Mon corps est à moi. Une phrase de militante féministe que l'on va retrouver - en chanson !

Comme son titre le suggère, L'une chante, l'autre pas s'intéresse principalement à deux femmes. Il s'ouvre dans la France de 1962. Suzanne, 23 ans, vit aux côtés d'un peintre marié: ils sont les parents de deux très jeunes enfants... et un troisième est "en route". Pauline, quant à elle, a 17 ans et conteste la vie rangée que son père entend la voir mener: elle a en fait décidé de devenir chanteuse. Évidemment, l'existence n'est facile ni pour l'une, ni pour l'autre. Devenues amies grâce au hasard d'une rencontre, Suzanne et Pauline se sentent solidaires, mais un drame va assez vite les séparer. Qu'arrivera-t-il alors ? Je vous laisse le découvrir, bien évidemment. Toute la beauté du film réside dans le fait que le récit se prolonge jusqu'en 1977 - entretenu entre autres par la vraie/fausse relation épistolaire que les deux femmes semblent déterminées à entretenir. Résultat: un film qui s'avère à la fois intelligent et riche en émotions. J'étais encore bébé quand il est sorti, mais il parle beaucoup à l'adulte que je suis devenu. Je le dis: c'est un coup de coeur - et pas un petit !

L'une chante, l'autre pas
Film français d'Agnès Varda (1977)

Une oeuvre puissante et admirablement mise en scène, qu'il est bon de (re)voir pour affirmer toute sa modernité. J'aime ce féminisme assumé, qui place les hommes et les femmes dans le même bateau pour affirmer une nouvelle fois que c'est ensemble que l'on avance. Rien ne vous interdit toutefois d'être plus sensible à des films récents comme We want sex equality et 20th century women. Ou autres...

vendredi 29 avril 2022

Juste une illusion ?

Bigre, j'ai vu trois films d'Agnès Varda... en huit jours seulement ! Aujourd'hui, je commence avec Le bonheur, qui nous parle d'amours en couleurs vives. Fait insolite: Jean-Claude Drouot, sa femme Claire et leurs enfants (Sandrine et Olivier) forment la "famille principale" du long-métrage. Et cet effet-miroir s'avère parfois assez troublant...

François Chevalier est un homme ordinaire, menuisier de son état. Selon toute vraisemblance, il coule des jours heureux avec Thérèse. Leurs deux enfants - Gisou et Pierrot - sont encore petits. Le hasard permet alors à François de rencontrer une autre femme, Émilie. L'adultère qui s'ensuit ressemble plutôt à ce qu'on peut appeler aujourd'hui un "polyamour". Sauf que le jeune homme, qui s'épanouit des deux côtés, ne dit rien à son épouse de ce qui se passe réellement. Autant le dire: malgré son titre, Le bonheur est un film éprouvant - du moins, à mes yeux. Ce qui se base sur le mensonge peut-il véritablement prospérer ? Il semblerait bien que non. La chose intéressante ici étant qu'Agnès Varda ne porte pas de jugement moral sur ses personnages, nous laissant assez libres de nos sentiments. Pour ma part, je n'ai pas toujours aimé ce que j'ai vu et entendu. Cela admis, je crois volontiers que cet opus était plutôt audacieux pour son temps: à l'époque, il fut même interdit aux moins de 18 ans. Dans un rôle secondaire, j'ai été heureux d'y retrouver Paul Vecchiali !

Le bonheur
Film français d'Agnès Varda (1965)

"Une musique séduisante et qui, pourtant, pince le coeur": c'est ainsi que la cinéaste parle des deux oeuvres de Mozart qu'elle a choisies pour sa bande originale (et que j'ai parfois trouvées trop présentes). J'attendais un peu mieux de cette découverte cinématographique courageusement ancrée dans son époque. Si vous préférez l'adultère joyeux, Sept ans de réflexion paraît THE référence. Sortie en 1955 !

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Pour lire un avis ouvertement positif...

Je vous conseille d'aller lire la (belle) chronique de "L'oeil sur l'écran". 

mardi 26 avril 2022

Les mots de Khadar

Autant vous le rappeler: La femme du fossoyeur, le très beau film somalien dont je vous ai parlé fin mars, sort sur les écrans demain. C'est vrai qu'il a moins d'éclat qu'un blockbuster lambda: j'ignore tout du nombre de cinémas qui l'accueilleront. Ce qui ne m'empêche pas d'en reparler aujourd'hui, en revenant sur le réalisateur et ses mots...

D'origine somalienne, Khadar Ayderus Ahmed a une petite trentaine d'années et a désormais acquis la nationalité finlandaise. Il vit à Paris depuis quelque temps. La femme du fossoyeur est son premier long comme réalisateur. Coup d'essai, coup de maître: il a reçu l'Étalon d'or du Fespaco, le grand festival panafricain de cinéma et de télévision organisé chaque année à Ougadougou, la capitale du Burkina Faso. Malgré cette consécration, c'est un jeune homme d'une rare modestie que j'ai découvert en marge de la présentation du film. Chapeau bas !

"L'inspiration m'est en fait venue à partir d'une histoire qui est arrivée dans ma famille il y a environ douze ans", racontait-il au public. Comment s'attendre à une telle révélation ? Après la mort d'un frère encore bébé, Khadar dut alors organiser les funérailles en Finlande. C'est à cette occasion qu'un autre de ses frères, plus âgé, lui demanda s'il se souvenait d'à quel point tout cela était plus rapide en Somalie. Khadar explique qu'il fut alors hanté par un personnage de fossoyeur. Lequel devint donc le tout premier personnage de son film en devenir. Dans le même temps, il confirme également que certains Somaliens attendent à la porte des hôpitaux pour récupérer des corps à enterrer. Les cérémonies à la mémoire des défunts n'interviennent qu'après. Est-ce la tradition musulmane ? C'est ce que j'ai compris, en tout cas !

Ce dont je suis sûr à 99%, c'est qu'il n'a pas été si facile pour Khadar d'aller tourner à Djibouti. Le jeune homme nous a toutefois assurés que ce (petit) pays a beaucoup de ressemblances avec la Somalie. Reste qu'il a fallu y faire des repérages importants avant d'y envoyer un staff de tournage totalement européen (finlandais et français). Khadar explique que l'expédition du matériel depuis le Vieux Continent aura également pesé lourd sur un budget d'à peine 1,2 million d'euros. Ensuite, il a fallu faire avec la fatigue et la maladie de techniciens peu habitués à travailler dans un climat aussi chaud ! Le réalisateur tenait absolument à donner de son pays d'origine une vision réaliste. Exemple: il a filmé un village laissé à l'identique et embauché certains de ses acteurs parmi ses habitants, éleveurs d'ovins qui ne viennent en ville que pour céder leurs animaux en échange de nourriture. Miséreux oui, mais dignes: "Je n'ai pas adopté la vision occidentale. Ces gens ne se sentent pas pauvres dès l'instant où ils se soutiennent et ont un toit". Le cinéaste avait les larmes aux yeux en les évoquant.

L'idée du film est justement de parler d'amour, de dignité, d'amitié. Avec, en guise d'interprètes, des acteurs amateurs venus d'horizons divers. Omar Abdi, qui incarne Guled, le fossoyeur, est un vieil ami du réalisateur et travaille habituellement comme éducateur d'enfants. Yasmin Warsame - sa femme, à l'écran - vit au Canada et y exerce comme mannequin: "C'est aussitôt après l'avoir vue sur une affiche que j'ai su qu'elle serait Nasra", assure Khadar dans un large sourire. Il est tout aussi heureux de préciser qu'il a organisé des castings sauvages dans les rues de Djibouti pour dénicher ses comédiens. C'était parfois... à la dernière minute: "J'ai ainsi sélectionné l'enfant deux semaines seulement avant le tournage. Et rencontré la femme qui joue la mère de Guled la veille ! C'était juste fou et bordélique. Cela étant dit, j'adore tourner avec des amateurs: ils n'arrivent pas avec le personnage complet en tête et surprennent toujours". Le top !

Avec un grand souci d'authenticité, Khadar donne une certaine image de la femme somalienne. Il la montre souvent forte et déterminée. C'est assumé: "Mes personnes féminins ne laissent personne décider de leur vie. Sans elles, il n'y aurait pas d'histoire et donc pas de film. Exemple: quand Guled retourne au village, il s'adresse à sa mère avant même de parler avec son frère ou avec le chef. C'est sa femme malade qui l'incite à tenir bon. Et on retrouve la même détermination chez la doctoresse !". Petit détail amusant: le cinéaste s'est inquiété de ce que sa propre mère - invitée à Cannes - pourrait penser du film. Tout s'est bien passé, même au cours des scènes les plus intimes. "Elle a compris que je ne les avais pas mises pour rien": rassurant. Khadar a tenu à filmer l'amour sans discours et sans scène de sexe. Dans l'un des plus beaux passages du film, il est révélé par la magie d'un superbe montage alterné entre les deux personnages principaux !

Je l'ai dit et le répète donc: si le jeune réalisateur a choisi Djibouti pour raconter une histoire somalienne, c'est aussi (et avant tout ?) parce qu'il trouve de nombreuses similitudes entre les deux pays. "Leurs langues et cultures sont très proches, assure-t-il notamment. J'ai retrouvé à Djibouti tout ce que j'avais prévu dans le scénario". D'après ce que j'ai retenu, le tournage n'a ensuite duré que 21 jours ! Ce qui n'empêche pas le film de revêtir une charge symbolique importante: après une longue guerre civile, il serait le premier film tourné là-bas - et en version originale somalienne - depuis trente ans. Khadar espère désormais faire quelques émules et dit qu'il a choisi d'utiliser sa langue maternelle à dessein: "On m'a conseillé de tourner en français et cela aurait pu simplifier la recherche de financements. Mais je voulais que, sur place, tout le monde puisse le comprendre sans traduction. Et à présent, je suis très content d'y être parvenu"...

J'ai d'autant mieux compris Khadar quand il a raconté que la capitale somalienne, Mogadiscio, est restée privée de grand écran cinéma pendant des décennies, le bâtiment étant occupé par des groupes armés. Avoir fait ce film des plus explicites sur les grosses difficultés du système de santé local a quelque chose d'admirable, je trouve. "Les autorités étaient très prudentes et ne voulaient pas que je donne du pays une mauvaise image". Khadar a rusé et présenté un scénario tronqué à ceux à qui cette belle histoire d'amour aurait pu déplaire. Lors du tournage de certaines scènes, il a demandé à ses acteurs locaux de rester chez eux pour mieux éviter tout risque de scandale. "C'est un fait qu'il aura aussi fallu que nous nous montrions attentifs. Un seul petit détail et tout aurait pu s'arrêter". Ouf ! Le film a su entamer sa carrière internationale, recevoir l'Étalon d'or du Fespaco comme je l'ai souligné et être présenté dans de nombreux festivals. Khadar se souvient particulièrement de Toronto, "la ville d'Amérique avec la plus forte communauté somalienne". Le chemin se prolonge...

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Après ce long laïus, je reste curieux...

Je me demande tout simplement si l'un des cinémas de votre ville projettera La femme du fossoyeur - et si vous irez le voir, du coup. À dire vrai, je serai bien entendu ravi d'en reparler, ici... ou ailleurs !

lundi 25 avril 2022

La peur de la forêt

Avec un petit air de Lara Croft, Gabi mène une campagne scientifique dans une forêt, aux côtés du chef Winston. Ils ont perdu leur drone. Problème: baguenauder au milieu des arbres peut s'avérer dangereux. Séparée de son binôme et grièvement blessée par un piège disposé par Dieu-sait-qui, la jeune femme en fait l'amère expérience. Oups...

Sur fond de survivalisme, Gaia - du nom de la déesse-mère grecque - est parvenu à titiller ma curiosité. Ce n'est qu'une hypothèse formulée à l'aveuglette, mais il me paraît possible que ce maudit coronavirus ait empêché le film d'arriver jusqu'aux salles françaises. Je constate que, comme l'un des variants, il a fait route depuis l'Afrique du Sud. Quand mon opérateur Internet l'a diffusé, j'avoue être resté en extase devant le tout premier plan du long-métrage, où la canopée est filmée à l'envers jusqu'à ce que la caméra s'inverse et nous permette alors d'un peu mieux mesurer l'immensité des lieux. Je me suis aussitôt dit que, même si notre planète est fragile, Gabi et Winston, qu'on voit descendre un fleuve en canoë, étaient plus vulnérables encore. L'intrigue du film - que je garderai secrète - s'en trouve crédibilisée. Elle n'est pas toujours convaincante, mais a tout de même le mérite d'une certaine originalité. Et sa conclusion sur la jeune génération d'êtres humains est plutôt pessimiste - je m'attendais à autre chose. Grande ou petite, votre fibre écolo pourrait réellement s'en émouvoir.

Gaia
Film sud-africain de Jaco Bouwer (2021)

S'il ne m'avait pas attiré par sa nationalité, il me paraît très probable que cet opus n'aurait jamais rejoint la longue liste de mes envies. Disons qu'après dix films français successifs, son aspect "exotique" avait quelque chose de rafraîchissant - un peu comme pour Prospect. Je l'ai vu comparé avec Délivrance: cela me paraît un peu exagéré. Pour une nature bienveillante, on peut (re)voir La forêt d'émeraude !

dimanche 24 avril 2022

Au bon souvenir des ex

Qui occupera les plus hautes fonctions de la République ? En attendant d'enfin connaître le résultat de l'élection, j'ai trouvé plutôt amusant d'explorer le cinéma (récent) pour y retrouver la trace des présidents d'hier. Tous ceux de la Cinquième sont présents, si ce n'est Pompidou et Giscard d'Estaing. N'hésitez pas à compléter la liste si nécessaire...

Charles de Gaulle
(1959-1969) / Lambert Wilson
En 2020, dans le simplement nommé De Gaulle, Gabriel Le Bomin racontait l'histoire du général en son commencement: lors des jours qui ont conduit à l'Appel à la résistance du 18 juin 1940. Un choix audacieux qui fait totalement l'impasse sur sa carrière politique. Malgré sa voix - très ! - identifiable, je suppose que Lambert Wilson constitue un bon choix pour (ré)incarner un homme de cette trempe. Je n'ai cependant pas vu le film, malgré les présences d'Isabelle Carré et d'Olivier Gourmet. Allez, une séance de rattrapage reste possible...

François Mitterrand
(1981-1995) / Michel Bouquet
Presque dix ans après la mort de Tonton, et sans jamais citer le nom de celui que tout le monde avait déjà reconnu, Robert Guédiguian, cinéaste de gauche s'il en est, racontait les derniers jours de l'icône. Avec Le promeneur du Champ-de-Mars, le génial acteur principal s'offrait au passage un César. Mes souvenirs de 2005 sont trop flous pour que je puisse vous dire comment le public avait accueilli le film. Cela étant dit, le parti pris me semble assez bien trouvé pour justifier qu'on s'y intéresse. Ce que je n'exclus pas de faire... prochainement !

Jacques Chirac
(1995-2007) / Bernard Le Coq
Cette fois, mon souvenir est plus précis: il faut bien dire également que La conquête, de Xavier Durringer, est un film plus récent (2011). Cela précisé, à l'époque, je n'avais pas très envie d'aller au cinéma pour qu'on me raconte l'irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy. L'original était encore en fonctions et même une comédie satirique sur son présidentiel sujet tendait plutôt à me faire fuir. Dommage pour Bernard Le Coq, que je trouve ressemblant dans le rôle complexe du Corrézien mangeur de pommes ! Son prédécesseur à l'Élysée, oui...

Nicolas Sarkozy (2007-2012) / Jean Dujardin
et François Hollande (2012-2017) / Grégory Gadebois
Cette fois, ma machine à remonter le temps s'arrête en l'an 2021. Présidents: le titre du film d'Anne Fontaine pourrait laisser croire qu'elle a signé un grand documentaire sur les coulisses du pouvoir républicain. Rien à voir: il paraît qu'il s'agit plutôt d'une pochade autour d'un Nicolas S. frustré de ne plus diriger le pays et qui, voyant qu'Emmanuel M. ne marche plus, cherche le soutien de François H. pour contrer l'extrême-droite et revenir aux commandes de l'État. Bilan: 431.129 entrées. C'est un total qui pourrait faire des envieux...

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Je ne suis pas candidat, mais je compte sur vous...

Que vous alliez voter ou non, je vous invite à identifier d'autres têtes que j'aurais pu oublier. Je ne suis pas remonté aux calendes grecques pour inventorier les présidents des Républiques d'avant 1958, hein ? Rien ne vous interdit de tous les citer en commentaires. Le truc drôle étant que je n'ai vu aucun des films que j'ai mentionnés aujourd'hui...

vendredi 22 avril 2022

Du coeur, oui...

Je préfère vous prévenir sans attendre: le film qui arrive maintenant sur ma liste ne sortira que le 4 mai ! Il fait en effet partie de ceux que j'ai découverts à l'aveuglette, lors d'une avant-première surprise. "C'est léger": le mot est de l'animatrice de la soirée. Je dois avouer que, jusqu'à la séance, Petite leçon d'amour m'était à 100% inconnu !

En fait, non... à 98% ! Je connaissais tout de même le duo d'acteurs principaux, j'ai nommé Laetitia Dosch et Pierre Deladonchamps. L'histoire: celle d'une fille un peu éthérée et peut-être mythomane. Lorsqu'elle trouve un mot d'amour désespéré parmi les copies oubliées de Mat, professeur de lycée, la très jolie Julie fait tout ce qu'elle peut pour retrouver le bourreau des coeurs et, ni une ni deux, l'embarque dans une étrange mission de sauvetage nocturne pour élève en péril. Or, il n'est pas si facile d'affronter ce type d'émotions fortes quand, par ailleurs, on est enceinte et censée garder un oeil hyper-attentif sur un chien de race dont le prix dépasse de bien loin le salaire moyen d'une dog-sitter ordinaire. Pas évident non plus d'arpenter une région parisienne dont les villes ont toutes des noms qui se ressemblent d'assez près: Ivry, Viry, Evry, Livry... un véritable cauchemar urbain. Qui ne s'est jamais perdu dans le métro pourra jeter le premier pavé !

Je confirme: Petite leçon d'amour est bel et bien un film "léger". D'ailleurs, je ne sais pas réellement quoi en penser. Je suis surpris qu'il ne s'agisse pas du premier opus de la réalisatrice: son aspect primesautier me semblait pourtant la marque d'une inspiration nouvelle. S'agit-il d'un bon choix pour ce début de printemps ? Mouais. Si c'est une comédie, je ne l'ai trouvée que moyennement drôle. Objectivement, j'ai trouvé les personnages bien trop peu caractérisés pour m'attacher à eux et suivre leurs pérégrinations avec un plaisir constant. Las ! Tout m'a semblé plutôt factice, y compris cette idylle naissante entre deux êtres que rien ne semble vraiment rapprocher. Au crédit de la mise en scène, je place quand même de belles scènes de nuit (ou d'aurore) et une fin dansante, qui m'a donné le sourire. L'espoir revenu au petit jour: dit ainsi, c'est banal, mais cela m'a plu. Pour le reste, je n'ai rien perçu ici qui puisse justifier de s'emballer...

Petite leçon d'amour
Film français d'Ève Deboise (2022)

Vous voudrez bien considérer ma note finale comme le reflet exact de... mon indécision ! Le film n'est pas mauvais, mais trop plat finalement pour que je lui accorde mieux que cette moyenne. Malheureusement, j'ai aussi oublié avec quel autre long-métrage quelqu'un l'avait comparé après coup, le soir où il nous a été proposé. Moi, je dirais After hours - pour le côté "tout se passe en une nuit"...

jeudi 21 avril 2022

Viser la tête

Connaissez-vous Catherine MacGregor ? Et/ou Christel Heydemann ? Nées en 1972 et 1974, elles occupent respectivement les commandes d'Engie et d'Orange. Estelle Brachlianoff prendra la direction de Veolia en juillet et deviendra la troisième femme à la tête d'une entreprise du CAC 40. Poste que l'on a proposé à l'héroïne du film Numéro une...

Avant d'accepter, l'intéressée hésite. Ingénieure et membre respectée du comité exécutif d'une multinationale cotée, elle comprend vite qu'un rival se dressera sur sa route et ne lui fera alors aucun cadeau dans l'idée d'accéder lui-même aux hautes fonctions envisagées. L'intervention d'un lobby féministe changera-t-elle la donne ? Pas sûr. Numéro une nous (dé)montre qu'avant d'espérer diriger une société donnée, les femmes doivent déjà affronter des obstacles à l'intérieur de celle qui les emploie, ainsi qu'au sein même de leur cercle familial. Bon... le choix d'Emmanuelle Devos pour incarner cette working girl courageuse, mais possiblement fragile, s'avère tout à fait judicieux. L'actrice est vraiment excellente et explore de fait toutes les facettes de son personnage sans jamais faillir, confirmant dès lors tout le bien que je pense d'elle depuis au bas mot une bonne vingtaine d'années ! Elle est très bien entourée, avec Francine Bergé et Suzanne Clément côté féminin, ainsi que Sami Frey, Benjamin Biolay et Richard Berry chez les hommes. Sombre vision du monde des affaires, à vrai dire...

Numéro une
Film français de Tonie Marshall (2017)

C'est le dernier long-métrage de la réalisatrice. Il est d'une efficacité narrative certaine et tient donc en haleine jusqu'au bout. L'ambiguïté des personnages rend les rebondissements difficilement prévisibles. Bref, on tient une réussite à plusieurs titres, que je recommanderais volontiers aux machos des deux sexes. Et je conseille Riens du tout ou Margin call pour y voir d'autres entreprises... sous haute tension !

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Envie de comparer les avis ?

Cela tombe bien: ceux de Pascale, Dasola et Lui ne sont qu'à un clic.

mercredi 20 avril 2022

Le prix de la paix

La France ne s'est pas faite en un jour ! Si j'enfonce une porte ouverte ce midi, c'est avec ma conviction que la supposée grandeur de notre pays, si tant est qu'elle existe, a souvent été "chahutée". Ainsi du règne de Louis XIV (1643-1715), parcouru de guerres et clos par l’avènement d'un enfant de cinq ans, Louis, son arrière-petit-fils !

Je n'oublie pas qu'entre les deux monarques, il y eut une régence exercée par Philippe, duc d'Orléans. Ce grand personnage historique est absolument central au début de L'échange des princesses, le film que je veux évoquer aujourd'hui. C'est en effet lui qui décide, face aux périls qu'affronte la France royale, de renforcer son système d'alliances. Aussi propose-t-il sa fille comme épouse d'un fils du roi d'Espagne, ledit souverain devant consentir à ce que sa propre fille convole avec Louis XV - alors qu'elle est presque bébé et lui ado ! Inutile de dire qu'à notre époque, pareil arrangement ferait scandale. Le long-métrage qui raconte cette histoire vraie est très intéressant parce qu'il se concentre essentiellement sur les jeunes personnages. Ils ne sont pas dépassés par les événements, mais des décisions importantes sont prises sans eux et, de fait, leur sont défavorables. C'est l'amer constat d'un film somptueux, qui nous transporte illico dans un 18ème siècle que les Lumières n'ont pas encore éclairé. Malgré ses défauts, petits ou grands, je préfère bien la République...

L'échange des princesses
Film franco-belge de Marc Dugain (2017)

Surprise: je pensais avoir vu un possible vainqueur de quelques César choisis, mais la double nationalité du film a réduit la liste des prix possibles au seul César du meilleur film étranger - remis à un autre. Pour ma part, je trouve que les costumes et décors méritaient mieux. Sur l'avant-Révolution, Que la fête commence... reste LA référence. Alternative: Les adieux à la reine, Marie-Antoinette ou Lady Oscar !

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Une précision littéraire...
Le film adapte le roman (éponyme) de Chantal Thomas, coscénariste.

Si vous souhaitez aller plus loin...
Vous pouvez vous référer aux avis de Pascale et de "L'oeil sur l'écran".

mardi 19 avril 2022

D'amour et de hasard

Il fut un temps où Adbellatif Kechiche était l'une des idoles du cinéma français. Quatre César furent remis à L'esquive, son deuxième opus derrière la caméra - NB: ceux du meilleur film, réalisateur, scénario original et espoir féminin (pour Sara Forestier). C'est je crois mérité. Voilà de fait un long-métrage atypique dans notre "paysage national" !

Si le théâtre classique vous plaît, vous connaissez sans doute Le Jeu de l'amour et du hasard, la pièce de Marivaux, créée en janvier 1730. C'est l'oeuvre que répète un (petit) groupe de lycéens, dans une cité de la banlieue parisienne. Toute ressemblance avec leur quotidien scolaire, familial et/ou social ne saurait être nécessairement fortuite. L'esquive n'est pas un documentaire, mais colle pourtant à la réalité. Caméra à l'épaule, le cinéate-auteur souhaite nous emmener aussitôt au contact de ces jeunes des quartiers dits "sensibles", "défavorisés". L'occasion de nous confronter à nos préjugés et à une certaine vérité. Les situations semblent très justes et, en dehors de leurs travaux littéraires, les personnages s'expriment dans un français fort éloigné de celui que l'Éducation nationale s'échine à enseigner. Je suppose que cela ne plaira pas à tout le monde, mais le réalisme y gagne beaucoup. Bien que très attaché à la langue, j'admets que j'ai kiffé ! Reste à savoir si, comme le film le demande, nous pouvons échapper à notre condition ? Je ne me hasarderai pas à répondre aujourd'hui...

L'esquive
Film français d'Abdellatif Kechiche (2004)

Le fait que le réalisateur ait lui-même passé une part de sa jeunesse dans un quartier "difficile" est très certainement l'un des éléments susceptibles d'expliquer ses choix de sujets et de modes de narration. On le dit influencé par Renoir, Rozier ou Pialat: c'est bien possible. Une chose est sûre: la banlieue a une toute autre allure dans La haine et, a fortiori, dans Gagarine. Et sans reparler de Mes frères et moi...

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Avant de passer à autre chose, un petit lien...

Il me permettra d'attirer votre regard sur l'avis de "L'oeil sur l'écran".

lundi 18 avril 2022

Chantage au bébé

L'envie de rire et la présence du duo Yves Montand / Claude Brasseur m'auront suffi pour donner sa chance à une comédie franchouillarde dont je n'avais pas entendu parler auparavant: Le grand escogriffe. Escroc à la petite semaine, Émile Morland est encore assez retors pour convaincre un vieux complice de kidnapper un bébé. Oui, mais...

Pas la peine que j'entre dans les détails, si ? J'ai parlé de comédie quelques lignes plus haut et suppose dès lors que vous aurez compris que le supposé plan parfait est en réalité... parfaitement foireux ! Cinématographiquement parlant, les quelques personnages annexes restent trop caricaturaux pour faire oublier la légèreté du scénario. J'aurais dû le comprendre aussitôt, tant le titre et l'affiche du film sont révélateurs sur ce point: Le grand escogriffe n'est rien d'autre qu'une carte blanche laissée à Montand, qui en profite pour en faire des caisses dès que la caméra se pose sur lui (et donc constamment). Or, malgré tout le respect que j'ai pour l'acteur et ses partenaires supposément consentants, ce cabotinage intensif a fini par me lasser. C'est dommage: mieux dosé, il aurait pu être le grain de sel idéal pour épicer le récit. Avec Jean Vautrin coscénariste et Michel Audiard aux dialogues, j'espérais mieux. D'où ma note assez basse, au final...

Le grand escogriffe
Film français de Claude Pinoteau (1976)

Une promesse non tenue ? Je dirais plutôt un spectacle frustrant. Malgré 2-3 scènes sympas, le long-métrage ne décolle pas vraiment. Quand il se fait burlesque, il m'amuse... mais ça ne dure qu'un temps. Le rapt d'enfant d'Arizona Junior est beaucoup plus drôle, en fait ! Évidemment, vous pouvez préférer les histoires policières et le côté obscur des enlèvements. Pour cela, (re)voir Prisoners pour référence.

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Je n'ai pas trouvé d'autre chronique du film...

Cela dit, Vincent le cite... et dit le plus grand mal de son réalisateur !

samedi 16 avril 2022

Oubliée, la rue ?

Brindille, un grand costaud, et Casquette, qui en porte toujours une, sont amis depuis qu'ils se sont rencontrés dans la rue il y a sept ans. C'est aux bains publics qu'il croise La Flèche, un garçon plus jeune dont la seule compagnie est un chien: Connard. La bande joue au loto et gagne une grosse somme ! L'encaisser ? Ce sera assez compliqué...

Sur un air de douce comédie, Trois fois rien nous présente un trio attachant. Je pense que vous conviendrez aisément que les sans-abri restent assez peu représentés au cinéma ! Serais-je allé voir ce film si je n'avais pas reconnu Philippe Rebbot parmi ces trois-là ? Pas sûr. Reste que j'ai pris plaisir à découvrir ses complices: Antoine Bertrand débarqué du Québec et Côme Levin le Parisien. Je tiens à souligner que l'un et l'autre ont déjà une belle carrière derrière eux - c'est moi qui les avais en quelque sorte négligés. Bref... la complémentarité des comédiens est aussi celle de leurs personnages, qui reprennent peu ou prou les figures classiques de l'ours mal léché, du coeur tendre et de l'ahuri de service. Ce qui a au moins le mérite de l'efficacité. Cela écrit, j'affirme que le scénario leur offre de la profondeur. Bien !

Les péripéties autour du ticket vainqueur ne durent qu'un temps. Bientôt, comme on pouvait s'y attendre, il est avant tout question d'un changement de vie. Reste à voir comment chacun s'adaptera. Sans vouloir trop en révéler, je crois pouvoir dire que Trois fois rien est un film positif, assez souvent amusant, mais qui sait aussi jouer sur d'autres cordes sensibles. Sa qualité est de nous faire (sou)rire sans jamais négliger la condition sociale de ses protagonistes. Concrètement, cela veut dire que certaines scènes donnent une idée de la dure existence des SDF, tout en témoignant d'une noble retenue vis-à-vis de celles et ceux qui sont placés dans cette situation. Intelligemment, le long-métrage dit ainsi que vivre "sous les ponts" n'est pas le fait d'une unique catégorie de personnes. Si, sur le plan formel, il ne fait pas preuve d'une originalité folle, sa pertinence mérite notre attention - c'est-à-dire davantage que notre sympathie. Pour le coup, je crois que le propos est vraiment accessible à tous. Montrer le film à vos enfants dès 10 ou 12 ans serait une bonne idée !

Trois fois rien
Film français de Nadège Loiseau (2022)

L'a priori favorable que j'avais avant de voir le film s'est concrétisé autour de ce programme réussi. Mes quatre étoiles pleines font état d'un coup de coeur et pas d'une oeuvre in-con-tour-nable de ce début d'année cinéma. Et j'assume ! L'an passé déjà, j'avais beaucoup aimé un autre film évoquant le quart-monde: Sous les étoiles de Paris. Plus léger, Marche à l'ombre, sorti en 1984, mérite aussi "revoyure" !

jeudi 14 avril 2022

Dix ans et plus

Parce que sa mère s'est fâchée avec son père, Johnny part de chez lui pour vivre avec elle. Idem pour son grand frère et sa petite soeur. Quand on est encore un tout jeune garçon dans les quartiers populaires de Forbach (Moselle), la vie n'est pas tendre. Et elle l'est encore moins lorsqu'on se laisse alors malmener par d'autres enfants !

Cette histoire banale, c'est celle que raconte Petite nature, film sorti récemment. C'est ma mère, en visite chez moi, qui a souhaité le voir. On lui avait parlé de l'étonnante maturité d'Aliocha Reinert, l'acteur principal de ce récit tout à fait ancré dans la contemporanéité urbaine. C'est certes un bien grand mot pour dire que le long-métrage suit Johnny chez lui, à l'école, lors de ses rares moments de loisirs enfantins et même jusqu'à un musée où son enseignant l'entraîne. C'est à vous de découvrir l'importance de cet autre protagoniste, joué par Antoine Reinartz (cf. photo ci-dessus). Pour un peu, le scénario pourrait être résumé avec la rencontre entre ce môme et cet adulte...

Parce que c'était lui, parce que c'était l'autre. Montaigne et La Boétie revisités à l'ère moderne ? Le parallèle est tentant, mais audacieux. D'autres comédiens m'ont séduit, à l'image de Mélissa Olexa (photo), qui joue la mère de Johnny, et d'Izïa Higelin - la copine de son prof. Cette bonne distribution sublime un film au réalisme cru qui, traversé de belles choses, prend aussi des allures de drame. Le réalisateur explique qu'il est "en grande partie autobiographique", ce qui permet de croire que Johnny et sa famille pourront surmonter leurs difficultés sociales. Petite nature a donc bel et bien quelques aspects lumineux. Les évoquer me permet de "boucler la boucle" en revenant à présent sur la prestation d'Aliocha Reinert, bluffant de naturel dans ce rôle que je peux imaginer franchement difficile pour un gosse de son âge. Que ses partenaires soient à la fois pro et amateur l'a peut-être aidé. Mais il mérite bien les quatre étoiles pleines de ma note, croyez-moi !

Petite nature
Film français de Samuel Theis (2022)

À peine plus de 56.000 entrées pour ce film délicat au moment précis où je boucle cette chronique: cela ne m'étonne pas, mais c'est peu. Bon... sa relative dureté le destine plutôt aux "grandes personnes". J'ajoute juste qu'il n'est jamais misérabiliste ou même complaisant. Vous êtes évidemment en droit de préférer Nobody knows, Rosetta ou encore Billy Elliot (et son arrière-goût sucré). Je salue les quatre !

mercredi 13 avril 2022

French loveuse

Les caprices de Marianne, pièce d'Alfred de Musset, ça vous parle ? Malgré un titre très proche, je veux dire que Les caprices de Marie n'en est pas l'adaptation cinéma. J'ai tenu à regarder ce film de 1970 pour le plaisir supposé de retrouver le réalisateur (Philippe de Broca) et ses acteurs. Oui, autant vous le dire aussi: j'y allais en confiance...

Philippe Noiret, Marthe Keller, Jean-Pierre Marielle, Fernand Gravey et j'en passe: la troupe ici réunie a fière allure et s'en donne à coeur joie. Il faut dire que le scénario n'a rien de mélancolique, qui imagine que la plus jolie fille d'un petit village français aurait des envies d'ailleurs et pourrait les concrétiser grâce à un richissime Américain tout disposé à en faire sa quatrième (ou même cinquième ?) épouse. Or, l'esprit de conquête dudit ressortissant de la bannière étoilée entre évidemment en collision avec les vieux usages franchouillards. D'où un Marielle assez drôle en maire - et père de Marianne - énervé par le comportement sans gêne du grand méchant impérialiste ! Drôle, Noiret l'est également, en amoureux transi et faux indifférent. Leurs pitreries à tous les deux n'atteignent pas les sommets d'humour espérés, les péripéties et les autres personnages restant "sages". Légère déception à l'arrivée, dont je me remettrai sans trop de mal...

Les caprices de Marie
Film franco-italien de Philippe de Broca (1970)

Le réalisateur a fait (beaucoup) mieux ! Cette petite comédie potache reste plaisante, mais peine vraiment à décoller vers quelque chose d'autrement plus drôle. Exemple: si le Philippe Noiret de cette époque vous intéresse, Alexandre le bienheureux (1968) est bien meilleur. Jean-Pierre Marielle, lui, m'amuse davantage dans La valise (1973). Mes trois étoiles et demie sont donc généreuses. Mais je les assume !

lundi 11 avril 2022

La guerre du feu

Lundi 15 avril 2019... cette date vous évoque-t-elle quelque chose ? Ce jour-là, à 18h20, un incendie se déclarait à Notre-Dame de Paris. L'éteindre réclama alors près de quinze heures d'un travail acharné. Heureusement, malgré de très lourds dégâts matériels et l'émotion suscitée par la catastrophe, le feu n'a fait aucune victime civile. Ouf !

Comment aurait-il pu en être autrement ? En s'emparant du potentiel cinématographique de cet événement, le grand Jean-Jacques Annaud offre aux pompiers un hommage sur grand écran, à la juste mesure de leur dévouement. De fait, Notre-Dame brûle est d'abord un film sensible et humain, dont les innombrables personnages principaux sont les femmes et hommes partis sans faillir à l'assaut du brasier. Rendus anonymes et joués par des acteurs, ils sont bel et bien l'âme du long-métrage. Faut-il parler de héros ? Je n'en suis pas certain. Cependant, c'est très tentant lorsque l'on découvre plus concrètement en quoi consiste leur métier en pareille circonstance. Je me garderai d'entrer dans le détail: le fait est que de nombreuses sources fiables vous renseigneront mieux que moi sur le déroulement des opérations. N'hésitez pas à consulter les archives avant votre séance de cinéma ! Même si vous êtes de ceux qui jugent que la fin est écrite d'avance...

Cela n'empêche pas Notre-Dame brûle d'être tout à fait épique ! Malgré quelques minuscules maladresses, le film est un crescendo émotionnel certain, porté par des images des plus spectaculaires. Découvrir tout cela sur un écran de cinéma... effet "waouh" garanti ! Je n'ai même pas cherché à connaître les contraintes et les clés techniques de cette reconstitution: j'ai préféré profiter pleinement d'un ressenti instinctif que je crois assez proche de celui des enfants devant ce qui leur procure des sensations fortes. L'immense respect que j'ai pour Jean-Jacques Annaud et son approche du septième art auront suffi pour que je voie cet opus en toute confiance: je le sais bien capable de m'émerveiller avec le plus complexe des scénarios. D'ailleurs, je n'ai imaginé aucun autre réalisateur (français) capable comme lui d'évoquer la plus célèbre des cathédrales de notre pays sans tomber alors dans les travers d'une religiosité de mauvais aloi. Chapeau, Monsieur: je crois que vous parlez au plus grand nombre ! Sans doute parce que, pour vous, le coeur vaut mieux que les mots...

Notre-Dame brûle
Film français de Jean-Jacques Annaud (2022)

La photogénie du feu est indéniable, mais je ne connais pas de film comparable à celui-là, "basé sur une histoire vraie". OK... je suppose que c'est aussi parce que les cathédrales brûlent peu - Dieu merci ! Notez que, dans Le nom de la rose, Jean-Jacques Annaud... je reste en suspens pour taire le secret de ce très grand film. Mes incendies de cinéma préférés ? Les moissons du ciel et Ran. Rien à voir, non...

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Une précision...
J'ai mentionné l'absence de victime civile. Wikipédia précise en fait que moins de dix personnes ont été prises en charge par les secours. Il me semble toutefois important d'ajouter qu'un pompier a été blessé et hospitalisé. Quelques autres ont été intoxiqués aux gaz et fumées.

Et si jamais ma chronique ne vous suffit toujours pas...
Pas de problème ! Je vous suggère un détour chez Pascale et Dasola.

samedi 9 avril 2022

Vivement lundi ?

Pas envie de dégoiser sur la présidentielle. J'irai voter demain, point. Je ne vous dirai pas pour qui. Je suppose que les habitué(e)s du blog peuvent deviner pour qui je NE voterai PAS: cela me paraît suffisant. Reste que je voulais marquer le coup... en me demandant comment. Évoquer les candidats comme en 2017 ? Je n'en ressentais plus l'envie. Après maintes hésitations, j'ai choisi cette image, ravi de constater que le flegmatisme de Jean Rochefort fait toujours recette en 2022. L'humour allège une atmosphère qui, à mes yeux, en a grand besoin. J'espère que, comme moi, vous y serez sensibles en ce week-end électoral. Ma promesse: je vous reviens lundi. Pour parler de cinéma !

vendredi 8 avril 2022

Tout à prouver

C'était il y a... 24 ans environ: j'ai découvert Vivement dimanche ! dans le cadre du concours d'entrée à une école. Je veux rassurer celles et ceux d'entre vous qui ont la mémoire qui flanche: il m'a fallu revoir le dernier film de François Truffaut avant d'écrire cette chronique. Seul le duo Fanny Ardant / Jean-Louis Trintignant était un souvenir...

Autant le dire: j'ai donc redécouvert ce drôle de polar en noir et blanc. Inspiré par The long Saturday night, un roman américain, et l'amour qu'il porte à sa comédienne, Truffaut transpose sur une côte varoise méconnaissable l'histoire de Julien Vercel, propriétaire d'une agence immobilière, accusé du double meurtre de sa femme et de son amant. Soucieux d'échapper à la police, notre homme convainc sa secrétaire d'enquêter pour réunir au plus vite les preuves de son innocence. Aussi jolie que zélée, l'intéressée lui cache quelque chose d'important. Quoi ? Vous verrez: c'est l'une des clés finales du scénario. La relation tissée entre les deux personnages est plutôt particulière et présente suffisamment d'ambivalence pour ne pas convenir à tout le monde. Bien ficelé et réussi sur la forme, Vivement dimanche ! ne me séduit d'ailleurs qu'à moitié - sans doute parce que je le trouve un peu froid. Naturellement, l'homme derrière la caméra ne pouvait pas imaginer au moment du tournage qu'il lui restait moins de deux ans à vivre. Tout cela me laisse un (petit) goût d'inachevé. C'est bien dommage...

Vivement dimanche !
Film français de François Truffaut (1983)

Un long-métrage stylisé, assez classe, bien joué... mais un peu fade pour mes goûts. Je n'y ai pas trouvé de passion cinématographique débordante, ni, à l'inverse, de chronique réaliste de vies ordinaires. Restent Ardant, Trintignant et de belles images: ce n'est pas si mal ! Parmi les films semi-policiers de Truffaut, je suggère plutôt La sirène du Mississipi (ou, pour rester en noir et blanc, Tirez sur le pianiste).

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J'ai trouvé un avis assez proche du mien...

Il a été publié - voilà déjà plus de douze ans ! - sur "L'oeil sur l'écran".

mercredi 6 avril 2022

Benjamin sur le gril

Les fidèles parmi vous et ceux qui y ont contribué s'en souviendront peut-être: en 2016-2017, avant mes dix ans de blog, j'avais cru bon de soumettre un questionnaire aux cinéphiles qui me font l'amitié d'intervenir ici - certain(e)s n'ont pas arrêté, d'ailleurs, et merci ! Pour aujourd'hui, le 6 du mois, je place un autre blogueur sur le gril...

Heureusement, il est encore en vie ! Benjamin publie ses chroniques dans la Kinopithèque, un site ouvert en 2008 et que chaque amateur de cinéma aurait tout intérêt à référencer dans ses favoris Internet. Au départ, cette aventure était collective, mais Benjamin m'a précisé que (je cite) "les co-auteurs se sont dispersés". Seul son ami Nicolas assure avec lui la pérennité du travail commun, en sachant également que d'autres plumes interviennent parfois - exemple: Manu, amateur de SF et lui-même administrateur d'un blog consacré à la littérature...

La Kinopithèque a dédié une page à la présentation de son équipe rédactionnelle. Ce qui me permet de passer sans délai aux questions que j'ai donc posées à Benjamin... au début de l'année en cours. Désolé si certaines réponses paraissent désormais un peu "datées" ! J'en endosse l'entière responsabilité: mon invité m'avait, lui, répondu en deux temps, le 30 janvier et le 4 février, et j'ai un peu traîné. J'espère que vous prendrez plaisir à lire cette modeste interview avant d'aller voir (et/ou revoir) de quels films Benjamin se chauffe...

Benjamin, quel est ton plus ancien souvenir lié au cinéma ?

C'est mon frère qui est à l'origine de ma cinéphilie. C'est un souvenir ancien, mais je ne suis pas sûr que ce soit ma première expérience en salle. Alors que nous étions en vacances avec mes parents, mon frère plus âgé m'amène trois soirs consécutifs au cinéma : Octopussy, Silverado et Le retour du Jedi (je ne sais plus dans quel ordre). J'ai huit ans ou quelque chose comme ça et je suis bien sûr complètement emballé, chaque soir étant au moins aussi enthousiasmant que le précédent.

Qu'est-ce que le cinéma apporte dans ta vie ?
Elle est dure, ta question ! De l'enthousiasme, de la matière à penser, de quoi réfléchir à tout ce qui nous entoure et de quoi se réfléchir. De l'inspiration.

Comment choisis-tu les films que tu vas voir ?
Un réalisateur apprécié, un thème abordé, parfois la nationalité du film si celle-ci n'est pas commune pour les films habituellement diffusés...

Le lieu idéal et le moment parfait pour voir un film ?

En salle. Dans un cinéma indépendant. Après un moment de repos pour être dans les meilleures conditions, entièrement disponible pour le film projeté.

Je te propose de voir un film. Qu'est-ce qui te fera accepter ?
De voir un film. Et de te rencontrer. Un film, une personne... c'est toujours cool, les rencontres.

Ta passion pour le cinéma te semble-t-elle communicative ?
Quand j'essaie des trucs avec ma fille, oui. Et puis, quand j'en essaie d'autres, c'est plus trop ça. J'imagine que c'est ça avec tous mes interlocuteurs.

Tes cinq derniers coups de coeur de cinéma ?

Les parapluies de Cherbourg que je n'avais pas encore vu et que j'ai découvert en famille. First cow de Kelly Reichardt, même si ça fait quelques mois que je l'ai vu. West Side story de Steven Spielberg qui me surprend encore. Le dernier duel de Ridley Scott qui offre une belle représentation médiévale tout en nous parlant de notre temps. Et L'an 01 de Doillon parce qu'un peu d'utopie anarchiste ça fait pas de mal.

Les prochains que tu attends avec impatience ?
Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, que je vais voir ce soir. Et Madres paralelas que j'ai raté. Je me rends bien compte que ces films que j'attends avec impatience, c'est déjà du passé pour beaucoup.

Quels seraient les dix films que tu me conseillerais ?
Paris, Texas et A touch of sin, Tous en scène et Brigadoon, Vampyr et Dracula par Coppola, L'Année dernière à Marienbad et Vertigo, Boyhood et La nuit américaine.

Dix personnalités de cinéma à choisir... qui retiens-tu ?

Alain Resnais, Alfred Hitchcock, Pedro Almodovar, Christopher Nolan, Kelly Reichardt, Adèle Haenel, Amy Adams, Julie Delpy, Chris Marker, Agnès Varda. Par exemple.

Quelques questions personnelles pour finir. Quel est ton prénom ?
Tu l'as et tu peux le donner. Je signe mes articles de mon nom, après avoir commencé, comme ça arrive souvent, sous un pseudo.

Quel âge as-tu ?
Je suis né en même temps que sortait La Guerre des Étoiles, épisode 4 (je suis même sûr que l'épisode était alors numéroté).

Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

Beaucoup de choses ! Mais s'il s'agit de savoir quelle profession j'exerce, c'est celle d'enseignant. Je signale la revue Zoom Arrière, montée par Edouard Sivière, à laquelle j'ai un peu participé et sur laquelle nous travaillons encore (un 6e numéro au printemps ?!).

Où habites-tu ?
Dans une cité marquée par l'époque médiévale, en accord avec mes goûts ! Et plutôt à la campagne. D'ailleurs, un festival de cinéma qui a fait sa réputation et qui a lieu près de chez moi a pour nom Rencontres à la Campagne.

Avec le cinéma, quel autre art préfères-tu ?
La peinture et le dessin ! La poésie médiévale et Marcel Proust ! La musique, en particulier le prog planant et alambiqué, mais d'autres styles aussi. La danse ! Et même l'art hermétique, à travers des textes vieux de plusieurs siècles et des secrets obtenus par un savant mélange de littérature, d'expérimentation et d'imagination. Il y a quelque chose du cinéma dans ces derniers mots, non ?

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Et voilà ! Je termine avec des remerciements...

Les premiers sont évidemment destinés à Benjamin pour s'être prêté au jeu. Avec les salutations d'usage, d'autres s'envolent vers Pascale, Dasola, Sentinelle, Tinalakiller, Strum, Chonchon, Eeguab, Laurent, Princécranoir et Ideyonne, mes premières références "bloguesques". N'hésitez pas à cliquer pour juger de plein d'autres visions du cinéma !

mardi 5 avril 2022

Plutôt bien conservé...

Encore une drôle de coïncidence: juste après avoir suivi l'histoire d'une femme qui refusait de se voir vieillir, j'ai directement enchaîné avec celle d'un homme qui paraît encore très jeune à l'âge de 85 ans ! En fait, si j'ai regardé Forever young, c'est parce que je l'avais vu quand j'étais ado et que je voulais savoir s'il allait me plaire encore...

Trois décennies plus tard, j'avais tout oublié, si ce n'est la présence de Mel Gibson dans le rôle principal. L'acteur joue à nouveau les têtes brûlées et, cette fois, enfile le blouson d'un sympathique pilote d'essai aérien. Nous sommes en 1939 et le beau Daniel est (très) amoureux de son amie Sarah, qu'il n'ose pourtant pas demander en mariage. D'où sa détresse quand la jeune femme est victime d'un accident grave qui la laisse inconciente. Aucun espoir réel de retour à la vie. Six mois passent sans que Dan sorte de chez lui et, quand il accepte de renouer contact avec le monde extérieur, c'est pour dire à un pote scientifique qu'il se porte volontaire pour un test de cryogénisation. "Et inutile de me réveiller si ma belle reste endormie !": sa consigne semble respectée à la lettre, en tout cas jusqu'à ce que deux gosses des années 90 jouent avec la capsule où le malheureux a été enfermé et, par inadvertance, en débloquent le mécanisme de fermeture. Ensuite ? Ce petit film s'avère ultra-prévisible, mais pas méprisable. Un point très sympa: on y retrouve Jamie Lee Curtis. Et Elijah Wood !

Forever young
Film américain de Steve Miner (1992)

Une bluette sans conséquence, mais pas antipathique pour autant. Surprise: le scénario est signé J. J. Abrams, que je connais surtout pour ses - innombrables - inspirations geek (et bien plus récentes). Vous préférez les histoires d'amour ? OK. Le cinéma en est un creuset inépuisable et Parle avec elle donne une toute autre vision du coma. Les amants endormis de Passengers sont beaucoup plus consensuels !

lundi 4 avril 2022

Assoiffée de sang

De quoi vous dégoûter de l'immortalité ! J'ai vu au théâtre une pièce inspirée du roman de Jonathan Swift, Les voyages de Gulliver (1721). La vie éternelle y était présentée comme un véritable et long calvaire infligé aux vieillards et pas une bénédiction offerte aux jeunes gens. En y repensant, il y a sans nul doute une morale à tirer de ce constat !

J'y songeais encore quelques jours plus tard: je regardais alors un film franco-allemand, La comtesse, sur le site Arte.tv. Julie Delpy, actrice et réalisatrice, y incarne avec conviction un mystérieux personnage dans ce qui est désormais la Hongrie: Erzsébet Báthory (1560-1614). Si cette femme, puissante membre d'une famille princière, est restée dans les mémoires après la mort de son mari, c'est essentiellement parce qu'elle fut ensuite soupçonnée d'être... une tueuse en série. D'après certaines allégations qui font encore l'objet de controverses entre historiens aujourd'hui, elle aurait fait assassiner des centaines d'enfants et d'adolescents, persuadée qu'elle était que leur sang, pur, pourrait lui servir de crème anti-âge ! Je rassure les âmes sensibles qui liraient cette chronique: le film ne verse que peu d'hémoglobine. Cela dit, les images ne démentent en rien la folie coupable d'Etzsébet. Le scénario nous intéresse à autre chose: son amour pour un homme de vingt ans son cadet et la frustration que cela suscite chez le père de ce dernier, qui devient alors son principal accusateur ! Troublant...

La comtesse
Film franco-allemand de Julie Delpy (2009)

Assez méconnu en France, ce long-métrage n'a certes pas le clinquant des meilleures productions du genre, mais reste très recommandable. Daniel Brühl s'y montre à son avantage, ainsi que William Hurt, mort dès le lendemain de ma séance télé (il y a donc pile trois semaines). Ami(e)s des vampires, notez que d'autres créatures aux dents longues hantent ce blog. Mon conseil aujourd'hui ? (Re)voir Les lèvres rouges.

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Cet opus est resté loin du triomphe en salles, mais...

Pascale, Dasola, Benjamin et Lui ont tous témoigné d'un avis positif.