dimanche 31 mars 2013

La fin de l'innocence

Son prochain film est attendu en salles dans deux grosses semaines. Aujourd'hui, je voulais vous parler d'une oeuvre un peu plus ancienne de Gus van Sant: Paranoid Park. On a parfois présenté le réalisateur américain comme le cinéaste de la jeunesse. C'est en effet le cas ici.

Le personnage principal est un adolescent lambda, qui trompe l'ennui de sa scolarité au cours de longues sessions de skate. Alex commet un jour une grosse bêtise - dont je ne dirai rien, désolé. Sa vie reste inchangée, tout du moins en apparence. Lui vit un grand big bang tout en gardant le silence. Rien ne sera jamais plus comme avant.

Paranoid Park adapte un roman de Blake Nelson. Gus van Sant signe ce que j'appelle un film sensoriel. Il dure moins d'une heure et demie. Les dialogues sont presque secondaires. C'est d'abord sur l'aspect photographique que le long-métrage a éveillé mon intérêt. Christopher Doyle, le directeur photo, a eu l'occasion de travailler avec de nombreux artistes asiatiques: il apporte une identité particulière à ce qui serait sans doute demeuré une histoire basique sans sa lumineuse intervention. L'emballage "cadeau" se complète d'une bande originale de très belle facture, mélangeant hymnes urbains et musique classique. Je conçois fort bien que cette forme puisse en rebuter certains. Pour moi, elle s'imbrique parfaitement dans le film et en augmente l'authenticité. Elle lui donne son souffle.

L'âme de Paranoid Park, elle, repose sur le visage assez tourmenté du jeune Gabe Nevins, acteur amateur. D'abord candidat à une place de figurant, le comédien a dit des choses fortes sur sa manière d'appréhender le film après y avoir joué: "J'ai compris que le cinéma pouvait être un art. Je veux réussir et réaliser des documentaires. Gus van Sant a changé ma vie". Le long-métrage prend alors des airs de récit initiatique, de douloureux passage vers le monde des adultes. En laissant ouverte la porte à l'imagination, les scènes finales forment mieux qu'une conclusion: une invitation à écrire la suite de l'histoire. Il n'est que de voir la manière dont Alex se purge de sa culpabilité pour comprendre que, s'il existe un espoir, le chemin vers la lumière est une route de solitude, bordée de difficultés et de renoncements.

Paranoid Park
Film américain de Gus van Sant (2007)

Dans son approche de la jeunesse américaine, le réalisateur fait écho au travail d'une Sofia Coppola, si pertinente dans Virgin suicides. Venu du cinéma américain indépendant, il développe une écriture picturale d'une grande beauté formelle, peut-être aussi parce qu'il a touché à la photo et à la musique. Si vous ne souhaitez pas attendre que je présente ses autres oeuvres, il vous est possible... de revenir en arrière et, dans mes archives, de retrouver le touchant Restless.

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Une option alternative ou complémentaire ?

Elle est ouverte grâce à la complicité de mes petits camarades rédacteurs de blogs. Vous trouverez ainsi d'autres chroniques du film sur les sites suivants: "Le blog de Dasola", "L'oeil sur l'écran" et enfin "Sur la route du cinéma". Je vous recommande fort d'aller y cliquer.

vendredi 29 mars 2013

L'enfant et les sortilèges

Quoi de plus banal ? Une famille déménage et la petite fille boude vaguement à l'arrière de la voiture. Quand le trio croit être arrivé enfin à proximité de sa nouvelle demeure, elle accepte quand même d'en sortir, le temps de découvrir un vieux parc d'attractions abandonné. Abracadabra ! À peine le temps de voir ses deux parents se ruer sur un repas pantagruélique que la gamine sent le monde alentour se transformer. Son statut d'humain fait bientôt d'elle l'esclave d'une sorcière. Ainsi débute vraiment Le voyage de Chihiro.

Traditionnel ou non, ce conte japonais est une pure merveille graphique. Je crois me souvenir que c'est avec lui que j'ai découvert Hayao Miyazaki et, en dépit d'une oeuvre inégale quant à son intérêt scénaristique, je ne l'ai jamais regretté. De celles que j'ai connues jusqu'à aujourd'hui, Le voyage de Chihiro est peut-être ma création préférée du maître japonais. C'est un vrai rêve éveillé ! L'imagination déborde dans tous les sens, avec toutes sortes de personnages hauts en couleurs. L'intrigue, elle, est un tantinet ésotérique, mais c'est justement l'occasion d'un dépaysement complet. Je ne peux promettre à personne de passer un bon moment, mais une chose demeure certaine: cette histoire-là vous emmènera ailleurs, inévitablement.

Le voyage de Chihiro est généralement très aimé. Dans son pays d'origine, il a été vu par 23 millions de spectateurs et s'affiche aujourd'hui comme le film le plus rentable de l'histoire du cinéma nippon. Récompensé au Festival de Berlin et aux Oscars, il est aussi très populaire en France, où il fut candidat au César du meilleur film étranger. Au tableau d'honneur, je veux citer également Joe Hisaishi, habituel collaborateur de Hayao Miyazaki et créateur de la bande originale, une pure merveille qui m'a transporté une fois de plus ! Sous sa facture classique, ce dessin animé prouve que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres et que l'émerveillement procuré par l'art peut être universel. Une leçon pour tous les âges.

Le voyage de Chihiro
Film japonais de Hayao Miyazaki (2001)

Jetez à présent un oeil à l'index des réalisateurs: il y a d'ores et déjà trois autres oeuvres du même auteur chroniquées ici. D'autres suivront probablement. Ma préférence ? Elle vise les plus enfantines. Je garde ainsi un excellent souvenir de mon état d'esprit au moment de sortir de Ponyo sur la falaise. J'avais de nouveau 5 ans à peine ! C'est peut-être également parce que c'est le seul que j'ai vu en salle.

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Plaisant, mais pas pour tout le monde ?

C'est possible aussi. Et confirmé à la lecture de "L'oeil sur l'écran".

Une dernière précision...
La référence à Ravel dans mon titre est clairement volontaire.

mercredi 27 mars 2013

Le dernier chemin

Un réalisateur dont j'ai souvent apprécié l'étrangeté, un acteur charismatique que j'aime dans ses premiers rôles, un genre pour moi incontournable, une photographie noir et blanc qui titillait ma rétine cinéphile… j'avais plusieurs raisons de vouloir découvrir Dead man. Jim Jarmusch et Johnny Depp réunis pour un western, je n'avais pas besoin d'avoir beaucoup plus d'informations pour titiller ma curiosité. Et si j'ai du mal aujourd'hui à vous parler du film, c'est en fait juste parce que je ne suis pas sûr d'avoir vraiment compris où tout cela menait. Il me manque quelque chose, je crois. Quoi ? Je l'ignore.

Surprenante sensation d'être un peu perdu… en terrain familier. Reprenons par le début: au terme d'un périple ferroviaire trop long pour être honnête, Johnny Depp / William Blake se présente candidat à un poste d'assistant comptable dans une drôle de ville du far west. Bien qu'il soit venu sur demande écrite, il est violemment éconduit par le patron de l'entreprise - Robert Mitchum, dans son dernier rôle. Quelques instants plus tard, il croise une femme éjectée d'un saloon, couche avec elle, se fait tirer dessus et se retrouve entre les mains (pacifiques) d'un Indien à la philosophie aussi métaphorique qu'obscure, poursuivi de plus par un trio de chasseurs de primes. Bizarre, vous avez dit bizarre ? J'ai bien regardé et vous le confirme !

Je me répète: à la descente du train, je n'ai pas réussi à raccrocher les wagons. Je m'attendais certes à un film un peu ésotérique venant de Jim Jarmusch, mais là, ça dépasse ce que j'avais pu imaginer. Autre aspect qui m'a dérouté: la bande originale, une série d'improvisations de Neil Young à la guitare électrique, qui est arrivée à me mettre les nerfs en pelote plutôt qu'autre chose. Reste au fond de moi l'impression d'être passé à côté de quelque chose, sentiment frustrant, mais qui m'incite à ne pas descendre le film. On peut aimer Dead man, j'en suis convaincu, et j'ai d'ailleurs moi-même pu apprécier le jeu des acteurs, Johnny Depp en tête, et cette photo noir et blanc. C'était peut-être juste un peu trop expérimental pour moi.

Dead man
Film américain de Jim Jarmusch (1995)

J'ai découvert le réalisateur avec Ghost dog - que j'aime beaucoup. Vous trouverez en moi un défenseur de Broken flowers, film controversé. En revanche, j'ai eu plus de mal avec Down by law. Attendons de voir ce que ça donnera avec son opus 2013, Only lovers left alive. D'ici là, pour Johnny Depp, je vous conseille Arizona dream. Ou, côté westerns modernes portés par la performance d'acteur, True grit. Une liste très loin d'être exhaustive, bien sûr...

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Deux dernières choses à dire...
D'abord, un conseil: allez lire la chronique de "L'oeil sur l'écran". J'indique enfin que j'ai parlé de ce film aussi pour un clin d'oeil posthume à Marlon Brando qui, il y a quarante ans jour pour jour, refusait l'Oscar du meilleur acteur et envoyait une Amérindienne profiter de sa tribune pour parler de la cause de son peuple. C'est dit. J'ai préféré cette anecdote aux cinquante ans de Quentin Tarantino.

lundi 25 mars 2013

La gamine au vélo

Le paradoxe de Wadjda, c'est qu'on en parlera sans doute beaucoup dans les cercles cinéphiles et qu'à l'inverse, sa modestie fondamentale pourrait le couper d'une importante partie du public. Moi, je suis d'abord allé le voir pour ajouter un petit drapeau - le 32ème déjà depuis l'ouverture du blog - sur le planisphère de mes découvertes cinéma. Ce pays, c'est l'Arabie Saoudite, État du Golfe persique grand comme quatre fois la France et pourtant dépourvu de la moindre salle obscure. J'ose donc dire que le film d'aujourd'hui est un petit miracle.

Le plus incroyable est que cette toute première production saoudienne est l'oeuvre d'une femme, Haifaa Al-Mansour, qui a souhaité tourner sur place, à Riyad, la capitale du royaume, avec des partenaires allemands, certes, mais aussi des interprètes locaux. Wadjda, le titre du film, est le prénom d'une petite fille de 12 ans, inscrite à l'école coranique. Son destin paraît tout tracé et devrait ressembler à celui de sa mère: se marier jeune et vivre sans bruit, soumise à l'homme qu'on aura choisi pour elle. La gamine, elle, n'y pense pas et poursuit son rêve éveillé: posséder le vélo qui lui permettrait de faire la course avec son ami Abdallah. Un rêve qui tient lieu de pensée révolutionnaire dans un pays où les femmes n'ont même pas le droit de conduire une voiture et où le pouvoir s'est, depuis 60 ans, concentré entre les mains de cinq frères. Le long-métrage n'a rien d'un pamphlet, mais il illustre - finement - l'archaïsme de ce régime.

Mieux qu'un brûlot politique, ce film est une porte ouverte. Il donne ainsi à voir un peu de ce qui reste habituellement caché. Il y parvient tout en douceur, sans grande déclaration et sans violon, et même avec une certaine dose d'humour. Waad Mohammed apporte l'incroyable fraîcheur de sa condition enfantine à cette histoire venue de nulle part. Elle est épatante: je crois que je ne suis pas près d'oublier sa frimousse mutine, d'un naturel désarmant. J'insiste toutefois pour dire que Wadjda parle aussi des adultes. Il est permis de prendre cette histoire pour un manifeste féministe. J'ai admiré l'intelligence du scénario, qui évite tous les écueils du manichéisme. Au final, et même si j'ai ressenti une toute petite longueur au milieu de la séance, j'ai vu un grand petit film, de ceux qui s'inscrivent rapidement au rang de mes coups de coeur. Heureux que l'émotion me vienne d'un pays jusqu'alors totalement fermé au septième art !

Wadjda
Film saoudien de Haifaa Al-Mansour (2012)

Le titre de ma chronique est évidemment un clin d'oeil au film optimiste des frères Dardenne, Le gamin au vélo. Dans une liste d'enfants en lutte, j'ose également un rapprochement géographique avec les petits Japonais de Nobody knows. Si vous préférez rester dans le Golfe persique, en compagnie d'autres jeunes rêveurs, il est bon de vous recommander une nouvelle fois Captain Abu Raed, venu de Jordanie. Le combat pour la liberté, vous pourrez mieux en juger en Iran, avec Une séparation ou Les chats persans, notamment.

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Pour en savoir plus...

Vous trouverez tout ce qu'il faut sur Internet pour mieux comprendre comment ce film est parvenu jusqu'à nous. Du point de vue critique, je vous recommande également la lecture des chroniques de Pascale ("Sur la route du cinéma") et de Dasola ("Le blog de Dasola"). Attention: la seconde en dit beaucoup sur la presque fin du métrage.

samedi 23 mars 2013

Les autres

La tête ailleurs, j'ai raté les derniers films de Vincent Lindon. C'est notamment pour lui que j'ai sauté sur l'occasion de voir enfin Ceux qui restent. À dire vrai, j'aime aussi beaucoup sa partenaire féminine dans ce joli film - Emmanuelle Devos. La thématique choisie peut inquiéter: il illustre la rencontre d'un homme et d'une femme dans les couloirs d'un hôpital, chacun au chevet de leur partenaire respectif. La mort rode, prête à tout bouleverser, mais les malades restent à l'écart du champ de la caméra. Le titre du long-métrage résume assez bien son enjeu. Je n'ai pas envie d'en dire davantage.

J'ai déjà dit que Ceux qui restent est un joli film. Imparfait certainement, mais plein de bonnes choses, au-delà des intentions. C'est aussi un premier film, d'une belle maîtrise émotionnelle. Évidemment, le duo de comédiens tire l'ensemble vers le haut. N'empêche: il aurait été facile de verser dans le pathos pur et dur. C'est pratiquement le contraire qui survient, le long-métrage conservant ce qu'il faut de silences pour laisser le spectateur choisir son ressenti propre et ouvrant la porte à assez de personnages secondaires pour densifier son intrigue, sans jamais l’opacifier. Malgré quelques petites failles, le propos est très intelligent. Le film n'étant ni trop court ni trop long, je le trouve réellement très tenu.

Et puis, il y a donc Emmanuelle Devos et Vincent Lindon. Parfaits ? Peut-être pas. Justes, en tout cas, et concernés, c'est flagrant. Anecdote intéressante: chacun joue à contre-sens de sa nature ! L'anxiété de l'homme Vincent Lindon est ici canalisée pour composer un personnage introverti, mutique. La véritable Emmanuelle Devos serait très intérieure, mais son personnage est des plus volubiles. Ceux qui restent est donc bien un film de l'altérité. En s'appuyant d'abord sur une problématique à laquelle nous pouvons tous être confrontés, il montre qu'il n'y a pas qu'une unique réponse possible aux épreuves de la vie. Il en apporte une, avec pudeur et douceur. Une conclusion qui ne saurait convenir à tout le monde, mais...

Ceux qui restent
Film français d'Anne Le Ny (2007)

Avec son air de Valérie Lemercier, la réalisatrice est un visage connu du cinéma français, même si elle a mis une dizaine d'années à passer derrière la caméra. Elle se sort très convenablement d'un sujet difficile. J'aime ces films pudiques qui émeuvent sans violon. Laissez-moi y réfléchir un peu avant de vous en suggérer d'autres...

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Et en attendant...

Vous aurez peut-être envie de lire d'autres avis sur le long-métrage d'aujourd'hui. C'est possible sur trois des sites que je fréquente assidument, j'ai nommé "L'oeil sur l'écran", "Sur la route du cinéma" et "Le blog de Dasola". Je vous suggère d'y faire un saut également.

jeudi 21 mars 2013

Un homme et une femme

Simon sort de prison le jour du réveillon. Les mêmes clés ouvrent l'appartement de Françoise. La belle n'en est pas moins infidèle et, presque surpris par l'amant, Simon déguerpit. Fin des images en noir et blanc et... passage à la couleur. Simon veut braquer une bijouterie cannoise. Françoise, elle, possède la boutique d'antiquités voisine. Elle est si belle que le bandit en tombe amoureux. Vous pourrez connaître la suite en regardant comme moi La bonne année, un film de Claude Lelouch qui m'a été offert récemment (et merci à LuX !).

C'est ma mère qui, un soir, a voulu donner sa chance au film. Personnellement, il me tentait également pour une raison: la présence au générique de Lino Ventura. À 54 ans, l'ancien catcheur impose ici une personnalité massive. Son jeu de séduction est vraiment agréable à regarder et à entendre, gestuelle parfaite et dialogues ciselés. Partenaire au niveau, également: à 40 ans, Françoise Fabian s'avère très crédible dans le rôle de la femme expérimentée et hédoniste. Vous l'aurez compris: La bonne année est d'abord l'histoire d'un duo. Son bon fonctionnement fait vite passer le braquage au second plan.

Les autres personnages aussi, du même coup ! Pas question toutefois de s'en plaindre: le propos du réalisateur ne les concerne finalement guère. Quant au cadre de cette histoire, il n'a pas grande importance non plus, négligeant mon espoir de revoir la Cannes des années 70. Attention: La bonne année n'est pas tout à fait intemporel. Il dit même quelque chose de son époque, à travers l'autonomie revendiquée de son premier rôle féminin. Sur la forme, un peu lent parfois, le film s'offre une BO de Mireille Mathieu, d'ailleurs présente à l'image. Autant conclure ainsi: j'ai vu bien pire, mais j'ai vu mieux.

La bonne année
Film français de Claude Lelouch (1973)

Quarante ans déjà, fichtre ! Claude Lelouch peut susciter l'étonnement avec ce film, en l'ouvrant délibérément avec les scènes finales d'Un homme et une femme. Passée cette surprise, j'ai accroché à l'histoire et suivi avec un certain intérêt les parades amoureuses du duo Simon / Françoise. J'ai eu plus de mal à admettre les règlements de compte larvés entre le réalisateur et la critique cinéma. Le dernier plan, dont Stanley Kubrick himself s'est inspiré pour écrire la fin d'Eyes wide shut, est toutefois vraiment très beau.

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Une petite précision...

J'ai opté pour deux images en noir et blanc, mais l'essentiel du film est bel et bien en couleurs. L'alternance visuelle est intéressante.  

mardi 19 mars 2013

Fragment d'Afrique

Je veux découvrir le cinéma africain. Exprimé ainsi, mon désir paraît démesuré, comme s'il était possible, à partir de quelques films seulement, de capter l'âme d'un continent aux mille et une facettes. Disons que je souhaite m'ouvrir à ces cultures. Pour commencer, il y a maintenant quelques semaines, j'ai regardé Un homme qui crie, film venu du Tchad et lauréat du Prix du jury au Festival de Cannes 2010.

Le scénario nous conduit dans un pays en guerre. Un conflit qui reste largement hors-champ, le film s'intéressant à deux personnages, Adam, gardien de piscine dans un hôtel de luxe, et son fils Abdel. Pour une simple question d'âge, le plus jeune menace la position sociale du plus âgé, ce qui rend la communication entre eux difficile. En apparence, Un homme qui crie porte mal son titre -  un vers d'Aimé Césaire. C’est une œuvre traversée de longs silences. L'expression même des non-dits. Si vous espériez un long-métrage bavard et explicatif, vous pourriez être dérouté par son rythme. Caméra fixe et absence de dialogues: c'est pesant, mais assumé comme tel. Un style, peut-être - j'attendrai d'avoir vu d'autres films du réalisateur pour en juger avec peut-être un peu plus de pertinence.

J'ignore tout de Youssouf Djaoro et Diouc Koma, les acteurs principaux de ce drame. Le second, qui interprète Abdel, a aussi joué dans plusieurs films français. Certaines de ses fibres relient objectivement Un homme qui crie à l'Europe: il est de production franco-belge et, comme je l’ai dit, il a été consacré sur la Croisette. D'autres prix sont venus sillonner son parcours, l'un lui étant décerné au nom du Vatican, lors de la Mostra de Venise. J'élude volontairement la question du mérite: malgré sa lenteur, le film m'a plu. Puisqu’il s'agit du premier film africain que je présente, j'espère désormais que ce ne sera pas le seul et que je ne vous ferai pas attendre cinq ans de plus pour en chroniquer un autre. Nous verrons.

Un homme qui crie
Film tchadien de Mahamat-Saleh Haroun (2010)
Pas facile de comparer ce long-métrage à un autre. J'apprécie toutefois de m'aventurer ainsi hors des sentiers cinématographiques battus. Si vous voulez m'imiter, je peux toujours vous conseiller d'aller sur ma page "Cinéma du monde". Et si ça vous paraît éloigné de vos repères artistiques, souvenez-vous que, cette année-là, le jury du Festival de Cannes était présidé par Tim Burton. Et qu'il avait offert une Palme d'or controversée à un film thaïlandais déjà évoqué ici: Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures.

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Un autre regard ?

Pascale ("Sur la route du cinéma") parle du film également.

dimanche 17 mars 2013

Tous au cinéma !

Ce midi, j'ai un conseil à vous donner: si vous trouvez votre bonheur dans la programmation actuelle de votre cinéma, c'est le moment idéal pour y faire une sortie. Le Printemps du cinéma vient juste d'ouvrir ce matin, les salles participant à l'opération offrant un tarif réduit à 3,5 euros la séance. Pour moi, c'est le tiers du prix habituel dans le cinéma le plus confortable de la ville et la moitié dans la salle la plus éclectique. Ce Printemps avancé se prolonge jusqu'à mardi.

L'année dernière, très exactement sur le même format, il avait attiré 2,5  millions de spectateurs, dont plus de la moitié le dimanche. J'espère que ça ne vous découragera pas: j'entends si souvent parler du mauvais comportement d'une partie du public des salles obscures comme d'un frein à l'expérience de l'écran géant ! Pour convaincre qu'on peut aimer le cinéma malgré ce vrai fléau, peut-être qu'il faudra qu'un jour, je vous parle à mon tour de mes mauvaises expériences...

Ce n'est pas mon propos aujourd'hui. J'aime autant dire deux mots rapides de la campagne promotionnelle du Printemps du cinéma, apparue assez rapidement sur nos écrans. La Fédération nationale des cinémas français, promoteur de la manifestation, avait opté cette année pour une animation 3D relief d'abeilles et d'hirondelles. C'était mignon comme tout, bien qu'en décalage avec le style habituel. Je n'ai pas été tout à fait convaincu, mais je m'inclinerai volontiers si ça motive les gens à sortir. La réponse nous appartient !

vendredi 15 mars 2013

Jeu de piste

David Fincher n'est peut-être pas le plus prolifique des cinéastes hollywoodiens, mais j'aime assez ceux de ses films que j'ai déjà eu l'occasion de voir. C'est sur son nom et sa réputation que j'ai eu envie de m'en offrir un nouveau: Zodiac. Croyez-le ou non: je ne savais véritablement que très peu de choses sur le long-métrage auparavant. Pour info, je vous indiquerai simplement qu'il commence vers la fin des années 60, quand un tueur en série sème doucement la panique en Californie. Âmes sensibles, les premières scènes vous feront mal !

Par la suite, c'est plus facile à regarder. Plus qu'une longue litanie d'assassinats sordides, nous sommes invités à suivre le jeu de piste qui s'engage bientôt entre le meurtrier, la police et la presse. C'est d'ailleurs précisément aux journaux que le criminel fait l'aveu spontané de ses méfaits. L'originalité de la démarche tient au fait que cette confession est anticipée. Zodiac - c'est là le pseudonyme qu'il se donne - joue au chat et à la souris, revendiquant son "travail" et annonçant d'autres abominations. Sans toujours passer à l'acte...

Zodiac (le film) m'a semblé plus imaginatif qu'un énième thriller américain. Avec entre autres les bons Jack Gyllenhaal, Mark Ruffalo, Robert Downey Jr. et Chloë Sevigny, la distribution a fière allure. J'imagine que la très importante quantité de dialogues prononcés pendant les deux heures et demie du long-métrage vous obligera inévitablement à rester concentrés sur l'écran. Vous aurez le temps d’échafauder des hypothèses et serez cueillis par surprise à la fin. Avant cela, n'oubliez surtout pas de jouir d'une admirable réalisation !

Zodiac
Film américain de David Fincher (2007)

Est-ce la patte de son auteur ? L'oeuvre d'aujourd'hui m'a donc paru singulière dans l'univers des polars "made in USA". Je ne vois guère d'autre film comparable, même si l'ambiance toute particulière a pu m'évoquer un Shutter Island - sorti plus tard, toutefois. À noter aussi que Zodiac s'inspire d'une histoire vraie et cite L'inspecteur Harry. Logique: le film de Don Siegel évoquait déjà le tueur du Zodiaque.

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Deux analyses à lire aussi...

Si vous voulez d'autres avis, je vous recommande un petit coup d'oeil sur "Le blog de Dasola" et chez Pascale ("Sur la route du cinéma"). 

mercredi 13 mars 2013

Le dernier de Jean ?

J'y pense de temps à autre. Qui sait ? Ce sera peut-être une évolution du blog. Pour l'heure, statu quo: je n'ai pas encore l'intention de parler des films le jour de leur sortie. Je fais jute une exception ce mercredi pour rebondir sur une actualité... vieille d'un petit mois déjà. Stupeur cinéphile: Jean Rochefort a annoncé la fin probable de sa carrière cinéma. Ainsi que je l'avais suggéré il y a presque deux ans, L'artiste et son modèle, en salles aujourd'hui, pourrait être son dernier film. Le comédien explique qu'il ne reviendra plus, sauf coup de foudre. Désormais, son envie est de sortir dignement. Comme il le mérite.

"Qu'est-ce qu'elle a, votre gueule ?", lui a-t-on demandé il y a peu. Il a répondu "Mon âge", un timide sourire caché derrière la moustache. Même si je me suis alors rappelé l'avoir entendu dire, la simple idée de ne plus voir Jean Rochefort à l'écran m'a surpris et un peu choqué. J'aime trop ce vieux monsieur pour le voir faire ses adieux à la scène sans un pincement au coeur. La scène, oui: c'est bien sur les planches d'un théâtre que j'ai eu la chance de l'applaudir. Quel grand souvenir ! Avec Entre autres, accompagné d'un accordéoniste, il m'avait fait rire, frémir, pleurer, vibrer... avant qu'il retourne amuser les ombres de la coulisse, je m'étais levé, sans y avoir véritablement réfléchi. Monsieur Rochefort valait bien cette standing ovation instinctive.

L'homme n'est pas mort, toutefois, et, vu que l'Académie lui a remis un César d'honneur dès 1999, il n'y a plus lieu de l'enterrer trop vite. J'irai donc voir L'artiste et son modèle. J'en reparlerai ici. J'essayerai de ne pas espérer trop fort un improbable retour et de me contenter des nombreuses oeuvres que je dois encore découvrir. Que peut-on souhaiter d'autre à un tel artiste qu'une douce et heureuse retraite ? Jean Rochefort s'efface à  bientôt 83 ans. Lui qui a si souvent partagé la lumière avec d'autres plus jeunes que lui nous laisse un héritage conséquent. Un peu triste, c'est certain, je ne l'oublierai pas de sitôt. Pour consoler mon chagrin, je tâche de retenir ses leçons d'élégance. Il vaut mieux le voir arrêter le cinéma que voir le cinéma l'arrêter.

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Bon, alors, en fait...

J'ai rédigé ce message sur le coup de l'émotion. Il me faut préciser que, depuis, Jean Rochefort est revenu sur ses propos assez souvent, démentant l'idée de vouloir arrêter. Grosso modo, il ne marchera plus qu'au coup de coeur, si j'ai bien compris. Ce n'est pas idiot, je trouve.

lundi 11 mars 2013

La guerre

Je crois que Zero dark thirty ne peut pas faire l'unanimité. Raconter la traque d'Oussama Ben Laden, oser changer le scénario à l'annonce de sa mort et rendre visible ce que l'Amérique a certainement classé secret défense: c'est juste logique, je crois, que ça déclenche d'innombrables controverses. Je ne sais même pas expliquer vraiment ce qui m'a motivé à aller voir ce film. Peut-être l'envie - ou le besoin - de mettre des images sur cette opération militaire censée protéger nos démocraties. J'en suis sorti le ventre noué, la tête pleine d'interrogations nouvelles pour moi. C'est une bonne chose, je crois.

Les États-Unis sont-ils la plus grande démocratie du monde ? J'ai envie de dire oui, dans la mesure où, dans un pays qui serait privé des libertés fondamentales, je crois qu'un film comme celui-là n'existerait pas. Le problème est que Zero dark thirty ne répond vraiment à aucune des deux questions fondamentales: 1) est-ce bien Oussama Ben Laden qu'un commando héliporté américain a abbatu lors d'un raid au Pakistan en mai 2011 et 2) la mort de cet homme est-elle une avancée importante dans la lutte contre le terrorisme global ? J'ose encore croire à une double réponse positive, mais...

Zero dark thirty n'est finalement pas un film d'espionnage, en fait. C'est un film de guerre. Un film qui montre frontalement que lutter contre l'ennemi peut rendre nécessaire d'adopter ses méthodes, dommages collatéraux inclus. Les toutes premières images replacent la torture dans toute son horreur, avec d'autant plus de violence qu'elle émane du supposé camp du "bien". Il faut avoir le coeur accroché pour supporter ces images. Le reste, entre explosions, coups de feu et morts d'innocents, paraît presque moins brutal. Insoutenable paradoxe. C'est le prix à payer pour la liberté, peut-être.

Kathryn Bigelow, réalisatrice du film, dit que son but "était de donner un sentiment de réalité". Mission accomplie, si j'ose dire. J'ai eu plusieurs fois le souffle coupé par la tension qui se dégage invariablement de ses images. Quelques rares scènes demeurent cousues de fil blanc, leur conclusion cinématographique pouvant être anticipée bien en amont. N'empêche: en sortant de l'atmosphère ouatée des bureaux de la CIA pour illustrer le vrai travail des agents sur le terrain, Zero dark thirty prend aux tripes. Et l'assaut final donne un ultime coup de trique, glacial par son efficacité même.

Tout cela fait-il du grand cinéma ? Peut-être pas. Mais du cinéma nécessaire, je crois bien que oui. C'est à vrai dire la première fois depuis longtemps que j'ai autant fait abstraction de l'aspect formel d'un film, totalement concentré que j'étais sur le fond. On peut sûrement lire en Zero dark thirty un saisissant portrait de femme. Cette fois, d'ailleurs, la réalité des faits semble avoir été respectée, une femme ayant bel et bien permis de localiser enfin la cache d'Oussama Ben Laden. Et Jessica Chastain de s'illustrer en jouant admirablement une autre personne... dont on ne sait presque rien.

Zero dark thirty
Film américain de Kathryn Bigelow (2012)

Au terme de cette chronique écrite "à chaud", je n'ai plus grand-chose à ajouter. Un mot quand même pour dire la réelle admiration que j'ai pour le talent et l'audace des cinéastes américains quand ils évoquent l'histoire de leur pays sans attendre d'avoir du recul. Kathryn Bigelow s'inscrit dans la lignée des Coppola, Kazan et autres Pakula. Pour ça au moins, je voudrais pouvoir lui dire: bravo, madame, et merci !

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En exact contrepoint...

Je vous propose de lire l'avis de Pascale ("Sur la route du cinéma").

Et pour être très précis...
Il me faut dire que le film a été récompensé au cours de la cérémonie des Oscars du 24 février dernier. Jessica Chastain en est revenue bredouille, la seule statuette récompensant le travail de mixage sonore de Paul J. Ottoson. Le technicien termine d'ailleurs ex-aequo avec le duo Per Hallberg et Philip Stockton, ses confrères sur Skyfall.

samedi 9 mars 2013

Refaire sa vie ?

Parce qu'il a surpris sa femme en flagrant délit d'adultère, Pat a pété les plombs et vient de passer huit mois en hôpital psychiatrique. Il a perdu son travail et son appartement du fait de son internement. Quand il ressort, sa mère vient le chercher, tâchant de se convaincre que tout ira bien désormais. Seulement voilà, rien n'est si simple et, quitté par son épouse infidèle, Pat n'en reste pas moins amoureux d'elle, sûr de sa capacité à la reconquérir. Je vous laisserai découvrir seuls les très nombreux rebondissements de Happiness therapy. Disons pour être clair que j'ai franchement beaucoup aimé le film !

Je suis bien content de moi: à son sujet, je n'avais pourtant pas lu grand-chose, me contentant d'un bon feeling qui s'est donc avéré justifié. Zappez donc la bande-annonce: ces images (mal) montées tendent à présenter le long-métrage comme une comédie romantique ordinaire. Happiness therapy est plus que ça, je crois. S'il y est question d'amour et d'amitié, le scénario ne tombe pas dans le cul-cul la praline. J'ai en fait trouvé que l'intrigue était tendrement naïve. Peut-être bien que les personnages n'évolueraient pas de manière aussi importante dans la vraie vie, mais l'intérêt est là, justement ! C'est du cinéma, bon sang ! Je revendique ce droit à l'utopie ! On a quand même le droit de rire et de rêver de temps en temps ! Je l'ai fait avec beaucoup de plaisir avec ce film. Je crois même pouvoir admettre que je n'en attendais pas tant. Oui, c'est sans aucun doute mon premier vrai coup de coeur de l'année au cinéma. Que du bon !

Ce qui est vraiment cool, c'est que le réalisateur ait su adjoindre toute une galerie de bons personnages secondaires à ses héros (Bradley Cooper et Jennifer Lawrence, excellents tous les deux). Comme nous - ou au moins comme moi, donc, les comédiens semblent s'en donner à coeur joie, au parfait point intermédiaire entre la fantaisie et l'émotion. En faire la liste tout à fait exhaustive serait fastidieux, mais je veux au moins pouvoir citer le chouette duo Robert de Niro / Jacki Weaver, sensationnels parents de fiction. Happiness therapy brille également sur le plan technique: il est franchement bien filmé, monté et mis en musique - avec notamment une composition originale de Danny Elfman et quelques tubes rock bien sentis. Tout au long du film, j'ai eu l'impression d'un crescendo vers la lumière retrouvée. Oui, voilà une oeuvre optimiste ! Refaire sa vie, disais-je ? Et si, en fait, c'était encore mieux de la continuer ?

Happiness therapy
Film américain de David O. Russell (2012)

Vous voyez: je n'ai même pas envie de râler sur le titre anglo-saxon "traduit" de l'original Silver linings playbook. Je voulais juste ajouter qu'au cours de la projection, j'ai jugé possible d'oser une comparaison avec The fisher king. Ceux d'entre vous qui aiment les comédies romantiques originales pourront aussi apprécier mon coup de coeur 2012, Elle s'appelle Ruby. Tâchez enfin de garder un peu de temps pour le précédent film de David O. Russell, Fighter. Un genre différent, mais des thématiques communes et la même intensité...

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Et maintenant, pour faire contraste...

Je note que Pascale ("Sur la route du cinéma") est moins emballée.

Et pour être tout à fait complet...
J'ajoute que Jennifer Lawrence vient juste de décrocher l'Oscar 2013 de la meilleure actrice. Elle le mérite, mais je regrette que l'Académie n'ait pas retenu Robert de Niro pour celui du meilleur second rôle masculin. L'ex-affranchi n'avait plus été nominé... depuis 1992 !

jeudi 7 mars 2013

Une amitié carcérale

La première fois que j'ai vu Les évadés, c'était au format VHS. Autant dire que, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. La diffusion du film sur W9 m'a permis de le revoir et, même si j'ai détesté le fait qu'il soit entrecoupé d'infâmes spots publicitaires, j'ai été content d'avoir l'opportunité de le redécouvrir. J’avais très largement oublié cette histoire et son héros, Andrew Dufresne, dès le début condamné pour un double meurtre à deux fois cinquante ans d'emprisonnement. Unité de lieu: un pénitencier. Unité de temps: plusieurs décennies.

Contrairement à ce que son titre pourrait bien indiquer, Les évadés n'est pas véritablement un film sur la prison. L'évasion annoncée ? Vous verrez bien ! Il parle plutôt de l'étrange forme de solidarité amicale qui s'établit entre détenus et de la force de l'esprit humain face à l'injustice et à la violence de l'institution. Je n'ai pas lu le livre de Stephen King dont le long-métrage s'inspire, mais le montage cinéma m'est apparu vraiment bien fichu. De plus en plus nombreux, les personnages viennent densifier l'intrigue, sans la rendre incompréhensible. La tension va crescendo et on se demande souvent où tout cela va mener. Pour la surprise, évitez la bande-annonce !

La grande qualité du film vient aussi de sa distribution. Les images sont souvent portées par la voix off de Morgan Freeman, impeccable à l'écran, bien sûr. Tim Robbins et lui forment un joli duo, complémentaire et complice. Aucun autre des comédiens ne peut s'appuyer sur la même notoriété, sans que ça nuise à la qualité d'ensemble, bien au contraire. Le scénario de Les évadés ne livrant ses secrets qu'au compte-gouttes, je suis resté scotché au fauteuil. Plaisir total ! En écartant le confort du manichéisme, le long-métrage va droit au but et touche au cœur. Une autre preuve que le cinéma peut être intelligent et divertissant. Il suffit juste d'en décider ainsi.

Les évadés
Film américain de Frank Darabont (1994)
Je ne crois pas que la prison soit souvent montrée de cette façon. Même si ce n'est que provisoire, je ne me sens toutefois pas capable de lister aujourd'hui une série de films comparables. Je crois intéressant de donner quelques infos complémentaires. 1) le film d'aujourd’hui fut nommé à sept Oscars, resta bredouille et obtint finalement une récompense du même type... au Japon. 2) Echec relatif en salles, il est devenu culte par la suite, au point de prendre la première place du top 250 IMDb, la référence des sites d'information sur le cinéma mondial et américain. 3) Frank Darabont choisit d'adapter cinq ans plus tard un autre livre de Stephen King lié à l'univers carcéral, La ligne verte. C'est promis: j'y reviendrai.

mardi 5 mars 2013

Des copains, d'abord

La première qualité de Vincent, François, Paul et les autres... ? C'est sans doute d'avoir su faire d'un groupe de comédiens une bande de copains crédible. Certes, quand on dispose d'acteurs de la trempe d'Yves Montand, Michel Piccoli, Serge Reggiani et Gérard Depardieu, c'est sûrement un peu plus facile. N'empêche: parce que je n'ai jamais vraiment eu l'impression que tout ça était fictif, je dirais que le film est une incontestable réussite. Et l'imagerie seventies de l'ensemble passe finalement assez bien. Mais qu'est-ce qu'ils fument, tous !

C'est peut-être affaire de génération: ma toute première rencontre avec Claude Sautet ne m'a pas totalement emballé. Sorti en salles l'année de ma naissance, le long-métrage parle d'un temps que je n'ai que peu connu et pas du tout "capté". Le plaisir pris à voir défiler autant de bons comédiens n'a pas, cette fois, suffi à m'emmener ailleurs, ce que j'attends du cinéma en général. Il faut dire également que le film donne à voir les états d'âme d'une bande de quinquas. Possible que je sois encore trop jeune pour les partager. Vincent, François, Paul et les autres… ne m'a pas déplu. J'imaginais simplement ressentir un peu plus d'empathie pour les personnages.

Centre possible de l'intrigue, Yves Montand est celui qui attire le plus le regard. Chacun à son tempo, Serge Reggiani et Gérard Depardieu offrent également une belle composition. C'est vraiment Michel Piccoli qui m'a le moins séduit: sous ses allures de bon vivant, le médecin qu'il incarne m'a paru antipathique, notamment compte tenu du lien qui l'unit avec les femmes. Est-ce là que réside la relative "faiblesse" du scénario ? Possible. Vincent, François, Paul et les autres… est d'abord un film d'hommes. Il porte en lui un déséquilibre, qu'on peut considérer volontaire, mais qui m'a tenu comme à l'écart. Tant pis…

Vincent, François, Paul et les autres…
Film français de Claude Sautet (1974)
Les emballages de DVD dévoilent parfois des éléments sur les films qui gagneraient pourtant à rester dans l'ombre. Je me suis fait prendre au piège avec ce film-là. Méfiance ! Dernier long-métrage réalisé par Guillaume Canet, Les petits mouchoirs a été comparé plusieurs fois à celui de Claude Sautet, plus subtil pourtant. Comparaison qu'on peut comprendre par la présence d'une bande d'amis, mais qui ne tient plus vraiment quand il s'agit du style. Affaire de génération, disais-je, et ça marche aussi sur cet aspect.

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Pour un autre regard...
Je vous recommande la lecture de "L'oeil sur l'écran".

dimanche 3 mars 2013

Bluette musicale

Mes années au cinéma sont souvent pleines de surprises. Février n'était pas encore terminé que j'avais déjà vu autant de vieux films en salles qu'au cours de toute l'année 2012 - c'est une bonne habitude à prendre. Cela dit, j'aurais certainement raté Grease si une amie n'en avait pas parlé comme d'une occasion de bonne soirée possible entre copains/copines. L'argument de la ciné-nostalgie ne joue pas avec moi: je n'avais pas quatre ans quand le film est sorti en France.

Et puis, John Travolta, je le laisse aux filles - qui en profitent d'ailleurs sans vergogne, si j'en juge par l'attitude de mes voisines d'un soir. Dans Grease, le beau gosse a 24 ans, soit six (!) de moins que sa partenaire à l'écran, la très blonde Olivia Newton-John. Lui porté sur le perfecto, elle branchée jupe plissée, ils forment un couple improbable, mais c'est étudié pour. Le loulou Danny et la nana Sandy se sont aimés tout l'été et, contre toute attente, se découvrent élèves du même lycée une fois l'automne venu. Vous imaginez la suite ! Comme de bien entendu, dans cet établissement scolaire, les devoirs ne sont qu'une formalité et on passe plutôt son temps à danser, chanter et draguer. En bonne comédie musicale à l'intrigue romantique, le film est rempli de guimauve et de couleurs pastel.

Surprise: ce n'est pas désagréable ! Bien que d'une naïveté confondante, les dialogues font aussi quelques allusions au sexe qui, sinon grivoises, demeurent coquines. Adaptation d'un spectacle scénique, le long-métrage est limité dans ses enjeux mais, compte tenu du scénario qu'il doit défendre, j'ai trouvé qu'il ne manquait pas de charme. La réalisation des chorégraphies permet même de passer un bon moment pour peu qu'on ait préalablement laissé son cerveau au vestiaire. Sucrerie sans conséquence, Grease est culte à sa façon. C'est incroyable qu'il ait déjà 35 ans ! L'histoire, elle, étant supposée se dérouler à la fin des années 50, le décalage passe bien. Franchement, je me suis surpris à me trémousser dans mon fauteuil. C'était cool d'en profiter dans une salle pleine et très enthousiaste !

Grease
Film américain de Randal Kleiser (1978)

Quatre étoiles, oui, parce que le long-métrage répond très justement à ce qu'on pouvait attendre de lui: il offre du divertissement pop-corn pur et dur ! Parce qu'il a pour héros des ados inscrits dans un bahut américain, j'y ai vu 2-3 petites similitudes avec Retour vers le futur ou La folle journée de Ferris Bueller. Et j'ai trouvé ça plus emballant que Dirty dancing, qui m'a paru un peu trop sérieux, en comparaison.

vendredi 1 mars 2013

À propos d'Henry

Les têtes couronnées, ce n'est pas franchement mon truc. Républicain conscient des failles de la République, j'admets difficilement l'idée majeure de la monarchie: de devoir laisser le pouvoir entre les mains d'une seule et même personne, a fortiori désignée par sa naissance seule, me déplaît fort. Cela dit, je ne suis pas là pour parler politique et comparer les vertus de l'absolutisme royal ou du parlementarisme.

Je voulais simplement dire d'emblée que c'est juste pour me divertir que j'ai regardé l’autre jour Deux sœurs pour un roi, dont l'intrigue se joue dans l'Angleterre du 16ème siècle, sous le règne d'Henry VIII.

Ce brave monarque est souvent présenté comme un monstre sanguinaire. Il faut dire qu'il l'a un peu cherché: non content d'avoir répudié certaines épouses trop encombrantes, il a fait couper la tête à deux d'entre elles. Le long-métrage évoque Ann Boleyn, celle qui donnera la vie à la future reine Elizabeth 1ère. L'idée du scénario est de la présenter comme la rivale amoureuse de sa frangine Mary, elle-même mère d'un enfant adultère du souverain. La cour d'Angleterre revue à la sauce hollywoodienne ? Même s'il est largement fictif et que la réalité y est aménagée, Deux sœurs pour un roi s'appuie quand même sur un certain nombre d'éléments historiques.

Personnellement, j'ai bien aimé. Ce n'est pas le meilleur des films historiques passés sous mes yeux, mais je l'ai trouvé suffisamment bien ficelé pour m'y intéresser jusqu'au bout. Soulagement ! Les toutes premières images m'avaient fait peur, l'usage intensif de filtres colorés leur donnant une teinte jaunâtre franchement moche. L'équilibre vient par la suite et, au-delà même des décors, c'est la magnificence des costumes qui permet d'y croire. Il reste à profiter du casting, attrayant: Deux sœurs pour un roi rassemble notamment Scarlett Johansson, Natalie Portman et Eric Bana dans les rôles principaux. Une bonne surprise dans un long-métrage de ce genre !

Deux sœurs pour un roi
Film anglo-américain de Justin Chadwick (2008)
La couronne britannique inspire les cinéastes. Le film présenté aujourd'hui a le même scénariste que The queen, consacré à la reine actuelle et à Lady Diana. Il est permis de lui préférer Le discours d'un roi ou, pour rester ancré au 16ème siècle, Elizabeth. D'aucuns, nostalgiques, se pencheront avec délectation sur des films plus vieux. Exemple parmi d'autres: La vie privée d'Elisabeth d'Angleterre.

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Deux blogueuses pour un cinéphile...

Je ne suis pas le seul à avoir vu le film. Si vous souhaitez le découvrir à votre tour, je vous conseille la lecture de "Sur la route du cinéma", avant ou après avoir pris acte de l'avis publié sur "Le blog de Dasola". Autre possibilité, selon votre bon plaisir: choisir d'apprécier également l'opinion du rédacteur de "L'oeil sur l'écran". Il y a le choix !