vendredi 29 mai 2009

Retour à Skull Island

1933, 1976 et 2005: des trois principales versions de King Kong écrites au cinéma, je n'avais jusqu'à présent vu que celle du milieu, avec Jessica Lange et Jeff Bridges - qui sera d'ailleurs peut-être chroniquée ici un jour, étant donné qu'après l'avoir en partie découverte à la télé, j'ai acheté le DVD. Dernièrement, j'ai avancé dans le temps, et c'est dès lors l'ultime (?) interprétation du mythe immortel du grand singe amoureux qui a tourné sur ma platine, celle de Peter Jackson. Je l'avais manquée en salles à l'époque et j'avais envie de me rattraper à la maison. Première impression: pas déçu. J'ai eu globalement ce à quoi je m'attendais, un film qui ne lésine pas sur les moyens techniques pour en mettre plein la vue. Finalement, le héros de cette histoire est bien évidemment l'animal, et la vision qui en est donnée ici est pour le moins spectaculaire. Doucement mais sûrement, on finit presque par oublier que ce gorille géant n'existe évidemment pas. L'image de synthèse s'intègre parfaitement à tout le reste: c'est la grande réussite du film. Réussite d'autant plus importante que le primate en question n'est que le roi d'un bestiaire comportant également son lot de dinosaures et autres créatures plus ou moins bienveillantes. Mais chut...

Pour ce qui est de l'intrigue, et à moins d'avoir préféré passer l'ensemble des sept dernières décennies reclus dans une caverne isolée et obscure, le spectateur voyage clairement en terrain connu. Résumons tout de même. Années 30, un réalisateur de cinéma fauché et mégalo embarque son casting dans une traversée maritime, destination Skull Island, un site de tournage qui n'existe sur aucune carte. C'est là que son héroïne féminine est aussitôt enlevée par une peuplade assez peu amicale, et alors livrée en pâture au monstre poilu qui, seul, impose à tous un minimum de respect craintif. Voici donc King Kong, "dieu-singe" franchement effrayant de prime abord. Il est toutefois écrit que la Bête ne peut que tomber sous le charme de la Belle, au point de se laisser aller à lui ménager un abri au sommet de sa montagne. Et que les hommes, ambitieux et ingrats, plutôt que de l'en remercier, lui donneront la chasse, nourris du fantasme de revenir au pays couverts de gloire, avec, dans leurs bagages, la plus spectaculaire des attractions. Le destin est toujours implacable: seule la jolie jeune femme - Naomi Watts, dans cette version, en photo ci-dessus - tentera (en vain) à son tour de sauver son impressionnant admirateur...

Je ne sais pas si c'est pour s'assurer que le singe conserverait toujours la vedette, mais il n'y a pas de très grande star du cinéma dans ce King Kong. En amoureux transi, Adrien Brody (photo) est sans doute l'acteur le plus connu de la distribution. De manière finalement bien peu hollywoodienne, Peter Jackson s'ingénie d'ailleurs à faire disparaître quelques-uns de ses seconds rôles les plus charismatiques - ce qui est sans doute assez conforme à la version originale d'avant-guerre. Si j'ai un conseil à vous donner à ce stade de la critique, c'est de ne pas regarder ce film pour sa partie humaine. En soi, l'histoire est assez cousue de fil blanc et il n'est donc pas besoin d'avoir une connaissance encyclopédique du cinéma pour savoir comment tout cela va finir. En attendant l'escalade fatale de l'Empire State Building, il ne sera pas bien difficile de s'extasier devant la prouesse de ce - très - long métrage (2h30, quand même). Moi qui ne suis pas accro aux effets spéciaux, je conviens tout à fait que c'est ce qui m'a scotché ici. Bien d'autres choses peuvent évidemment être posées sur pellicule, c'est entendu. Dans son genre particulier, le film d'action réalisé ici doit être l'un des meilleurs. Disons au moins - j'insiste sur ce terme - l'un des plus spectaculaires.

mercredi 27 mai 2009

Les oubliés de la Croisette

C'est bien sûr inévitable: chaque édition du Festival de Cannes laisse quelques réalisateurs sur le carreau. Ils sont tous venus présenter leur film et repartent bredouilles. Certains doivent se contenter d'avoir ainsi été placés sous les feux de la rampe, mais je suppose que pour d'autres, plus célèbres et/ou plus sensibles, ne pas obtenir la plus petite récompense doit laisser un goût amer. Il n'y a pas forcément de place pour tout le monde sous le soleil de la Croisette. Je me suis même laissé dire que certaines Palmes s'oublient vite sitôt le rideau retombé. Et cette année, je doute que vous ayez ainsi beaucoup entendu parler de Marco Bellocchio, ou d'Isabel Coixet, Xavier Giannoli, Ang Lee ou Tsai Ming-liang. Peut-être un peu plus d'Elia Suleiman, favori pour certains, ou de Jane Campion, déjà célébrée lors d'une précédente édition. Et encore... même pas sûr.

Cannes a un côté paradoxal. Il arrive qu'on parle beaucoup de films qui ne retiennent pas l'attention du jury. Notoriété du cinéaste, intérêt du grand public, popularité d'un acteur donné ou encore parfum de scandale: les raisons sont nombreuses pour qu'une oeuvre non primée trouve néanmoins un certain écho dans les gazettes. Exemple, cette année, avec Soudain le vide, le nouveau film signé du Français Gaspar Noé. La photo vous montre que le réalisateur, chemise orange, a monté les marches avec les quelques enfants de son casting, bambins finalement écartés de la salle de projection. Son trip sur le parcours post mortem de l'âme d'un toxicomane a suscité du dédain et quelques sifflets. Mais au moins, on en a parlé !

Le film de Johnnie To, lui aussi, a fait couler de l'encre, version sympathique cette fois. Il a suffi pour cela qu'il associe une star nationale française, son "presque-homonyme" Johnny Hallyday, dans un rôle cousu main de truand mutique. Même moi qui ne suis pourtant pas fan inconditionnel de celui que les gens appellent l'idole des jeunes, je pense aller voir Vengeance. Les festivaliers ne l'ont que modérément apprécié ? Peu importe. L'intrigue me paraît suffisamment solide pour motiver une prochaine sortie cinéma.

Star française, intérêt tout relatif du public cannois et envie de juger par moi-même: c'est aussi tout ce qui caractérise pour moi Looking for Eric, le nouveau Ken Loach. Employer le sieur Cantona, et dans son propre rôle, à un film de fiction, je demande vraiment à voir ce que ça peut donner. J'ai fermé les écoutilles pour ne pas en savoir trop à l'avance, mais tout de même lu que, sans se départir aucunement de son discours social habituel, Ken Loach propose ici une comédie, un genre pour lui assez insolite - si ce n'est pas inédit. Est-ce la raison qui explique son absence du palmarès ? Pas sûr, mais possible: après tout, c'est un drame qui lui a valu la Palme en 2006.

La médaille du favori qui ne confirme pas les attentes placées en lui ? Je crois qu'elle doit revenir cette année à Pedro Almodovar. Et oui ! Avant le Festival, les aficionados de l'Espagnol le voyaient déjà tout en haut de l'affiche. Je n'ai pas vraiment lu de mauvaises choses contre ses Etreintes brisées, bien au contraire. Reste pourtant qu'avant de toucher le Graal cannois, il lui faudra revenir une fois prochaine avec un autre film. Même l'incontestable touche glamour apportée par Penelope Cruz n'a pas suffi à décrocher la timbale. D'ailleurs, j'y pense tout à coup, c'est peut-être une tendance marquée de cette édition 2009: aucune immense star au palmarès. On verra bien l'année prochaine si elle se confirme... ou pas.

lundi 25 mai 2009

Cannes, premier bilan

Allez, hop, deux messages sur Cannes. Ce soir, je consacre logiquement le premier au palmarès du 62ème Festival, annoncé hier. Demain ou mercredi... surprise ! Commençons donc par parler de la petite polémique Haneke. Jusqu'à ce matin, je me suis "amusé" à lire mes confrères disserter sur un favoritisme (auto-)supposé d'Isabelle Huppert. La comédienne française, prix d'interprétation féminine à Cannes en 2001 pour son rôle dans un film du réalisateur autrichien, a-t-elle renvoyé l'ascenseur en lui attribuant la Palme d'or ? Ce serait oublier un peu vite que le jury complet comptait encore huit autres membres pour décider de qui serait cette année roi de la Croisette ! Remarquez, dans la presse, on glose aussi - mais pas partout - sur le fait que les jurés n'ont pas vraiment sympathisé. Soulignant que sa femme lui posait souvent la question, Haneke, lui, a en tout cas affirmé qu'il était très heureux de repartir ainsi palmé. Après tout, pour lui, c'est le principal, vous ne croyez pas ?

Son film, Le ruban blanc, sortira en France le... 21 octobre seulement ! On a le temps d'en voir d'autres d'ici là. Les festivaliers n'ont pas dû rigoler tous les jours cette année. La Palme semble récompenser une oeuvre austère, tournée en noir et blanc, et décryptant les mécanismes de la haine dans un village de l'Allemagne du Nord un peu avant la première guerre mondiale. Michael Haneke a parait-il voulu donner une dimension universelle à son travail. Comme un nouvel avertissement sur la manière dont tout bascule parfois vers le chaos. Je demande à voir. Ce que je regrette une fois de plus après Cannes, c'est que le Festival bruisse plus des cancans de la coulisse que d'avis pertinents sur les films.

Pour être honnête, il faut admettre qu'on a tout de même beaucoup parlé de Un prophète, le film de Jacques Audiard, Palme imaginaire et finalement récompensé du Grand Prix. Le réalisateur français l'a joué modeste, s'affirmant saisi d'un sentiment d'imposture. Est-ce une posture ? Peut-être. Ce qui est certain ou presque, c'est que j'irai apprécier le résultat moi-même. Les bonnes critiques lues ça et là n'ont fait qu'accroître ma relative impatience. Comme je l'expliquais avant Cannes, j'ai un a priori positif par rapport à ce que je connais déjà d'Audiard fils. Et je salue son courage d'avoir cette fois confié son premier rôle à un illustre inconnu. Démarche à suivre...

Inconnu, Alain Resnais ne l'est plus du tout. Le papy du cinéma français - 87 ans en juin - a reçu un Prix exceptionnel du Festival, spécialement conçu pour lui. Comme on pouvait l'imaginer, il a également eu une ovation, avant, très ému qu'il était, de demander à ce qu'on applaudisse aussi son équipe et ses comédiens. Que valent Les herbes folles, son nouveau long métrage ? Je ne sais. Détail amusant: les habitués dont je parlais dernièrement ici même, le duo Sabine Azéma et André Dussolier, sont une nouvelle fois de la partie. Et le réalisateur a indiqué qu'il ne comptait pas s'arrêter là: il serait même déjà en train de préparer un nouveau film !

Irai-je voir Antichrist, celui de Lars von Trier ? Honnêtement, rien n'est moins sûr. Là aussi, j'aime ce que j'ai vu du réalisateur danois, mais j'ai une petite appréhension à l'idée de l'affronter dans une salle obscure. Remarquez, je m'en sors bien: l'intéressé, lui, souffre surtout d'une dépression et, d'après mon amie Céline, d'une phobie telle de l'avion qu'il ne s'est même pas déplacé jusqu'à la Croisette cette année, malgré la sélection de son film en compétition officielle. Pas de Palme cette fois-ci pour le Nordique, mais un Prix d'interprétation féminine pour Charlotte Gainsbourg. La chronique festivalière dit déjà qu'elle le mérite bien. J'ai apprécié son message de remerciement: "J'espère que mon père est fière de moi... et aussi très choqué !". Pas de quoi me rassurer, en fait...

Autre incertitude pour moi: vais-je oser accorder une chance supplémentaire à Quentin Tarantino ? Le réalisateur américain titille ma curiosité avec son Inglourious Basterds - double faute d'orthographe comprise. Je crains toutefois de m'agacer une fois encore de ce que j'appelle ses systématismes. Un véritable dilemme. To watch or not to watch, that is the question. En attendant d'avoir pris ma décision, je remarque que le cinéma autrichien me poursuit un peu depuis que je suis revenu des bords du Danube, puisque, dans le Tarantino, c'est le Viennois Christoph Waltz qui semble crever l'écran. Ce qui lui vaut, je pense que vous l'aurez compris, le Prix d'interprétation masculine. Et ce pour un rôle d'officier nazi !

En bref, maintenant. Le Prix de la mise en scène ? Brillante Mendoza l'obtient pour son Kinatay, un polar très noir, d'après ce que j'ai lu. C'est le sixième long-métrage de son auteur, qui a de nouveau su séduire Cannes un an seulement après sa précédente apparition.

Le Prix du scénario, lui, consacre Mei Feing, la scénariste de Nuits d'ivresse printanière. Sur un plan politique, il sera intéressant d'observer comment les autorités chinoises accueilleront dorénavant le retour au pays (possible ?) du réalisateur Lou Ye, qui a dû tourner clandestinement, interdit qu'il était de faire son travail après avoir présenté un autre de ses films... au Festival de Cannes ! Je crains qu'il n'ait pas arrangé son cas avec ce qui semble être une histoire d'amour homosexuelle. Pas très recommandable, le camarade ?

Un double Prix du jury, cette année ! Ex-aequo, donc, la Britannique Andrea Arnold pour Fish tank, l'histoire d'une ado qui tombe amoureuse de l'amant de sa mère, et Park Chan-wook, dont le Thirst est une histoire de vampires assez sanglante. Sans rien savoir vraiment quant aux films eux-mêmes, je suis a priori plutôt attiré par le premier, porté paraît-t-il par une excellente comédienne amateur. Un détail dont il faudra tâcher de se souvenir en salles.

Les deux derniers Prix sont particuliers et pourraient bien encourager leurs récipiendaires dans leur démarche cinématographique. Espérons-là, en tout cas ! La Caméra d'or, qui récompense traditionnellement un premier film, a été attribuée à l'Australien Warwick Thornton, auteur, avec Samson et Delilah, d'un film aborigène. Je n'ai pas trouvé de détails sur Arena, si ce n'est donc que son réalisateur, le Portugais Joao Salaviza, obtient un Prix aussi: celui du court-métrage. Thornton et Salaviza: deux artistes pour moi inconnus, que je n'avais même pas évoqués dans mon message double sur la sélection officielle. Allez savoir... peut-être réapparaîtront-ils à Cannes un jour, pour y gagner la Palme d'or.

vendredi 22 mai 2009

La guerre dans le miroir japonais

Je ne l'ai pas fait exprès, mais ça tombe plutôt bien. C'est l'ordre dans lequel j'ai regardé les films qui me conduit aujourd'hui, après Cate Blanchett mercredi, à vous parler ce soir d'une autre des stars du cinéma que j'admire tout particulièrement, et sans doute davantage encore: Clint Eastwood. L'oeuvre dont il sera question aujourd'hui est l'une de ses toutes dernières réalisations, Lettres d'Iwo Jima. Si vous ne l'avez pas vue, je suppose alors qu'au moins, vous en aurez entendu parler. Rappel: il s'agit bien du second volet du diptyque entamé avec Mémoires de nos pères, film chroniqué ici le 9 septembre 2007. Un mot de l'intrigue pour être tout à fait clair sur ce que je suis en train d'évoquer: c'est le récit d'un cruel épisode de la seconde guerre mondiale, opposant sur une île du Pacifique l'armée des Etats-Unis à celle du Japon. L'originalité - et je dirais pour ma part la grandeur - de la démarche de Clint Eastwood est d'avoir d'abord tourné un premier film pour donner du conflit considéré une vision américaine, avant d'enchaîner presque aussitôt sur un second, afin de livrer aussi un regard nippon. Il faut signaler que le réalisateur est allé jusqu'au bout de sa démarche, en sortant d'abord la deuxième partie de son travail au Japon, et en tournant dans la langue asiatique. Déjà, je suis béat, parce que je ne crois pas que beaucoup d'Occidentaux auraient eu cette audace...

Sur la forme, le film que le maître américain nous propose m'a paru, comme souvent chez lui, un modèle de sobriété. Beaucoup reprochent à Clint Eastwood une certaine froideur, qu'on taxe souvent alors de "classicisme". Soit. C'est possible. Je dois souligner que, vis-à-vis de Lettres d'Iwo Jima, cette caractéristique ne m'a nullement dérangé. Au contraire, je trouve que cette absence d'éclat est l'une des plus belles qualités de ce film très digne. J'ai aussitôt été frappé (et séduit !) par la photo de ce long-métrage. Mémoires de nos pères était aussi coloré que peuvent l'être les autres films d'aujourd'hui. En sens inverse, vous découvrirez ici des teintes beaucoup plus ternes, comme délavées. Certaines scènes de nuit plongent littéralement le spectateur dans la pénombre, ce qui s'avère particulièrement efficace pour le conduire presque physiquement, viscéralement, au côté des soldats. D'après moi, c'est là que réside la "magie" du film: porté par un message humaniste, le scénario développé par Clint Eastwood fait des ennemis d'hier des hommes auxquels il devient assez facile de s'identifier, ou au moins au sort duquel il devient vite difficile d'être insensible. En miroir, le film reprend d'ailleurs certaines des scènes les plus dures de l'opus précédent et, renversant la perspective, ne laisse plus aucune chance au manichéisme, bons Américains contre méchants Japonais.

Par anticipation, Lettres d'Iwo Jima me semble donc pouvoir confirmer ce que je disais de Gran Torino: Clint Eastwood paraît désormais apaisé, loin des caricatures d'Américains qu'il imaginait (ou campait) plus tôt dans sa carrière. Le vieil homme semble vouloir terminer sa longue filmographie par une série d'oeuvres où l'humain retrouve toute sa place. Voilà qui me rend plutôt impatient de voir les prochaines, à commencer par celle qu'il doit actuellement préparer sur Nelson Mandela ! Vous aurez noté que je parle au pluriel: je sais qu'il faudra bien un jour que le monde dise adieu à mon idole. Honnêtement, je sais aussi que, ce jour-là, je serai parmi tous ceux qui pleureront sa disparition. Mais n'anticipons pas: notre homme a rappelé lui-même il y a quelques années que sa mère était toujours en vie et que le monde n'en avait donc pas fini avec les Eastwood. Excellente chose ! S'il est probable qu'il a désormais pris définitivement sa retraite d'acteur, je compte sur lui pour ne jamais lâcher sa caméra tant qu'il lui restera un souffle de vie. Soucieux également d'en profiter jusqu'à cette extrémité, je veux terminer cette chronique en applaudissant sans retenue ce travail à hauteur d'homme: plus qu'une page d'histoire, on parcourt ici DES histoires d'hommes et de femmes. L'espoir de voir ce style intégrer durablement l'histoire du cinéma, au point, pourquoi pas ? d'inspirer d'autres réalisateurs, peut aussi s'appuyer sur la génération à venir. Les inconditionnels du générique de fin auront ainsi pu constater visuellement que la musique qui sublime encore l'image était l'oeuvre de Kyle Eastwood, le propre fils de Clint. Oui, une fois de plus !

mercredi 20 mai 2009

Cate Blanchett, déjà royale

Ce blog le raconte: il y a beaucoup d'artistes que j'apprécie, venus d'ailleurs de nombreux horizons. Se confronter à autrui en cherchant l'émotion: ce serait peut-être d'après moi la posture idéale du public devant une expression artistique, et peu importe son support. Parmi les constances de ma personnalité de spectateur, je crois, il y a celle d'être assez ouvert à l'inconnu et à la découverte. A condition évidemment que je ressente un véritable engagement du créateur, peu importe au fond ce qu'il donne à voir et entendre: je lui sais gré d'avoir essayé de me transmettre quelque chose. En matière d'art toujours, je pense être assez pondéré, c'est-à-dire que je me refuse par exemple à dire abruptement qu'une expression donnée est de par sa seule nature meilleure qu'une autre. Si maintenant je ne retiens que le seul art cinématographique, j'essaye de laisser ma sensibilité ouverte au maximum et donc de ne pas m'enfermer dans des schémas pré-établis. Il y a donc peu de gens que j'admire, même si, encore une fois, j'en apprécie beaucoup. Cette règle générale supporte quelques exceptions et, par exemple, parmi les actrices contemporaines, Cate Blanchett. Le moment est venu de vous parler de l'un de ses films, que j'ai revu dernièrement: Elizabeth, évocation de celle qui a régné sur l'Angleterre de novembre 1558 à mars 1603.

J'ai déjà souligné ici combien j'aimais les films en costumes. Elizabeth date de 1998. De mémoire, c'est l'un des premiers DVDs que j'ai achetés ou qui m'aient été offerts. Je me souviens également qu'à l'époque, je ne connaissais pas Cate Blanchett. Certains d'entre vous m'affirmeront peut-être le contraire, allez savoir, mais je crois qu'au moment où Elizabeth est sorti chez nous, beaucoup ignoraient encore le nom de cette actrice australienne. Depuis, elle est devenue une star, un peu en retrait des plus médiatiques, sans doute, mais, à mes yeux, tout à fait à leur niveau par bien des aspects. J'ose espérer que les réalisateurs vont continuer à accorder leur confiance à cet être d'une beauté physique singulière, car, si son charisme me scotche, je ne veux surtout pas limiter ses qualités à sa plastique impeccable: Cate Blanchett est beaucoup plus qu'une très belle femme, d'après moi. Une comédienne complète, pourrait-on dire, qui, au cinéma ou au théâtre, ne s'est jamais enfermée dans un type de rôles, mais semble au contraire être l'héritière de ces stars hollywoodiennes, capables d'être à l'aise dans de très nombreux registres différents, et offrant ainsi au public les mille et une facettes de leur talent. Il y a donc assez peu d'artistes que j'admire vraiment, disais-je, peu que je suivrai partout, toujours. Le fait que certain(e)s osent prendre des risques avec leur succès est l'une des raisons qui me poussent pourtant parfois à en distinguer, un peu au-dessus de la "foule" des autres. Cate Blanchett répond, je crois, à ce critère-là. Et avec constance.

Venons-en au film. Il me plait énormément pour une raison évidente: Cate Blanchett EST Elizabeth. C'est aussi simple que ça. Elle se fait complètement oublier derrière la reine, bien aidée, je l'admets volontiers, par un scénario profond et ce magnifique personnage. Bilan: le film est vraiment une réussite, même s'il prend sans doute quelques libertés avec la réalité historique. Tous les acteurs, qu'importe la longueur de leur texte, m'y paraissent excellents et notamment, il faut le signaler, les quelques Français du casting: Fanny Ardant, Vincent Cassel ou même... Eric Cantona ! Il est clair que beaucoup d'oeuvres internationales de cette ampleur dissimulent la misère de leur intrigue derrière une mise en scène tape à l'oeil, à grands renforts de costumes, donc, ou de décors flamboyants. J'affirme avec force que ce n'est pas le cas ici. Qui saura rentrer dans cette histoire complexe et aux rebondissements subtils passera à mon avis nécessairement un bon moment. Pour être honnête, c'est moins vrai pour le deuxième épisode de la saga, neuf ans plus jeune et chroniqué sur ce blog le 26 mars 2008, et qui repose un peu trop sur la seule Cate Blanchett. Ici, pour le premier rôle que j'ai connu d'elle, la belle est "juste" le joyau le plus brillant de la couronne. Et franchement, ce joyau, je ne saurai assez remercier le réalisateur indien Shekhar Kapur de m'avoir permis de le découvrir.

mardi 19 mai 2009

Une histoire à la Shyamalan

Souvenirs, souvenirs. Johnny Hallyday - et Daniel Balavoine avant lui - ont chanté une chanson qui s'appelle Je ne suis pas un héros. Je suis sûr que vous avez l'air en tête. Mais si ! "Je ne suis pas... un héros... faut pas croire ce que disent... les journaux... non, je ne suis pas... un héros... mes faux pas me collent à la peau". Je suis d'autant plus attaché à cette chanson que c'est avec elle en accompagnement sonore que je suis allé chercher mon dernier diplôme, celui qui a sanctionné mes études de journalisme. Le texte entier des paroles ne me correspond que très partiellement, mais finalement, l'air est devenu pour moi une sorte d'hymne intime, auquel je pense souvent. Bref. Tout ça non pas pour vous raconter ma vie, mais vous dire que, d'après moi, la chanson colle aussi plutôt bien au film dont je vais vous parler aujourd'hui: Incassable, de M. Night Shyamalan.

Je vais finir par me dire qu'on est un peu dur avec ce réalisateur ! C'est bien simple: si j'en crois les critiques que j'ai pu lire jusqu'alors sur son travail, il n'a rien fait de vraiment bon depuis Sixième sens. Il faudra encore que je complète sa filmographie pour vous en parler de manière plus approfondie, mais d'après ce que j'ai ressenti tout en regardant Incassable, le reproche me paraît pour le moins sévère. De fait, j'ai trouvé que nous tenions là une oeuvre tout à fait respectable, un scénario intelligent et assez bien ficelé, porté certes par une mise en scène sans grands éclats, mais sans vraie lourdeur non plus, et des acteurs plutôt inspirés. Bruce Willis - qui est de l'un et de l'autre des deux films - m'a paru convaincant à chaque fois, dans des rôles semblables et pourtant différents. Ici, donc, celui, complexe, du héros qui n'en a pas conscience, puis refuse de l'être. Second rôle, Samuel L. Jackson est tout à fait bien aussi.

La difficulté, avec Incassable comme avec son prédécesseur, c'est qu'on ne peut et doit pas trop en dire sur les tenants et aboutissants de l'histoire, à moins de vendre la mèche, gâcher la surprise et ainsi affaiblir la portée du film. Hum... c'est peut-être bien là que réside la toute relative faiblesse de ce nouveau opus "shyamalien": comme Sixième sens avant lui, il se distingue par un twist final, c'est-à-dire un ultime rebondissement qui éclaire tout le film d'une lumière nouvelle. Or, cette fois, la révélation finale n'a peut-être pas exactement, c'est vrai, la même force: c'est bien trouvé, soyez-en sûr, mais ce n'est pas aussi puissant. Et encore, je dis ça: tout cela n'engage que moi ! Ce que j'aime, dans ce cinéma, c'est finalement de pouvoir entrer dans l'idée d'une réalité impossible - ici même, celle d'un homme qui ne tombe jamais malade et survit aux accidents les plus graves, sans aucune égratignure -, puis d'admettre l'irrationnel comme point de départ, et, au final, de le trouver justifié par la grâce d'un scénario joliment écrit. On me dira bien tout ce qu'on voudra: M. Night Shyamalan est un bon raconteur d'histoires. Après, toutes celles que j'ai découvertes ne m'ont pas séduit avec la même intensité. Mais après tout, qui peut prétendre faire un excellent film à chaque sortie ? Personne ou sûrement pas grand monde, vous en conviendrez. Ne soyez dès lors pas sceptique ou hésitant: ce long métrage mérite d'être vu. Je l'admettrais volontiers: pas sûr que vous parveniez à en accepter l'univers. J'affirme toutefois que ça vaut le coup d'essayer.

dimanche 17 mai 2009

Eux, ils creusent

Cette histoire reste sûrement gravée dans la mémoire de tous ceux qui ont connu Nice dans les années 70. Résister au temps qui passe, c'est le propre de tout ce qui est inattendu, nouveau, rocambolesque aussi. Un beau jour de 1976, le directeur d'une banque niçoise découvre que sa salle des coffres a été attaquée. Certains sont encore intacts, la majorité à vrai dire, mais ceux qui ont été forcés laissent les malfaiteurs à la tête d'un butin colossal. La surprise est d'autant plus grande que les braqueurs ont creusé un long tunnel pour forcer la banque par le dessous. Pour cela, et comme l'indique le titre du film dont je vous parle aujourd'hui, ils ont d'abord dû emprunter Les égouts du paradis. Avec, pour devise et signature, la phrase restée célèbre de leur leader: "Ni arme ni violence et sans haine".

Légèrement remanié, le titre a inspiré celui d'un film sorti récemment, avec Jean-Paul Rouve. L'expression, elle, est donc d'abord également celle du braqueur en chef, un photographe, ancien de la guerre d'Algérie tendance OAS, Albert Spaggiari. Auteur ensuite d'un bouquin sur ce que les journaux ont appelé le casse du siècle, l'homme est mort en cavale. Arrêté, il s'était enfui du bureau du juge d'instruction de manière tout aussi mémorable, décidant de sauter d'une fenêtre du palais de justice pour atterrir sur une voiture et filer à l'arrière d'une moto pilotée par un de ses complices, garé en bas ! Les égouts du paradis, le film, illustre cet épisode, resté d'autant plus célèbre à Nice que, dit-on, le propriétaire du véhicule endommagé avait été indemnisé. Mais aussi parce qu'ensuite, l'avocat de Spaggiari, Jacques Peyrat, ancien maire de Nice, avait prétendu un temps que le complice n'était autre que le champion moto Christian Estrosi, l'homme qui l'a depuis battu aux élections municipales. Notez que la version cinéma s'arrête juste au moment de la fuite et n'évoque pas cette drôle de salade niçoise.

Logique, en somme: le film a été tourné en 1979, et dès lors presque "à chaud", par José Giovanni, un ancien taulard reconverti cinéaste. Le scénario est donc pour le moins brut de décoffrage, si j'ose dire en la circonstance. On pourrait même sûrement l'envisager comme une forme de salutation respectueuse à celui que d'aucuns considèrent comme héros, une sorte de Robin des bois des temps modernes. J'espérais autre chose. Les égouts du paradis restent fidèle au titre choisi et montrent surtout le creusement des tunnels sous le Paillon, qui, après de longs jours de travail, a permis l'attaque de la banque. Du coup, la pellicule sent un peu la naphtaline: tout cela manque finalement beaucoup de dynamisme. Cette réserve étant formulée, je précise que je ne doute pas que le film puisse plaire malgré tout, témoignage certes moins austère qu'un procès verbal. Première rôle, Francis Huster ne cabotine pas (encore ?) trop. Par ailleurs, il est toujours assez agréable de voir de "vieux" acteurs dans leur prime jeunesse, à l'image ici de Jean-François Balmer.

jeudi 14 mai 2009

Envahi ? Mouais...

Nicole Kidman me déroute un peu, parfois. Comprenez: je l'ai vue dans d'excellents films et, par son jeu, la sais capable de me scotcher au fauteuil. Je me demande souvent comment les acteurs choisissent d'accepter tel ou tel rôle, ce qui peut faire pencher la balance, soit d'un côté, soit de l'autre, si ce n'est la notoriété du réalisateur concerné ou la perspective de récolter un joli paquet de billets. Naïvement, je voudrais croire que les plus grandes stars n'ont jamais besoin de "cachetonner" et qu'elles peuvent écarter les scénarios indignes d'elles. Est-ce à dire que Nicole Kidman aurait dû éviter de jouer dans Invasion ? C'est un peu brutal exprimé ainsi, sans doute, mais ce n'est pas forcément très éloigné du fond de ma pensée.

L'histoire du film ? D'abord, je précise que c'est un remake, en fait une quatrième version d'une seule et même intrigue de départ. Bon. Cela étant posé, vous tenez là une idée intéressante à la base, à savoir celle d'une météorite qui s'écrase sur Terre et y apporte, non pas de considérables dégâts, mais une espèce extra-terrestre presque invisible, qui s'infiltre dans les corps animaux (et donc fatalement humains), pour altérer profondément les comportements. Invasion démarre par un flash-forward - le contraire d'un flash-back, amis non anglophones ! On y voit donc une Nicole Kidman effrayée récupérer toutes sortes de médicaments dans de grands mouvements désordonnés. Et la manière dont cette première scène est filmée accroche bien et donne donc envie de voir la suite. Bon point.

Las ! Invasion n'est pas franchement un mauvais film, mais ce n'est pas non plus un bon film, tout au plus une série B un peu édulcorée avec Nicole Kidman (et Daniel "007" Craig) pour relever la sauce. Là où la mayonnaise ne prend pas, c'est quand, malgré les probables bonnes intentions du réalisateur, le scénario s'avère un peu trop light pour ménager de vrais rebondissements. Je pense qu'il y avait sûrement de quoi faire mieux avec un tel matériau. Syndrome habituel du remake hollywoodien, peut-être. Très américain d'esprit bien qu'allemand de nationalité, Oliver Hirschbiegel semble bien décidé à se contenter du minimum syndical, avec en fil rouge quelques frissons d'une mère pour son enfant. Comme l'aurait dit alors un Français au long nez, c'est un peu court, jeune homme ! Circonstance atténuante; il paraît que le studio a charcuté le travail de son maître d'ouvrage. Faut croire qu'on aurait donc pu avoir droit à un film un peu plus dense. Tant pis... ou plutôt, dommage...

mercredi 13 mai 2009

Au pied des marches

Enfin ! Après une longue recherche, j'ai fini par trouver de quoi illustrer le message de ce soir ! Je puis vous assurer que ça n'a pas été évident, loin de là. Comme si, pour l'heure, l'événement le plus médiatique de la planète cinéma jouait encore un peu à cache-cache avec les chroniqueurs soucieux d'en rendre compte... à distance. Finalement, je peux donc évoquer dès aujourd'hui la 62ème édition du Festival de Cannes, qui vient tout juste de s'ouvrir. Comme déjà une kyrielle d'autres stars internationales, le jury a évidemment monté les marches. Premier temps fort: la projection événementielle de Up, le nouveau dessin animé de Pixar, qui semble avoir séduit ces veinards de festivaliers, selon ce qu'on peut déjà lire ici et là. Silence... moteur... action ! C'est parti pour onze jours de cinéma !

Bon, tout cela est bien gentil, mais vous allez me dire que je suis resté muet sur la composition du jury ici photographié. Je me suis certes contenté d'indiquer il y a quelques semaines que sa présidence avait été confiée à la comédienne Isabelle Huppert. Des chauvins dans la salle (obscure) ? Notre compatriote est la seule artiste française d'un groupe très cosmopolite. Pour évaluer et départager les vingt films qui brigueront la Palme d'or 2009, elle est accompagnée de quatre autres femmes, elles aussi actrices: l'Italienne Asia Argento, l'Américaine Robin Wright, la Taïwanaise Shu Qi, et enfin, dernière venue, l'Indienne Sharmilla Tagore. S'ajoute à cet aréopage quatre messieurs: le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, son homologue sud-coréen Lee Chan-dong, l'Américain James Gray et le Britannique Hanif Kureishi. La compétition démarre demain par la projection de Nuit d'ivresse printanière, du Chinois Lou Ye. Sur la Croisette, les choses sérieuses vont commencer !

lundi 11 mai 2009

Candide en France

Il paraît que ses admirateurs ont été déçus. Que Costa-Gavras a perdu de son mordant. Possible. Je le connais trop mal pour vraiment en juger. Ce que je peux dire, sans honte ni hésitation, c'est que pour ma part, j'ai plutôt apprécié son dernier film, Eden à l'ouest. C'est entendu: ce n'est pas un brûlot politique. L'histoire d'Elias, immigré clandestin qui veut rejoindre Paris, serait plutôt une fable qui, sur la base d'une situation d'abord tragique, tisse une histoire d'une poésie certaine, non dépourvue d'humour. Est-ce que c'est ce qu'il faut reprocher à un cinéaste d'habitude plus virulent ? Peut-être. Je trouve que ce serait toutefois dommage de passer à côté de l'idée que, pour une fois, ledit cinéaste a peut-être simplement voulu s'offrir - et nous offrir par la même occasion - un récit plus doux.

Je l'ai dit: la situation de départ est tragique. La caméra suit les pas d'Elias, un homme parmi d'autres sur un bateau surpeuplé. Si toutefois on l'ignore encore en entrant dans le cinéma, on comprend vite que notre héros fuit son pays pour rejoindre un ailleurs qu'il imagine volontiers paradisiaque (cf. le titre). D'où part-il ? Mystère. Où arrive-t-il ? Mystère encore. On devine un vague club de vacances sur la côte méditerranéenne, peut-être en Grèce. Eden à l'ouest minimalise ses références spatiales. Tout ce qu'on découvre finalement, c'est le but de l'odyssée d'Elias: rejoindre Paris, donc, où il se croit attendu par une rencontre de passage. Et notre Candide va tout faire pour se donner les moyens de rejoindre la capitale. Et il va croiser toutes sortes de gens: une femme délaissée par son mari, des camionneurs homosexuels, quelques SDF, un garçon de café compatissant, un couple au bord de la rupture, une paysanne élevant seule ses enfants... entre autres. On se dit parfois qu'il pourrait s'arrêter là et avoir une vie meilleure. Rien n'est sûr, sauf qu'il finit toujours par repartir. Déterminé, mais seul à chaque fois.

Vous vous doutez bien que je ne vous dirai pas aujourd'hui ce qu'Elias trouve au bout du chemin. Au sortir de la salle obscure, j'avais Schengen, la chanson de Raphaël, qui me trottait dans la tête. Eden à l'ouest est un peu un road movie à pieds, avec peut-être un petit quelque chose de Into the wild, à ceci près que le héros est tendu vers un but plus matériel. La comparaison avec le film de Sean Penn est audacieuse, car ce dernier a sans aucun doute plus de souffle, plus de force épique. Il n'en reste pas moins vrai qu'à mes yeux, Costa-Gavras signe là une oeuvre sensible, intéressante sur le fond, et très touchante sur la forme. Riccardo Scarmacio, que j'avais découvert dans Mon frère est fils unique, est vraiment très bon dans ce rôle presque muet. Les images sont belles, elles aussi. Quant à la musique, discrète, elle colle plutôt bien au ton général du film. Résumons: ce film n'est donc pas un cri de protestation. Dont acte. C'est tout de même une forme de parole, une forme d'incitation à l'écoute de l'autre, un récit qui parle de la France d'aujourd'hui, aussi. Et même si c'est de manière imparfaite, j'ai apprécié le propos, me disant que cette parabole a finalement les défauts de ses qualités. Ce qui, au final, la rend absolument digne d'être regardée.

dimanche 10 mai 2009

Kino Sch'tis !

Une semaine et ça repart ! Après une pause due à quelques jours loin d'Internet, c'est la "rentrée" pour Mille et une bobines. Anecdote minuscule aujourd'hui, avant de reprendre un rythme un peu plus soutenu et des chroniques plus traditionnelles. Je voulais simplement vous dire que, touriste en Autriche trois jours cette semaine, j'ai eu la surprise de voir qu'il existait une version en langue allemande (!) de Bienvenue chez les Ch'tis, photo-preuve à l'appui ! J'ai beaucoup aimé l'accroche sur l'affiche, qui, pleine de confiance, indiquait clairement que plus de 20 millions de Français ne pouvaient s'être trompés. Notez que ce n'est pas le seul film français présent actuellement sur les écrans autrichiens, puisque j'ai vu un cinéma qui diffusait Le premier jour du reste de ta vie, sous le titre français, même s'il est vrai simplifié, de C'est la vie. Chouette, non ?

Dans le sens inverse, je dois dire que j'aurais apprécié de pouvoir revenir de Vienne avec les DVDs de quelques films autrichiens. Peine perdue ! Pour tout vous dire, mon père et moi n'avons même pas réussi à trouver un grand magasin susceptible de vendre au moins quelques-unes de ses précieuses galettes ! Il y en avait bien une ou deux à l'aéroport, mais je n'ai alors rien trouvé qui soit au moins sous-titré en français (sauf peut-être du cinéma... américain !). C'est bien la seule petite frustration de cette jolie virée vers l'est. J'ai toutefois appris dans notre guide de voyage que Billy Wilder était d'origine autrichienne. Comme quoi, on en découvre tous les jours, même sans nécessairement avoir vu de nouveaux films.

dimanche 3 mai 2009

Une vérité de Pologne

Pour être plus affirmatif, il conviendrait sûrement de laisser passer un peu de temps. Je dois dire qu'a priori, je doute que le film que j'ai choisi d'évoquer aujourd'hui rencontre en France un grand succès public. J'admets ne pas avoir cherché à vérifier, mais quelque chose me dit qu'il sera assez peu distribué. Ma satisfaction serait dès lors que ce cinéma-là existe toujours et que, bien que l'offre se soit paraît-il considérablement réduite à Nice, il soit toutefois encore possible d'y découvrir ce type d'oeuvres en salles, à la seule condition d'être un peu curieux, attentif aux sorties et bien sûr rapide à saisir l'occasion qui se présente. Oui, tout part de la curiosité, sans doute, et c'est aussi guidé par elle que je suis allé découvrir Katyn, présenté comme le nouveau film du réalisateur polonais Andrzej Wajda. Précisons que je peux là aussi faire erreur, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait bénéficié d'une grande campagne de promotion...

Pourtant, et sans même tomber dans l'excès des bulldozers marketing, il aurait probablement mérité de bénéficier de retombées médias plus importantes. Le nom de Katyn vous est-il seulement familier ? Rappel historique: en 1943, et entre autres dans la forêt russe qui porte ce nom, l'armée allemande découvre des charniers contenant le corps de plusieurs milliers d'officiers polonais, réservistes ou même de carrière, les forces vives d'une nation, massacrées par les Soviétiques. C'est le début de ce qui animera ensuite une longue polémique entre les deux pays, alliés au tout début de la seconde guerre mondiale, puis ennemis après la rupture du pacte de non-agression, à partir du deuxième semestre de 1941, la propagande desdits Soviétiques rejetant alors systématiquement, et jusque très récemment, l'opprobre sur l'Allemagne et le régime nazi. C'était tellement facile, n'est-ce pas ? Ce mensonge criminel, cette effroyable tromperie, c'est aujourd'hui ce que dénonce le film d'Andrzej Wajda, avec d'autant plus de vigueur que le cinéaste est aussi le fils d'un des morts de Katyn. Sur pellicule, il y a là une vérité qui, depuis la Pologne, nous rappelle à un juste devoir de mémoire.

Rétablir la réalité historique, parler des horreurs multiples commises par l'homme en temps de guerre, vous pourrez sûrement penser qu'Andrzej Wajda n'est pas le premier à le faire. Le monde du cinéma n'a de fait pas attendu le réalisateur polonais. Moi-même, devant cette histoire dans l'Histoire, j'ai par exemple, et presque aussitôt, pensé à La liste de Schindler, le film de Steven Spielberg. Toujours sur cette période, et d'ailleurs dans le même pays, on peut aussi citer Le pianiste, de Roman Polanski. Le travail d'Andrzej Wajda peut d'ailleurs se discuter et, sur le plan strictement technique, il est certainement un peu plus austère que celui de ses deux confrères. D'aucuns pourront aussi s'étonner qu'une oeuvre de ce type ne fasse aucune petite mention du sort des Juifs. Son grand mérite ? Il serait à mes yeux d'avoir su parler d'un tel sujet à hauteur d'homme. Dépassant la tentation du règlement de comptes, ce cinéma-là suit d'abord le destin d'êtres humains, sans manichéisme. Peut-être invente-t-il des personnages, peut-être ne rend-il pas exactement compte de la réalité. Pourtant, il la représente, la porte modestement à notre connaissance et nous la fait presque ressentir. Tout ça est arrivé à d'autres mais aurait tout aussi bien pu nous arriver à nous: ce pourrait être, je crois, l'un des messages transmis par Katyn. Et je pense également qu'il mérite d'être entendu.