mardi 28 février 2023

Un meurtre ?

Son affiche cite le Hollywood Reporter qui l'a présenté comme "le film le plus effrayant depuis Psychose d'Alfred Hitchcock". Sorti en salles treize ans après son prédécesseur, Soeurs de sang a moins d'impact que son modèle, à mes yeux. C'était peut-être différent à l'époque ! Reste tout de même un opus assez inconfortable, je dois l'admettre...

De son maître, Brian De Palma a retenu quelques leçons (profitables). Il montre certaines choses et en cache d'autres, des plus importantes. Les faux semblants qu'il fait naître ménagent ainsi un suspense intéressant. Il nous fait douter d'avoir compris ce que nous avons vu !

Grace, journaliste, est quant à elle sûre de son fait: dans l'immeuble situé en face du sien, elle a été témoin d'un meurtre sordide. L'ennui étant que, quand elle le dit à la police, elle n'est pas prise au sérieux. Pire encore: quand les inspecteurs se rendent sur le lieu du crime supposé, rien ne permet de croire qu'il a pu se passer quelque chose. Danielle, la propriétaire de l'appartement, n'est donc pas arrêtée. Soyez prévenus: la résolution de l'énigme est assez rocambolesque. Même s'il a de l'avance sur les personnages, le spectateur lambda risque donc d'être dérouté par cette histoire, assez peu convaincante. Heureusement, pour l'image, Soeurs de sang reste un film "solide". Excellent metteur en scène, Brian De Palma invente des formes nouvelles promises à un bel avenir, tels que ses fameux split screens. Sa vraie bonne idée: avoir confié la composition de la bande originale à Bernard Hermann, l'habituel complice de Hitch ! Oui, on y revient...

Soeurs de sang
Film américain de Brian De Palma (1973)

Malgré une vraie envie d'en voir davantage, je constate que cet opus n'est que le cinquième que je chronique du cinéaste du New Jersey. J'ajoute qu'il est un peu trop tôt pour faire un bilan de sa carrière. Pour l'heure, disons simplement que j'ai préféré les frissons de Carrie et les mystères de Blow out - deux oeuvres (un peu) plus récentes. Pour Hitchcock, vous pouvez vous fier à mon index des réalisateurs...

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Et avant de tourner la page...

Vous pourriez également aller lire une chronique de "L'oeil sur l'écran".

lundi 27 février 2023

Des livres aussi

Ce n'est pas forcément flagrant, mais mon intérêt pour le cinéma muet va toujours croissant. J'espère présenter d'autres classiques et/ou des chefs d'oeuvre méconnus sur ce blog, mais les occasions d'en voir sont rarissimes. Je dirai toutefois qu'avoir apprécié Babylon pourrait relancer ma quête des films sans parole plus tôt que prévu...

J'ajoute ici qu'entre deux séances, je me suis attaqué à un pavé littéraire lui-même consacré aux toutes premières heures du cinéma américain. Publié au Livre de Poche, ce roman de Melanie Benjamin intitulé Hollywood Boulevard (ou The Girls in the picture en VO) s'intéresse à la vie de Mary Pickford, actrice-productrice-réalisatrice pionnière. Le livre la présente avec Frances Marion, une journaliste et scénariste réputée, dont le souvenir est un peu effacé aujourd'hui. De ce fait, je vous en recommande la lecture, ami(e)s passionné(e)s !

Un constat: je m'offre de plus en plus d'ouvrages liés à ma passion pour le septième art. Dans le lot, peu de romans, en fait: mes choix concernent plutôt de beaux livres sur un réalisateur donné, un courant artistique ou une année de cinéma particulière. J'ai l'intention d'effectuer un inventaire d'ici quelques semaines, pour avoir une idée précise de l'étendue de mes richesses. Je compte également sur vous pour me dire si cela vous intéresse que j'y revienne à un rythme régulier, ponctuellement... ou pas du tout. Je pourrai vous proposer de vous présenter mes toutes dernières acquisitions, par exemple. Consultez-vous aussi de telles bibles ? Je serais curieux de le savoir. Quoi qu'il en soit, je sais que cette base documentaire m'est utile pour enrichir certaines de mes chroniques. Et prolonger mon plaisir...

vendredi 24 février 2023

Sexe, drogue et cinéma

Damien Chazelle l'admet: Babylon, son dernier film, est ambivalent. C'est tout à la fois une célébration et une condamnation du système hollywoodien, que le jeune cinéaste - 38 ans - admire et réprouve dans le même élan. Revenir aux heures du cinéma muet finissant pour l'expliquer m'a paru prometteur. Et je n'ai pas eu à le regretter...

Babylon
nous propose une fresque XXL: elle dure plus de trois heures. Nous sommes invités à suivre plusieurs personnages emblématiques de l'époque (l'histoire commence en 1926): un "vieil" acteur populaire bientôt rattrapé par la nécessité de se produire dans des films sonores et/ou parlants, une jeune femme qui se voit comme une star avant même d'avoir fait ses débuts, un homme-à-tout-faire d'origine mexicaine propulsé sur la voie du succès, une chanteuse chinoise audacieuse et charismatique, un jazzman noir... et j'en passe, si, si ! Cette plongée dans le passé de la "machine à rêves" hollywoodienne est vertigineuse, d'autant que tout n'est pas rose dans les coulisses...

Le cinéphile que je suis s'est régalé de cette description historique. Retrouver de très bons acteurs, tels que Brad Pitt et Margot Robbie en têtes d'affiche, a évidemment joué pour beaucoup dans ce plaisir. En découvrir quelques autres (Diego Calva, Li Jun Li, Jovan Adepo...) ajoute aussi à la satisfaction ressentie. Je crois qu'il est impossible de s'ennuyer devant Babylon, tant le rythme est échevelé et le cast convaincant. Cela ne veut pas dire qu'observer ce tout petit monde vous enthousiasmera à coup sûr. Ses excès pourraient vous révulser. De fait, le scénario ne recule devant rien pour évoquer le côté obscur de cette effervescence créative. OK, pour la sobriété, on repassera...

Le film n'a pas marché très fort aux États-Unis et, malgré les espoirs placés en lui, il ne sera candidat qu'à trois Oscars le mois prochain. D'aucuns lui ont reproché une forme de révisionnisme: ils indiquent que, malgré certaines dérives bien réelles, le quotidien des studios n'était pas aussi trash que Damien Chazelle le dit (et le montre). Inversement, certains critiques assurent qu'il l'est devenu ensuite ! Selon cette hypothèse, Babylon s'érigerait en réalité contre la façon dont l'Amérique produit du cinéma
aujourd'hui. Hum... j'admettrais que certaines scènes puissent y faire écho, mais sans être convaincu qu'il faille absolument relever un second degré. On peut en débattre...

Fixer l'écran sans - trop - m'interroger sur la vraisemblance (ou non) m'aura suffi pour dire que c'était une belle expérience de cinéma. Malgré un petit flottement narratif à mi-parcours, l'ensemble m'a paru assez solide pour que j'estime justifié le prix de mon ticket d'entrée. C'est une certitude: Babylon sera moins spectaculaire sur petit écran. Cela dit, je comprends la position de ceux qui jugent bien préférable de défendre le cinéma des années 20 plutôt que cet ersatz tapageur. Notez aussi que l'un n'empêche pas l'autre, à mon très humble avis. D'après moi, à l'heure des Marvel dominants, un film de cette ampleur n'a en tout cas pas à rougir de sa démesure. Oui: elle est co-hé-rente.

Babylon
Film américain de Damien Chazelle (2022)

Ne jouez pas les étonnés: le titre dit déjà beaucoup du contenu. Fascinant pour les uns, plutôt monstrueux pour les autres, le film divise et c'est tant mieux. J'ai lu plusieurs chroniques qui en parlent comme d'un hybride entre deux "classiques": Chantons sous la pluie et Once upon a time in... Hollywood. Moi, je vois plutôt un parallèle avec un Moulin Rouge ! - et je préfère Que le spectacle commence !

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Et maintenant, pour vous faire une idée plus précise...

Vous lirez les avis (contrastés) de Pascale, Princécranoir et Benjamin.

mercredi 22 février 2023

Touches d'espoir

J'ai vérifié à la source: aucun texte du Coran ne parle de musique. Dès lors, l'interdire ne semble bien avoir aucun fondement religieux. Certains prédicateurs (ou fidèles) prétendent le contraire, mais l'idée semble trop radicale pour s'être imposée partout en terre d'Islam. Cependant, elle reste au centre du film dont je parlerai ce mercredi...

Sélectionné à Cannes en 2020, Le dernier piano est passé inaperçu. Effet Covid ou non, il n'est ensuite sorti dans les salles que deux ans plus tard, c'est-à-dire le 13 avril dernier pour ce qui est de la France. L'histoire est celle de Karim, un jeune pianiste qui rêve de voyager jusqu'à Vienne pour se présenter à une audition. Le double problème étant que 1) son instrument a été détruit et 2) lui-même est coincé dans sa ville syrienne, dominée par les miliciens de l'État islamique. Autant le confirmer: le long-métrage que je vous présente aujourd'hui n'est pas là pour tenir des propos rassurants sur la marche du monde. S'il peut être porteur d'une utopie, il n'occulte en rien les souffrances des populations qui vivent sous le joug de la charia la plus rigoriste. Détail important: même s'il est libanais, le film a en partie été tourné dans la ville irakienne de Mossoul, dont les ruines sont encore tièdes. Cette démarche mérite tout notre respect, même si je dois admettre qu'il m'a manqué un peu d'émotion pour être pleinement convaincu. Aurez-vous l'occasion de vous faire votre idée ? Je vous le souhaite...

Le dernier piano
Film libanais de Jimmy Keyrouz (2022)

Je veux le souligner: les "touches cassées" (Broken keys) du titre international ont une valeur symbolique forte pour nos regards d'occidentaux, placés relativement à l'abri de toutes les guerres possibles. Cet argument seul encourage à voir le film ! Le comparer avec Le pianiste semble une évidence, mais c'est un peu trop "facile". Revoir Timbuktu (2014) pourrait sans doute être une meilleure idée !

lundi 20 février 2023

Solidaire(s)

Sa femme est morte dans un accident de voiture. Arrivé au terme d'une longue rééducation, Samuel ne veut pas reprendre son travail. C'est pourquoi il s'isole dans un chalet alpin et se coupe du monde extérieur. Mais une nuit, la réalité le rattrape: une migrante afghane s'est introduite chez lui. Surpris, Samuel décide de lui venir en aide...

C'est vrai: la question des exils forcés revient souvent sur les écrans français depuis quelque temps. Les survivants n'est pas très original du point de vue du scénario. Ce premier long d'un jeune réalisateur sarthois m'a toutefois attiré grâce à ses deux interprètes principaux. D'un côté, Denis Ménochet, acteur au physique massif - et rassurant. De l'autre, Zar Amir Ebrahimi, actrice, réalisatrice et productrice franco-iranienne, lauréate du Prix d'interprétation féminine à Cannes l'année dernière. Le duo tient littéralement le film sur ses épaules ! Naturellement, d'autres comédien(ne)s jouent un rôle déterminant dans l'avancée de l'intrigue, mais ils n'apparaissent pas aussi souvent devant la caméra. Cela n'a guère d'importance: tout ce qui se passe pour les protagonistes est limpide. Aucun risque de "décrocher", donc.

Je dis souvent que ce genre de film ne convainc que les convaincus. Pour peu qu'on soit sensible à la cause des migrants, regarder un film consacré à leur sort ne pose aucun problème moral. Ne voir qu'un délit dans le fait de franchir clandestinement une frontière quelconque revient, à l'inverse, à n'accorder aucun crédit à ce type de cinéma. Dès lors, il me semble important de souligner que Les survivants n'apparaît pas franchement comme le fruit d'une démarche militante. Pour le dire autrement, il tient plutôt du thriller que du pamphlet politique. Je note d'ailleurs qu'il est particulièrement peu bavard. C'est sur le plan esthétique qu'il peut sûrement faire forte impression. Les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence étaient recouvertes d'une épaisse couche de neige lors du tournage, réalisé en deux temps pour cause de Covid, début mars 2020, puis en janvier-février 2021. De jour comme de nuit, ce cadre naturel est un régal pour les yeux. "On a tout fait dans la neige et en fonction des conditions météo réelles", a dit le réalisateur. Le bel effort collectif qui s'avère payant !
 
Les survivants
Film français de Guillaume Renusson (2023)

Ce long-métrage serait - probablement - bien placé si je me décidais à vous proposer un classement des meilleurs films sur les migrations humaines. Son air "brut de décoffrage" joue pour lui et le crédibilise. Et quelle bonne idée de ne pas choisir des personnages adolescents ! L'émotion n'est pas moins forte que dans Fortunat ou Welcome. Finalement, on sera plutôt entre Desierto et Les engagés. Pas mal...

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Un autre point de vue sur la question ?

Oui: il vous reste la possibilité de vous intéresser à celui de Pascale.

samedi 18 février 2023

Athlétisme et piraterie

Nous sommes vers la fin des années 60. Un jeune type a pris la route d'un village de la côte atlantique pour devenir le coach de l'équipe d'athlétisme de l'université locale. Sa mission: transformer un groupe de losers en machine à vaincre les formations des autres références de l'enseignement supérieur ! Ce qui ne sera pas une mince affaire...

Présenté ainsi, le film que je défends aujourd'hui peut sembler banal. C'est que je ne vous ai pas tout dit ! Avant d'entrer dans la partie concrète de son travail, Steve Walker s'installe dans une auberge environnante, dont les propriétaires sont... descendantes de pirates. Menacées d'expulsion, ces dames ont besoin d'une grosse somme d'argent pour conjurer leur triste sort et écarter les viles prétentions immobilières d'un malfrat. Un autre sortilège pourrait les y aider. C'est-à-dire ? À vous de l'apprendre avec Le fantôme de Barbe Noire. Sorti des studios Disney, ce long-métrage familial repose sur un pitch des plus insolites. Il n'en a pas moins été - très - largement distribué lors de sa sortie en salles, ralliant les salles de cinéma japonaises, uruguayennes et islandaises (entre autres). Son score au box-office français ferait bien des envieux aujourd'hui: oui, 2.264.700 entrées ! L'incroyable cabotinage d'un Peter Ustinov en roue libre dans le rôle principal laisse peu de place au duo Dean Jones / Suzanne Pleshette. Si l'aspect vintage de la chose ne vous rebute pas, ça passe encore...

Le fantôme de Barbe Noire
Film américain de Robert Stevenson (1968)

Disons-le: d'allure un peu fatiguée, cette production de chez Mickey porte le poids des ans. Elle pourrait toutefois convenir à un public nostalgique et/ou qui ne tiendrait pas du tout compte du temps passé depuis sa création. Il est vrai aussi que les histoires de boucaniers sont légion et que la saga Pirates des Caraïbes écrase un peu tout. On a bien le droit de préférer Capitaine Blood ou Le corsaire rouge !

jeudi 16 février 2023

La rançon du succès

Il semblerait que le Prix Goncourt soit le Graal des écrivains français. C'est sans nul doute aussi celui de leurs éditeurs et la quasi-garantie de ventes démultipliées. Youssef Salem a du succès se fait fort d'évoquer la vie d'un auteur "confidentiel", tout à coup bouleversée par l'obtention de la fameuse récompense ! C'est (presque) crédible...

Avec Ramzy Bedia dans le rôle-titre, le film nous propose le portrait gentiment moqueur d'un homme issu de l'immigration algérienne dépassé par sa popularité inattendue. Il faut également souligner que, bien qu'il s'en défende, le gaillard aurait puisé dans sa vie familiale bon nombre d'éléments cocasses susceptibles d'alimenter sa plume. Intitulé Le choc toxique, son roman explique que, dans sa tradition personnelle héritée de celle de ses parents, tout plaisir est proscrit. Petit ou grand, chaque moment de joie débouche sur un châtiment. Résultat: en dévoilant l'intimité de ses proches, Youssef / Ramzy risque de les fâcher. Je vais vous laisser découvrir ce qu'il devra faire pour éviter de très gros ennuis. C'est plutôt radical, à vrai dire. Rassurez-vous: tout est prétexte à comédie. Oui, oui, on rigole bien !

Vous verrez: le personnage principal s'offre de nombreux aller-retours entre Paris, où il vit, et Port-de-Bouc, la petite ville méridionale qu'habitent encore ses parents, ses soeurs et son frère. Une idée maligne, mais Youssef Salem a du succès n'exploite pas à 100% celle d'un contraste possible, né de l'exil du fils prodigue dans la capitale. Quoi qu'il en soit, le récit est assez riche pour une galerie de rôles secondaires - cf. papa et maman: Abbas Zahmani et Tassadit Mandi. Honnêtement, j'ai senti que le rythme comique fléchissait un peu dans le deuxième tiers du film, sans que cela soit trop dérangeant. Après un très léger temps mort, la fin redresse la barre et surprend. Si j'osais employer le terme, je vous parlerais sûrement de gravité. Rien d'accablant, hein ? Le contrepoint enrichit le propos d'une nuance bienvenue et, dans le même temps, va même l'alléger avec subtilité. Agréable, à l'heure où les comédies balourdes pullulent sur les écrans !

Youssef Salem a du succès
Film français de Baya Kasmi (2023)

La voix off du début m'a fait peur, mais cela s'arrange bien ensuite. D'une durée raisonnable (1h37), le long-métrage tient la distance. L'idée de l'écrivain perturbé par la "reconnaissance" de son talent s'inscrit également au coeur de deux films, Le créateur et Un homme idéal, aux tons très différents - je peux supposer qu'il y en a d'autres. NB: ici, le monde de l'édition est plus fun que dans Les traducteurs...

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Vous voulez lire un autre avis ?

Fastoche ! Il vous suffit de suivre mon petit lien vers celui de Pascale.

mercredi 15 février 2023

En attendant Steven...

J'en connais qui l'ont vu en avant-première ! C'est dans une semaine que The Fabelmans, le nouveau film de Steven Spielberg, est attendu dans les salles françaises. Je suis impatient de le découvrir enfin ! D'après ce qu'on en dit, il est riche de références autobiographiques. Et les premiers échos venus jusqu'à moi sont extrêmement positifs...

Le box-office en demi-teinte aux États-Unis ne me découragera pas. Même si ce ne sera pas forcément mercredi prochain, je serai fidèle au rendez-vous lancé par celui qui reste l'un de mes cinéastes américains préférés. Les deux Golden Globes qu'il a reçus en janvier dernier - meilleur film dramatique et meilleur réalisateur - montrent que la presse le respecte toujours et me semblent de bon augure. Dans un peu moins d'un mois, The Fabelmans sera un concurrent solide aux Oscars, puisque le film est nommé dans sept catégories. Spielberg n'a aucune intention de prendre sa retraite, semble-t-il. Vous, je ne sais pas, mais quant à moi... je m'en réjouis pleinement !

lundi 13 février 2023

Une rupture

L'Irlande ? J'y ai passé quelques jours de vacances, en août 2016. Aujourd'hui, il me reste de vagues souvenirs de moments agréables. Depuis, c'est uniquement au cinéma que j'ai pu revoir la verte Érin. La dernière fois, c'était en découvrant Les banshees d'Inisherin, film récompensé à la Mostra de Venise et aux Golden Globes américains...

Je l'avoue: j'ai longtemps hésité à prendre mon ticket, cette fois. Malgré leur assez bonne réputation, aucun des trois précédents films de Martin McDonagh, le scénariste et réalisateur, ne m'avait emballé. En fin de compte, l'insistance de quelques proches et la perspective d'admirer les somptueux paysages irlandais ont fini par me convaincre d'oublier mes réticences. Je me suis donc frotté à la drôle d'histoire de Pádraic, à qui son meilleur ami demande soudain l'impossible. "N'essaye plus de me parler", "Ôte-toi de mon chemin", "Va t'installer à une autre table que celle que nous partagions hier": les consignes de Colm sont d'une grande fermeté - et aussi sèches qu'inexplicables. En essayant de comprendre, Pádraic s'expose de facto à une douleur plus forte encore que le mépris auquel il fait soudainement face. Quant au spectateur, je dirais... qu'il nage dans le même brouillard ! Ce qui peut être drôle, par instants. Mais le rire est plutôt grinçant...

Pour éviter de sombrer dans la déprime, il est conseillé de s'accrocher aux personnages secondaires et, tout particulièrement, au premier d'entre eux: Siobhán, la soeur de Pádraic. Les banshees d'Inisherin en compte quelques autres, comme Dominic, le "vrai" idiot du village, ou Mrs. McCormick, une vieille dame assez flippante, mais ceux-là n'apportent aucun réconfort, bien au contraire. Leur seule présence donne toutefois au film des allures de conte, ce qui est appréciable. Ensuite, à chacun(e) son interprétation de ce que le scénario raconte. Moi, par exemple, j'y ai vu une possible métaphore des conflits civils qui affectaient l'Irlande au siècle dernier - une impression corroborée par le fait que ce qui nous est montré est censé se dérouler en 1923. Il est aussi permis de penser que le film dresse simplement le portrait d'un homme bon que les autres rejettent pour sa prétendue naïveté. Bon, qu'importe le fin mot de l'histoire ! Je veux saluer l'interprétation des acteurs: Colin Farrell, Brendan Gleeson et bien sûr Kerry Condon méritent des éloges. À suivre aux Oscars le mois prochain ? Mais oui !

Les banshees d'Inisherin
Film américano-britannico-irlandais de Martin McDonagh (2022)

Une bonne surprise. Il est clair que je n'irai pas voir ce genre de films tous les jours, mais, malgré sa noirceur, son originalité m'a séduit. Martin McDonagh monte ainsi d'un cran dans mon estime, cinq ans après la déception 3 billboards. Il ne faut donc désespérer de rien. Cela dit, pour l'Irlande, je préfère encore Once et/ou Brooklyn. Amateurs de légendes, Le peuple loup devrait aussi vous convenir...

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Et maintenant, si vous ne les avez pas déjà lues...

Je vous renvoie sans plus tarder aux chroniques de Pascale et Dasola. Et notez que Princécranoir a, lui aussi, fini par se laisser convaincre !

samedi 11 février 2023

S.O.S. campagnes

Drôle de méli-mélo ! On m'a offert le DVD d'un film sorti l'année dernière: Les vieux fourneaux 2 - Bons pour l'asile. L'épisode 1 m'est encore inconnu, mais je sais que cette suite adapte la B.D. éponyme du duo Paul Cauuet (dessins) / Wilfrid Lupano (scénario). Enfin, ses tomes 4 et 5, à ce que j'ai cru comprendre. Il faut suivre...

Pierrot, un vieux monsieur, héberge une demi-douzaine de migrants. Pour leur permettre d'échapper à la police, il se décide à les emmener chez Antoine, son meilleur ami, qui habite un village un peu oublié. Bon plan, mais là-bas, les pauvres réfugiés se confronteront aux aléas de la solidarité franchouillarde et, à leur insu, seront vite embarqués dans la campagne électorale d'un élu local frénétique et déjanté. Résultat: des quiproquos, beaucoup d'agitation et des catastrophes rurales évitées de peu. Autant d'éléments d'une comédie populaire que Pierre Richard, Eddy Mitchell et Bernard Le Coq doivent incarner. Ce n'est qu'à moitié réussi: le film ne prête guère à rire aux éclats. Cela dit, à plusieurs reprises, il m'a fait sourire - et c'est déjà bien. Mieux: je l'ai trouvé subtil dans sa façon d'évoquer les migrations forcées (afghanes et syriennes, en l’occurrence), ainsi que la ruralité française en proie à la désertification. Deux problématiques sérieuses abordées par petites touches et, donc, sans plomber le récit principal. Au final, le film est plus malin que je l'avais présupposé. Tant mieux !

Les vieux fourneaux 2 - Bons pour l'asile
Film français de Christophe Duthuron (2022)

Trois étoiles... et une demie supplémentaire, pour le côté "engagé". Comme vous le savez peut-être, le cinéma français d'aujourd'hui s'avère un intarissable pourvoyeur de comédies assez médiocres. Celle-ci ne sort pas vraiment du lot, mais elle s'avère assez sympa. Surprise: elle n'a attiré qu'à peine 270.000 spectateurs en salles ! Évidemment, Les vieux de la vieille (1960), c'est d'un autre niveau...

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Vous préféreriez lire la B.D. ?

Pas si vite ! Je vous suggère d'abord de regarder ce qu'en dit Dasola.

jeudi 9 février 2023

Vers la folie

J'ai toujours une petite appréhension au moment d'évoquer un film recommandé par l'un(e) ou l'autre de mes ami(e)s. C'est le cas aujourd'hui avec Coup de torchon: un pote m'avait parlé d'humour noir et j'étais inquiet à l'idée de ne pas y adhérer. J'ai donc vérifié ! Résultat: je reconnais des qualités au film, mais il ne m'a guère plu...

1938. Lucien Cordier est l'unique flic (blanc) d'un petit village africain. Assez flemmard et franchement désinvolte, il n'a aucune autorité réelle sur les quelques malfaisants du voisinage. Pire, sa femme l'humilie en couchant avec un autre homme sous le toit conjugal. Notez que les torts sont partagés: Lucien a une maîtresse, lui aussi. C'est lorsque l'un de ses supérieurs hiérarchiques lui fait comprendre que personne ne le respecte vraiment que le bougre pète un câble ! Désormais, et malgré une belle rencontre avec une institutrice idéaliste, il ne vivra que pour écarter les très nombreux importuns placés sur la route de son oisiveté heureuse. Aïe ! Ce brusque virage vers une certaine forme de folie ne m'aura donc que peu intéressé. Pourtant, je le reconnais: Philippe Noiret le joue à la perfection. Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell et tous les autres forment autour de lui une troupe de premier choix. Mention spéciale pour un Jean-Pierre Marielle deux fois présent et toujours truculent. Ce qui coince ? Moi, je crois. Avec une impression de misanthropie...

Coup de torchon
Film français de Bertrand Tavernier (1981)

J'ai trop de respect pour la carrière du réalisateur pour descendre sous les trois étoiles. Je n'ai rien vu de mauvais: je dirais simplement que le film "ne me convient pas" - et cela, je l'assume plutôt bien. Parmi les films du duo B. Tavernier / P. Noiret, La vie et rien d'autre et Le juge et l'assassin gardent ma préférence. Et pour l'Afrique vue d'Europe, je choisirai Les rayures du zèbre et/ou Twist à Bamako...

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Tout cela étant dit, allons voir ailleurs...

Je crois que Pascale aime beaucoup ce film (et l'invite à confirmer). NB: vous en lirez d'autres chroniques chez Princécranoir, Strum et Lui.

lundi 6 février 2023

Une belle amitié

Je comprends que cela puisse surprendre, mais mon amour du cinéma m'incite parfois à aller voir en salles des films destinés aux enfants. Vous l'avez remarqué, non ? Il y a peu, c'est même en avant-première que j'ai choisi de découvrir Zodi et Téhu, frères du désert - qui sort ce mercredi. Les couleurs chaudes de la bande-annonce m'ont attiré...

Le film nous emmène au Maroc, auprès d'une petite communauté installée aux portes du Sahara. Zodi, 10 ou 12 ans, vit avec sa mère. Étant donné que d'autres gamins se moquent de lui, le petit garçon n'est jamais franchement pressé d'être bien sage et d'aller à l'école. Pourtant, un jour, tout change: il découvre un jeune dromadaire isolé de son troupeau et décide de l'adopter. Ce qui n'est pas simple. Pourquoi ? Parce que Maman n'est pas d'accord et parce qu'il se peut que l'animal soit malade, mais aussi parce qu'il suscite la convoitise d'une bande de brigands, décidés à le transformer en bête de course. Sur ces bases narratives, le récit est vraiment très agréable à suivre !

Il faut dire que Zodi et Téhu... offre quelques magnifiques images. Je peux supposer que l'Afrique du Nord n'est pas toujours aussi belle dans la réalité, mais, pour le coup, j'en ai pris plein les mirettes ! J'insiste donc: sur le plan esthétique, le film me semble irréprochable. Avis aux amateurs: la bande musicale est aussi soignée que le reste et permet d'entendre quelques compositions originales du chanteur britannique - d'origine libanaise - Mika. Bon... je me dis également que certain(e)s d'entre vous reculeront peut-être en voyant le nom d'Alexandra Lamy en tête d'affiche. Ce serait bien dommage: l'actrice a progressé depuis le début de sa carrière et su gagner en sobriété. Dans le film qui nous occupe aujourd'hui, elle est tout à fait naturelle et, de ce fait, des plus convaincantes. Idem pour le petit bonhomme qui joue le rôle principal: Yassir Drief est une sympathique révélation.

Zodi et Téhu, frères du désert
Film français d'Éric Barbier (2023)

Un joli conte à découvrir en famille: cela ne peut pas faire de mal. Tous les films "pour enfants" n'ont pas cette grâce et cette beauté ! Bon, c'est vrai que l'idée de la rencontre entre un gamin et un animal mystérieux n'est pas nouvelle: elle est même (très) souvent utilisée au cinéma, en allant d'E.T. l'extraterrestre jusqu'à Enzo le croco. D'autres exemples suivront, bien sûr. Mais pourquoi bouder le plaisir ?

samedi 4 février 2023

Train-train

J'ai d'abord connu Kenneth Branagh pour ses goûts shakespeariens. C'est plus tard, je crois, que j'ai su qu'il avait réalisé une adaptation cinématographique de La flûte enchantée, opéra de W. A. Mozart. Ensuite, je l'ai retrouvé en prof fanfaron dans la saga Harry Potter. Pour finir, j'ai vu l'un de ses films tirés d'un roman d'Agatha Christie !

Bon... j'avoue que le bel éclectisme de l'acteur-réalisateur-producteur n'empêche pas Le crime de l'Orient Express d'être un film peu réussi à mes yeux. Tout semble reposer sur un casting d'assez haut vol. Beaucoup d'acteurs prestigieux sont certes de la partie: Penélope Cruz reste ma préférée, bien classée devant Johnny Depp et Willem Dafoe. Mais plutôt que de compléter la liste, j'aime autant vous dire/rappeler qu'il est donc question ici d'un meurtre commis à bord d'un train parti d'Istanbul pour rallier... euh... je ne sais quelle autre ville, au nord. Une seule certitude: le détective Hercule Poirot a beaucoup de temps pour mener l'enquête, vu que le convoi est coincé dans les montagnes yougoslaves. Si cela ne m'a pas passionné, c'est peut-être simplement parce qu'ayant lu le livre, je connaissais la résolution de l'énigme. J'ajoute que le film ne m'a pas emballé non plus sur le plan formel. Grosse déception ? Non ! En fait, je n'en attendais pas grand-chose...

Le crime de l'Orient Express
Film américano-britannique de Kenneth Branagh (2017)

Une curiosité, au passage: le film a aussi obtenu des financements maltais. Cela ne change rien à ma note - très - mesurée. Je dois dire que je ne suis pas certain que la transposition du sombre univers d'Agatha Christie au cinéma soit chose facile. Branagh a aussi adapté cet autre grand classique qu'est Mort sur le Nil, mais je ne l'ai pas vu. Laissons la question de la comparaison à d'autres polars en suspens...

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Maintenant, si vous voulez approfondir le sujet...

Les divers avis qu'expriment Pascale, Dasola, Princécranoir et Lui pourraient vous intéresser. Et le blog d'Ideyvonne mérite bien un clic !

jeudi 2 février 2023

Des revenants

Ciel ! J'ai eu la chance de faire un petit séjour à Vienne (en Autriche) et je viens de réaliser que c'était il y a bientôt... quatorze ans. J'aurais aimé en revenir avec trois-quatre DVD, mais je me souviens de mon incapacité à en trouver - on m'avait proposé un Spiderman ! Tout cela pour dire qu'en janvier, j'ai ENFIN revu un film autrichien...

Je ne suis certes pas le dernier à penser d'abord à Michael Haneke quand on évoque l'Autriche, mais j'en ai été content de me pencher sur le travail d'un autre réalisateur: Stefan Ruzowitzky (né en 1961). Son tout dernier film, Hinterland, a des producteurs dans son pays d'origine, de même qu'en Allemagne, au Luxembourg et en Belgique. Précision, si besoin: dans la version originale, les protagonistes s'expriment en allemand. Le scénario nous invite à nous intéresser d'abord à un groupe de soldats - vaincus - de la Première guerre mondiale. Nous sommes au début des années 20: ces pauvres bougres viennent d'en terminer avec de longs mois de captivité en Russie. Personne ne les attend en héros: l'empire dont ils étaient les gardiens n'est plus. Il a cédé sa place à une République fragile, où anarchistes, communistes et proto-nazis battent le pavé. Cet "arrière" que le titre évoque est presque plus difficile à vivre que le front ! En tout cas pour le personnage principal, Peter Berg, qu'une série de meurtres vient vite impliquer. Les victimes ? Ses anciens compagnons d'armes.

Je n'ai pas envie de vous raconter par le menu cette histoire criminelle. Pas envie non plus d'explorer la noirceur du film, en partie compensée par un beau personnage féminin (de médecin légiste !). Hinterland m'a fait forte impression avec ces deux éléments, oui. Pourtant, je veux souligner que c'est pour ce qu'il dit de l'après-guerre qu'il m'a le plus intéressé. Mon histoire familiale fait que j'ai une idée du sentiment d'incompréhension qui pouvait animer les rescapés français lorsque, après 1918, ils ont pu revenir chez eux. Dans le film d'aujourd'hui, les survivants m'apparaissent encore plus déphasés. Leurs défaites militaires les ont éloignés de leurs compatriotes restés à couvert. Et l'Histoire, désormais, semble devoir s'écrire sans eux ! Pour symboliser leur mal-être ou leur névrose, Stefan Ruzowitzky réinvente une Vienne expressionniste, dont chaque mur est déformé. L'effet est saisissant et, bien évidemment, décuplé sur grand écran. Le comble, c'est que le film semble être passé relativement inaperçu. De quoi m'inciter à regarder les réseaux de distribution de plus près...

Hinterland
Film autrichien de Stefan Ruzowitzky (2021)

Mon premier film vu au cinéma en 2023 aura donc mis plus d'un an pour arriver jusqu'en France, dans des conditions sûrement difficiles. J'imagine qu'il n'est plus en salles, désormais, mais c'est un titre digne d'être retenu pour son exploitation future télé / DVD / VOD. L'aspect "serial killer" est commun, mais son arrière-plan historique vaut le coup d'oeil. Comme pour Frantz. Ou encore Les gardiennes...

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Un mot pour finir...

Je dédie ce texte à Pascale, qui a parlé du film deux fois, ici et . Sans son "insistance", il est probable que je serais passé à côté. Salutations aussi à Dasola, qui a également apprécié ce long-métrage.