dimanche 28 février 2010

Prophète en son pays

Le jeu de mot est assez facile, mais les faits sont là: Un prophète est le grand gagnant des Césars 2010. Parmi les films donnés favoris pour la Palme d'or au printemps, il décroche finalement "son" trophée du meilleur film de l'année. Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, Tahar Rahim peut lever bien haut ses compressions dorées: à 28 ans, il réalise un doublé historique, consacré à la fois comme meilleur acteur de l'année et... meilleur espoir masculin ! Autre comédien couronné: Niels Arestrup, qui, campant un parrain corse, obtient du coup le César du meilleur second rôle masculin. C'est le deuxième de sa carrière ! Jacques Audiard, lui, en est désormais à trois prix du meilleur scénario et complète sa collection d'un deuxième César du meilleur réalisateur - six autres cinéastes partagent avec lui ce statut. Mais parce que le septième art est aussi un travail d'équipe, la razzia ne s'arrête pas là: le film est encore distingué pour ses décors (signés Michel Barthélémy), son montage (de Juliette Welfling) et sa photo (Stéphane Fontaine). Avec donc neuf récompenses au total, il s'octroie le deuxième meilleur total historique des Césars, événement créé en avril 1976. Je crois donc qu'il ne me reste plus qu'une seule chose à faire: le découvrir enfin !

Autre film que je n'ai pas vu: La journée de la jupe. Cette histoire de prof qui pète les plombs a semble-t-il été très controversée. Question de réalisme, a-t-on dit. Je dois admettre que ce n'est pas une priorité pour moi que de le voir, mais il a souri à Isabelle Adjani. Laquelle obtient son cinquième César de meilleure actrice, le premier depuis 1995. Elle aussi assez mal aimée du public, elle fait preuve d'une épatante longévité. C'est déjà une performance en soi.

Faut-il dès lors souhaiter la même carrière à Mélanie Thierry ? Premier constat: le meilleur espoir féminin, c'est elle, pour son rôle dans Un dernier pour la route. Je dois avouer que je ne sais pas grand-chose sur cette jeune comédienne, si ce n'est que la presse people la présente comme la petite amie du chanteur Raphaël. Admettons qu'elle mérite un peu plus d'attention, sachant qu'elle a déjà seize films à son actif, sans compter la télé et le théâtre...

Emmanuelle Devos, elle, m'est nettement plus familière. Je dois dire que je l'apprécie beaucoup, et notamment dans A l'origine, le film qui lui vaut cette année le prix du meilleur second rôle féminin - c'est son deuxième et il me paraît mérité. Difficile toutefois d'échapper totalement à l'idée qu'au-delà de sa comédienne, le trophée récompense le long métrage, qui, à défaut, repartait bredouille...

Un long métrage à côté duquel je suis passé: Les beaux gosses, signé Riad Sattouf, obtient le César du meilleur premier film. Remarquons qu'après la polémique Dany Boon l'an passé, l'Académie consacre bel et bien une comédie ! Mais est-elle vraiment drôle ? J'aurais donc à la découvrir pour vous livrer mon opinion. Sincèrement, ces ados dévorés de pulsions ne m'attirent pas, mais...

Bien que j'apprécie Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, j'ai manqué Mademoiselle Chambon, qui reçoit le César du meilleur scénario adapté. Pour dire la vérité, je n'ai pas lu non plus le roman dont il est tiré. Ce qui pourrait m'intéresser ? Le duo de comédiens, jadis également en couple à la ville. Non pas que je sois d'emblée aveuglé par les paillettes, mais j'ai tout de même la curiosité de voir comment jouent ensemble deux êtres que la vie a séparés. Un peu triste, sans doute, mais c'est ça aussi, le talent. Non ?

Meilleur film étranger: Gran Torino. La France aime décidément Clint Eastwood. Ce n'est sûrement pas ici que vous lirez une critique sur ce choix, même si une petite voix me lance que l'Académie donne tout de même un peu dans la facilité. Bémol: quand j'ai découvert moi-même le film et, ensuite, quand je l'ai critiqué ici, je me suis promis de le revoir "à froid". En laissant de côté le fait que c'est l'ultime apparition à l'écran du monstre sacré qu'est le réalisateur américain, je pense pouvoir le juger (un peu) plus objectivement.

Le prix du documentaire revient à L'enfer d'Henri Georges-Clouzot. Je ne suis pas très fier à l'idée de vous avouer que j'en ai beaucoup entendu parler, sans réellement m'y intéresser. Aussi, pour dire simplement ce dont il s'agit, je dois me référer à des sources extérieures. Signé Serge Bromberg et Ruxandra Medrea, ce film raconte le tournage (raté) d'un long métrage avec Rommy Schneider et Serge Reggiani, leur redonnant donc vie pendant une heure trente. Peut-être que le récompenser est également une façon de saluer aussi le travail du réalisateur et des comédiens disparus...

Autre film dont j'ignore tout: C'est gratuit pour les filles, César 2010 du meilleur court métrage. C'est l'une de mes lacunes cinématographiques: je n'ai pas pris l'habitude de donner sa chance au format court. Pas le réflexe, disons. Il faut dire que ce n'est pas forcément évident d'en voir. Pourtant, dans le petit nombre que j'ai eu l'occasion de découvrir, il m'est arrivé de relever quelques perles. Autre créneau intéressant pour Mille et une bobines ? Je vais à tout le moins tâcher de trouver un moyen de visionner cette histoire moderne de nanas en passe d'ouvrir ensemble un salon de coiffure.

J'ai déjà vu Le Concert ! J'ai déjà dit ici que cette histoire à l'humour tendre et ces musiciens russes en représentation clandestine à Paris avaient visiblement rencontré plus de succès que les distributeurs cinéma ne l'avaient imaginé. Sans être exceptionnel, le film reste très sympa: on en ressort plutôt avec le sourire. Le genre d'expérience qui fait du bien, tout de même ! Est-ce une façon d'enfin sauver l'honneur de la profession ? L'Académie a donné au film un César, celui de la meilleure bande son. Plutôt logique, en fait.

Logique, l'attribution du César récompensant les meilleurs costumes à Catherine Leterrier pour Coco avant Chanel l'est peut-être aussi, mais je n'ai pas vu le film pour en juger. Je note qu'une costumière est récompensée pour une oeuvre sur une coutière. Un bon départ pour une éventuelle découverte. Même si je n'ai pas eu d'échos franchement enthousiasmants du long métrage, sa distribution prestigieuse - Audrey Tautou en tête - ne sauvant visiblement pas tout. Bon, je ne renonce pas: ce sera à confirmer à l'occasion...

Le dernier prix remis hier ? Il revient à Harrison Ford, récompensé d'un César d'honneur. Je lisais il y a peu un article sur les conditions d'attribution d'une telle récompense: on y suggérait que le lauréat n'était en général rien d'autre que... le premier acteur américain passant par Paris au moment de la cérémonie. Bon: le récipiendaire 2010 n'aura tout de même pas volé ce petit clin d'oeil. Notons enfin, pour être complet, que le rideau est tombé sur un ultime hommage ému à deux "grands disparus" du cinéma français: le comédien Jocelyn Quivrin et le réalisateur Eric Rohmer, un duo inattendu.

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Mise à jour (18h36): Juste pour signaler qu'en fait, Le Concert n'a pas gagné un, mais deux Césars. Celui de la meilleure bande son comme je l'ai dit et celui de la meilleure musique. Deux fois logique.

vendredi 26 février 2010

Un deuil

C'est une famille italienne ordinaire. Les parents, les deux enfants. Giovanni, le père, consacre beaucoup de temps à son travail. Psychanalyste, il est heureux avec Paola. Ensemble, ils élèvent facilement deux ados, Irene et Andrea. Quand ce dernier est accusé de vol par l'un de ses camarades de lycée et puni par son directeur d'établissement, le grain de sable coince un peu, mais ne dérègle pas vraiment la jolie entente du quatuor. En somme, il ne manque presque rien pour ressentir une parfaite harmonie. Tout au plus faudrait-il peut-être que Giovanni lève un peu le pied et parvienne ainsi à vivre davantage avec les siens, plutôt que pour ses patients. La chambre du fils montre un groupe soudé par l'amour et l'affection.

Tout change un jour où, pour une vague obligation professionnelle, Giovanni renonce à un footing avec Andrea. Le garçon n'en veut pas à son père, mais se voit contraint de changer ses plans. Il part donc faire ce qu'il avait prévu dans un premier temps: un peu de plongée sous-marine avec des copains. Victime d'un accident, il ne reviendra plus. Après les sourires, La chambre du fils bascule immédiatement vers la tragédie. Le bonheur familial vole en éclats, chaque membre du trio "rescapé" encaissant les événements avec une douleur profonde. La manière dont le deuil détruit la vie et l'amour collectifs, c'est l'aspect le plus poignant du film. Difficile, je pense, de rester indifférent. On a reproché à Nanni Moretti, le réalisateur, d'illustrer des souffrances plutôt ordinaires. Moi, je trouve qu'il parvient aussitôt à nous prendre aux tripes. Et pour ça, je dis: chapeau !

Sans faire l'unanimité parmi les cinéphiles, La chambre du fils a connu la reconnaissance des professionnels et reçu - entre autres - une Palme d'or au festival de Cannes en 2001. Je n'aime pas raisonner après coup en terme de mérite et juger de la pertinence d'un tel choix, pour la simple et bonne raison qu'en général, je n'ai vu au mieux qu'une petite partie de la sélection. En restant donc ici sur mon seul jugement "primaire", je dirai donc que le film m'a plu. J'ajoute qu'il se déroule en sinusoïde: gai d'abord et plutôt éprouvant en son milieu, il s'achève sur une petite note d'espoir et de vie. Objectivement, ce n'était pas évident au départ et ça peut d'ailleurs paraître artificiel. Pour ma part, ce dénouement m'a paru crédible. Sobre, aussi. Une belle fin, donc, pour un récit aux émotions contrastées. Et non, la mort n'a pas forcément le dernier mot...

mercredi 24 février 2010

Le sourire de Madiba

"Souvenez-vous de ce jour, les gars. C'est le jour où notre pays a mal tourné". 11 février 1990. Après 27 ans de captivité, Nelson Mandela quitte la prison de Robben Island. C'est un peu plus de quatre ans plus tard que le leader noir sud-africain deviendra président du pays. Sortie du dernier film de Clint Eastwood, Invictus, et de la bouche d'un entraîneur sportif (blanc) d'enfants (blancs), la petite phrase rappelle l'importance des préjugés dont l'ex-détenu a dû triompher pour accomplir son destin. Il n'aurait pas forcément été facile d'écrire un scénario sur la vie entière de celui que ses compatriotes appellent Madiba - d'autant qu'elle n'est pas terminée ! Pour lui rendre hommage, Eastwood s'est concentré sur l'un des épisodes marquants du début de la présidence Mandela: la préparation et la victoire surprise des Springboks à la Coupe du monde de rugby édition 1995. Ce faisant, et a fortiori en faisant appel à son ami Morgan Freeman pour endosser le rôle du vieux sage, le réalisateur américain élude une bonne partie de la complexité du sujet. C'est bien dommage, diront certains, car un traitement plus approfondi aurait offert davantage de nuances. Soit. Pour ma part, je ne juge pas qu'il ait été ici fait preuve de superficialité. Tâchons de vous l'expliquer.

Invictus n'est sans doute pas un chef d'oeuvre. Je le dis franchement et en tant qu'inconditionnel d'Eastwood: c'est vrai que ce n'est pas son meilleur film. Point d'emblée notable: pour la première fois depuis longtemps, ce cher Clint signe une oeuvre positive, je veux dire "qui finit bien". C'est d'ailleurs l'un des reproches qui lui est fait par la critique: donner dans l'hagiographie là où une approche un peu plus ambitieuse, plus complète, aurait pu apporter une autre densité au sujet retenu. Pour ma part, j'ai pris le film au premier degré, et donc sans le comparer à d'autres. Mon bilan général est donc positif. Il y a beaucoup de bonnes choses à retenir. Morgan Freeman ? L'acteur est tout à fait saisissant. Je suis souvent admiratif du culot des comédiens qui se permettent de jouer un personnage réel vivant, démarche du genre casse-gueule dont l'intéressé se tire à merveille. Dans la peau de François Pienaar, l'ancien capitaine des Springboks, Matt Damon joue bien le coup, lui aussi. Et si le reste du casting fait appel à des acteurs moins réputés, avec pour clin d'oeil un petit rôle pour Scott Eastwood, fils de Clint, l'ensemble tient franchement bien la route. On y croit d'autant plus volontiers que les protagonistes paraissent crédibles en idoles des stades, enceintes à l'ambiance vraiment bien rendue - mieux que celle des phases de jeu, en fait.

Sur le plan du scénario, maintenant, l'histoire est si connue désormais que le film se déroule évidemment sans surprise majeure. Ce n'est pas franchement un problème. Même si on sait bien comment tout cela va finir, on peut (re)prendre du plaisir à suivre toute la progression dramatique dans les pas d'Easwood. Aspect remarquable, le cinéaste est extrêmement sobre. Lui qui dénonce habituellement avec virulence les dérives de la société américaine moderne et la corruption de certaines de ses élites reste ici franchement sur la retenue, sans doute par respect pour son sujet. Exemple: à mes yeux, l'une des très belles scènes d'Invictus illustre la visite des Springboks sur Robben Island, dans ce qui fut donc jadis la prison de Mandela. J'apprécie particulièrement la manière dont est filmée la prise de conscience de François Pienaar, dans une cellule tellement petite que, porte fermée, il réalise qu'il ne peut complètement étendre les bras. Le message passe sans qu'aucun mot ne soit prononcé. Pendant près de deux heures, entre hommes noirs et hommes blancs, de nombreuses choses signifiantes transitent ainsi par les regards. Rassurez-vous: il y a aussi de très beaux textes pour appuyer le propos du film. Ainsi, en plus du poème qui lui a donné son nom, le long métrage comporte-t-il quelques discours majeurs du président sud-africain ou de son compatriote rugbyman. Pour peu qu'on se laisse embarquer à leurs côtés dans l'espérance d'une nécessaire réconciliation, on ressort de la séance gonflé à bloc. Et en ce temps où une certaine France parle à tort et à travers d'identité nationale, ça fait très franchement beaucoup de bien. Eastwood n'a pas signé un grand film, mais en a réalisé un bon. Indéfectible admirateur, j'attends avec impatience le prochain !

samedi 20 février 2010

Les charmes de l'Italie

C'est soucieux de sensibiliser mon cousin Mathieu à d'autres époques cinématographiques que j'ai revu Avanti ! Ce film signé Billy Wilder est sorti en 1972. Ce n'est pas son plus grand succès, mais je l'aime beaucoup. Résumons l'intrigue: le fils d'un capitaine d'industrie américain, Wendell Armbruster Jr, débarque sur Ischia, une petite île du sud de l'Italie, pour y chercher le corps de son père. Le paternel est mort dans un accident de voiture, à des milliers de kilomètres des siens, dans le cadre paradisiaque où il soignait son vieux corps en prenant des bains de boue. Le fiston n'a pas de temps à perdre. Surpris par le décès en pleine partie de golf, il entend bien embarquer le cercueil et retourner à Baltimore, sans même prendre une minute pour profiter des charmes de l'hôtel. Oui mais voilà ! C'est compter sans la présence d'une jeune Anglaise, elle aussi endeuillée, Pamela Piggott. La pauvre pleure la mort de sa mère. Finalement, et en même temps que les personnages, on découvre alors que les deux disparitions sont survenues... simultanément ! Et dans les mêmes circonstances ! En résumé, les défunts n'ont pas seulement partagé une fin tragique, mais aussi la voiture qui les y a conduits et, évidemment, l'une des chambres de l'établissement grand luxe qui accueille leurs enfants. Depuis un point de départ relativement nostalgique, si ce n'est macabre, le spectateur, surpris et séduit, s'embarque illico vers une pure comédie. Que du bonheur !

Osons l'écrire: Avanti ! est même une comédie romantique. Inspiré d'une pièce de théâtre, le scénario n'a rien à envier à celui d'oeuvres plus récentes, au contraire. Il y a beaucoup de tendresse et de poésie dans cette histoire et, toujours soucieux de vous préserver les joies d'une découverte, je dirai simplement qu'elles ne se manifestent pleinement qu'à la toute fin du métrage. C'est d'ailleurs à mes yeux ce qui fait toute la qualité de ce film au charme un peu suranné. Cette parenthèse italienne de Wendell Armbruster Jr est un moment d'humour avant tout, une longue série de scènes cocasses reposant sur le profond décalage entre la mentalité de ce goujat d'Américain et l'hédonisme de ceux qui l'entourent. Sitôt installé dans la voiture qui l'amène à l'hôtel aux côtés de son directeur, l'héritier pressé affronte un monde qu'il ne comprend pas, parce qu'il le juge trop lent. Irene, une amie italienne, m'a avoué qu'elle trouvait l'argument un peu caricatural, mais malgré tout fort drôle. Et nous, Français, devant cette tempête sur pieds, on peut se laisser langoureusement contaminer par le rythme latin, juste soucieux de profiter tranquillement de la dolce vita à l'italienne. Le fait même d'y être invités par un personnage britannique, nationalité souvent moquée pour son flegme et la rigité de ses convenances, vient encore ajouter au plaisir et à l'envie de se la couler douce. Et Ischia est si belle...

Curieusement, c'est Wendell Armbruster Jr qui prendra l'initiative d'un premier dîner commun avec Pamela Piggott. Je vous laisse découvrir ses causes et ses conséquences. Il me semble parfaitement évident que la distribution retenue par Billy Wilder contribue largement à la réussite d'Avanti ! Le duo vedette est parfait. Fidèle du réalisateur, Jack Lemmon est tout à fait dans la lignée du talent qu'il manifeste habituellement. Juliet Mills, elle, assure une réplique brillante et n'a même pas hésité à prendre dix kilos pour les besoins de la cause. Leurs prestations, complémentaires, sont calées, exactement dans le bon ton. Il serait dommage de ne pas également pointer les projecteurs vers d'autres comédiens. J'ai déjà dit un mot du directeur de l'hôtel: originaire de Nouvelle-Zélande, Clive Revill compose un Italien plus vrai que nature. Les autres personnages, secondaires, sont plutôt convaincants eux aussi, mais la plupart ont également la nationalité transalpine - ceci expliquant peut-être cela. Le plus beau dans tout ça est que, sans montrer énormément d'images du pays, le long métrage est très clairement tourné in situ. C'est peut-être le génie du réalisateur d'avoir su capter des images typiques de ces lieux magnifiques et, plaisir complémentaire, quelque chose de leur incomparable lumière. Je n'en sais rien, mais je le ressens par intuition. Pour en être sûr, il faudrait aller vérifier sur place. Signe tangible de sa réussite formelle, je dois en tout cas dire pour conclure qu'au Méditerranéen d'adoption que je suis, le film donne envie de voyager. En fait, lui-même est déjà un beau voyage.

lundi 15 février 2010

Clandestins du rock

Le public français est privilégié. En prend-il toujours la mesure ? Quelques semaines durant, il a pu découvrir librement Les chats persans, oeuvre iranienne signée Bahman Ghobadi. La première fois que cette histoire est arrivée sur nos écrans, c'était au mois de mai dernier, à l'occasion du Festival de Cannes: retenu dans la sélection Un certain regard, le film a reçu une belle récompense, le prix spécial du jury. Avant et encore après, ses créateurs ont eu de gros ennuis avec les autorités de leur pays: Ghobadi lui-même, mais également sa compagne et co-scénariste, l'Irano-américaine Roxanna Saberi, ont été emprisonnés, accusés entre autres d'espionnage. Le couple vit désormais en exil, à New York. Loin d'être réconforté, le cinéaste assure que c'est pour lui un déchirement, qu'il espère retourner travailler en Iran et qu'au pire, il confiera son matériel à un ami. Ensuite, il montera le travail ainsi effectué avec l'aide de techniciens étrangers. C'est ce contexte d'oppression et censure qui m'a d'abord poussé à le découvrir. Un peu naïf sans doute, j'ai espéré qu'entrer dans un cinéma me permettrait de lui apporter un peu de soutien. C'est assez simple: je me suis dit que je pouvais au moins faire ça. Ce n'est qu'ensuite, en cherchant quelques infos complémentaires, que j'ai appris que le film avait été tourné avant l'élection qui a ramené Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de l'Iran. Je trouve finalement que le résultat n'en a que plus de force. Comme un cri d'alarme au message malheureusement amplement vérifié depuis...

Vus au premier degré, à travers nos yeux européens, Les chats persans racontent une histoire banale. Celle de groupes de jeunes passionnés de musique, soucieux de monter un concert pour se faire entendre et qui, en attendant, vont d'un local à l'autre pour répéter. Evidemment, ce qui est tout ce qu'il y a de plus ordinaire chez nous est formellement interdit et donc extrêmement dangereux là-bas. L'un des aspects intéressants du film est de l'expliquer de manière très concrète, en suivant deux petites heures durant les pas de Negar et Ashkan, deux jeunes adultes rêvant de rock et d'exil européen. Faute d'obtenir l'autorisation de jouer leur musique, leur volonté farouche de se produire sur scène vient aussi d'un besoin d'argent pour acheter les (faux) passeports qui pourraient leur permettre d'oublier leurs ennuis en quittant le pays. Ici, toute ressemblance avec des personnes existant réellement n'est évidemment pas fortuite. D'autant moins en fait que les deux acteurs principaux portent le même prénom que leurs personnages et ont connu sensiblement le même destin. Ne vous y trompez pas: le film est bel et bien une fiction, mais une fiction tellement empreinte de réalité qu'elle a des allures de reportage, impression que vient d'ailleurs renforcer le style Ghobadi, avec une caméra au plus près des acteurs. Inutile de dire que, de par sa thématique même, ce film est aussi basé sur le mouvement. Il n'y a pas de repos pour les musiciens clandestins au pays des mollahs. Il leur faut bouger continuellement.

L'espoir ? Très ténu, il existe tout de même dans Les chats persans. Il se manifeste notamment dans l'étonnante solidarité dont font preuve tous ces jeunes - et moins jeunes - traqués par la police. Negar et Ashkan espèrent obtenir de l'aide et en trouvent un peu auprès d'amis et d'amis d'amis. Leur longue errance urbaine permet au réalisateur de nous offrir des images très diverses de Téhéran. Tellement en fait que je pense qu'on peut sans mentir parler du film comme d'un long métrage sur la ville. Les mélomanes curieux pourront également y découvrir toutes sortes d'inspirations nouvelles, mais malgré tout reconnaissables: il y a de la musique traditionnelle iranienne, du rock donc, du rap et d'autres styles, toujours chantés en persan, ce qui nous emmène en voyage, ailleurs. De cette brève visite, on ressort un peu exténué, un peu mortifié aussi, car l'idée d'un happy end hollywoodien ne s'impose pas vraiment. C'est même peut-être l'ultime paradoxe de ce film criant pour la liberté: s'achever sur une note ambiguë, mais a priori un peu plus sombre encore que la réalité des gens qu'il évoque. Il me semble qu'il faudra surveiller la suite, les autres travaux de Ghobadi, afin d'essayer d'y déceler une possible évolution vers le mieux ou le pire. Pas forcément très accessible à un public profane, le réalisateur a tout de même beaucoup de courage. Nous qui vivons en des contrées apaisées ferions bien de ne pas oublier cette chance que nous avons.

vendredi 12 février 2010

La drôle de guerre

J'y vais ? J'y vais pas ? Toujours la même histoire, Tarantino et moi. Chaque fois qu'un de ses films sort sur les écrans, j'ai plus ou moins envie d'aller le voir, mais il y a également toujours une réticence certaine, sans d'ailleurs que je sache réellement l'expliquer. Là encore, comme Mélanie Laurent sur la photo, j'ai réfléchi. Tergiversé, même. Bilan: j'ai fini par rater l'occasion de voir Inglourious basterds au cinéma. C'est sans doute que je pouvais m'en passer, hein ? Si j'en parle aujourd'hui, c'est que j'ai donc fini par m'offrir une séance de rattrapage DVD. Avant de vous donner mon avis, un petit mot de l'intrigue pour ceux qui seraient complètement passés à côté: nous sommes dans les années 1940. Landa, un haut responsable SS, traque une famille de juifs, la repère dans une ferme isolée de la France profonde, et en abat sauvagement chacun des membres... sauf une jeune fille, Shosanna. Laquelle, en images ci-dessus, cherche vengeance. Fondu au noir. Ensuite ? Je préfère ne pas vous en dire davantage car, même si j'étais au fait des tenants et aboutissants du scénario avant de voir le film, je juge préférable de ne pas les divulguer trop explicitement. Après tout, ce ne sera pas la première fois que je le dirai sur la base d'un constat: le cinéma gagne toujours beaucoup quand il surprend.

Mon avis, maintenant. Inglourious basterds est d'abord un film réussi sur le plan technique. Quentin Tarantino sait filmer, il sait aussi (re)créer un univers, il sait enfin s'entourer d'acteurs charismatiques, qu'ils soient d'ailleurs des stars ou des comédiens moins connus. Je reconnais que chacun de ses longs métrages contient à mes yeux l'ensemble de ces éléments. Je pourrais le dire autrement: aucun ne sonne faux, pas même celui-là, qui est pourtant très librement inspiré d'une réalité pourtant difficile à contourner. Revers de la médaille, c'est là même que réside d'après moi la limite de l'exercice: le révisionnisme historique de QT ne surprend plus compte tenu de la personnalité de son auteur, mais il peut déranger. Choquer, même. Parmi les choses que j'apprécie nettement moins ici, il y a cette manière très désinvolte d'utiliser des situations passées et des personnages réels, de vider immédiatement l'ensemble de sa substance profonde, et de transformer la recette originelle en une mixture au goût personnel. J'ai du mal à critiquer les artistes qui inventent quelque chose de neuf, mais crois qu'il faut respecter certaines limites. Quentin Tarantino préfère visiblement les envoyer valdinguer: libre à lui, mais je dois dire que je n'adhère pas totalement à l'audace de ce procédé. Je trouve qu'il manque également de sincérité: pour atteindre son objectif, le réalisateur américain pompe allégrement dans tout ce qui s'est fait avant lui. C'est un hommage, dit-il. Pour moi, ça ressemble aussi à du plagiat.

Le paradoxe suprême, et qui résume parfaitement ce que je pense de ce cinéaste, c'est que j'écris ces mots en me disant que je suis quand même un peu dur. Alors, j'insiste: Inglourious basterds n'est pas un mauvais film. Par certains aspects, il m'a même vraiment plu. Le premier argument en sa faveur sera sans nul doute l'utilisation des langues: l'anglais s'y mélange joyeusement avec le français, l'allemand et l'italien, ce qui donne une VO très crédible - sélectionner la VF tient ici du véritable sacrilège ! Ce respect des mots s'appuie sur une très belle distribution internationale et des dialogues cuisinés aux petits oignons. Parmi les scènes les plus cocasses, je retiens celle où Brad Pitt essaye vainement de se faire passer pour un Italien avec un accent américain à couper au couteau. Et je ne vous parle pas du jeu de Christoph Waltz, qui n'a clairement pas volé son prix d'interprétation masculine lors du dernier Festival de Cannes ! Grandiose ! Je noterai également, comme autres points positifs d'une moindre mesure, l'ambiance générale et le taux d'hémoglobine, en légère baisse par rapport aux canons tarantiniens. Reste un style auquel je ne parviens pas à adhérer totalement et, de ci de là, quelques faiblesses, notamment le jeu de Mélanie Laurent, jolie fille, certes, mais actrice privée de lignes de textes croustillantes. Encore une fois, je suis donc resté un peu "en dehors". Cela dit, ce n'est pas très grave, car je m'y attendais un peu. Possible que ce soit justement d'avoir tant entendu parler du film avant qui m'a privé d'une certaine partie du plaisir. Meilleure chance la prochaine fois ?

mercredi 10 février 2010

Escapade à Sin City

Sin City. La cité du péché. C'est parait-il le nom qu'on donne parfois à Las Vegas. Et c'est en tout cas là-bas que nous transporte le film dont je vous parlerai aujourd'hui: Very bad trip, l'un des cadeaux d'anniversaire de mon amie Julie. Figurez-vous qu'elle et d'autres m'ont "reconnu" dans la peau de Stu, alias Ed Helms, l'acteur à droite sur les deux photos. Pour moi, ce n'est pas flagrant ! Reste malgré tout à évaluer le long métrage lui-même. L'idée: une grosse pochade sur fond d'enterrement de vie de garçon. Quatre bons copains s'embarquent vers les casinos américains et un dernier week-end entre (pseudo-)célibataires. Ouille ! Une nuit plus tard, le futur marié a disparu, la suite commune est dans le désordre le plus total, il y a un tigre dans la salle de bains et un bébé dans le placard...

Very bad trip, c'est donc une grosse heure et demie à la recherche d'un fêtard évanoui dans Dieu sait quelle nature. Rigolo ? Oui, assez, à condition toutefois d'apprécier les blagues au tout premier degré. Forcément, il arrive tout un tas de galères aux trois potes rescapés des folles premières heures de fiesta. La première, c'est évidemment qu'ils ont tout oublié de ce qu'ils ont fait entre leur arrivée au soleil de Vegas et le moment... de leur perte de conscience à tendance alcoolisée. Pas de flash-back dans ce film-là, mais une reconstitution patiente du déroulé des événements. Les protagonistes chemineront alors de surprise en surprise. Autant dire qu'elles ne seront pas toutes bonnes, loin de là, mais vous l'avez sans doute déjà compris...

Voilà: si vous ne fuyez pas ce type d'humour, il y a sûrement matière à passer un bon moment à se gondoler dans le canapé de votre salon. Pas de regret d'avoir raté la sortie ciné: il y a quelques jolies images dans le film, mais le petit écran suffit largement pour les apprécier. Note aux impatients parmi vous: Very bad trip se caractérise aussi par un générique de fin bien sympa, ce qui permet d'y voir un peu plus clair encore sur le scénario. Mais chut ! Je n'ai pas l'intention d'en dire davantage. En résumé, Todd Philips n'a sûrement pas signé la comédie du siècle, mais ça reste très largement regardable. Efficace vidange d'esprit avant un film plus exigeant, par exemple. Quelques-uns des rebondissements restent largement prévisibles. D'autres, en revanche, sont d'une efficacité comique redoutable !

dimanche 7 février 2010

In the Na'vi

Si ce que j'ai pu lire est exact, il n'est encore "que" le 18ème film ayant généré le plus d'entrées en France. Pas évident d'y voir clair dans le box-office mondial, qui note plutôt le total des sommes rapportées, sans toujours tenir compte du prix des places ou encore de l'inflation. Reste une certitude: Avatar fait un très gros carton. Dans le monde, ses recettes dépassent désormais les deux milliards de dollars, soit environ quatre fois ce que le film a coûté, promotion comprise ! Je dois admettre que j'ai quand même un peu tergiversé avant de participer à ce titanesque succès. Le fait est que le discours de James Cameron, le réalisateur, ne me plaisait pas: un mélange d'arrogance et de fausse modestie. Finalement, j'ai décidé de ne pas en tenir compte et, comme beaucoup d'autres, j'ai acheté ma place de cinéma. Il est tout à fait clair que je ne voulais pas attendre jusqu'à la sortie DVD. Un film à si grand spectacle me paraît justifier pleinement l'écran géant et l'usage de lunettes 3D. Quelques minutes avant que la projection ne commence, j'ai eu le sentiment de vivre un moment historique, à propos duquel, dans le futur, je pourrai dire "J'y étais". Attendons: quelque chose me dit que, d'ici environ vingt ou trente ans, le fait d'être allé voir ce film lors de sa sortie fera forcément des envieux. La Guerre des étoiles millésime 2009.

En attendant, rafraîchissons la mémoire aux étourdis: Avatar évoque le destin d'un soldat de l'armée américaine, blessé, privé de l'usage de ses deux jambes et qui décide d'embarquer vers ce que l'état major qualifie d'enfer: la planète Pandora. Là-bas, ce brave garçon qu'est Jake Sully ne sera plus un handicapé. Puisqu'il est volontaire pour une expérience scientifique d'envergure, son esprit peut rejoindre le corps d'un Na'vi, l'une des drôles de créatures locales. L'avantage étant de pouvoir quitter la base, se promener au milieu des luxuriantes forêts du voisinage et, bien évidemment, apprendre à connaître la population autochtone. Tout ça, il est clair que Jake est censé le faire pour espionner l'ennemi de l'Amérique, identifier ses faiblesses et l'encourager à dégager le terrain. Aussi magnifique et périlleuse soit-elle, Pandora est pour les humains une surface d'exploitation minière. Pas question dès lors de se laisser attendrir par un discours néo-écolo: si Sully a été missionné, c'est bel et bien dans une optique colonisatrice. Serez-vous surpris si je vous révèle que c'est tout le contraire qui va se passer ? L'homme devenu Na'vi endossera les habits de ses amis et aimera une de leurs princesses. Plus question de se battre pour autre chose que leur protection.

Oui, je crois qu'on peut le dire: Avatar repose sur un scénario extrêmement conventionnel. Le cinéma américain avait déjà écrit cette histoire cent fois. En somme, vous avez là une copie conforme d'un récit que Kevin Costner avait signé en 1990, presque vingt ans avant James Cameron. Remplacez les Na'vi par des Indiens, le beau Jake Scully par le noble John Dunbar et tout le bestiaire de Pandora par des bisons ou des chevaux: sans aller jusqu'à citer le mythe éternel de la nouvelle frontière, ce nouveau film semble un remake futuriste du sompteux Danse avec les loups. Au départ, les héros ont bien des ennuis avec leurs jambes. Ensuite, ici et là, ce sont presque les mêmes personnages aux cultures variées, le même élan vers l'autre contrarié par une hiérarchie bornée, le même amour absolu de la nature. Faut-il alors vouer le "nouveau" aux gémonies cinématographiques ? Certainement pas. En dépit de cette intrigue éculée, il y a beaucoup de belles choses dans Avatar, et évidemment d'abord des images à couper le souffle. Le fait qu'elles soient visibles en 3D n'est pas qu'un gadget: on s'immerge littéralement dans le film et ses presque trois heures passent à toute vitesse. Beaucoup disent que ce qui vient d'être créé va révolutionner le cinéma, qu'il y aura un avant et un après. Nous verrons bien. D'autant mieux, en fait, qu'une trilogie pourrait bien être en préparation. La date de sortie des deux prochains opus ? Je n'en sais rien. J'ai simplement entendu dire que James Cameron pourrait intercaler quelques autres films. Déjà, il travaillerait notamment sur un projet autour d'Hiroshima. Pour des raisons presque inverses, là aussi, je demande à voir...

vendredi 5 février 2010

Enfermé en l'autre

Il y a probablement mille et une façons de rendre un film magique. Du coup, même en prenant le temps d'y réfléchir, je ne suis pas sûr de pouvoir véritablement identifier des critères qui me permettent de considérer un long métrage réussi... ou raté. L'art est si aléatoire que la recette du succès n'existe probablement pas, au cinéma pas plus qu'ailleurs. Une remarque, toutefois: depuis quelque temps, j'ai constaté que j'appréciais généralement de découvrir des films particuliers, que je qualifierai d'improbables. Leur caractéristique commune: reposer sur un scénario fou. C'est le cas de celui dont j'ai à vous parler aujourd'hui: Dans la peau de John Malkovich. Histoire de Charlie Kaufman, mise en images: Spike Jonze, ce réalisateur dont j'avais récemment promis de vous redire un mot. C'est parti !

Dans la peau de John Malkovich démarre presque normalement. Marionnettiste sans le sou, Craig Schwartz cherche un boulot ordinaire pour essayer de s'en sortir. Pour un entretien, il grimpe dans l'ascenseur bondé d'un building comme les autres, arrêt à l'étage 7... et demi ! C'est là que tout devient bizarre, avec des locaux extrêmement bas de plafond qui obligent les gens à marcher voûtés. Vous n'avez encore rien lu ! Un beau jour, Craig découvre un passage secret dans l'un des murs de son bureau: il l'emprunte et se retrouve aussitôt... à l'intérieur de l'acteur américain John Malkovich ! Surprise ! Un quart d'heure pour être comme la deuxième conscience d'une célébrité et pan ! L'artiste fauché est projeté dehors et finit dans un talus en bordure d'autoroute. Bizarre, vous avez dit bizarre ? C'est vrai ! Et ça l'est davantage encore quand, sur l'idée originale d'une collègue, notre héros fait commerce de sa trouvaille...

Amateurs de choses rationnelles, passez votre chemin ! Non, ce film ne se regarde pas avec un esprit branché sur le normal. Il est même plus que paranormal: il est complètement délirant ! J'ajouterai aussitôt qu'il est aussi très bon, car, pour peu, bien sûr, qu'on adhère à cette histoire totalement farfelue, on peut presque être garanti d'un bon moment. Il n'y a en effet guère de temps mort et les scènes s'enchaînent dans un étrange crescendo surréaliste. John Malkovich lui-même n'est pas le dernier à donner de sa personne pour rendre tout ça, sinon crédible, au moins drôle et en fait très acceptable. Dans la peau de John Malkovich s'appuie sur une mise en scène pleine d'invention et tout un groupe de comédiens, plutôt surprenants de décalage. On pourrait les citer tous, mais ce serait sans doute fastidieux. Les plus connus, John Cusack et Cameron Diaz, sont ici méconnaissables. En m'offrant le DVD, mon amie Céline m'avait promis que j'allais sûrement apprécier: pour conclure, je dois donc confier ici qu'elle ne s'est pas trompée. Une vraie belle découverte !

mardi 2 février 2010

Sur un air d'harmonica

Si je trouvais une machine à remonter le temps, je crois vraiment qu'une des choses que je ferais volontiers serait d'aller découvrir toute une série de vieux films en salles. Le mieux, ce serait encore de rester dans mon époque à moi et de pouvoir également les revoir pour la première fois sur écran géant. Je suis encore trop peu connaisseur pour citer de nombreux exemples, mais je pense clairement qu'un long métrage se savoure avec un plaisir d'autant plus important qu'on est en phase avec son contexte historique. Prenez Il était une fois dans l'Ouest, par exemple. L'ayant revu récemment, à l'occasion en fait du dernier Jour de l'an, je me suis proprement régalé. N'empêche, il me manque toujours le détail ultime: le choc à l'heure de découvrir Henry Fonda, l'habituel héros défenseur de la veuve et de l'orphelin, dans un rôle de méchant. J'imagine facilement que le frisson que je ressens lorsque la caméra de Sergio Leone tourne autour de lui pour le présenter, d'autres ont dû l'éprouver avant moi, et beaucoup plus intensément encore ! Veinards ! Bon, je ne vais pas faire la fine bouche: même s'il avance vers son demi-siècle, j'estime que ce chef d'oeuvre du western italien n'a pas pris une ride. Je l'ai d'autant plus apprécié que ça faisait déjà un sacré bail que je ne l'avais pas revu. Quel bonheur renouvelé !

Si vous faites partie de ceux qui ne l'ont pas vu du tout, je dirais alors qu'il est grand temps de vous rattraper. L'histoire, c'est d'abord celle d'une femme, jouée par Claudia Cardinale - que vous aurez pu reconnaître juste au-dessus. Cette femme a rencontré un homme. Amoureuse, elle part l'épouser au milieu de nulle part. Problème: quand elle descend du train dans sa jolie robe, personne n'est venu l'accueillir. Son futur mari est mort et toute sa famille avec lui. Oui, Il était une fois dans l'Ouest débute presque sur un assassinat. Presque. C'est en effet un film qui prend son temps. La seule scène qui précède, l'arrivée d'un homme au même endroit, et par le train également, dure un bon moment. Là aussi, quelques coups de feu sont échangés, les deux morceaux d'intrigue devant fatalement s'imbriquer pour nourrir une sombre histoire de vengeance(s). Assez ! Je n'aime pas laisser mes lecteurs sur leur faim, mais là, pardon: l'idée de dévoiler la substantifique moelle de ce scénario m'effraie encore davantage que l'inquiétude de ne pas en dire suffisamment. J'admettrai tout au plus qu'il faille avoir un intérêt pour le genre western pour véritablement profiter de ce petit bijou. Et encore ! Je constate que ma propre mère, qui n'est pourtant pas une inconditionnelle des duels au revolver à l'ouest du Pécos, a quelque estime pour ce film-là. Tout public, certainement pas. Disons que ses qualités intrinsèques lui permettent de transcender les petites cases dans lesquelles on pourrait vouloir le ranger.

S'il y a probablement, dans la belle histoire du septième art, un avant et un après Il était une fois dans l'Ouest, c'est sans doute avant tout à la réalisation de Sergio Leone qu'on le doit. Encore faut-il souligner - ou rappeler - que le maître italien a toujours su s'entourer. Son complice le plus évident est bien sûr le compositeur Ennio Morricone, l'incomparable créateur de toute la bande originale. Cette musique, ou plutôt ces musiques - puisqu'il y en en fait une pour chaque personnage important - transforment et rehaussent l'oeuvre cinématographique au rang d'opéra. Unités de temps, de lieu et d'action: toutes sont un peu malmenées, mais c'est pourtant comme une tragédie qui se déroule sous nos yeux, non exempte d'humour d'ailleurs, mais dont l'essentiel de la trame tourne bien autour de l'idée de mort. Pour magnifier encore cette oeuvre à l'éclat presque parfait, il fallait certainement une distribution de qualité irréprochable. J'ai déjà parlé d'Henry Fonda, mais j'insiste encore pour dire qu'il est ici tout simplement grandiose. Claudia Cardinale, elle, joue à merveille la femme indépendante, celle qui ne baisse pas les yeux devant l'homme, et c'est d'autant plus fascinant, que, mine de rien, cette figure n'est pas si classique dans le western. Ajoutez-y Charles Bronson campant un mystérieux homme à l'harmonica, et n'oubliez surtout pas Jason Robards dans la peau d'un brigand surnommé Cheyenne: vous tenez là, en plus des autres, un quatuor d'acteurs de très haut vol. Avec eux, les presque trois heures de film passent à la vitesse fulgurante du cheval lancé au grand galop !