jeudi 4 janvier 2024

Accusée

Cela me semble inéluctable: suivre un procès - a fortiori criminel - nous oblige à nous interroger sur la notion de vérité. En s'intéressant aux affaires de justice, le cinéma peut aussi nourrir notre réflexion sans la lier aux émotions qu'une procédure judiciaire suscite parfois. J'y ai songé de nouveau, après avoir pu rattraper La fille au bracelet.

Lise, 18 ans, vit chez ses parents comme une adolescente ordinaire. Ce qu'elle n'est pourtant pas, étant donné qu'un bracelet électronique limite sa liberté de déplacement. La jeune femme doit comparaître devant une cour d'assises comme l'unique accusée de l'assassinat d'une dénommée Flora, qu'elle présentera comme sa meilleure amie...
 
Actrice débutante, Melissa Guers est cependant parfaitement crédible pour composer ce personnage mutique, à peine plus jeune qu'elle. L'intelligence de La fille au bracelet repose autant sur les révélations successives du scénario que sur les parfaits silences qu'il laisse planer sur certains aspects du dossier abordé. Le "film de procès" habituel devient autre chose: le portrait d'une famille aux rouages grippés. Dans le costume des parents, Chiara Mastroianni et Roschdy Zem apparaissent dépassés par les événements... et donc convaincants. N'en déplaise à ceux qui ont fait la fine bouche, Anaïs Demoustier m'est apparue comme un choix judicieux pour jouer une procureure tenace, à l'image de celles que le réalisateur - son propre frère ! - indique avoir observées avant le tournage. Il est intéressant aussi qu'il ait fait jouer le président de la cour par un avocat, l'utilisant également comme conseiller juridique pour gagner en crédibilité. Imaginés par Jean Nouvel, les murs rouges du tribunal de Nantes achèvent de créer une certaine atmosphère. Je vous laisserai juges...

La fille au bracelet
Film français de Stéphane Demoustier (2020)

Pas d'images scabreuses à l'écran, mais une immersion plutôt réaliste dans ce que peut être la réalité d'une affaire criminelle: j'ai apprécié que ce soit de cette façon, subtile, que le prétoire nous soit ouvert. Impossible évidemment de ne pas repenser à Anatomie d'une chute. Précision: c'est l'intrigue d'Acusada qui a été ici source d'inspiration. Du côté policier, je préfère Une intime conviction ou L'affaire SK1...

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Je conclus en notant que le film est diversement apprécié...

Vous pourrez en juger grâce aux plaidoiries de Pascale, Dasola et Lui.

2 commentaires:

Pascale a dit…

Je pensais avoir davantage apprécié mais je confonds avec un autre film de prétoire, Toi non plus tu n'as rien vu je crois. Meilleur dans mon souvenir.
L'opacité de l'accusée et la vision de l'adolescence font froid dans le dos.
Je me souviens vaguement des réactions parentales qui m'avaient semblé à côté de la plaque notamment celles de la mère qui refuse d'assister au procès.

Martin a dit…

Ah oui, "Toi non plus tu n'as rien vu" ! Il était sur ma liste, mais je l'ai laissé filer...

Je suis d'accord avec toi pour dire que "La fille au bracelet" est un film glacial.
C'est d'ailleurs précisément pour cela que je trouve la jeune comédienne assez épatante. Je ne dirais pas que j'ai aimé cette vision de l'adolescence, mais je la crois (malheureusement) réaliste par certains aspects.

Quant aux réactions des parents, c'est surtout la mère qui m'a paru en décalage. Et ce sans doute d'autant que Chiara Mastroianni ne livre pas une prestation éblouissante (mais elle a accepté de jouer gratuitement, je crois, ce qui est déjà généreux). Cela dit, ce personnage maternel évolue et la fin de son "parcours" dans le film est intéressante.