vendredi 5 janvier 2024

Un homme simple

Certains artistes décident d'arpenter sans relâche les mêmes lieux. Wim Wenders, lui, s'est notamment fait connaître comme un cinéaste voyageur. Vu à Cannes, son film Perfect days capte un peu de l'âme d'un pays qui n'est pas le sien: l'Allemand est ainsi retourné au Japon. Son intention ? Il a expliqué vouloir rendre hommage à Yasujiro Ozu...

Son sujet ? "Le quotidien de Hirayama, quinquagénaire et employé des toilettes publiques à Tokyo", comme l'indique le pitch officiel. Encore me faut-il vous assurer qu'il s'agit bel et bien d'une fiction. J'ajoute que, d'emblée, le scénario fait appel à notre capacité d'empathie pour ce personnage étonnant: nous ne l'entendrons parler que brièvement et à quelques reprises, quand d'autres protagonistes sauront s'immiscer dans sa vie d'homme seul. Le processus narratif peut dérouter: une heure durant, Perfect days est presque un film muet - bien que sonore - et je l'ai notamment apprécié pour cela. Finalement, cette absence de mots nous invite à aborder les images selon notre sensibilité et sans préjugé. Il me semble qu'il est facile d'entrer en résonance avec Hirayama  - grâce à un acteur formidable !

Koji Yakusho, 67 ans, a pu repartir de la Croisette avec un Prix d'interprétation bien mérité. Je me dois de vous dire que je l'avais vu dans d'autres films, sans retenir son nom toutefois. Son jeu dépouillé fait vraiment des merveilles et irrigue le long-métrage d'une émotion peu commune (dans le cinéma occidental, en tout cas). L'apparence répétitive des séquences dissimule en fait d'infimes variations propres à l'existence: les "jours parfaits" du titre se ressemblent souvent, mais ils sont pourtant bien différents les uns des autres. Inévitablement, le temps passe et apporte avec lui mille variations possibles du komorebi, ce nom que les Japonais donnent à la lumière du soleil filtrée à travers les feuilles des arbres. Et c'est très beau ! J'ai particulièrement aimé le fait que Perfect days évoque une vie solitaire, mais en montrant que son héros a également quelque chose à apporter aux autres: à sa gentille nièce, à un collègue de travail fantasque ou à un potentiel rival amoureux. Il restera des questions sans réponse au terme de la projection. À chacun de conclure, donc...

Perfect days
Film germano-japonais de Wim Wenders (2023)

Le très beau portrait d'un homme humble: c'est ce que le réalisateur berlinois nous offre, renouant avec une forme d'épure qui lui va bien. J'avais l'intention de revoir certains de ses vieux films: il est possible que je vous en reparle bientôt - Paris, Texas sera difficile à détrôner. D'ici là, d'un autre Allemand au Japon, voyez Family Romance, LLC. Et enchaînez avec Ozu pour Printemps tardif et/ou Voyage à Tokyo !

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Vous préféreriez rester avec Wenders ? OK...

Pascale, Dasola et Princécranoir ne devraient pas vous en décourager. Je les laisse vous raconter le bien qu'ils ont pensé de la B.O. du film. Avec intérêt, vous pourriez aussi découvrir l'analyse précise de Strum.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Jamais déroutant ce film m'a transportée, envoûtée au cas où cela t'aurait echappé... Je l'ai vu deux fois et je n'ai peut-être pas dit mon dernier mot car ce début d'année cinématographique commence à avoir raison de ma patience.
J'ai reçu avant hier un daruma que j'ai prénommé Koji. Je me plonge dans Ozu depuis. Une femme dans le vent (vu en salle) est pour l'instant mon préféré. Et j'ai regardé des sites de voyages au Japon...
Je pense que c'est pour ce genre de film, d'émotion et d'acteur que j'aime le cinéma et tant pis si ça n'arrive pas tous les ans.
J'ai revu The third murder et j'ai trouvé du Hirayama dans son personnage intrigant.
Son visage est un livre ouvert sur les émotions, c'est incroyable.

Martin a dit…

Ah bon ??? Tu as aimé ce film ??? Non, je n'avais pas remarqué...
Merci pour ce commentaire éclairant: je ne savais pas ce qu'était un daruma.

J'ai laissé filer "Une femme dans le vent", mais j'essayerai de le rattraper un jour. Et, à défaut de possibilité en salle, il faut que je me décide à regarder au moins certains des Ozu mis à disposition par Arte...

Bon, avant tout cela, il faut aussi que je me bouge pour voir le nouveau Kore-eda !

Pascale a dit…

Je savais que j'avais été discrète à propos de ce film et de cet acteur.
Mon daruma est rouge, j'adore.

Il me reste des Ozu à voir. Je ne pense pas qu'il y ait Une femme dans le vent sur arte. Dommage. Il est vraiment fort ce film.

Quoiiiiiii ???? Tu n'as pas encore vu L'innocence ???

Martin a dit…

Ce qui est étonnant, avec "Une femme dans le vent", c'est qu'il me semble qu'il est d'abord sorti sous le titre "Une poule dans le vent". Je cherche à vérifier et à comprendre...

Ces derniers temps, c'est avec mes parents que je suis allé au cinéma. Et mon papa aurait beaucoup de mal à apprécier une VO japonaise sous-titrée. D'où le fait que je n'ai toujours pas vu "L'innocence". Cette semaine, peut-être...