jeudi 11 janvier 2024

La femme noire

Je m'attendais à un film étrange quand, grâce à sa bande-annonce énigmatique, je me suis décidé à aller voir The survival of kindness. Étrange, le seul autre film de Rolf de Heer que je connaissais déjà l'est aussi - oh, le gentil euphémisme (cf. mon index, juste à droite) ! Et cela faisait presque trois ans que je boudais le cinéma australien...

Bref... j'ai répondu à l'appel de ma curiosité et je ne le regrette pas. The survival of kindness est l'une des oeuvres cinématographiques les plus singulières que j'ai approchées au cours de l'année écoulée. Après une mystérieuse scène d'introduction, le personnage principal apparaît: il s'agit d'une femme noire, enfermée dans une cage métallique abandonnée au milieu du désert, sous un soleil de plomb. Après quelques jours et nuits d'effort, elle parvient enfin à se libérer. Que faire alors ? Marcher: c'est apparemment le seul choix possible. Et, pour qui regarde, il s'agit donc de suivre ce simple mouvement rectiligne. Pour aller où ? Dans des lieux en déliquescence, dirait-on. La vie humaine n'y a qu'une importance toute relative et le langage semble désormais se réduire à quelques borborygmes inarticulés. Certains (privilégiés ?) survivent en portant des masques à gaz. D'autres - qui n'en ont pas - sont pourchassés comme des pestiférés. Et abattus. L'idée qu'une épidémie soit passée par là s'impose ainsi. Rien de très réjouissant dans cette possible allégorie de notre monde.

Celles et ceux qui auront traduit le titre anglophone de cet opus bizarroïde auront pourtant noté qu'il évoque "la survie de la bonté". C'est vrai: The survival of kindness laisse encore passer la lumière. Ses faisceaux sont ténus, cela dit, et sujets à interprétations multiples. Je suis ressorti du cinéma avec davantage de questions qu'au moment où j'y suis entré. Une précision: il est même impossible de s'appuyer sur les dialogues, puisqu'il n'y en a tout simplement pas ! Enfin, si: aux grognements déjà évoqués s'ajoutent de brefs échanges verbaux entre la femme noire et deux enfants souriants qu'elle croise sur son chemin... mais elle et eux parlent deux langues différentes. J'ai envie de croire que c'est une invitation lancée aux spectateurs pour les encourager à n'écouter que leur coeur et leurs émotions. Attention: ils seront soumis à rude épreuve... et cela peut heurter. Pour ma part, je suis content d'avoir vécu cette expérience originale et satisfait d'avoir pu "sortir des clous" - les occasions sont rares. Qu'un tel cinéma puisse exister, en soi, cela ne peut que me réjouir...

The survival of kindness
Film australien de Rolf de Heer (2022)

Pas d'erreur dans la date: bien que primé à Berlin, le film a attendu plus d'un an après sa sortie australienne pour arriver jusqu'aux salles françaises (où je suppose que sa diffusion reste très confidentielle). Cela ne me découragera pas à vous conseiller de voir Bad boy Bubby si vous le pouvez - c'est l'autre film évoqué en début de chronique. Delicatessen et La science des rêves vous paraîtront dans la norme !

2 commentaires:

Pascale a dit…

Jamais entendu parler.
J'y serais sans doute allée.

Et pour en revenir au survival, il faut voir All is lost.

Martin a dit…

Je veux voir "All is lost".
Mais, a priori, je pense que ça m'emballera moins que "The survival of kindness".