samedi 6 juillet 2024

Drames

Aujourd'hui, c'est samedi... et je vous présente deux films français. Vous avez tout à fait le droit de penser que j'opère un rapprochement contestable, mais notez qu'ils ont tout de même d'autres points communs: ils sont tous deux portés par une héroïne, sublimés encore par leur photo noir et blanc, et sortis au cours de la même décennie...

 
Une aussi longue absence
Film français de Henri Colpi (1961)

Dans la banlieue de Paris, Thérèse Langlois est la tenancière d'un café populaire. Elle n'a jamais vraiment fait le deuil de son mari, disparu pendant la guerre, une quinzaine d'années plus tôt, et lui reste fidèle. Un jour d'été, elle croit enfin le reconnaître sous les oripeaux fatigués d'un clochard passé devant sa boutique. L'homme, qu'elle interpelle assez vite, se dit frappé d'amnésie: il ne peut donc rien confirmer. Thérèse s'accroche cependant à son rêve et, à grand renfort d'airs d'opéras, tente inlassablement de faire ressurgir son bel amour d'hier. Exploit: ce film reçut à la fois le Prix Louis-Delluc et la Palme d'or. Pathétique, il est le premier du réalisateur et s'appuie sur un scénario et des dialogues très minimalistes, coécrits avec Marguerite Duras. Sincèrement, certaines scènes se passent de mots: l'interprétation des acteurs - Alida Valli et Georges Wilson - suffit pour l'émotion. Sans oublier les fameuses Trois petites notes de musique de Delerue !

Bonus: cet opus est aussi évoqué sur les blogs de Sentinelle et de Lui.

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Mouchette
Film français de Robert Bresson (1967)

Vous avez le blues, en ce début d'été ? Je vous conseille d'attendre avant de voir ce film âpre, adapté d'un roman de Georges Bernanos. Quelque part en France, une gamine de 14-15 ans connaît une vie difficile, sans amis à l'école, apparemment coincée entre un père spécialiste de la contrebande d'alcool et une mère gravement malade. Ses seules occupations: se promener dans la nature et rester chez elle pour prendre soin d'un nouveau-né, qui s'avère être son petit frère. L'espoir d'une existence éloignée de cette sordide banalité rurale existe, mais il fait long feu: le mal semble inéluctablement s'imposer en toute première des forces de ce bas monde comme oublié de Dieu. Plombant sur le fond et peu bavard, le film est cependant très beau sur la forme. Une tempête déploie sa puissance dans certaines scènes extérieures et l'apparente ainsi à un conte particulièrement cruel. Allégorie ? Reproduction d'une certaine réalité ? C'est à vous de voir...

Bonus: je conseille de retrouver ce film du côté de "L'oeil sur l'écran".

jeudi 4 juillet 2024

L'un des leurs

Flashback. Avec le vague aplomb de mon adolescence, je me souviens d'avoir dit à mon grand-père: "Je n'aime pas trop les Américains". Jean, 16 ans à la Libération, avait jugé ma petite phrase idiote. Cette anecdote m'est revenue début juin, lors du 80ème anniversaire du Débarquement allié en Normandie ! Et en revoyant un film précis...

Ce film, c'est Il faut sauver le soldat Ryan, de Steven Spielberg. Celui qui lui a valu le second de ses Oscars du meilleur réalisateur. Celui qui, de 1998 à 2017, est resté le film de guerre le mieux classé au box-office mondial. Un film dont l'action démarre au premier jour de l'opération Overlord, le 6 juin 1944, sur les plages normandes. Aujourd'hui encore, cette entrée en matière est souvent présentée comme LA référence ultime pour une scène de ce genre au cinéma. Né en 1946, le réalisateur l'a très clairement mentionné: "Je voulais que le public éprouve la même chose que ces appelés en treillis kaki qui, pour la plupart, n'avaient jamais connu le feu auparavant". L'intention ? "Traduire ce chaos, cet enfer, à l'écran". Et c'est réussi ! Durant vingt bonnes minutes, la caméra nous jette dans la bataille...

Aussitôt après, elle nous ramène vers l'arrière et dévoile un paysage typiquement américain. Le scénario y dévoile alors le sujet principal du film. À peine sont-ils parvenus à poser le pied sur le sol français que huit hommes sont chargés d'une mission des plus périlleuses. L'état-major leur donne l'ordre de retrouver un soldat bien particulier pour l'informer, d'abord, que ses trois frères ont été tués au combat et, ensuite, qu'il est autorisé à rentrer au pays retrouver sa mère. Une précision: Il faut sauver le soldat Ryan s'inspire de faits réels. Tout ne s'est pas passé comme dans le film, mais tout n'est pas fictif. Steven Spielberg dédie d'ailleurs le film à son père ancien combattant et il est notoire que les deux hommes ont dès lors pu se réconcilier. Pour son auteur, autant dire que c'est l'oeuvre d'une vie (ou presque) !

Que puis-je vous dire ? J'apprécie énormément que cette épopée moderne soit filmée à hauteur d'homme. Il faut louer les comédiens embarqués dans cette grande aventure et qui tiennent tous leur rang avec une sobriété exemplaire. Tom Hanks excelle, comme toujours. En lui, la troupe était de toute façon assurée de trouver un meneur charismatique, déterminé à partager les honneurs. C'est ce qu'il fallait pour aider les plus jeunes à prendre du galon: le premier d'entre eux n'avait pas autant d'expérience, mais Matt Damon n'a pas démérité ! Je vous laisse bien volontiers savourer Il faut sauver le soldat Ryan pour le brio de son casting, où figurent d'autres acteurs remarquables tels que Tom Sizemore, Ed Burns, Vin Diesel ou Giovanni Ribisi. Certains sont passés par un entraînement intensif avant de tourner...

Le résultat n'est peut-être pas parfait, mais n'a rien du long-métrage propagandiste évoqué par quelques esprits chagrins. On peut déplorer qu'il n'y ait pas un seul Noir visible à l'écran, mais je doute vraiment que ce soit lié à une volonté délibéré d'invisibiliser certains troufions pour rester dans une représentation acceptable par toutes et tous. OK, le peuple américain est sensible sur ces questions, je l'admets ! Croyez-moi: au cinéma, j'ai déjà vu des choses beaucoup plus lisses. Et sachez-le: depuis dix ans désormais, Il faut sauver le soldat Ryan est inscrit au National Film Registry. La Bibliothèque du Congrès assure ainsi sa conservation et le désigne de ce fait comme un film "culturellement, historiquement ou esthétiquement important". D'après moi, il est tout cela, ainsi bien sûr qu'un support de mémoire.

Il faut sauver le soldat Ryan
Film américain de Steven Spielberg (1998)

Ses admirateurs le savent: sous différentes formes et à des époques diverses, la guerre hante véritablement la filmographie du cinéaste. Parmi ses premiers films, le malaimé 1941 s'en moquait allégrement. Cheval de guerre, lui, me semble peu apprécié - et c'est dommage ! Il faudrait bien qu'un jour, je me décide à revoir Empire du soleil. D'ici là, un plan B ? Lettres d'Iwo Jima. Et/ou Dunkerque, au choix...

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Un rappel pour finir...
Oui, c'est le 4 juillet que les Américains célèbrent leur Fête nationale !

Envie d'en savoir (et d'en voir) davantage ?
Je vous recommande les blogs d'Ideyvonne, Vincent, Benjamin et Lui.

mardi 2 juillet 2024

Une ligne de fuite

24 février 2013. Mille et une bobines existait depuis plus de cinq ans quand j'y ai présenté un premier film africain. J'en ai vu d'autres après ce "baptême" - au moins un chaque année (si ce n'est en 2014). Aujourd'hui, nous irons au Maroc avec un opus de la mi-mai: Reines. Je crains qu'il n'ait pas été diffusé dans beaucoup de cinémas ! Bref...

Réalisé par une femme, le film s'appuie sur trois héroïnes: une mère s'évade de prison, récupère sa fille et prend la poudre d'escampette en braquant une inconnue qu'elle pense être la conductrice attitrée d'un camion. Dit autrement: Zineb aggrave son cas, croit sauver Inès d'un embrigadement scolaire néfaste et s'appuie sur des compétences dont Asma est dépourvue. Le trio fait pourtant cause commune aussitôt qu'il s'agit de rouler vers le haut-Atlas en quête d'une solution aux différents ennuis de l'une, l'autre ou la totalité de ses membres. J'aurais ainsi pu appeler ma chronique Sororité si deux générations n'étaient pas embarquées ensemble dans cette drôle d'aventure. Deux ou même trois, en comptant celle d'un vieux flic lancé aux trousses des fuyardes. Mission moins évidente qu'on l'imagine de prime abord !

La réalisatrice dit avoir voulu faire de son film un "conte d'aventure". L'une de ses intentions affichées était de donner une représentation nouvelle de la femme marocaine, tout en mélangeant les genres. D'après moi, elle y est parvenue en introduisant un peu de fantastique dans son récit - avec aussi un ancrage dans les traditions culturelles de son pays. Vous ne les connaissez guère ? Moi non plus, à vrai dire ! Face à Reines, le mieux est alors de se laisser porter par les images et de ne pas forcément chercher à tout comprendre tout de suite. Autre possibilité, je crois complémentaire: s'appuyer sur la musique. D'après ce que j'ai lu, elle a en effet été pensée en amont du tournage pour donner au long-métrage sa tonalité, basée sur un thème voulu comme à la fois "lyrique, mélancolique et magique". Une promesse tenue, même si j'aurais apprécié un rythme un tantinet plus soutenu. Cela dit, la lenteur crée un décalage, qui s'avère parfois intéressant...

Reines
Film marocain de Yasmine Benkiran (2022)

D'un festival à l'autre, ce long-métrage en aura fait une cinquantaine. C'est peut-être ce qui expliquera que, malgré les attaches françaises de la cinéaste, il ne soit pas sorti très vite dans nos salles obscures. Désormais, certains critiques le voient comme un Thelma & Louise nord-africain. Je comprends l'idée, mais je la trouve bien réductrice ! Autant rester au Maroc pour le comparer avec le surprenant Animalia.