lundi 18 avril 2011

L'oubli pour thérapie

Une chronique de Martin

La disparition progressive des derniers monstres sacrés d'Hollywood n'est en rien réjouissante pour les amoureux du cinéma. Elle incite pourtant régulièrement les grandes chaînes de télévision à diffuser l'un ou l'autre de leurs films. Très récemment, c'est ce qui m'a permis de découvrir Soudain l'été dernier, avec Liz Taylor, quelques jours seulement après le décès de la star. Mieux vaut tard que jamais.

Cette image est trompeuse. Elle arrive vers la fin de film, à l'heure du flash-back qui révèle tout ce qui restait particulièrement obscur jusqu'alors. Le scénario de Soudain l'été dernier repose en effet d'emblée sur une question: qu'est-il arrivé à Sebastian Venable, poète mort au cours des vacances qu'il passait avec sa cousine Catherine ? Une interrogation qui en soulève une autre: que se cache-t-il derrière l'attitude agressive de cette dernière, dont la famille proche affirme qu'elle a sombré dans la folie ? Ce doute policier assaille le docteur Cukrowicz, chirurgien neurologue, après que la tante de Catherine lui a offert une grosse somme pour financer sa clinique. Il se fait de plus en plus oppressant quand le médecin comprend qu'en choisissant d'accepter le don, il sera redevable d'une contrepartie: effacer partiellement la mémoire de la prétendue malade. Curieuse requête.

Soudain l'été dernier, le film, est l'adaptation d'une pièce de théâtre éponyme sortie l'année précédente et signée Tennessee Williams. L'auteur a contribué au scénario du long-métrage: une quinzaine d'écrits de sa main ont ainsi été portés à l'écran. Son style apprécié par la profession, le dramaturge américain fut aussi désigné président du jury du Festival de Cannes - c'était en 1976, soit un an après la sortie de son autobiographie. Celui qui parlait de lui-même comme d'un "vieux crocodile" signe ici un épisode vraiment marquant de la longue histoire du septième art. L'intrigue est en effet originale et, sans rien dire du secret qu'elle dissimule donc finalement jusqu'aux derniers instants, je dirais qu'elle m'a semblé en avance par rapport à son époque. Pas révolutionnaire, non, mais disons suffisamment osée pour bousculer les âmes de la fin des années 50. L'idée n'étant pas de choquer pour choquer, mais peut-être pour jeter le trouble sur le caractère des personnages. Je dirais en fait qu'aucun d'entre eux n'est réellement bon ou mauvais. Tous cachent une part d'ombre, pour une révélation étonnante une fois la lumière venue.

Pour jouer sur ces ambiguïtés multiples, il faut à coup sûr s'appuyer sur d'excellents comédiens. L'aspect théâtral de l'oeuvre originelle ressort tout particulièrement dans de longs dialogues sans coupure, suffisamment complexes pour justifier du spectateur une attention de tous les instants - a fortiori si, comme moi, vous avez la chance de voir la version originale. Pour ce qui est des acteurs, le fait est que Soudain l'été dernier brille aussi grâce à un trio premier choix. J'ai évoqué Elizabeth Taylor: la star n'a ici que 27 ans et, si son jeu peut sembler quelque peu outrancier d'après nos critères contemporains, elle parvient également à incarner une certaine folie et même à faire peur, lors de quelques scènes... de confrontation. Face à elle, Katharine Hepburn est une parente aux petits soins, mais dont les attentes se heurtent rapidement aux convictions humanistes d'un docteur mal à l'aise, joué avec une grande justesse par Montgomery Clift. J'aurais voulu dire un mot de celui qui prête ses traits à Sebastian, mais voilà: on ne le voit jamais que de dos. C'est de ce genre de détails que le long-métrage tire sa force évocatrice. Vieux effets, certes, mais toujours efficaces.

Soudain l'été dernier
Film américain de Joseph L. Mankiewicz (1959)
Sorti près d'une décennie plus tôt, le beau Boulevard du crépuscule est le premier film auquel j'ai pensé en voyant celui-là: dans un cas comme dans l'autre, vous découvrirez une vieille dame solitaire, enfermée dans une austère propriété et ses sentiments contradictoires. Pour parler aussi d'oeuvres plus modernes, le travail de Mankiewicz fait songer à Eternal sunshine of the spotless mind (souvenir effaçable) ou à Shutter Island (ambiguïté de la folie). M'est avis que je pourrai également évoquer Vol au-dessus d'un nid de coucou, mais c'est une oeuvre que je dois encore découvrir...

1 commentaire:

manU_Bouquins a dit…

J'aime la pièce et j'adore le film !