Une chronique de Martin
Grand merci à Bertrand Tavernier ! En se tournant à deux reprises vers la première guerre mondiale, il m'a offert beaucoup de plaisir cinématographique. Il est juste de dire que, dans La vie et rien d'autre, Philippe Noiret et Sabine Azéma y sont aussi pour beaucoup.
L'histoire du film se déroule en fait deux ans après la fin du conflit. La caméra se pose quelque part sur l'ancien front pour suivre les pas du commandant Dellaplane. Cet officier s'échine à retrouver les corps des soldats disparus pour un compte précis des morts et des vivants. Pas question pour lui de minorer les faits: à ses yeux, la boucherie doit être appelée par son nom, connue pour ce qu'elle a été. L'opinion correspond à la quête de deux femmes, une jeune institutrice renvoyée en ses foyers et une dame de la haute société, respectivement à la recherche d'un fiancé et d'un mari, fortes chacune de l'espoir insensé de retrouvailles futures. D'abord mobile sur les routes picardes, La vie et rien d'autre se stabilise progressivement autour d'un tunnel ferroviaire écroulé et des restes d'un convoi ferroviaire qui passait par là au plus mauvais moment.
En adaptant un roman de son ami et dialoguiste Jean Cosmos, Bertrand Tavernier signe ici une belle reconstitution. Je n'ai pas été surpris: c'est pour lui une habitude. Mes connaissances historiques sont trop faibles pour parler de perfection des costumes et décors, mais je suis bien assez informé pour les juger crédibles. Pour dire franchement les choses, je les trouve, moi, formidablement réussis. Ils sont en fait l'écrin d'un scénario presque parfait, où la rudesse d'une thématique rencontre la finesse des sentiments humains. Humain: c'est le terme qui pourrait au mieux qualifier ce beau film qu'est La vie et rien d'autre. En dehors de quelques explosions tardives et accidentelles, dues aux armes enfouies dans la terre picarde, la guerre n'apparaît que très peu à l'image. Elle est pourtant toujours présente et il est très difficile de ne pas saisir le désarroi profond de tous ces personnages, à l'aube des années 20. Un temps qui, pour eux, n'aura assurément rien d'une Belle époque...
Et puis, évidemment, au-delà de l'excellente réalisation d'un artisan cinéaste parmi les plus remarquables, le long-métrage se distingue aussi par sa distribution, jusque dans ses rôles (très) secondaires. Côté têtes d'affiche, j'ai parlé de Philippe Noiret et Sabine Azéma. Honneur aux dames: la compagne d'Alain Resnais m'a semblé exactement dans le bon ton pour porter ce personnage de femme fière, déterminée à retrouver l'homme qu'elle aime en dépit même des risques patents de désillusion et de toutes les improbabilités. Son partenaire à l'écran n'a besoin que de sa seule voix pour imposer son charisme: sous les traits de ce militaire bourru, à l'humanisme désabusé et à fleur de peau, il est tout simplement parfait, capable d'incarner un être complexe en tout juste deux temps trois répliques. Je me suis ré-ga-lé ! La vie et rien d'autre fait partie de ces films qui font la richesse du cinéma français, pas très spectaculaires certes, mais remarquablement écrits et admirablement interprétés. Bien évidemment, c'est d'abord sa thématique qui m'a donné envie de le découvrir: il rejoint une petite collection d'oeuvres du cinéma ou de la littérature sur le même sujet, et, axé sur ceux qui sont restés, parvient à offrir une perspective inédite sur les événements tragiques de 1914-18. Ce n'est pas la moindre de ses qualités.
La vie et rien d'autre
Film français de Bertrand Tavernier (1989)
Dès le début de cette chronique, j'ai rappelé que le réalisateur s'était déjà intéressé au premier conflit mondial. En fait, ce n'est pas juste dit ainsi: en réalité, après ce premier film, il a de nouveau abordé cette thématique dans Capitaine Conan, une autre oeuvre marquante selon moi. En vous parlant de cette autre production, j'ai aussi évoqué Un long dimanche de fiançailles: il fait aussi partie des longs-métrages intéressants sur cette période. Et pour continuer sur ce thème, j'ai toujours la ferme intention de découvrir un jour prochain Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, sorti dès 1957.
L'histoire du film se déroule en fait deux ans après la fin du conflit. La caméra se pose quelque part sur l'ancien front pour suivre les pas du commandant Dellaplane. Cet officier s'échine à retrouver les corps des soldats disparus pour un compte précis des morts et des vivants. Pas question pour lui de minorer les faits: à ses yeux, la boucherie doit être appelée par son nom, connue pour ce qu'elle a été. L'opinion correspond à la quête de deux femmes, une jeune institutrice renvoyée en ses foyers et une dame de la haute société, respectivement à la recherche d'un fiancé et d'un mari, fortes chacune de l'espoir insensé de retrouvailles futures. D'abord mobile sur les routes picardes, La vie et rien d'autre se stabilise progressivement autour d'un tunnel ferroviaire écroulé et des restes d'un convoi ferroviaire qui passait par là au plus mauvais moment.
En adaptant un roman de son ami et dialoguiste Jean Cosmos, Bertrand Tavernier signe ici une belle reconstitution. Je n'ai pas été surpris: c'est pour lui une habitude. Mes connaissances historiques sont trop faibles pour parler de perfection des costumes et décors, mais je suis bien assez informé pour les juger crédibles. Pour dire franchement les choses, je les trouve, moi, formidablement réussis. Ils sont en fait l'écrin d'un scénario presque parfait, où la rudesse d'une thématique rencontre la finesse des sentiments humains. Humain: c'est le terme qui pourrait au mieux qualifier ce beau film qu'est La vie et rien d'autre. En dehors de quelques explosions tardives et accidentelles, dues aux armes enfouies dans la terre picarde, la guerre n'apparaît que très peu à l'image. Elle est pourtant toujours présente et il est très difficile de ne pas saisir le désarroi profond de tous ces personnages, à l'aube des années 20. Un temps qui, pour eux, n'aura assurément rien d'une Belle époque...
Et puis, évidemment, au-delà de l'excellente réalisation d'un artisan cinéaste parmi les plus remarquables, le long-métrage se distingue aussi par sa distribution, jusque dans ses rôles (très) secondaires. Côté têtes d'affiche, j'ai parlé de Philippe Noiret et Sabine Azéma. Honneur aux dames: la compagne d'Alain Resnais m'a semblé exactement dans le bon ton pour porter ce personnage de femme fière, déterminée à retrouver l'homme qu'elle aime en dépit même des risques patents de désillusion et de toutes les improbabilités. Son partenaire à l'écran n'a besoin que de sa seule voix pour imposer son charisme: sous les traits de ce militaire bourru, à l'humanisme désabusé et à fleur de peau, il est tout simplement parfait, capable d'incarner un être complexe en tout juste deux temps trois répliques. Je me suis ré-ga-lé ! La vie et rien d'autre fait partie de ces films qui font la richesse du cinéma français, pas très spectaculaires certes, mais remarquablement écrits et admirablement interprétés. Bien évidemment, c'est d'abord sa thématique qui m'a donné envie de le découvrir: il rejoint une petite collection d'oeuvres du cinéma ou de la littérature sur le même sujet, et, axé sur ceux qui sont restés, parvient à offrir une perspective inédite sur les événements tragiques de 1914-18. Ce n'est pas la moindre de ses qualités.
La vie et rien d'autre
Film français de Bertrand Tavernier (1989)
Dès le début de cette chronique, j'ai rappelé que le réalisateur s'était déjà intéressé au premier conflit mondial. En fait, ce n'est pas juste dit ainsi: en réalité, après ce premier film, il a de nouveau abordé cette thématique dans Capitaine Conan, une autre oeuvre marquante selon moi. En vous parlant de cette autre production, j'ai aussi évoqué Un long dimanche de fiançailles: il fait aussi partie des longs-métrages intéressants sur cette période. Et pour continuer sur ce thème, j'ai toujours la ferme intention de découvrir un jour prochain Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, sorti dès 1957.
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