vendredi 8 avril 2011

L'important et l'importun

Une chronique de Martin

L'histoire du cinéma ne manque pas d'histoires sur la confrontation de deux caractères bien trempés et fondamentalement différents. Parmi beaucoup d'autres, Le tatoué en est une: Alphonse Boudard signe son scénario, honnête adaptation d'un de ses romans. Le point de départ est quelque peu farfelu. Antiquaire sans scrupules, Mézeray refourgue quelques tableaux minables à des clients américains, plaçant la transaction comme juste préalable à la vente d'un dessin inédit de Modigliani. C'est auprès d'un dénommé Legrain que l'oeuvre doit être acquise. Le souci, c'est qu'elle n'est pas vraiment sous cadre, mais - vous l'aurez compris - tatouée sur le dos de l'intéressé. Lequel, ex-légionnaire joueur de clairon, dissimule volontiers son aristocratie sous l'habit d'un vieux garçon de province.

L'important, c'est donc lui. L'importun, c'est l'autre, vraiment pressé de convaincre sa "découverte" qu'une opération chirurgicale bénigne, en le débarrassant de ce tableau sur peau, lui rapporterait bonbon. Le film commence réellement quand Legrain se décide en échange d'une promesse de travaux dans sa maison de campagne, laquelle s'avère être un peu plus qu'une simple bicoque. Je crois bien en avoir assez dit sur le scénario, tout à fait rocambolesque. Parlons maintenant du reste: le véritable enjeu du film, c'est bien évidemment la - quatrième et dernière - rencontre des monstres sacrés que sont alors Jean Gabin et Louis de Funès. Le second exaspère le premier. On comprend pourquoi: difficile de supporter avec flegme ce petit être sautillant et à l'amitié plutôt intéressée.

Le tatoué ne dure même pas une heure et demie. L'opposition supposée de ses deux personnages principaux le nourrit intégralement, de la première à la dernière seconde, avec tout juste une petite surprise quant à l'évolution des comportements respectifs de l'un et de l'autre. Sans trop en dévoiler ici, je dirais simplement pour ceux qui connaissent que le dénouement fait un écho à La java des bombes atomiques, (d)étonnante chanson de Boris Vian. Maintenant, pour être honnête, le film m'a fait sourire, mais ne m'a pas tout à fait enchanté. J'attendais autre chose, et entre autres quelques dialogues un peu plus ciselés que ceux de Pascal Jardin, sans doute, mais aussi un peu d'épaisseur pour les rôles secondaires. Au-delà de la confrontation précédemment évoquée, le long-métrage manque un peu de substance. Dommage ou bien tant pis...

Le tatoué
Film français de Denys de la Patellière (1968)
Du même réalisateur, Rue des prairies - avec Jean Gabin toujours - me plaît beaucoup plus. Je reconnais toutefois que ce n'est pas franchement le même genre. Pour voir Louis de Funès dans la peau d'un personnage qui m'a vraiment fait rire, je vous recommanderais par exemple Oscar. Il faudrait sûrement que je revoie La traversée de Paris pour mieux appréhender la complémentarité des deux stars disparues. Dans ce petit film, je ne dis pas qu'elles sont mauvaises. Mais avec un scénario plus dense, je les sais capables de mieux.

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