mercredi 27 avril 2011

Leur harmonie

Une chronique de Martin

Paul Thomas Anderson, deuxième. J'ai vu un autre film du réalisateur américain: Punch-drunk love. Drôle d'histoire. Barry Egan exerce machinalement son métier de vendeur. Ce grand timide, dépressif, est harcelé par ses sept soeurs, toutes ayant décidé de le contacter sur son lieu de travail pour lui ordonner de participer à une réunion de famille. L'une des frangines viendra avec une femme, dans l'idée de faire les présentations. Tout cela crispe Barry, à qui il arrive aussi plusieurs choses curieuses: une voiture fonce et fait des tonneaux sous ses yeux, un harmonium tombe d'un camion, une entreprise offre des bons pour des voyages plus chers que ses puddings...

Bienvenue dans un monde qui ressemble au nôtre, mais s'en décale par quelques détails flagrants et s'avère plutôt onirique. On croit d'abord suivre l'histoire d'un célibataire endurci, adepte du téléphone rose, non pas pour prendre du bon temps, mais juste pour le faire passer, ce même temps. Et Punch-drunk love impose petit à petit une atmosphère de rêve, renforcée encore par la lumière blanche saturée de certains de ses plans ou les dessins colorés et mouvants qui séparent quelques scènes. Et s'il est clair que son héros est perturbé, le film n'apporte aucune réponse définitive aux énigmes qu'il pose, a fortiori quand dans la drôle de vie de Barry débarque Lena, la collègue de travail d'une de ses soeurs, donc. Débute alors, comme le titre du film l'avait laissé supposer, quelque chose d'indéfini qui ressemble à une romance, mais des plus bizarroïdes.

Pour aborder cette oeuvre à nulle autre pareille, il est préférable, selon moi, de ne pas chercher trop de points de repère. Le mieux serait plutôt de se laisser emporter et de remettre à plus tard l'envie de tout comprendre. Punch-drunk love s'apprécie ainsi, et surtout parce qu'il est concentré: le propos du réalisateur tient en moins d'une heure et demie. Parti sur des bases incertaines, l'amour naissant dont il est question replace doucement le film sur les rails d'une certaine rationalité, mais il est bon de se perdre tout à fait dans l'illogisme profond de ce qui est montré. Il est en fait rafraîchissant de constater que le cinéma ne répond pas systématiquement aux interrogations qu'il peut générer. Tout est ensuite question de point de vue. Je dirai pour ma part qu'un film comme ça de temps en temps, ça va, ça évade et, éventuellement, ça ouvre sur autre chose, une perception nouvelle de la chose filmée. Pour autant, je ne me crois pas capable de faire de ce genre d'étranges séances une habitude. Mon avis est qu'il faut aussi savoir garder les pieds sur terre pour, ensuite, mieux parvenir à s'envoler.

Punch-drunk love
Film américain de Paul Thomas Anderson (2002)
Récompensé à Cannes pour sa mise en scène, le cinéaste l'a mérité, tant ce qu'il donne à voir change de l'ordinaire de ce qui fait l'offre quotidienne de nos salles de cinéma. Surpris, je dis moi aussi bravo pour cette audace stylistique. Et bravo aussi aux acteurs d'être aussi volontiers entrés dans le jeu. Pour ce qui est du thème, après y avoir réfléchi, je crois pouvoir dire que le scénario a fait en moi un écho inattendu à celui de deux autres films. Le premier, Les émotifs anonymes, je vous en déjà ai parlé ici il n'y a pas si longtemps. Quant au second, The fisher king, il mériterait lui aussi d'être chroniqué. Je reparlerai un jour de ces autres amours un peu folles.

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Un mot encore:
Ce film est le 400ème long-métrage présenté sur ces pages. Je suis particulièrement heureux d'associer mes amies Killaee, L u X, Moko-B et Silvia Salomé à cette étape symbolique. Nous atteindrons bientôt la 500ème chronique, un vrai petit bonheur. Vers l'infini et au-delà ?

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