Une chronique de Martin
Heinrich Harrer, lui aussi, a fait une rencontre tout à fait inattendue. C'était en 1949, année où, âgé de 37 ans, l'Autrichien croisa pour la première fois la route du Dalaï Lama. Parti dix années auparavant à la conquête des sommets himalayens, l'alpiniste devait passer beaucoup plus de temps que prévu au coeur des montagnes. Prisonnier de guerre évadé d'un camp anglais en Inde, il parcourut toute la région quelques années supplémentaires, ne rentrant finalement "chez lui" qu'en 1951. C'est la très surprenante histoire que raconte Sept ans au Tibet, titre repris du récit autobiographique.
Comme vous pouvez l'imaginer, ce film est d'abord un voyage. Sincèrement, je crois en tout cas que c'est ainsi qu'il faut le prendre pour réellement l'apprécier: tiré d'un livre quelque peu romancé, il n'a pas beaucoup plus de respect pour la réalité historique. D'abord très arrogant, le personnage de Heinrich Harrer y est vite présenté comme un brave type, dont le périple asiatique change vie et idées. Le vrai personnage était sans doute un peu plus ambigu, et pas loin de la pensée nazie dominatrice de la fin des années 30. Ici, Sept ans au Tibet n'insiste pas trop: c'est un choix et peut-être une limite.
Pour autant, à condition bien sûr d'être réceptif à ce que le film veut raconter, je crois vraiment difficile de passer un mauvais moment devant ces images. Brad Pitt - vous l'aurez bien sûr reconnu - incarne son personnage de manière plutôt convaincante. Soit, il n'a pas tourné chacune des scènes, certaines étant filmées de manière clandestine. Qu'importe ! Le script s'avère suffisamment minutieux pour que, sur les plans larges, il soit impossible de faire la différence entre la star et sa doublure. Le reste du temps, la vedette se coule dans le moule d'une production modeste, tel le grand professionnel qu'il est: rien de pompier dans son comportement, ni dans la manière dont l'histoire est présentée. Parmi les acteurs de Sept ans au Tibet, on retrouve la propre soeur du (vrai) Dalaï Lama. Les bonus du DVD parlent d'une atmosphère de sérénité sur le tournage. Pas étonnant.
Cette rencontre d'un homme occidental avide d'exploits et d'un enfant simple reculé du monde émeut très souvent. Sept ans au Tibet respire l'humilité: pas de génie, mais ce que j'appelle un beau film. Pour la forme, je relève deux petites failles. La version originale anglaise, d'abord, pas très convaincante: je rappelle donc qu'il s'agit de suivre les pas d'un jeune Autrichien, au tout départ accompagné de coéquipiers allemands, d'où un souci de vraisemblance au moment où l'équipe croise des troupes britanniques. L'autre défaut concerne les acteurs - ou plutôt leurs personnages: dans les premiers instants du métrage, Brad Pitt forme un duo intéressant avec David Thewlis, dont le scénario fait d'abord un rival, avant de le transformer en ami. Quand les deux hommes s'accordent, le second cède finalement toute la place au premier. Dommage, car cette autre relation était partie sur des bases intéressantes. Il reste un regret de ne pas l'avoir vue encore évoluer, mais on ne peut bien sûr pas tout dire non plus...
Sept ans au Tibet
Film franco-américain de Jean-Jacques Annaud (1997)
Malgré mes réserves, j'apprécie particulièrement le spectacle offert par ce film. Je n'ai pas vu chacune des oeuvres de son réalisateur, mais il me semble avoir noté qu'il s'était quelque peu égaré au cours des dernières années. Je crois avoir compris qu'il avait actuellement un projet sur la planche: à suivre, donc. En attendant, trouver maintenant un autre long-métrage auquel comparer celui-là m'apparaît quelque peu délicat, si ce n'est hasardeux. Une piste possible: à l'extrême limite, pour ce que la foi peut apporter d'espoir et de sérénité, vous pouvez toujours vous tourner vers Des hommes et des dieux. Et si le personnage du Dalaï Lama vous intéresse particulièrement, je vous recommande Kundun, qui est peut-être bien le moins connu des films de Martin Scorsese. Il faudrait d'ailleurs que je trouve le moyen et le temps d'en reparler un jour.
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