Une chronique de Martin
Je reconnais volontiers que la frontière est étroite. Si j'aime modérément la science-fiction, j'ai un intérêt pour le fantastique. L'idée est bien toujours de "partir ailleurs" et de revenir avec du neuf en soi: au-delà du pur divertissement, c'est ce que je recherche généralement au cinéma. En matière de situations du genre décalées de notre quotidien, j'ai été copieusement servi avec Donnie Darko. Ce film, je l'ai découvert un peu par hasard, après qu'il m'a été prêté. Son héros est un jeune Américain, en conflit ouvert avec sa famille: sous l'oeil impassible d'un père effacé, il insulte sa mère et sa soeur. La crise d'adolescence n'est pas l'unique explication: le garçon souffre également de troubles psychologiques sévères et, pour essayer malgré tout d'en venir à bout, consulte régulièrement un psy.
Ce que cette histoire a d'innovant ? Dans ce qui, à mes yeux, ressemble fort à une schizophrénie aggravée, Donnie Darko est aussi somnambule et, au coeur d'une nuit agitée, découvre un lapin géant qui lui annonce l'imminence de la fin du monde. Il reste exactement 28 jours 6 heures 42 minutes 12 secondes à vivre. Sans trop trahir les enjeux et rebondissements de cette intrigue, je crois pouvoir dire que le tout porte sur l'essence même du monde en question. Est-ce bien celui que nous connaissons tous ? Est-ce plus "simplement" celui de Donnie, sa réalité palpable et les fruits de son imagination ? S'interroger, ici, ce n'est pas répondre. J'ai l'impression que le film ne règle aucune interrogation fondamentale. Il laisse chacun libre d'interpréter ce qu'il voit comme il... l'entend. Et c'est bien ainsi.
Si vous doutez de ma bonne compréhension, vérifiez: la teneur exacte de Donnie Darko fait l'objet d'intenses débats un peu partout sur la toile. D'aucuns suggèrent qu'il est même très présomptueux que de prétendre avoir saisi l'ensemble du propos. Bref, chacun avance des hypothèses et, quand on synthétise les différentes pistes, aucune n'émerge de façon particulièrement convaincante. C'est probablement là que réside tout l'intérêt du métrage. Détail amusant et troublant à la fois: il n'avait pas eu grand succès lors de sa sortie, n'étant distribué, sauf erreur, que dans sept (!) salles américaines. Devenue culte après son édition DVD, l'oeuvre du jeune réalisateur Richard Kelly joue beaucoup sur l'ambiance et une belle reconstitution des années 80. Jake Gyllenhaal en tête, le casting est particulièrement convaincant, avec notamment un Patrick Swayze parfaitement à l'aise à contre-emploi ou, surprise, Drew Barrymore dans un petit rôle assez énigmatique. J'ai aussi eu le plaisir de revoir Mary McDonnell, une actrice qu'on ne voit finalement que rarement sur grand écran. Tous entrent dans le jeu et emportent l'adhésion.
Donnie Darko
Film américain de Richard Kelly (2001)
Un spectacle à déconseiller à vos amis trop cartésiens. Sous réserve que vous soyez ouverts à un cinéma plus "expérimental", je dois toutefois vous recommander de voir le film comme l'échantillon improbable d'un genre difficile à cerner. J'ai sans doute vu trop peu de ces oeuvres floues sur les frontières entre la réalité et la fiction, mais j'ai apprécié celle-là. Assez sombre à vrai dire, sa conclusion m'a laissé sans réponse à l'ensemble des questions qu'avaient posées son déroulé. À part dans le lointain Lost Highway de David Lynch, qu'il me faudrait de fait revoir, je n'avais pas eu cette sensation depuis longtemps. C'est une bonne expérience de cinéma à vivre. Après ça, peu importe qu'on en fasse une habitude ou non...
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