samedi 12 mars 2011

Caramel ou chocolat ?

Une chronique de Moko-B

Si l'on pouvait refaire certains choix, que ferions-nous ? Si l'on nous offrait de connaître à l'avance notre destinée, cela nous éviterait-il de commettre les erreurs à venir ? Voilà qui est plus qu'incertain.

Ce sujet épineux est au centre de Mr. Nobody, 3ème long-métrage du Belge Jaco Van Dormael (Toto le héros et Le Huitième jour). J'avoue d'emblée m'être fait prendre au piège par la bande-annonce, un problème sur lequel je reviendrai fréquemment. Elle présentait le film comme futuriste, mystérieux, touchant peut-être à l'immortalité. En réalité, Mr. Nobody est un OVNI - comme je les aime - dans le paysage cinématographique du 21ème siècle. Jaco Van Dormael, spécialiste des univers oniriques selon certains, nous offre un conte philosophique qui force la réflexion personnelle.

Ainsi, le spectateur tente-t-il de se frayer un chemin dans les souvenirs - vrais ou supposés - de Némo Nobody, un vieil homme de 118 ans, qui accepte de laisser à la postérité la mémoire de sa vie humaine en racontant à un jeune journaliste son histoire. Ceci est une part de la réalité et l'équation est loin d'être aussi simple. Némo retrace, mélange, disperse et reconstruit son existence à l'infini. Il nous lance sur une voie, que nous suivons assidûment, puis un élément vient brouiller les pistes. La contradiction s'installe et le doute aussi. Et alors que l'on voudrait se remémorer des détails, chercher des indices et discerner le vrai du faux, Némo - et donc Jaco - nous entraîne déjà vers une autre piste. Faire et défaire, voilà le leitmotiv de ce film décalé qui se sert en guise de base, de 3 filles/femmes mises en parallèle aux parents séparés de Némo et représentant tous les chemins possibles.

Jaco Van Dormael a choisit (l'excellent) Jared Leto pour incarner Némo Nobody "adulte" et on l'en remercie. D'une précision incroyable, il transfigure complétement le rôle chaque fois qu'il apparaît à l'écran. Son visage doux et beau, qui oscille encore entre adolescence et âge adulte, et son regard bleu si perçant - détails qui pourraient lui valoir des critiques acides en d'autres circonstances - servent ici à donner au personnage une aura "angélique", nécessaire au personnage. Jared Leto fascine.

Diane Kruger - dont je ne suis pas spécialement fan au demeurant - offre elle aussi une justesse qu'on lui connaissait peu jusqu'ici. Loin des artifices "héléniens" - mais non, il n'y a point de sous-entendu - qu'on a pu lui connaître fréquemment, elle abandonne sa blondeur et son maquillage parfait, pour une allure plus "nature". Notons d'ailleurs qu'elle succède dans le rôle d'Anna - et pour la chronologie du film - à Juno Temple, incroyablement "teenagelicious" (terme complètement moko-inventé).




Mr. Nobody
Film franco-saxo-belge de Jaco Van Dormael (2010)
Boudé par le Festival de Cannes en 2009, Mr. Nobody fait partie de ces longs-métrages insolites qui prouvent que le cinéma peut encore et toujours étonner. Autour d'une histoire improbable et désarticulée s'entrelacent 1001 perspectives différentes. Jaco Van Dormael a créé un monde, des mondes, uniques et tour à tour drôles et effrayants. Nous observons alors toutes les difficultés à gérer le savoir et la vérité. Comme une thèse offerte au public avec des acteurs pour illustrer chaque argument, le réalisateur répond à ceux qui aiment à penser que tout irait mieux s'ils pouvaient prévoir ce qui va leur arriver. Mr. Nobody nous rappelle que plus qu'on ne le croit, il est difficile de choisir. Certains diront que ce film est élitiste, d'autres qu'il est trop long (2h30 pour la version director's cut). Pour ma part, je pense que Mr. Nobody, servi par une délicieuse bande-son, est un chef-d'oeuvre discret. Comme une matière vivante, le film évolue constamment, change de forme, de style. Laissons le mot de la fin à Jaco Van Dormael qui le dit lui-même: "C'est un film sur le doute. Enfin, je peux me tromper".

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