mercredi 16 mars 2011

Fais-moi mal !

Une chronique de Moko-B

Je n'aime pas les films d'horreur. Les éclaboussures de sang gratuites, les poursuites stupides, les cris trop posés pour être vrai, l'abondance de musiques suggestives et les scénarios réchauffés... je déteste. Par contre, j'aime les films qui me donnent des frissons, ceux qui me hantent même après la dernière minute du générique. J'aime les films qui me retournent les tripes et qui me procurent une angoisse psychologique soutenue.

Le réalisateur français Pascal Laugier a offert en guise de second long-métrage, non par un film d'horreur - comme il a été dit ici et là - mais un thriller psychologique: Martyrs.

Le pitch paraît simple et simpliste. L'histoire se passe en France dans les années 70. Martyrs introduit la rencontre entre Lucie, orpheline évadée d'un lieu inconnu où elle a visiblement été torturée, et Anna, pensionnaire qui se prend d'amitié et d'affection (maternelle) pour elle. Lucie a l'air (très) perturbée - on le serait à moins - et laisse présager d'une future dégringolade psychologique (faite maison). Pas tout à fait. Martyrs balance un premier quart d'heure explosif, sanguinolent et brutal.

À ce stade du film, on est légèrement perplexe. Une part de notre subconscient remercie presque le réalisateur de ne pas nous avoir éprouvé plus que ça. Très vite cependant, on renifle dans l'air un relent nauséabond de danger sournois. Martyrs fait appel aux peurs profondes par sa dimension psychologique intense. Nous servir une entrée facile pour nous forcer à baisser notre garde est plutôt inédit dans ce genre de film. Si le personnage de Lucie intrigue et laisse à penser qu'il sera au centre d'une énigme détournée (pondue éventuellement à la 96ème minute du film), c'est ensuite Anna qui prend le dessus. L'intrigue n'est pas celle que l'on croyait et l'histoire est loin d'être finie. Les yeux écarquillés, la peur au ventre, le spectateur finit par avoir l'impression d'avancer avec Anna et de se faire prendre au piège en même temps qu'elle. Il ne s'agit pas d'attendre de savoir "qui va se faire tuer" mais réellement de comprendre le sens profond des actes se déroulant sous nos yeux. On se retrouve isolé, pris en otage par les images et leur signification.

Absence de musique, lumière blafarde, ambiance vert-de-gris et rigidité palpable... Martyrs laisse le spectateur tout nu, submergé par des sensations fourmillantes dans l'esprit. L'atmosphère est ténue. Le film nous traîne par les cheveux jusqu'à la dernière image, nous laissant seuls face à la folie dans laquelle peut mener une "simple" interrogation humaine sur la foi. Comme des enfants réprimandés, on suit l'intrigue majeure du film sans broncher, la langue sèche et collée au fond de la bouche.

Martyrs
Film français de Pascal Laugier (2008)
Mylène Jampanoï (Lucie) et Morjana Alaoui (Anna) mènent avec justesse et sincérité leurs rôles respectifs dans ce film désincarné. Malmenées, torturées, achevées, elles livrent une détresse déchirante qui parcoure l'échine du spectateur et lui hérisse la peau. Pascal Laugier avait livré un premier travail sur un film fantastique de semi-épouvante avec Saint-Ange, où il dirigeait Viginie Ledoyen et Lou Doillon. Je n'avais que moyennement été convaincue par ce long-métrage, pourtant correctement mené. Martyrs offre une perspective neuve sur les thrillers psychologiques. Il serait trop facile de dire que ce film est choquant ou horrible. Martyrs est dérangeant et perturbant. Il empêche le spectateur de s'accrocher au caractère "fictionnaire" de ce qu'il voit. Tout pourrait être vrai. Tout est peut-être déjà vrai. Et si cela se passait quelque part, en ce moment même ? Et si c'était vous, le prochain martyr ?

2 commentaires:

Jean-Pascal Mattei a dit…

Une tentative sincère mais ratée ; mieux vaut revoir Possession, l'une des influences avouées du film de Pascal Laugier :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/12/anna-et-les-loups.html?view=magazine

Martin a dit…

Je crois en effet que je regarderais plus volontiers "Possession" que ce "Martyrs". Comme vous avez dû le constater, la chronique n'est pas de moi. Et je n'ai toujours pas vu le film dont il est question...