dimanche 30 juin 2024

Des p'tits prix !

Indécent ! C'est ce que j'ai pensé l'autre jour à propos du tarif imposé pour voir Furiosa: 23 euros et 60 centimes ! Je veux bien admettre que le film était alors projeté dans des conditions d'image et de son optimales, mais... est-ce qu'il ne devrait pas toujours en être ainsi ? Oui, j'étais dans un fauteuil confortable. Le strict minimum, en fait...

Vous me direz que rien ne m'obligeait à payer autant: c'est un fait. Sauf que j'étais avec un pote et que je ne voulais pas l'abandonner. Bref... aujourd'hui, une petite aubaine: la fin de cette moitié d'année coïncide avec le début de la Fête du cinéma. Ce qui veut donc dire qu'une bonne place ne vous coûtera que cinq euros (hors suppléments) pendant quatre jours - ce dans les quelque 6.000 salles partenaires. Sans 3D, IMAX ou Dolby, c'est l'occasion de se faire plaisir à un prix raisonnable. À vous de choisir le(s) film(s) que vous voulez (re)voir. Notez-le: je ne ferai pas de compte-rendu du premier semestre 2024 dans les salles obscures. Au menu, très bientôt: "mon" 2637ème film !

vendredi 28 juin 2024

De la furie, mais...

Il aura 80 ans en mars prochain et affiche toujours un amour sincère pour le cinéma de genre: George Miller m'inspire de la sympathie. C'est sans beaucoup hésiter que j'ai suivi un pote dans un multiplexe pour voir Furiosa - Une saga Mad Max, dernier volet de... la saga démarrée en 1979 / 1981 /1985 avec Mel Gibson et relancée en 2015.

Je n'avais vu (et chroniqué) que le tout premier des quatre films précédents quand j'ai pris mon ticket pour deux heures et demie supplémentaires dans l'univers post-apocalyptique de George Miller. D'emblée, il nous emmène dans son pays, l'Australie, qu'il choisit d'aborder au coeur d'une jungle luxuriante, où deux petites filles s'efforcent de récolter les bons fruits mûrs de l'un des rares arbres disponibles. C'est qu'il faut comprendre que, sur la planète, les "terres d'abondance" ont presque disparu, au profit de déserts gigantesques. Des gangs rivaux se disputent la domination des quelques ressources toujours présentes, alimentaires et énergétiques, et se déplacent grâce à des engins motorisés surpuissants, motos, voitures, camions. Enlevée par un groupe très féroce, l'une des gamines que j'évoquais verra sa mère torturée sous ses yeux et cherchera sa vengeance. Supposée se dérouler sur quinze ans, c'est toute l'histoire de Furiosa !

Ce qui m'a d'abord sauté aux yeux ? La qualité discutable des effets numériques. C'est regrettable: je vois très peu de films de ce genre et je m'attendais à ce que tout soit parfait sur le plan technique. Désolé, ce n'est pas le cas... et il m'a donc fallu quelques instants pour habituer mes yeux. Toujours sur le seul plan visuel, la profusion des costumes m'a temporairement coupé des dialogues: je dois dire que, comparé à d'autres opus en VO, Furiosa ne m'a pas accueilli facilement. Ensuite, c'est allé mieux, mais je n'ai vu qu'un film d'action assez basique, autour d'un scénario franchement famélique. L'idée que tout cela pourrait représenter le futur de notre humanité reste intéressante, mais elle n'est guère exploitée: les images pourraient être celles de n'importe quel autre territoire imaginaire. Heureusement, le blockbuster s'assume: il ne se perd presque jamais dans l'une des longues scènes d'exposition que le cinéma anglo-saxon nous inflige parfois. Bref, ça bouge, ça crie, ça pétarade et l'écran géant s'impose comme le support adéquat. Avis aux vrais amateurs...

Furiosa - Une saga Mad Max
Film américano-australien de George Miller (2024)

Je n'ai pas parlé des acteurs, Anya Taylor-Joy et Chris Hemsworth dans les rôles principaux, mais ils sont presque noyés dans la masse. Vous l'aurez compris: le film m'a un peu déçu - ce qui n'est pas grave. Dune - Deuxième partie garde sa place de meilleur blockbuster 2024. Sera-t-il détrôné ? Pas sûr: nous verrons cela au second semestre. D'ici là, en post-apocalyptique, tentez donc Numéro 9 ou Junk Head !

----------
Un avis divergent ?

Une autre chronique du film peut être consultée dans la Kinopithèque. Princécranoir et Strum me paraissent sur la même longueur d'ondes que moi. Ce qui ne saurait vous décourager de voir le film, bien sûr...

mercredi 26 juin 2024

Mélodie d'amour ?

J'ai calculé mon coup: je voulais vous parler aujourd'hui d'un film-culte sorti dans les salles françaises il y a pile cinquante ans. Et j'ai choisi de le regarder au premier jour de ce mois de juin, un demi-siècle exactement après sa diffusion anticipée en Belgique. Je suis certain que certain(e)s d'entre vous ont déjà entendu parler... d'Emmanuelle.

Je voulais le découvrir l'année de ma cinquantième bougie: c'est fait. Sauf erreur, c'est la toute première fois que je présente un film érotique sur Mille et une bobines (et ce sera peut-être la dernière). Emmanuelle raconte l'histoire d'une jolie Française d'une vingtaine d'années, partie pour rejoindre son diplomate de mari en Thaïlande. Dans ce nouveau pays qui deviendra le sien, elle fait connaissance avec d'autres expatriées. Elles lui expliquent qu'il n'existe en fait qu'un moyen pour ne pas s'ennuyer à Bangkok: avoir des partenaires sexuels aussi nombreux que possible, hommes et femmes confondus. On croit la pauvre enfant choquée. La bougresse cache bien son jeu...

Que dire ? Cinq décennies plus tard, l'aspect subversif d'Emmanuelle est devenu kitsch: on mesure alors combien les moeurs ont changé. Notez bien qu'à l'époque de sa première diffusion, ce film dut batailler avec les censeurs, tout en finissant par rencontrer un succès colossal dans de nombreux pays... et, c'est vrai, pendant de longues années consécutives. En France, notamment, il devint même une attraction touristique et attira près de 8,9 millions de curieux dans les salles. Aujourd'hui, je parlerai volontiers d'un cinéma de l'ancien monde. L'actrice principale, Sylvia Kristel, n'eut qu'une carrière confidentielle dans d'autres registres, tourna quelques suites et y laissa des plumes. Dans le premier opus, déjà, la fausse ingénue jouit d'être violée ! Impossible pour moi d'y voir l'affirmation d'un quelconque féminisme. La "mélodie d'amour" que chante Pierre Bachelet lors du générique sonne comme de la publicité mensongère. Au temps pour la légende...

Emmanuelle
Film français de Just Jaeckin (1974)

C'est dingue: ce film est l'adaptation d'un roman écrit par une femme. Et il est aussi le plus gros succès du cinéma français des années 70. Je parlais d'un film-culte: une relecture devrait en sortir cette année. D'ici là, je vais sans nul doute passer à tout autre chose très bientôt. Pour l'année 1974, d'autres films - Alice n'est plus ici, Une femme sous influence, Les valseuses... - mériteront davantage d'attention !

----------
Et si vous tenez absolument à y revenir...

Ideyvonne avait rendu un bref hommage (posthume) à Sylvia Kristel. Mon étoile pleine du jour lui est aussi dédiée, en quelque sorte. L'autre illustrant la place du film dans la mémoire du cinéma français.

lundi 24 juin 2024

En terre étrangère

Le réalisateur espagnol annoncé dans ma toute dernière chronique d'avant-pause ? Bravo si vous avez trouvé: c'était Rodrigo Sorogoyen. J'ai ENFIN pu rattraper son film présenté à Cannes 2022: As bestas. Un thriller rural d'excellente facture, qui vient confirmer le Madrilène comme l'un des grands du cinéma européen. Oui, je pèse mes mots...

Français d'une cinquantaine d'années, Antoine s'est installé en Galice pour cultiver des légumes bio et retaper quelques vieilles maisons abandonnées. Appât du gain ? Non: il paraît plutôt avoir quitté la ville dans l'espoir de se construire une (plus) belle vie, tout simplement. Avec sa femme Olga, il a refusé de vendre ses terres à un consortium norvégien, qui avait l'ambition d'y implanter un parc d'éoliennes. Surprise: cela a fâché ses voisins immédiats, lassés d'une existence ingrate au contact d'une nature qui, belle, est aussi inhospitalière. L'efficacité d'As bestas tient d'abord à la tension croissante ainsi mise en place, et ce grâce à un scénario implacable que Rodrigo Sorogoyen cosigne d'ailleurs avec Isabel Peña, sa complice en écriture habituelle. Que le film permette une collaboration d'artistes français et espagnols est très réjouissant: l'immense talent de Denis Ménochet fait oublier sa corpulence et le montre en homme fragile, à la merci d'étrangers fermés à toute organisation sociale et moeurs autres que les leurs. Jusqu'où cela le mènera-t-il ? C'est un enjeu du film, mais pas le seul !

D'abord au second plan, le personnage d'Olga prend une importance décisive pour la fin du récit. Marina Foïs m'a vraiment impressionné dans ce rôle complexe: elle s'investit à fond et mérite des éloges sincères - ce que la "grande famille" du cinéma semble oublier un peu. Bref... je ne veux pas polémiquer et As bestas est d'abord un film espagnol, il me semble, avec dès lors d'autres excellents comédiens méconnus - je citerai d'abord Luis Zahera et Diego Anido, parfaits. Évidemment, il faut aussi louer la mise en scène: le cadre galicien garantit une diversité de paysages remarquables, été comme hiver. D'emblée, on comprend que les personnages français sont "lâchés" dans un environnement qu'ils auront du mal à réellement maîtriser. Cela passe par exemple par une image qui tressaute sur une route cahoteuse ou un long plan très obscur pour suggérer un péril nocturne. Un critique a parlé de leçon de cinéma... et c'est en tout cas un plaisir que de voir un travail aussi soigné, au service d'un récit captivant. Mon unique regret ? L'avoir laissé filer au cinéma ! À bon entendeur...

As bestas
Film français et espagnol de Rodrigo Sorogoyen (2022)

(Re)voir aussi El reino et Madre du même auteur est une bonne idée. Quel brio ! Une preuve - parmi d'autres - qu'on peut faire du cinéma ambitieux, sans verser dans l'intellectualisme bobo ou le cliché idiot. Attention toutefois: ce film est aussi d'une dureté peu commune. Chose étonnante: un certain cousinage avec Le mal n'existe pas. Ruralité toxique, diriez-vous ? On en parlait dans Jean de Florette...

----------
Vous aussi, vous aimeriez aller voir ailleurs ?

Je vous renvoie sans hésiter aux blogs de Pascale et Princécranoir. Celui de Dasola vaut le détour, mais il en dit beaucoup sur l'intrigue...

vendredi 14 juin 2024

Adios !

La fin de cette semaine et toute la suivante: mes congés personnels ne sont pas si longs, mais sauf imprévu, ce sera la période de pause de ce blog. Je vous donne donc rendez-vous pour la reprise lundi 24. Pas sûr que je publie une chronique par jour: mon rythme habituel d'un texte tous les deux ou trois jours est de fait plus facile à tenir. Enfin, on verra bien: j'ai en tout cas quelques films en ligne de mire. Le prochain ? Je vous propose de deviner et parier en commentaires. Un indice: son réalisateur est espagnol. Et je conclus: adios, amigos !

jeudi 13 juin 2024

En quête de flouze

Je peux l'avouer: après celui de lundi, je ne voyais aucun autre film de braquage susceptible d'être chroniqué sur Mille et une bobines. C'est donc un peu par hasard que Pour 100 briques, t'as plus rien ! s'est "imposé" parmi d'autres possibilités. Ma nostalgie des années 80 n'y est pas pour rien. Gare: elle n'est pas toujours bonne conseillère...

Sam, serrurier, vient de se faire virer au profit du fils de son patron. Paul, son colocataire, n'a pas de boulot. Des huissiers sont passés chez eux pour saisir le peu de meubles qui restaient, télé comprise. Hébergés par une copine, les deux garçons n'ont guère qu'une idée pour s'en sortir: s'attaquer à une banque, y prendre quelques otages parmi le personnel et/ou la clientèle, puis demander une rançon XXL. Sur cette trame simplissime, le scénario nous offre une comédie ordinaire, qui adapte à l'écran une pièce de théâtre sortie en 1976. Vous pourrez y retrouver Daniel Auteuil, Gérard Jugnot, Anémone, Darry Cowl, Isabelle Mergault ou bien encore Jean-Pierre Castaldi. Pour 100 briques, t'as plus rien ! n'avait pas attiré grand-monde dans les salles obscures: à peine plus de 1,3 million de spectateurs. Notez qu'avec ce score, d'autres longs-métrages sont devenus cultes. Je doute franchement que celui-ci atteigne un jour ce statut enviable.

Pour 100 briques, t'as plus rien !
Film français d'Édouard Molinaro (1982)

Beaucoup d'amateurs l'affirment: à cette époque, le cinéma comique français connaissait un âge d'or, qui paraît largement oublié depuis. Objectivement, il y a eu des hauts et des bas, mais il semble établi qu'aujourd'hui, ce que le septième art raconte est bien moins rigolo. Ma référence absolue ? Ce pourrait être Marche à l'ombre, je crois. En ce temps-là, les films sentaient aussi très fort l'envie de li-ber-té !

mardi 11 juin 2024

Les bons copains

Tom, Viv et Max sont au collège dans une petite ville des Ardennes. Copains, ils ont fait d'un conteneur abandonné le point de rendez-vous secret qu'ils rejoignent pour s'amuser à l'abri du regard des grands. Leur espoir estival: pouvoir partir ensemble en colonie de vacances. Les garçons ont leur petite "combine" pour réunir l'argent nécessaire !

Premier long d'un réalisateur trentenaire, Les trois fantastiques apparaît vite comme un drame social... qu'il n'est pas tout de suite. C'est vrai: dans l'entourage des ados, on parle de déclassement économique, l'usine qui emploie la plupart des adultes devant fermer. Le scénario nous invite cependant à nous approprier un moment heureux: celui où Max retrouve Séb, son grand frère, sorti de prison. La question est alors: s'est-il amendé ou bien y retournera-t-il illico après avoir outrepassé les règles établies pour sa remise en liberté ? Évidemment, je ne vais pas vous le révéler dans cette chronique ! Juste un indice: la caméra va continuer de suivre les pas des amis qu'elle nous a présentés. L'occasion de découvrir trois jeunes acteurs épatants de précocité - Jean Devie, Benjamin Tellier et Diego Murgia.

Le casting a duré des mois, paraît-il, avant une autre longue phase préparatoire avec le trio réuni. Tout ce travail n'a donc pas été vain. Les gamins sont aussi à l'aise devant la caméra que leurs partenaires plus expérimentés, cantonnés à des rôles décisifs, mais secondaires. Parmi eux, je tiens à citer Emmanuelle Bercot, très juste en mère déprimée: je l'ai trouvée efficace dans la sobriété, pour une fois. L'incontournable Raphaël Quenard, lui aussi, nous offre une prestation intéressante, dans un registre moins grandiloquent qu'à l'accoutumée. Film de fiction, Les trois fantastiques n'en apparaît que plus crédible. Difficile alors de ne pas s'attacher à ces protagonistes qu'un destin tragique pourrait finir par rattraper: le récit suggère de fait la fin d'une époque, tout en laissant une petite porte ouverte qui permettra à chacun d'en décider, selon son ressenti et ses convictions propres. Bref... je vous laisse juger par vous-mêmes. Si le coeur vous en dit...

Les trois fantastiques
Film français de Michaël Dichter (2024)

Je vous dirais bien que ce film rappelle Stand by me, mais le souci est que je n'ai pas revu le classique de Rob Reiner depuis des lustres. Résultat: je peine à établir une autre comparaison dans la catégorie des longs-métrages de cinéma consacrés aux ados. Mud ? Pas mal. Paranoid Park ? Très bien aussi, dans un registre certes plus sombre. On est loin, bien loin, des préoccupations du fameux Breakfast Club !

----------
Pour conclure, je vous encourage à aller voir ailleurs...

Oui: je vous redis que Pascale et Dasola sont toujours de bon conseil.

lundi 10 juin 2024

Il rêve d'Acapulco...

"Vendre beaucoup de disques ne veut pas dire que vous êtes bon. Regardez Phil Collins !". Cette vacherie signée Noel Gallagher (Oasis) ne surprendra guère que celles et ceux qui croient encore que le rock adoucit les moeurs. Et elle néglige la carrière cinéma de sa cible ! Ouais, vous avez bien lu: l'ex-batteur de Genesis a aussi été acteur...

Il est vrai qu'il n'apparaît tout au plus que dans une dizaine de films. Mais, dans le lot, il y a Buster, où il tient bel et bien le rôle principal. Son personnage, Buster Edwards, est un petit voleur sans envergure dans le Londres de 1963. Son rêve: partir vivre loin de la grisaille anglaise, en embarquant sa femme et sa fille du côté d'Acapulco. Notre ami ne croit pas que ce soit impossible, d'autant que sa bande et lui sont parvenus à cambrioler un convoi ferroviaire de la Poste britannique. Je vous laisse découvrir les péripéties qui s'ensuivront. J'avoue: je n'avais jamais entendu parler de ce film avant sa diffusion et sa - longue - mise à disposition sur la plateforme Internet d'Arte. Vous l'avez raté ? Ce n'est pas grave: il n'a rien d'un incontournable. Les amateurs du chanteur pourront noter que deux de ses titres figurent dans la B.O. (à savoir A Groovy Kind of Love et Two Hearts). Reste pour les autres à apprécier l'aspect old school de la production !

Buster
Film britannique de David Green (1988)

Je ne regrette pas de l'avoir regardé, mais je crains de vite l'oublier. Tel est le lot de ces petits films sans grande ambition. Il faut dire qu'au cinéma, les histoires de braqueurs sont légion. Je vous suggère de revoir Bandits, si vous n'avez pas envie de remonter trop loin. J'ajoute que, si votre plaisir est déjà sur les rails, La grande attaque du train d'or pourrait mieux vous convenir. Ou encore The grey fox !

dimanche 9 juin 2024

Au prix d'un cri

Arriverai-je un beau jour à décrypter le mystère Quentin Dupieux ? Coqueluche d'un public aventureux, celui qui est aussi producteur musical en est désormais à treize long-métrages en dix-sept ans. Surprise: jamais aucun de ses films n'a atteint les 500.000 entrées. Réalité, lui, n'a attiré que 84.641 spectateurs en salles ! Petit score...

D'autres ont fait mieux, mais je m'étais imaginé qu'avec Alain Chabat en tête d'affiche, cet opus aurait rencontré un succès plus important. Relativisons: c'est vrai qu'il faut aussi oser se risquer dans cet univers foldingue qu'est celui de l'artiste découvert sous le nom de Mr. Oizo. Cette fois, il nous embarque dans le sillage de Jason Tantra, cadreur pour une émission culinaire sur une chaîne américaine. Son ambition véritable: tourner un film d'horreur avec des postes de télé tueurs. Impossible ? Non, car un producteur se dit prêt à financer le projet. Unique condition: que le futur réalisateur fournisse le gémissement parfait pour accompagner les images de ses personnages à l'agonie. Sur cette base, Dupieux invente un univers aux contours incertains que fréquentent une petite fille, son père chasseur et un sanglier mangeur de cassettes VHS. On n'y comprend rien, mais c'est le but. Ou disons que je le suppose: ce cinéma reste franchement déroutant !

Réalité
Film français de Quentin Dupieux (2015)

Absurde ? Déjanté ? Surréaliste ? Le mot juste m'échappe encore. Même le titre est trompeur: il s'agit en fait du prénom de la fillette aperçue dans le film (et qui est peut-être bien son héroïne secrète). Inutile de chercher à comprendre, je crois: ce type de film nébuleux demande à  être ressenti plutôt qu'analysé et ce malgré les références de son auteur, à l'oeuvre dès Rubber. Bon, j'y reviendrai sûrement...

----------
Avant cela, d'autres avis vous intéressent ?

Très bien. Je vous propose donc de lire ceux de Pascale et Benjamin. Celui de "L'oeil sur l'écran" est également disponible, publié il y a peu.

samedi 8 juin 2024

Une combattante

Il est de notoriété publique que l'hôpital public français va (très) mal. Documentariste expérimenté, Sébastien Lifshitz a posé ses caméras dans un service d'oncologie, à Marseille Nord, pour aborder ce sujet sensible via le regard d'une cheffe infirmière bientôt à la retraite. Sylvie a totalisé vingt ans de service - trois fois plus que la moyenne !

Madame Hofmann
a ceci de particulier - et d'efficace - qu'il appuie son propos sur un long témoignage, mais aussi qu'il s'échappe parfois de la structure de soins pour filmer aussi la vie de son "héroïne". D'ailleurs, je crois bien que c'est ce que j'ai préféré: ce regard porté sur tout ce qui peut faire le quotidien d'une femme française en 2024. Évidemment, son travail y prend beaucoup de place, le lâcher-prise n'étant pour elle qu'une notion abstraite ou une chance inaccessible. Jamais, pourtant, Sylvie n'ose se plaindre ! Pragmatique avant tout...

Cela étant, ce qu'on apprend de sa santé, de son combat permanent pour celle de sa mère ou de ses inquiétudes - passées - pour sa fille aurait tôt fait de miner le moral d'autres anonymes, ainsi fragilisés. Ce film nous permet donc de faire une belle rencontre. La démarche de Sébastien Lifshitz me semble fort louable, même si, en l'absence de toute voix off, son travail est parfois un peu trop hagiographique. Je lui laisse la conclusion: "La meilleure façon de prendre conscience de la réalité de toutes ces vies, c’était d'en choisir une". Pas mieux...

Madame Hofmann
Documentaire français de Sébastien Lifschitz (2024)

Une heure trois quarts de la vie d'une femme: c'est assez instructif. Impossible de ne pas reconnaître quelques situations et/ou visages familiers parmi ce qui nous est présenté: le reste est affaire de goût. Ce film n'était pas à mon agenda jusqu'à ce que ma mère propose d'aller le voir. Pour autant, ce n'est pas le seul documentaire du blog ! À voir: Makala, À la recherche de Vivian Maier, Une joie secrète...

jeudi 6 juin 2024

L'amour d'une femme

Un toit, quelques arpents de terre, une famille: le rêve américain repose sur des choses simples. Certains ont jadis abandonné l'Europe avec l'espoir de construire une toute nouvelle vie et l'ont concrétisé. D'autres, à jamais coupés de leurs origines, ont renoncé au bonheur. Une notion dont parle explicitement... la Constitution des États-Unis !

En s'inspirant des lectures d'enfance de sa mère, Viggo Mortensen nous emmène au Nevada, vers l'année 1860. Dans un environnement que le cinéma n'a jamais cessé de sublimer, il campe un immigrant danois solitaire, installé dans une maison nichée au fond d'un canyon. Quand une femme lui demande ce qu'il y fait, il répond de manière laconique, mais non sans franchise: "Le moins de choses possible". Tout va alors changer grâce à sa rencontre avec Vivienne Le Coudy. Entre cette Québécoise et Holger Olsen, l'entente est immédiate. L'amour, lui, naîtra de l'harmonie de deux caractères bien trempés. Tout ce qui semblait improbable apparaîtra comme une évidence. Résultat: Jusqu'au bout du monde est beaucoup plus qu'un western. Et d'emblée, l'un des plus beaux films que j'ai découverts récemment !

Sans délai, il me faut dire que, dans le premier (et quasi-unique) rôle féminin, Vicky Krieps illumine à nouveau l'écran de tout son talent. L'actrice luxembourgeoise est désormais installée dans mon Panthéon cinématographique et je ne vois pas de raison de l'en déloger bientôt. Quelques critiques estiment qu'ici, derrière son visage de femme déterminée, elle cache une fragilité peu compatible avec les valeurs émergentes du féminisme contemporain. Ah ? OK... moi, ça me va. Jusqu'au bout du monde s'articule tout entier autour du personnage de Vivienne Le Coudy, ce qui s'avère déjà remarquable à mes yeux. Celui de Holger Olsen - et, dès lors, Viggo Mortensen lui-même - apparaît presque au deuxième plan. Personnellement, je m'en réjouis et reste lucide: à l'Ouest, les hommes ont souvent régné en maîtres...

Les originalités de ce film doivent-elles être reliées à sa nationalité ? Peut-être. Vous retiendrez en tout cas que le film n'a pas été tourné aux États-Unis, mais principalement au Mexique et un peu au Canada. Il est donc considéré comme à la fois mexicain, canadien et danois. Ce qui ne l'empêche évidemment pas d'être d'une beauté sidérante ! "Nous étions dans un cadre primitif", a ainsi confié le chef-opérateur. Rien de très dépaysant pour les fidèles du grand cinéma hollywoodien de l'âge d'or: les fantômes des cinéastes des décennies 1940 et 1950 ne trouveraient sûrement rien à reprocher à ces images d'aujourd'hui. Retenons donc quelques noms: Marcel Zyskind à la photo, Carol Spier et Jason Clarke aux décors, Anne Dixon aux costumes, par exemple. Jusqu'au bout du monde doit aussi beaucoup à ces technicien(ne)s !

Pour porter son projet artistique, Viggo Mortensen, acteur, n'a assuré "que" les postes de producteur, réalisateur, scénariste et compositeur de la bande-originale... en jouant lui-même de quelques instruments. J'ai été bien triste d'apprendre qu'après deux semaines d'exploitation dans les salles, il n'avait pu y attirer qu'à peine 115.000 spectateurs. Si vous en avez encore l'occasion, allez voir le film sur un écran XXL ! Comme je l'ai dit pour d'autres, il a été conçu pour cela et les regrets que vous auriez si vous le ratez en salles ne vous serviraient à rien. Je tiens à le confirmer: même un amateur de westerns classiques peut largement prendre du plaisir devant Jusqu'au bout du monde. Beaucoup des archétypes propres au genre sont en effet respectés. Vous ne devriez donc pas avoir à regretter d'avoir osé un tel voyage...

Jusqu'au bout du monde
Film canado-mexicano-danois de Viggo Mortensen (2024)

"John Ford et Howard Hawks adoreraient ce film": le problème insoluble, c'est qu'ils sont morts - ce que l'affichiste feint d'ignorer. Moi, je ferais plutôt le lien avec Impitoyable (Clint Eastwood / 1992). En notant que le western, quant à lui, est sans aucun doute immortel. Pour y trouver des femmes fortes, je recommande La dernière piste et The homesman. Ou bien Johnny Guitare au rayon cinéma vintage.

----------
Et si vous voulez prolonger le plaisir de ce film rare...

Je vous suggère la lecture des chroniques de Pascale et Princécranoir.

mardi 4 juin 2024

De vie ou de mort

La terrible guerre qui oppose aujourd'hui, à Gaza, Israël au Hamas n'avait pas commencé lorsque Le déserteur est sorti sur les écrans. De son second opus, Dani Rosenberg dit qu'il "s'est écrasé sur le mur de la réalité". Il indique aussi qu'il est né de ses propres angoisses. J'y ai vu l'un des films les plus intenses de ce premier semestre 2024 !

Shlomi est un simple soldat de l'armée d'Israël, âgé d'une vingtaine d'années. Nous le découvrons endormi, aux côtés de ses camarades. Quand un officier réveille tout le monde, le jeune homme remarque que personne ne lui prête alors attention et en profite pour s'éclipser. Son objectif ? Retrouver Shiri, la fille qu'il aime. Il est clair que Shlomi garde en lui une forme d'insouciance adolescente liée au sentiment amoureux et ne mesure pas vraiment les conséquences de son acte. C'est en le suivant pas à pas au cours d'une (longue) journée décisive que nous en prendrons acte avec lui - la fiction rejoignant la réalité dont nous parlent actuellement les médias présents au Moyen-Orient. Le déserteur a l'immense mérite de ne rien céder au manichéisme. Même s'il adopte un point de vue, il n'en fait pas un propos univoque centré sur la perception d'une seule des communautés et parties prenantes au conflit. L'absurdité de la situation est aussitôt établie...

J'ai apprécié que le récit nous plonge immédiatement dans la guerre et nous rappelle également que, pendant que des hommes se battent pour leur terre, d'autres mènent une existence presque ordinaire. Sachez-le: il y a aussi une part d'autobiographie dans ce film puissant. Dani Rosenberg l'admet, mais souligne qu'après avoir fui son unité combattante, il avait pris peur et était donc retourné à sa base militaire... où personne ne s'était visiblement aperçu de son absence. L'oeuvre qu'il a créée à partir de cet épisode de sa propre expérience est à mes yeux un hymne à la jeunesse, quel que soit le contexte politique - ou le camp - dans lequel certains ont tôt fait de l'enfermer. J'ajoute qu'en plus d'un bon scénario sublimé par une mise en scène au cordeau, Le déserteur profite aussi des prestations remarquables des actrices et acteurs choisis pour ces rôles souvent complexes. Celui qui incarne le rôle-titre, Ido Tako, nous offre une prestation majuscule: j'espère donc voir d'autres de ses films sortir en France. Si, en prime, ils délivrent un message pacifiste, je dirais tant mieux !

Le déserteur
Film israélien de Dani Rosenberg (2023)

Oui, ce garçon qui court pour échapper à l'atrocité d'un monde étroit m'a beaucoup touché: puisse-t-il également en émouvoir d'autres ! Dans un registre somme toute similaire, j'ai pensé à un film algérien découvert il y a quelques années: Le repenti, de Merzak Allouache. Plus récemment, Nezouh est un autre de ces grands longs-métrages qui montrent la guerre pour ce qu'elle est vraiment: une pure atrocité.

----------
Il semble que le film n'a fait qu'une sortie discrète...

Vous pourrez toutefois voir que Pascale l'a beaucoup aimé, elle aussi.

lundi 3 juin 2024

Rire (un peu) jaune

Est-ce donc cela, s'ennuyer à mourir ? Milliardaire, Arthur Lempereur s'est tellement convaincu de ne plus avoir la moindre petite chose intéressante à accomplir qu'il n'envisage rien, sinon de se suicider. Manque de chance: toutes ses tentatives ont été un échec complet. Peut-être que son meilleur ami pourrait alors... lui prêter main-forte !

Adaptation (libre) du roman éponyme de Jules Verne, Les tribulations d'un Chinois en Chine est un drôle de film d'aventures "à l'ancienne". C'est parce qu'il est soudain menacé d'une mort rapide que son héros reprend goût à la vie et parcourt le monde pour échapper aux tueurs lâchés à ses trousses. Et séduire une jolie blonde croisée en chemin ! Je vous passe les détails: le duo Jean-Paul Belmondo / Jean Rochefort s'est probablement beaucoup amusé pendant le tournage, orchestré par leur ami Philippe de Broca entre Népal, Hong Kong et Malaisie. L'histoire ne dit pas si c'est avant ou pendant ce périple sur pellicule que Bébel et la Suissesse Ursula Andress, choisie pour le premier rôle féminin, ont commencé à se fréquenter hors des plateaux de cinéma. Qu'importe: l'anecdote people n'a finalement que peu d'importance. Seul compte le plaisir - légèrement coupable ? - pris grâce à ce récit d'il y a bientôt soixante ans. C'était hier ou avant-hier, au maximum !

Les tribulations d'un Chinois en Chine
Film français de Philippe de Broca (1965)

Le bouquin remonte à 1879... et je vous avoue que je ne l'ai pas lu. Confidence pour confidence, il paraît que Philippe de Broca lui-même n'était pas satisfait de cette relecture filmée du classique littéraire d'abord publié sous la forme d'un feuilleton dans le grand quotidien parisien Le Temps (lui-même édité d'avril 1861 à novembre 1942). Moi ? Comme lui sûrement, j'ai préféré Cartouche et Le magnifique !

----------
Et si vous voulez avoir un autre avis...

Je vous renvoie vers "L'oeil sur l'écran" - qui parle (aïe !) de lassitude.

dimanche 2 juin 2024

Une perspective européenne

Vous le savez sans doute: dans pile une semaine, nous serons invités à élire nos représentants au Parlement européen. Et, dans mon billet publié vendredi, j'ai évoqué un territoire d'Europe plutôt méconnu. Cela m'a donné envie de lister les pays de notre cher vieux continent dont je n'ai encore vu aucun film. Nous pourrons bien sûr en reparler !

Parmi les 27 de l'Union européenne, je "snobe" encore...

- la Bulgarie,
- l'Estonie,
- la Lettonie,
- Malte,
- la République tchèque,
- la Slovaquie,
- la Slovénie.

Et par ailleurs, en Europe, j'ai "zappé" les longs-métrages...
- de l'Albanie,
- d'Andorre,
- du Bélarus,
- de la Bosnie-Herégovine,
- du Liechtenstein,
- de la Moldavie,
- de Monaco,
- du Monténégro,
- de Saint-Marin,
- du Vatican.

Bon... pour tout dire, je ne suis pas persuadé qu'il existe de film andorran, saint-marinais ou bien vaticanais. Mais je n'ai pas vérifié ! J'ai eu écho de deux-trois films bulgares, ainsi que d'un long-métrage monégasque, sans prendre le temps de les voir ou en avoir l'occasion.

Et vous, mes chères lectrices et mes chers lecteurs, quel regard portez-vous sur le cinéma européen ? Avez-vous des pays "exotiques" à citer parmi vos découvertes cinéma (récentes ou plus anciennes) ? NB: ma question pourrait également nous conduire... loin de l'Europe.