Une chronique de Martin
Une proportion inférieure à 1,5%. Parmi les 1.779 réalisateurs à avoir adressé leur long-métrage au Festival de Cannes, ils ne seront que 22 à briguer la Palme d'or cette année. 22 hommes connus depuis hier au matin et quelques jours seulement avant la désignation du jury censé les départager. Un seul écrira son nom au panthéon du cinéma mondial le 27 mai prochain. J'ai tenu à vous les présenter un par un. Par souci de clarté, j'ai choisi de le faire par ordre alphabétique...
Wes Anderson / États-Unis / 42 ans
Le premier est un bizuth. Son dernier film date d'il y a 2-3 ans. Je l'ai déjà présenté: il s'agit du très chouette Fantastic Mr. Fox. L'animation laissée de côté, Anderson fera l'ouverture du Festival avec un film en images réelles, Moonrise kindgom. Avec un casting de premier choix, le long-métrage promet beaucoup et raconte l'aventure de deux enfants disparus lors d'une tempête, en 1965. Sortie cinéma le jour de la projection sur la Croisette, le 16 mai.
Jacques Audiard / France / 59 ans
Jusqu'à présent, même si je n'ai pas vu tous ses films, je peux dire que le fils de Michel m'a toujours convaincu. Celui-là s'annonce intéressant, avec une opposition frontale entre notre Marion Cotillard nationale et le jeune espoir belge Matthias Shoenaerts (Bullhead). De rouille et d'os a déjà fait parler de lui dans la région, puisqu'il a en partie été tourné dans un parc aquatique d'Antibes. J'irai le voir.
Leos Carax / France / 51 ans
Les amants du Pont-Neuf résonne comme un titre familier. Cannes m'offrira-t-il l'occasion de découvrir ce réalisateur ? Peut-être bien. Pour l'heure, j'en sais peu sur Holy motors, le film qu'il va présenter pour sa seconde compétition cannoise. Simplement qu'on y verra Kylie Minogue, Evas Mendes, Michel Piccoli et Jean-François Balmer dans ce qui devrait être une histoire de tueur... et de cinéma. Drôle de méli-mélo, mais c'est bien ce qui est susceptible de m'attirer.
David Cronenberg / Canada / 69 ans
J'ai raté A dangerous method. Est-ce que je vais voir Cosmopolis ? Pas sûr. Allégorie de la pourriture du capitalisme, ce long-métrage adapté d'un bouquin fait parler de lui comme le premier film sérieux du bellâtre Robert Pattinson. J'attends d'en savoir plus, mais ayant lu les termes de chaos et de paranoïa dans le pitch, ça ne me donne pas spontanément très envie. On verra plus tard si je reste dans le camp des imbéciles qui ne changent pas d'avis. J'espère que non, en fait.
Lee Daniels / Etats-Unis / 51 ans
Precious, ça vous parle ? Si c'est le cas, vous avez déjà une base d'information sur le réalisateur afro-américain. D'après ce que j'ai pu lire, avec The paperboy, cette référence du cinéma indépendant change radicalement de registre, du mélo au thriller érotique ! On va retrouver du beau monde à l'écran et notamment Nicole Kidman, Matthew McConaughey et John Cusack. J'en passe et des meilleurs. Dans l'Amérique des sixties, suivons donc le résultat au cinéma, non ?
Andrew Dominik / Australie / 44 ans
Le réalisateur s'est fait connaître avec un western bien foutu au nom format XXL: L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Cinq ans plus tard, il revient avec Killing them softly. Argument numéro 1: la présence de Brad Pitt dans le casting. Le fiancé d'Angelina endosse ici les oripeaux d'un tueur à gages censé éclaircir les circonstances d'un braquage. L'humour et la violence composaient la sauce du roman dont le film est issu. Tout ça s'annonce bien !
Matteo Garrone / Italie / 43 ans
S'il vient à Cannes, ce qui est probable, le cinéaste pourrait devoir monter les marches sans son acteur principal, retenu... en prison. Récompensé en 2008 pour Gomorra, un film sur la mafia, l'Italien étudie désormais l'univers de la téléréalité. L'occasion également d'apprécier une des stars transalpines, inconnue ici, Claudia Gerini. Reality, le film à suivre pour le Prix d'interprétation féminine ?
Michael Haneke / Autriche / 70 ans
Trois ans après sa Palme pour Le ruban blanc, le maître viennois revient ! Contre toute attente, son film s'appelle... Amour. Romantique ? Probablement pas. Pathétique ? Sûrement. Le film fait parler de lui pour une bonne raison: il marque le grand retour cinéma de Jean-Louis Trintignant, 81 ans depuis décembre. Les amateurs retrouveront à ses côtés la muse de Haneke: Isabelle Huppert. Quelque chose me dit que ça sera un film dur, mais un grand film.
John Hillcoat / Australie / 51 ans
Réalisateur de clips vidéo et de documentaires, l'homme s'est fait connaître au cinéma avec des films aux univers marqués: le western La proposition et le long-métrage post-apocalyptique La route. N'ayant encore vu ni l'un ni l'autre, je surveille le nouveau: Lawless. Homonyme d'un projet de Terrence Malick, cette production évoquerait le destin de trois frères spécialistes du trafic d'alcool pendant la Grande Dépression. On doit notamment y retrouver Jessica Chastain, Mia Wasikowska et Tom Hardy. C'est tentant.
Abbas Kiarostami / Iran / 71 ans
Le réalisateur perse s'intéresse désormais... au Japon ! En habitué des séjours cannois, il présente cette année le récit d'une rencontre entre un vieil universitaire et une étudiante obligée à se prostituer pour passer ses diplômes. Like someone in love - c'est le titre anglais du film - nous permettra de revoir Rio Kase, pilote kamikaze et fantôme dans le joli Restless du cinéaste américain Gus van Sant.
Ken Loach / Angleterre / 75 ans
Le plus militant des cinéastes britanniques a-t-il trouvé la paix ? Sincèrement, on dirait ! Motivé par Éric Cantona pour une comédie sociale, le fort sympathique Looking for Éric, le papy rouge persiste dans ce registre resté longtemps à l'écart de ses élans créateurs. Aujourd'hui, le résultat s'appelle La part des anges. Sur un scénario de son vieux pote Paul Laverty, Loach va nous présenter un père décidé à ouvrir une distillerie de whisky. J'attends ça de pied ferme.
Sergei Loznitsa / Ukraine / 48 ans
Dans la brume: le titre français du film du cinéaste ukrainien n'annonce pas une franche partie de rigolade. La confirmation tombe à la lecture du pitch: le film rappelle la Biélorussie de 1942, occupée par les troupes nazies. Il y est question de résistance et de trahison. Deux sujets que le cinéma post-soviétique parvient enfin à aborder. Une oeuvre utile, donc, pour une possible prise de conscience.
Cristian Mungiu / Roumanie / 43 ans
Palmé d'or en 2007, le réalisateur des Carpates, fort d'un CV intéressant comme assistant du Français Bertrand Tavernier, revient sur la Croisette avec un long-métrage intitulé Beyond the hills. Émotion: traduit en français par "Derrière les collines", le titre m'évoque un roman que j'aime énormément. Rien à voir, cela dit. Loin de raconter la première guerre mondiale, le film montre la vie d'une femme accusée d'être possédée. On ne va pas rigoler, je pense.
Yousry Nasrallah / Égypte / 50 ans
Ancien assistant de son compatriote Youssef Chahine, le cinéaste cairote débarque avec une oeuvre de fiction sur le printemps égyptien. Après la bataille évoque la rencontre entre une femme militante de la liberté place Tahrir et un homme soldat de l'armée régulière chargée de mater l'insurrection populaire. Nasrallah vient pour la quatrième fois à Cannes pour y présenter l'un de ses films.
Jeff Nichols / États-Unis / 33 ans
Le benjamin de la compétition a fait parler de lui l'année dernière avec Take shelter, film orienté sur un homme souffrant de troubles délirants. Pour une nouvelle venue sur la Croisette, il présentera Mud, troisième de ses longs-métrages. La lecture du pitch m'évoque Un monde parfait de Clint Eastwood, à l'envers, avec cet adolescent qui aide un fugitif à retrouver la femme de sa vie. J'imagine toutefois que ça n'a au fond rien à voir. Il me faudrait aller vérifier.
Alain Resnais / France / 89 ans
Le doyen des chasseurs de Palme est un ami du Festival: il y revient régulièrement et y avait déjà été primé en... 1980, grâce à son film Mon oncle d'Amérique (Grand Prix du jury). Le titre de son cru 2012 est une promesse: Vous n'avez encore rien vu. Une version filmée d'Eurydice de Jean Anouilh, avec une distribution de haut vol, conduite par le quatuor Sabine Azéma, Anne Consigny, Pierre Arditi et Lambert Wilson. On murmure que Resnais préfère la compétition à l'hommage poli qu'on pensait lui rendre. Chapeau bas, monsieur !
Carlos Reygadas / Mexique / 40 ans
Ancien avocat, le cinéaste d'Amérique centrale s'est déjà fait remarquer à Cannes, remportant quelques Prix de second rang. Intéressant quand même, pour un jeune réalisateur. Reygadas vient cette fois avec Post tenebras lux, qu'il présente comme une oeuvre largement autobiographique. Le film serait marqué par les souvenirs, les sensations, les rêves et les peurs. Mystérieux et fascinant ?
Walter Salles / Brésil / 56 ans
Celui qui s'est intéressé à la jeunesse itinérante de Che Guevara poursuit son chemin au cinéma avec Sur la route, adaptation attendue du roman éponyme de Jack Kerouac. N'ayant pas encore lu le livre, je ne saurais vous dire ce que le film racontera, mais j'ai très envie de le découvrir. Je suis d'emblée curieux de la manière dont le septième art va donner corps au mythe de la beat generation. D'autant qu'il paraît que Kerouac, lui, ne revendiquait aucun message.
Hong Sang-soo / Corée du sud / 51 ans
Je vous remercie de tolérer une possible erreur dans la graphie exacte du nom du réalisateur. J'ai toujours des doutes avec la langue coréenne, renforcés ici par le fait que j'ignore tout de l'intéressé. Après quelques recherches, je constate que le titre d'un de ses films, Ha ha ha, m'est vaguement familier. Déjà invité au Festival plusieurs fois, le cinéaste asiatique présentera une mise en abyme du cinéma, In another country. Avec notamment Isabelle Huppert !
Im Sang-soo / Corée du sud / 49 ans
Petite différence d'âge, même nationalité, mais aucun lien familial entre les deux homonymes: fils de critique, cet autre Sang-soo a travaillé avec l'un de ses compatriotes que je connais déjà (un peu) pour avoir vu l'un de ses films: Im Kwon-taek. Il était à Cannes il y a deux ans avec The housemaid. Il y retourne en mai pour prendre part à la compétition avec Taste of money, un thriller nimbé d'érotisme. L'histoire d'un jeune homme ambitieux et sans limite.
Ulrich Seidl / Autriche / 59 ans
Auteur de très nombreux documentaires, le cinéaste présentera finalement... un long-métrage de fiction, son troisième. Étrangement intitulé Paradis: amour, le film se tourne principalement vers le destin de trois soeurs. L'une fait du tourisme sexuel au Kenya, l'autre se voue au culte de Dieu et la dernière perd sa virginité dans un centre de thalassothérapie. Il me semble avoir lu quelque part une comparaison avec le style du Français Éric Rohmer.
Thomas Vinterberg / Danemark / 42 ans
Il faudra bien que je saisisse un jour l'occasion de découvrir enfin l'acolyte de Lars von Trier, comme lui à l'initiative du Dogme danois, et ses films tournés caméra à l'épaule à la lumière naturelle. Vinterberg paraît moins sulfureux que son aîné, pas plus optimiste. Quatorze ans après son Prix du jury (Festen), l'enfant de Copenhague revient avec The hunt. Le très charismatique Mads Mikkelsen y joue un quadra tout juste remis de son divorce et qu'une vilaine rumeur va couper de sa communauté. La calomnie au cinéma: un thème intéressant, sinon emballant. J'irai sûrement m'en faire une idée.
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