Une chronique de Martin
Il me semble qu'il y a quelque chose d'un peu indécent à s'inspirer d'une véritable affaire criminelle pour tourner un film de fiction. D'après ce que j'ai lu, Éric Guirado n'aurait pas consulté les proches des cinq victimes avant de reprendre la trame générale de la tuerie du Grand Bornand pour en faire un thriller de cinéma. Le réalisateur prévient toutefois qu'aux éléments factuels de ce drame, il a ajouté quelques compléments dramatiques nés de sa propre imagination.
Possessions met mal à l'aise. Mon envie de le voir, réelle, reposait sur une interrogation intime: qu'est-ce qui pousse une personne ordinaire à en tuer une autre ? Comment s'opère le déclic ? Quel est le point de non-retour ? Je ne suis pas sûr que l'art puisse répondre seul à cette question. Il peut toutefois nous permettre d'y réfléchir posément, ou au moins de manière moins passionnée que la réalité. Dans le cas de ce film, comme de fait dans la véritable histoire qui l'a inspiré, la germe du meurtre se développe à partir d'une différence de classe sociale. Marilyne et Bruno quittent le Nord et viennent s'installer à la montagne. Ils trouvent facilement du travail, lui comme mécano et elle femme de ménage chez leurs propriétaires. C'est là que le bât blesse. L'un des couples est dépendant de l'autre. Une situation d'autant plus frustrante qu'il n'a pas pu prendre possession immédiate de son chalet et qu'il navigue donc de solution provisoire en hébergement temporaire. Avec, à mesure que le temps passe, le sentiment d'avoir été blousé, voire volontairement humilié.
Pas besoin que je revienne sur la fin: sauf à être resté enfermé toutes ces dernières semaines, elle ne présente aucune surprise. L'intérêt du film reste objet de débat: bonne illustration de l'affaire d'allure quasi-documentaire, le long-métrage n'y apporte pourtant aucun fait nouveau. Au contraire: Possessions peut sembler caricaturer ses personnages, là où il me semble qu'il aurait pu gagner en les présentant sous tous leurs aspects. Certaines scènes paraissent un peu répétitives et, pourquoi le taire ?, assez fausses aussi. Rires dans la salle devant certaines réactions de Bruno. Endormissement profond d'un de mes proches voisins. Sensation diffuse qu’Éric Guirado est quelque peu passé à côté de son sujet. Cela dit, tout n'est pas à jeter pour autant. Je reste sur une opinion assez positive. À mes yeux, l'interprétation des principaux acteurs porte le long-métrage vers autre chose qu'une simple relecture. Jérémie Renier offre au regard une autre belle facette de son talent. Julie Depardieu épate en femme perdue dans son sentiment d'injustice. Alexandra Lamy et Lucien Jean-Baptiste, eux, composent efficacement ce couple de propriétaires, aveuglés par la réussite, condescendants sans forcément le vouloir et comme condamnés d'avance. Mention spéciale aussi aux trois jeunes enfants, toujours dans le bon ton. On n'est sûrement pas passé loin d'un vrai grand film.
Possessions
Film français d’Éric Guirado (2012)
Avec tout ça, je n'ai pas trouvé de réponse à ma question du début. Je crois d'ailleurs qu'il est impossible d'y répondre de manière générale. L'avantage du cinéma par rapport à la réalité, ça serait peut-être que, devant cette interrogation, il a un peu plus de liberté. Les ressorts de la fiction plus puissants que les faits ? C'est possible. Pour en juger, je vous recommande vivement un autre film français du genre thriller: le "non-réel" et formidablement réussi Garde à vue.
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Si vous préférez lire un autre avis sur le film...
Je vous conseille de jeter un oeil au blog "Sur la route du cinéma".
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