Si les mythes résistent au temps, les hommes, eux, sont bel et bien mortels. Héros ou anonymes, tous passent tôt ou tard sous la fourche de la Faucheuse. C'est ce qui est arrivé à Jesse James le 3 avril 1882, peu après les Rameaux, alors qu'il n'avait pas encore 35 ans. Mon âge ! Personne ne pourra dire combien de temps le bandit aurait pu vivre encore s'il n'avait été abattu. Peut-être, devenu fermier, aurait-il coulé des jours heureux, au calme, auprès de sa femme Zee et de ses enfants. C'est en fait ce que suggère le film dont je vais vous parler aujourd'hui, L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, western contemplatif avec Brad Pitt. Une belle réussite à mes yeux. L'histoire débute quand les frères James et leur bande fomentent un nouveau coup, qui s'avérera l'un des tout derniers. Et l'on fait donc connaissance avec le dénommé Ford, un jeune garçon qui se dit prêt à rejoindre le groupe. Le problème, c'est qu'il paraît encore trop immature aux yeux de celui qui décide, et franchement pas digne de porter un pistolet pour la plupart de ses compagnons. Constat dont il a beaucoup de mal à accepter qu'il soit juste...
L'assassinat de Jesse James... raconte l'histoire d'une rencontre. Celle d'un truand prudent mais fatigué et d'un de ses admirateurs. Pour parler avec des mots d'aujourd'hui, James serait la star et Ford le fan. Le second veut se faire respecter du premier, en marchant d'abord dans ses pas, sans grande réussite, puis en cherchant progressivement à l'impressionner - avec un succès tout aussi discutable. Le malentendu fondamental vient du fait que l'élève admire une certaine image du maître, image qui ne correspond finalement que de très loin à la réalité. Nourri aux romans d'aventure, Ford idéalise James, lequel lui oppose son regard d'ancien, mi-moqueur, mi-désabusé. Un peu une manière d'expliquer: "Petit, je ne suis pas celui que tu crois. Je suis à la fois beaucoup plus dangereux et infiniment plus complexe". L'idée numéro 1 du film, c'est ça: rapprocher deux hommes qui pourraient parfaitement s'entendre et montrer à quel point leurs différences (d'espoirs, de style, d'âge aussi) les opposent fondamentalement.
Ceux qui ne connaissent pas la véritable destinée de Jesse James seront fixés à la lecture du titre. Il n'y a pas de surprise à attendre sur ce point: la fin du film est annoncée et il serait illusoire de croire que le Robert Ford de cinéma ne commette pas l'acte final et fatal que son double réel a accompli. Note à tous ceux qui jugeraient alors sans intérêt de découvrir une histoire en connaissant d'ores et déjà son aboutissement: L'assassinat de Jesse James... est aussi un film qui prend son temps, deux heures et demie, et qui développe donc bien des questions intéressantes avant son épisode ultime. La mort programmée du héros s'en trouve presque anecdotique, d'autant plus que le générique n'arrive pas sur cette scène, mais quelques minutes après, un narrateur détaillant ce qui s'est passé ensuite - ce qui n'est d'ailleurs pas le moins intéressant. Je vous recommande donc vivement de voir ce film: les coups de feu y sont beaucoup plus rares qu'on ne pourrait l'imaginer et ce n'est clairement pas un récit d'aventures. Au contraire, portée à la fois par des images magnifiques et une distribution parfaite, c'est une oeuvre profonde. L'histoire d'un mythe, sans doute, mais aussi d'un homme.
1 commentaire:
très envie de le voir :!!
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