dimanche 29 avril 2012

Montand ce héros

Une chronique de Martin

Dix-huit ans. Il aura fallu attendre dix-huit ans, c'est-à-dire de 1990 à 2008, pour apprendre d'Agnès Varda que Jacques Demy était mort du Sida. Le cinéaste a travaillé jusqu'au bout et, bien qu'interrompu à deux reprises par des séances à l'hôpital, il est parvenu à sortir Trois places pour le 26 deux ans avant sa mort. Ce dernier film met en scène un autre monstre sacré du septième art made in France.

Yves Montand est filmé, lui, trois ans avant sa propre disparition. Point atypique, il joue son propre rôle: revenu à Marseille, sa ville d'enfance, le comédien se remémore les diverses étapes de sa vie. Joyeux (?) mélange d'anecdotes biographiques et de pure fiction.

Trois places pour le 26, c'est en fait tout ce qu'espère pouvoir obtenir une jeune admiratrice de la star, qu'incarne Mathilda May. Explication: si Yves Montand est descendu sur la Canebière, c'est également pour y jouer un spectacle. Le film de Jacques Demy est donc une mise en abîme, l'idée fonctionnant d'ailleurs à merveille avec un comédien aussi sincèrement cabot que son acteur principal. Reste que le résultat surprend, et ce dès le début, quand la vedette, tout juste sortie du train, rejoint la ville à pied, aussitôt interrogée par des journalistes dansants et chantants. Comme assez souvent dans d'autres oeuvres du même cinéaste, le kitsch n'est pas très loin. Il reste à l'écart toutefois quand le dialogue reprend "normalement".

Tout bien considéré, Trois places pour le 26 n'est pas un film capable de renverser la conviction de ceux qui n'aiment pas le style Demy. Le grand Jacques peine à se faire oublier dans ses images, d'autant plus personnelles que son fils Mathieu fait une apparition fugace à l'écran et que sa fille Rosalie signe les costumes évidemment colorés du long-métrage. En grand monsieur qu'il était, Yves Montand se coule parfaitement dans cet univers qui, pourtant, ne lui ressemble pas forcément. Dans le tempo années 80, le projet paraît un peu décalé aujourd'hui. Il y a toutefois quelque chose d'assez poétique derrière les aspects vieillots. Juste de quoi déplorer que la carrière du réalisateur n'ait pas duré un peu plus longtemps...

Trois places pour le 26
Film français de Jacques Demy (1988)
Je le dis souvent: si Jacques Demy a puisé dans les musicals américains la source d'une inspiration bien française, il ne faudrait surtout pas le cantonner à ses oeuvres "en chanté". Ce long-métrage alterne donc subtilement passages en musique - avec la complicité habituelle de Michel Legrand - et scènes de dialogue ordinaires. Honnêtement, je crois préférer Les parapluies de Cherbourg. Mention pour La baie des anges, quand le duo piano/violon m'irrite.

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