Une chronique de Martin
Stanley Donen, le réalisateur de Chantons sous la pluie, a tourné quinze ans plus tard un film intitulé Voyage à deux - j'en reparlerai un jour. En attendant, c'est avec trois voyageurs que je vous propose d'embarquer aujourd'hui, en évoquant un long-métrage d'origine argentine: Les acacias. C'est au Festival de Cannes que nous devons d'avoir découvert cette oeuvre, puisque, l'an passé, elle s'est vue récompenser de la Caméra d'or, prix réservé aux premiers films. Initialement, elle avait été retenue pour la Semaine de la critique.
Les acacias débute effectivement par un plan fixe sur une forêt luxuriante. Des hommes y travaillent. Ruben, lui, est chargé d'acheminer les troncs taillés d'Asuncion, la capitale du Paraguay, jusqu'à Buenos Aires, en Argentine. Son patron lui a aussi demandé de prendre Jacinta avec lui: la jeune femme doit retrouver une partie de sa famille. Ce que le camionneur ignorait, c'est qu'elle souhaite partir avec un bébé de cinq mois, sa fille, Anahi. Les tout premiers des 1.500 kilomètres à parcourir le sont dans une ambiance glaciale. Ruben s'enfonce dans le mutisme, aussitôt contrarié par la présence de l'enfant. Pour un peu, il achèterait un ticket de bus pour être tranquille. Il est gêné, d'autant qu'il comprend qu'on peut le prendre pour le père d'Anahi et qu'il ne sait même pas, lui, pourquoi Jacinta quitte son pays. Veut-elle refaire sa vie ? Elle dit partir travailler avec sa cousine, mais n'a qu'un visa pour trois mois pour l'autre côté de la frontière. Dans la cabine du camion, il va bien falloir se faire confiance. Et, petit à petit, pourquoi dès lors ne pas se rapprocher ?
Est-ce parce qu'il a lui-même confié le montage du film à la femme qu'il aime - Maria Astrauskas - que Pablo Giorgelli a ainsi pu parvenir à si bien dessiner les contours d'une intimité naissante ? Possible. Dans sa première mouture, le film durait deux heures. Il n'atteint finalement pas l'heure et demie. Pas le temps de s'ennuyer. Il y a quelque chose de magique dans la façon dont le réalisateur argentin, tout en ménageant quelques pauses sur la route, parvient également à nous transporter avec Ruben, Jacinta et Anahi. Le petit miracle offert par Les acacias, c'est celui d'un voyage immobile, effectué dans le fauteuil d'un cinéma ou la cabine d'un semi-remorque. L'économie de moyens est manifeste, mais le long-métrage n'a pas l'image d'une production fauchée. L'émotion vient de la subtilité d'écriture du scénario - et notamment de ce qui, en peu de mots, transite par cette petite fille, étonnant intermédiaire des sentiments des adultes. Il y a quelque chose de très apaisé dans cette manière de faire du cinéma. Et, dans nos vies agitées, le voyage fait du bien.
Les acacias
Film hispano-argentin de Pablo Giorgelli (2011)
Pudique, cette première oeuvre me laisse espérer en découvrir d'autres du même auteur, ce qui risque, j'en ai peur, d'être plus ardu. Nous verrons bien. D'ici là, je vous conseille un autre road-movie sentimental, traité toutefois plutôt sous l'angle comique: l'étonnant Away we go de Sam Mendes. Si vous préférez toutefois poursuivre votre exploration du cinéma argentin, je vous recommande également un film récent: El camino de San Diego. Où un ouvrier fait un bout de chemin pour rencontrer la plus grande star du pays...
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