samedi 9 juin 2018

Se taire et résister

Quelle image vous faites-vous d'une révolution ? Je suis presque sûr que vous n'imaginez pas quelque chose de calme. La fureur et le bruit résonnent en revanche comme des alliés de la contestation de l'ordre établi. Que le sang coule peut parfois être évité, mais je vois mal comment opérer une bascule, totale et rapide, sans que ça s'entende !

Et pourtant ! Il est sorti ce printemps un long-métrage historique allemand justement intitulé La révolution silencieuse. Plutôt curieux de mieux connaître la vie de nos voisins immédiats, je l'ai donc vu rapidement. La caméra nous ramène en 1956. À l'époque, l'Allemagne est divisée en deux Républiques - fédérale à l'Ouest et démocratique à l'Est. Une précision: aucun mur ne les sépare encore physiquement. La tension entre les blocs augmente soudain quand l'Union soviétique réprime par la force une insurrection en Hongrie, l'un des pays placés dans sa sphère d'influence. En l'apprenant, de jeunes Allemands inquiets pour leur propre avenir se sentent solidaires du peuple hongrois et, au lycée, décident... de ne pas répondre aux questions de leur professeur pendant deux minutes. Anecdotique ? Pas du tout. Dans cette partie du pays que les Russes occupent, c'est une déviance condamnable, parce qu'éloignée de l'esprit de la révolution socialiste !

Bon... sans grande surprise ou originalité de mise en scène, le film d'aujourd'hui nous raconte cette histoire. On comprend rapidement que Kurt, Theo, Lena et leurs camarades risquent fort d'être punis pour ce qui est perçu comme de l'insolence, voire de l'insubordination. Sincèrement, je vous encourage à ne pas avoir d'attentes trop fortes quant à d'éventuels rebondissements: le récit est très prévisible. Pourquoi alors voir La révolution silencieuse ? Pour cette raison. Sans pathos excessif, ce long-métrage classique vient nous rappeller justement que la liberté d'expression a été et demeure un combat. Qu'avoir une opinion divergente, aussi pacifique soit-elle, conduit parfois à ce que nos droits les plus élémentaires soient bafoués. J'imagine que vous n'avez pas attendu le cinéma pour l'apprendre. Maintenant, je pense aussi à ceux pour qui mes idéaux républicains demeurent un luxe inaccessible... et je me dis que ce film a du sens. Il montre le visage d'une jeunesse confrontée à des choix radicaux. Ce n'est pas parfait, mais, à la réflexion, c'est quand même poignant.

La révolution silencieuse
Film allemand de Lars Kraume (2018)

Je me rends compte en l'écrivant que les films originaires d'outre-Rhin ne sont pas très nombreux à être diffusés en France. L'histoire allemande en a inspiré de bons: Good bye Lenin, La vie des autres, Phoenix, Le labyrinthe du silence ou Elser - Un héros ordinaire. Celui d'aujourd'hui paraît plus modeste, mais demeure intéressant. Bon, d'accord, peut-être pas autant que Les trois vies de Rita Vogt... 

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Je suis content d'avancer mon Movie Challenge...
Case n°28: "Le film se déroule au collège, au lycée ou à l'université" !

Pour un autre regard porté sur cette même histoire...
Je vous conseille désormais d'aller lire les textes de Pascale et Dasola.

6 commentaires:

eeguab a dit…

Bonjour Martin. Vu jeudi, présenté par un prof d'allemand. J'ai trouvé le film inéressant, très classique dasn sa forme, un peu trop pédagogique. Mais ces films là sont à defendre quoi qu'il en soit. Sur le plan anecdotique il y a une scène très démarquée du Cercle des poètes disparus. Mais plus sérieusement on on sent assez bien Das Klassenzimmer, titre original, sorte de personnage collectif, et aussi le poids des deux totalitarismes, celui, passé de 12 ans, et celui, très actuel en 56. A bientôt Martin.

Martin a dit…

Salut Eeguab et merci pour ce commentaire, auquel je souscris largement.
Tu as raison de souligner que la salle de classe ressort aussi comme un collectif.
Franchement, la valeur pédagogique du film me paraît certaine... et pas seulement en Allemagne.

Pascale a dit…

Et bien moi je ne l'ai pas trouvé si prévisible ce film.
Qu'il est détestable ce prof d'histoire et sa moustache hitlérienne!
J'ai bien tremblé pour les jeunes et je trouve leur sort révoltant.
Belle scène celle où le jeune homme dit au revoir à ses parents et ses petits frères...
Je te recommande du même réalisateur Fritz Bauer un héros allemand.

Martin a dit…

Le plus dingue, c'est de se dire que c'était il y a relativement peu de temps. Les jeunes en question pourraient bien être encore vivants ! Comme l'a si justement dit Eeguab, ce genre de film-témoigage est à soutenir pour nous préserver un peu mieux de toute oppression de ce type.

Merci beaucoup pour la recommandation "Fritz Bauer". Je m'intéresse aux films historiques allemands.

dasola a dit…

Bonjour Martin, merci pour le lien à propos d'un film pas très original dans la mise en scène, certes mais qui raconte une histoire poignante avec des acteurs jeunes et moins jeunes tout à fait épatants. Bonne journée.

Martin a dit…

Nous sommes d'accord: même sous cette forme, cette histoire méritait d'être racontée.
C'est vrai que ça fait plaisir de voir autant de jeunes bons acteurs rassemblés en un seul film !