samedi 14 juin 2014

Sur un malentendu

Woody or not Woody ? Faut-il croire le plus dépressif des cinéastes juifs new-yorkais quand il affirme qu'il ne joue pas son propre rôle dans Stardust memories ? C'est difficile. Bon... le personnage s'appelle Sandy Bates, c'est vrai, mais je le confesse: j'ai très envie d'y voir un énième ersatz d'Allen lui-même ! C'est bien trop tentant ! Jugez plutôt: dans ce film sorti en 1980, ce Sandy est un cinéaste confirmé et apprécié du public, qui s'échine en vain à faire admettre qu'il veut (et doit) changer de style. Question d'intégrité artistique...

Dans l'un de ses somptueux noirs et blancs, Woody réalisateur joue admirablement sur une très large palette. À Woody acteur, il fait interpréter un artiste tout à fait perdu au milieu de ses admirateurs et en proie à de gros doutes identitaires, notamment dans sa relation avec les femmes. C'est à la fois cynique, drolatique et mélancolique. C'est brillant, aussi, avec des bouts de films dans le film: la frontière s'efface un peu, au risque d'égarer le spectateur, mais le chat Allen retombe toujours sur ses pattes - et avec élégance, qui plus est ! C'est enfin et surtout très inventif, avec plusieurs scènes que je situe au-delà de la barrière du surréalisme, dans la lignée d'un Luis Bunuel ou d'un Federico Fellini, comme je l'ai lu après coup. Parmi les films d'Allen que j'ai déjà vus, Stardust memories est l'un des plus beaux.

Comme toujours dans ce cinéma, une place importante est réservée aux personnages féminins. Et comme toujours, le héros est entouré de femmes somptueuses, alors qu'il a du mal à se fixer avec l'une d'entre elles. Vous aurez reconnu Charlotte Rampling, à qui Woody offre le rôle... d'une star de cinéma qu'on découvre aussi tourmentée que son Pygmalion. Le réconfort viendra-t-elle de Jessica Harper ? Peut-être, à moins qu'il ne s'incarne dans la peau d'une épouse adultère et mère de famille, alias Marie-Christine Barrault. Tournicoti, tournicotons: le zébulon Allen fantasme fort et atermoie toujours, spécialiste autoproclamé de l'art et de la masturbation ! Dans l'étonnante scène de rêverie initiale, muette, les plus attentifs reconnaîtront une Sharon Stone de 22 ans. "J'ai donné mon maximum pour faire fondre cet idiot de Woody", indiquera-t-elle plus tard. Allenien certes, mais Stardust memories est bien un film de femmes.

Stardust memories
Film américain de Woody Allen (1980)

À mesure que j'explore la filmographie du maître, j'ai l'impression d'un peu mieux le connaître et je l'apprécie de plus en plus. Tourné juste après Manhattan, Stardust memories m'apparaît comme un cru tout aussi percutant, un peu plus fou sans doute, nostalgique aussi. Woody en rigole-t-il, lui ? Peut-être. On peut y croire. Si Sandy Bates n'est effectivement pas son double, c'est en tout cas un personnage récurrent. Je concède qu'il peut bien s'incarner dans d'autres acteurs qu'Allen lui-même. Voyez mon index des réalisateurs et choisissez...

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Je note que le film ne fait pas l'unanimité...

Mes amis de "L'oeil sur l'écran" le trouvent un peu trop narcissique.

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