samedi 31 mai 2025

L'enfant caché

Il me semble que nous la connaissons avant tout sous sa désignation allemande: la petite ville ukrainienne de Czernowitz a été réinventée en Hongrie pour les besoins du tournage de La chambre de Mariana. Sorti en avril, ce magnifique film adapte le livre éponyme d'un auteur israélien, Aharon Appelfeld (1932-2018). Que j'ai aussi envie de lire...

Hiver 1942. Sous l'occupation nazie, une femme juive sait sa famille menacée. Une nuit, elle traverse le ghetto en passant par les égouts afin de confier son petit garçon à une amie, devenue une prostituée. Il était une fée... Hugo vient d'avoir douze ans. Il (sur)vivra enfermé dans un simple réduit de la maison close où travaille sa bienfaitrice. Lumineuse Mélanie Thierry ! La comédienne s'est tellement investie dans le projet qu'elle a pris, deux ans durant, des cours d'ukrainien. Au sein de la troupe, elle était en fait la seule à avoir la nationalité française. Elle s'est dès lors fondue dans la peau de son personnage. Quand on lui décernera quelque laurier, ses divers partenaires de jeu mériteront, eux aussi, des éloges. L'enfant, Artem Kyryk, a été choisi au terme d'un très long processus de sélection. Vous pourrez noter que les travaux préparatoires du film avaient débuté avant l'attaque russe sur l'Ukraine (rappel: c'était tôt, le matin du 24 février 2022). La performance de ce très jeune homme n'en est que plus admirable ! Pas étonnant, en tout cas, de se sentir "secoué" du côté émotionnel...

Remarquable sur le fond, La chambre de Mariana l'est également dans la forme. Un temps, j'ai pensé retenir "Une fente dans le mur" comme titre pour cette chronique. Il faut en effet bien comprendre que, le plus souvent, c'est par un interstice de la paroi de sa cache que le gosse observe le monde. Il en perçoit tout juste quelques sons étouffés, qu'il décrypte vaguement quand il ne ferme pas les yeux pour mieux se blottir dans son passé. J'ai trouvé certaines séquences très belles, lorsque, par exemple, le doux visage de la mère de Hugo réapparait dans l'obscurité. La lumière de moins en moins intense témoigne alors avec efficacité de l'effacement progressif du souvenir et de la confusion qui en découle. Simple précision: le long-métrage ne se déroule pas uniquement à huis-clos, mais je préfère ne rien dire de ce qui se passe à l'extérieur - j'imagine que vous saurez le deviner. Ému à de nombreuses reprises, j'ai beaucoup aimé la dernière scène. J'ajoute qu'évidemment, le film résonne fort avec la terrible actualité de notre monde, en Ukraine ou ailleurs. Il faut aussi le voir pour cela !

La chambre de Mariana
Film français d'Emmanuel Finkiel (2025)

C'est légitimement que le cinéma s'empare de la mémoire collective. Après La douleur en 2018, avec - déjà - une performance remarquée de Mélanie Thierry, le réalisateur s'est appuyé sur des producteurs belges, israéliens, hongrois et portugais pour imager ce nouvel opus. Le résultat: une vision décalée de la Shoah, singulière et puissante. Sur ce sujet, je recommande vivement Le jardin des Finzi Contini...

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Et, comme Hugo, je regarde ailleurs...

Je peux ainsi voir que Pascale a donné un bon écho au film, elle aussi.

jeudi 29 mai 2025

Dans un grand flou

Frankie souffre d'une maladie neurodégénérative. Ses mouvements s'en trouvent altérés, ainsi que sa simple capacité de concentration. Son compagnon est mort dans des circonstances troublantes et sa fille a été confiée à la garde de sa belle-mère. Elle a perdu son petit boulot et, faute d'argent, pourrait être expulsée de son appartement. Glups !

S'intéresser ainsi à une ancienne employée de nuit de station-service aurait pu nous conduire vers un énième film social dans l'Amérique des marges. Si The Gazer en est un, il adopte vite un ton particulier. J'avoue que je ne sais plus très bien ce qui m'a attiré à son sujet. Promu à Cannes 2024, côté Quinzaine des cinéastes, ce premier opus d'un ex-électricien originaire du New Jersey sort des sentiers battus. Avec, entre autres influences, les deux David: Lynch et Cronenberg. Quand Frankie rencontre Paige et se voit alors promettre une somme conséquente pour déplacer une voiture, elle n'hésite pas longtemps. Pourrait-elle enfin se tirer de sa vie de galères ? Rien n'est moins sûr. Mais, pour le découvrir, il vous faudra savoir démêler le vrai du faux dans ce long-métrage des plus déroutants, tourné sur pellicule 16mm. Sans lien familial confirmé avec Marcello, Ariella Mastroianni, l'actrice principale, vous embarquera vers un monde aux contours incertains...

Cet univers est aussi le sien: elle a participé à l'écriture du scénario. Malgré le grain de l'image, je n'y ai pas tout à fait retrouvé l'ambiance des purs thrillers paranoïaques américains des décennies 1970 et 80. Vous noterez toutefois qu'un gros travail a été accompli sur le son. Désormais, je suis à vrai dire curieux de savoir comment un tel film sera accueilli par le public (en imaginant qu'il restera confidentiel). Moi ? Je l'ai vu avec deux copains... et nous étions trois dans la salle. Je crois pouvoir affirmer que nous avons tous apprécié le "spectacle". Il est souvent désagréable: j'ai eu à plusieurs reprises une sensation d'enfermement, qui trouve probablement toute ou partie de sa source dans le fait que The Gazer a partiellement été écrit pendant la crise du Covid - une période dont l'impact sur les arts n'est pas à négliger. Le temps qui passe sera peut-être un atout important pour ce genre d'histoires, déjà appréciables aujourd'hui. À vous de voir et de juger !

The Gazer
Film américain de Ryan J. Sloan (2024)

Croyez-moi: ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur un tel OFNI. Je trouve d'ailleurs réconfortant que des artistes osent de tels gestes. Visuellement, le film est assez proche d'un autre que j'ai découvert récemment: Variety, datant, lui, de 1983 et chroniqué toute fin avril. Au rayon des films noirs, je crois judicieux de revoir Soeurs de sang. Et/ou, pour son atmosphère particulière, le fascinant Under the skin.

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Une petite précision d'ordre linguistique...

Même s'ils ajoutent souvent un "The" devant, j'ai la nette impression que les distributeurs de cinéma peinent souvent à traduire les titres anglais. The Gazer ? "Celle qui regarde fixement" (ou "dans le vide").

lundi 26 mai 2025

Son fils, son combat

Mexico, 29 juin 1986: l'Argentine gagne sa deuxième Coupe du monde de football après une finale homérique contre l'Allemagne de l'Ouest. "Dans le pays voisin, il y avait alors une dictature dont tout le monde se foutait": c'est ce qu'a récemment affirmé le cinéaste César Díaz. Une idée judicieuse pour la promo de son nouveau film... Mexico 86 !

Ce "pays voisin" dont parle ainsi le réalisateur de Nuestras madres est le sien: le Guatemala, État d'Amérique centrale de 108.890 km2 qui partage effectivement une frontière (au nord) avec le Mexique, ainsi que d'autres plus courtes avec le Honduras, le Salvador et Belize. Il a aussi des littoraux sur la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique. Bon ! Côté cinéma, nous sommes désormais invités à suivre les pas de Maria, une femme entrée dans la lutte armée contre la junte militaire guatémaltèque. Un combat qu'elle doit mener à distance depuis l'assassinat de son mari par la police secrète de son pays d'origine. Or, au tout début du film, elle retrouve Marco, son fils, âgé d'un peu plus d'une dizaine d'années. Menacé de représailles, le garçon vivait jusqu'alors caché, confié aux bons soins de sa grand-mère. Laquelle, malgré toute sa tendresse, ne peut plus s'occuper de lui. Maria est alors tiraillée entre son enfant et son engagement militant !

Autant le dire comme je le pense: le charisme et la belle expressivité de Bérénice Bejo font beaucoup pour la réussite de ce long-métrage. Selon toute vraisemblance, le budget mis à la disposition des équipes techniques est resté limité, mais leur travail s'avère très efficace pour recréer une époque et donner à l'action un cadre géographique crédible. L'action, justement... sans tout dévoiler, je crois important de vous dire que Mexico 86 ne repose assurément pas sur une série de rebondissements, chacun plus spectaculaire que les précédents. L'intrigue joue surtout sur la tension que font naître les circonstances qu'affrontent les différents protagonistes - Maria, Marco ou d'autres encore, bien écrits et, entre qualités appréciables, plutôt attachants. Leur histoire mérite donc le détour, même si plusieurs autres films pourraient vite vous la faire oublier d'ici la fin de cette année 2025. Je veux me souvenir de la bande musicale de Rémi Boubal, parfaite. Et j'ajoute un "détail" important: le récit que César Díaz nous offre est pour partie autobiographique. Et donc le film, dédié... à sa mère !

Mexico 86
Film franco-belge de César Díaz (2025)

Un "petit" film, mais qui m'a précisément convaincu par son absence totale d'esbroufe pour nous raconter une histoire peu commune. Décrire une vie clandestine de cette manière me semble pertinent. Sur ce thème, j'ai repensé à ce magnifique film de Sidney Lumet qu'est À bout de course. Et, sur les limites que pose le militantisme d'action, à Night moves ! Vous en avez vu d'autres ? Je vous écoute...

samedi 24 mai 2025

Du succès des Palmes

Oyez, oyez, ami(e)s cinéphiles ou simples curieux arrivés par hasard ! Publiée à une heure encore matinale, cette chronique sera la dernière de ma semaine. Comme vous le savez certainement, c'est aujourd'hui que se termine le 78ème Festival de Cannes. Or, livrer une analyse complète du palmarès dans un délai raisonnable m'a semblé difficile...

C'est pour cela que j'anticipe un peu pour évoquer l'un de mes chevaux de bataille liés au grand rendez-vous annuel de la Croisette: l'envie d'identifier quelques films et de convaincre que chacun d'entre nous peut en trouver qui lui plaisent parmi les lauréats. Vous voulez noter ?

Je ferai simple ce jour en listant les dix Palmes d'or venues de pays étrangers et qui ont attiré le plus de public dans les salles françaises:
1. / Le troisième homme (1949),
2. / Quand passent les cigognes (1958),
3. / Apocalypse now (1979),
4. / Le guépard (1963),
5. / M*A*S*H (1970),
6. / La loi du seigneur (1957),
7. / La dolce vita (1960),
8. / Pulp fiction (1994),
9. / Taxi driver (1976),
10. / La leçon de piano (1993).

Mon avis ?
Je dois reconnaître qu'il n'y a pas de film récent parmi ces champions. Mais il y en a de très bons: je les ai presque tous vus - et chroniqués !

Et voici à présent le classement en France des Palmes d'or françaises:

1. / Le salaire de la peur (1953),
2. / Le monde du silence (1956),
3. / Un homme et une femme (1966),
4. / Orfeu negro (1959),
5. / Anatomie d'une chute (2023),
6. / Le pianiste (2002),
7. / Entre les murs (2008),
8. / Les parapluies de Cherbourg (1964),
9. / La vie d'Adèle (2013),
10. / Sous le soleil de Satan (1987).

Et alors ?
Que quatre films du 21ème siècle pointent ici le bout de leurs bobines me semble (un peu) rassurant pour nos bons cinéastes d'aujourd'hui...

Et maintenant ?
Sauf imprévu, je ne devrais pas trop tarder à ajouter la Palme 2025 dans la page dédiée, toujours accessible d'un simple clic sur le lien situé en haut à droite de la page d'accueil, "Les Festivals de Cannes". Je vous laisse ce matin à vos éventuels pronostics ou commentaires. Et vous donne rendez-vous dès lundi midi, autour d'un 2769ème film !

mercredi 21 mai 2025

Un regard somalien

Avec 637.657 km2 et 18,5 millions d'habitants, elle est l'un des pays les plus pauvres et les moins sûrs de la planète. Exemple: le Canada conseille à ses ressortissants de l'éviter ou d'en partir s'ils y sont déjà. Un film, pourtant, nous est arrivé de Somalie en avril, tourné là-bas avec des non-professionnels. Et ensuite promu à Cannes, l'an passé...

Si ce n'est bien sûr de la visibilité, Le village aux portes du paradis n'aura rien retiré de sa participation à la sélection Un certain regard. Ce regard, c'est celui d'un réalisateur né en 1992, lui-même somalien et installé en Europe (Autriche) après y avoir été formé au cinéma. Intelligemment, il a placé en tout début de métrage quelques images d'une chaîne d'info britannique, évoquant l'élimination d'un terroriste islamique supposé... par un drone de l'armée américaine ! Un choix narratif qui correspond à une réalité, tout en ancrant d'emblée le pays dans la vision que les Occidentaux férus d'actualité peuvent en avoir. Pas question toutefois de s'en tenir à ce constat: le scénario s'articule autour de trois personnages civils, un enfant, son père et sa tante. L'occasion de montrer une population dont la situation économique demeure à ce jour extrêmement instable, pour ne pas dire précaire. Or, c'est le miracle de l'inspiration: le film n'est jamais misérabiliste !

Un cliché éculé pourrait me faire dire que ce - premier - long-métrage rend à ces gens leur dignité. Mais c'est encore mieux: la description minutieuse de leurs démarches quotidiennes pour se tirer d'affaire passe avant tout par les images, qui, souvent, précèdent les mots. Certains jugeront probablement que Le village aux portes du paradis n'est pas un film bavard: c'est en fait un film lent, qui prend le temps de poser sa caméra et laisse le spectateur comprendre ce qu'il voit sans se sentir obligé de trop expliciter le propos. Je crois sincèrement qu'il n'est pas nécessaire d'être un expert de la géopolitique mondiale pour "apprécier le spectacle", qui en appelle plutôt à notre humanité commune et nous offre alors quelques plans absolument magnifiques. Le titre lui-même est comme un avant-goût de ce qui nous attend d'un point de vue esthétique. Le réalisateur a expliqué en interview qu'à ses yeux, son pays a de très nombreux atouts que d'autres pays africains peuvent lui envier, sans parvenir à les exprimer pleinement. Rien que pour cela, je dis qu'il mérite qu'on s'intéresse à son travail...

Le village aux portes du paradis
Film somalien de Mo Harawe (2025)
Vous l'aurez compris: j'ai eu un vrai coup de coeur pour cet opus, fort et sensible à la fois. Soutenu en outre par des producteurs norvégiens et français, il confortera mon intérêt pour le cinéma venu d'Afrique. Vous vous souviendrez peut-être que j'avais déjà présenté un film somalien: La femme du fossoyeur, il y a un peu plus de trois ans. Celui-là se passait à Djibouti et, oui, reste vraiment recommandable !

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Une petite précision...
Le film est en somali, l'une des langues officielles du pays - la seconde étant l'arabe. Elle regroupe 35 millions de locuteurs (selon Wikipédia).

Et avant de conclure...

Vous pourrez aller lire la mini-chronique de Pascale. Je la remercie pour m'avoir permis de me souvenir du prénom des trois personnages principaux du récit, à savoir Cigaal (l'enfant), Marmargade (le père) et Araweelo (la tante). Je suis très heureux de les avoir "rencontrés" !

lundi 19 mai 2025

La gloire de son père

Autant vous le dire tout de suite: la bande-annonce de La réparation m'avait semblé très convaincante. Certains critiques de la presse pro ont parlé du retour de Régis Wargnier, dix ans après son dernier film. Moi, j'ai été attiré par la promesse du pitch: un chef et son second disparaissent le jour où leur restaurant obtient une troisième étoile...

Stop: je ne veux pas trop vous en dévoiler ! C'est auprès d'un couple d'amoureux que le film démarre: Clara, fille unique du chef, lui cache qu'elle sort avec Antoine, le second, et a l'intention de partir avec lui pour "vivre sa propre vie". Jusqu'à présent, elle exploitait ses dons culinaires en travaillant avec son père, dans une relation affective d'autant plus forte - et accaparante - qu'elle se joue sans arbitrage maternel. Bref... tout change quand les deux hommes se volatilisent. Sans réelle surprise, c'est alors autour du seul personnage de Clara que l'intrigue se développe et, malheureusement, se fane assez vite. Le talent de la jeune comédienne, Julia de Nunez, n'est pas en cause. La réparation se déplace jusqu'à Taïwan et y résout son énigme première (trop) rapidement. Après cela, le film suit une autre piste narrative: la fusion et la transmission des héritages gastronomiques. Un sujet qui aurait tout à fait pu m'intéresser. Hélas, son traitement romanesque ne m'a qu'à moitié séduit: j'espérais d'autres passions ! Je suis sorti du cinéma un peu frustré. Mais rien de vraiment grave...

La réparation
Film français de Régis Wargnier (2025)
À mettre au crédit de cet opus: de très belles images venues de l'Asie et des acteurs impliqués avec, du côté des hommes, Clovis Cornillac, Julien de Saint-Jean, JC Lin et Louis-Do de Lencquesaing, à un degré moindre. L'ennui, c'est que le récit s'éparpille entre énigme "policière" et exaltation des arts de la table. Vrai gourmand, je préfère Délicieux ou La passion de Dodin Bouffant. OK, chacun ses goûts, on va dire...

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Et ailleurs, on en dit quoi ?

Le fait est que j'ai trouvé l'avis de Pascale vraiment proche du mien. Avec tout de même quelques détails supplémentaires, m'a-t-il semblé.

dimanche 18 mai 2025

Une question de rythme

L'avez-vous remarqué ? Cette chronique dominicale est ma quatrième en quatre jours. Je vais prolonger la série jusqu'à cinq, demain midi. Après cela, je compte retrouver mon rythme de croisière d'un texte tous les deux ou trois jours. C'est celui de mes visionnages de films. J'ai enchaîné trois opus rares, auxquels je n'ai désormais plus accès...

Mes sources de septième art ? Les salles obscures, quelques chaînes proposées par mon opérateur Internet et ma collection DVD - BluRay. Mes proches s'en étonnent parfois: je n'ai qu'une télé assez simple chez moi. Je préfère les grands écrans des cinémas aux installations dernier cri que l'on peut (très facilement) installer à son domicile. Avant tout, le cinéma reste une pratique collective et une sortie. J'imagine volontiers que cette affirmation doit apparaître dépassée pour beaucoup de monde: je l'assume. Cette conviction profonde nourrit aussi mon envie de partage, à une cadence la plus régulière possible. Étant entendu que, bien sûr, je fais des pauses: le cinéma tient une place importante dans ma vie, mais j'ai d'autres activités. Et près de dix-huit ans de blogging ne m'ont pas coupé du monde réel.

Ce qui est vrai, c'est qu'au-delà des films, ma bibliothèque de cinéma aura connu une croissance relativement soutenue ces derniers temps. C'est grave, docteur ? Hum.. c'est le symptôme d'une collectionnite aigüe. Je vous rassure: ce n'est pas contagieux, ni même douloureux. Simplement, cela me pousse périodiquement à fouiller les rayonnages des librairies en quête de quelques trésors qui pourraient s'y cacher...

Par ailleurs, je reste fidèle, depuis l'an 2008, à un support particulier et à mes yeux référentiel: le fameux et fabuleux Annuel du cinéma. J'ai reçu le dernier très récemment et j'encourage les plus passionnés d'entre vous à découvrir cette bible païenne via le site de son éditeur. Comme d'habitude, tous les films y sont traités à égalité - une page avec fiche technique, résumé, critique et photogramme. Du bonheur !

Trente sont cités par la rédaction comme ses préférés pour 2024:
20.000 espèces d’abeilles /
À son image / All we imagine as light
Anora / La belle de Gaza
/ The bikeriders / Borgo
Dahomey / Los delincuentes / Le deuxième acte / Emilia Pérez
En fanfare
/ Les fantômes / Flow / Furiosa
Les graines du figuier sauvage / Grand Tour
L’histoire de Souleymane
/ Madame Hofmann
Le mal n’existe pas / May December / Megalopolis / Miséricorde
Occupied city
/ Pauvres créatures / Le roman de Jim
The substance / Un silence / Une famille / La zone d’intérêt
 
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J'en ai terminé et ça va mieux en le disant...
Cette chronique est bien sûr ouverte à vos regards et commentaires.

samedi 17 mai 2025

Le meilleur ami de la reine

Savez-vous ce qu'est un Corgi ? Ou plutôt un Welsh Corgi Pembroke ? Gagné ! Il s'agit bel et bien d'un chien court sur pattes, dont la race était réputée la préférée de feue Sa Majesté la reine Elizabeth II. Conquise dès l'anniversaire de ses 18 ans, en 1944, la souveraine britannique en posséda une trentaine jusqu'à sa disparition en 2022...

C'est ce qui m'amène à vous parler aujourd'hui d'un film belge d'animation complètement loufoque: le bien nommé Royal Corgi. Quand il est sorti, l'héritière des Windsor et son mari le prince Philip étaient toujours en vie (rappel: lui s'est éteint au printemps 2021). J'ignore s'ils ont "validé" le long-métrage, mais je le trouve réaliste dans sa reconstitution du Palais de Buckingham et de ses hôtes. Quand il commence, le couple royal accueille la toute première visite officielle d'un certain... Donald Trump, venu avec Melania, of course !

L'idée du film, c'est d'imaginer que ledit président des États-Unis d'Amérique, propriétaire d'une chienne nommée Mitsy, veut la marier à Rex, le Corgi chéri de The Queen, pour renforcer les liens d'amitié qui unissent les deux pays. L'ennui, c'est que le quadrupède anglais refuse et cause ainsi un gros impair diplomatique lors de la réception d'honneur, fâche le Texan et se voit obligé de fuir sa niche dorée. Résultat des courses: un séjour dans un chenil et maintes aventures improbables, destinées à faire rire les petits, mais aussi les grands ! Plutôt orienté vers le jeune public, Royal Corgi envoie des clins d'oeil aux adultes - consentants - et tient ainsi du divertissement familial. Seul sur mon canapé, je me suis amusé aussi ! Le casting des voix choisies pour le doublage français n'y est pas pour rien, avec Shy'm, Guillaume Gallienne ou encore Franck Gastambide en têtes d'affiche. Un conseil: ouvrir les yeux et les oreilles. Vous pourriez être surpris...

Royal Corgi
Film belge de Ben Stassen et Vincent Kesteloot (2019)

Quatre étoiles enthousiastes pour un opus qui garde son intensité comique tout au long du métrage - soit une petite heure et demie. Bien que loin des meilleurs classiques, il constitue un divertissement très appréciable. Comme des bêtes et sa suite sont des comparaisons valables. Ensuite, pour un programme plus ambitieux, revoir Là-haut et ses personnages canins demeure à coup sûr une remarquable idée !

vendredi 16 mai 2025

Au coeur des ténèbres

La guerre en Ukraine nous aura presque fait oublier qu'au tout début des années 1990, la dislocation de la Yougoslavie s'était accompagnée de conflits et de massacres ethniques sur le sol des ex-composantes fédérées, en Bosnie et en Croatie notamment. J'ai (enfin !) vu un film dernièrement, Chris the Swiss, qui m'a rappelé ces horreurs passées.

Combinaison d'images tournées en ex-Yougoslavie un peu avant la fin de la décennie 2010, de documents d'archives et de dessins animés exclusivement en noir et blanc, ce documentaire remonte le temps sur la trace de Christian Würtemberg, un jeune reporter suisse originaire de Bâle, parti essayer de comprendre la réalité du terrain au coeur de l'automne 1991. Ce jeune homme a été retrouvé mort début janvier 1992, dans le tout petit village croate d'Ernestinovo. Dans le film, une voix off indique que la réalisatrice ne connaît guère que des fragments de la vérité sur les derniers mois de son existence. D'après ses proches, le jeune homme aurait été lâchement assassiné par de pseudo-frères d'armes, alors qu'il avait endossé l'uniforme d'une milice extrémiste anti-serbe. Une escouade paramilitaire essentiellement composée de mercenaires internationaux et dirigée par un ancien journaliste à la double nationalité hongro-bolivienne. Eduardo Rozsa ­Flores a sa page Wikipédia: elle fait froid dans le dos !

J'en reviens au documentaire proprement dit. Son autrice n'est autre qu'une cousine de Würtemberg, qui l'idolâtrait et avait une dizaine d'années quand elle a appris sa mort. Elle en est longtemps restée traumatisée et c'est sûrement ce qui l'a poussée à mener une enquête approfondie sur les circonstances du drame. Une partie des critiques professionnels ont noté que Chris the Swiss ne lève pas l'ensemble des zones d'ombre. Mais aurait-ce été possible ? Je n'en suis pas sûr. Le plus frappant à mes yeux ? La narratrice du film nous explique qu'une photographie du terroriste Ilich Ramírez Sánchez (alias Carlos) avait été retrouvée parmi les effets de Würtemberg. Et l'intéressé, alors interrogé depuis sa prison, assure que le journaliste supposé était en réalité un agent secret suisse. Et ? Zéro explication. Il y a tout de même de quoi se poser quelques questions sur le niveau d'objectivité de la réalisatrice. Mais je veux croire en sa bonne foi ! Au-delà du cas qu'elle expose, son travail a le mérite de nous rappeler que la guerre est une atrocité. Une leçon toujours valable aujourd'hui.

Chris the Swiss
Documentaire suisse d'Anja Kofmel (2018)

Six ans de travail - investigation et création - ont été nécessaires pour réaliser ce film impressionnant. Malgré les quelques réserves que j'ai soulevées, je trouve qu'il mérite vraiment d'être découvert. En tout cas, je ne lui connais pas d'équivalent, même si j'ai pu penser à Valse avec Bachir - qu'on m'a conseillé et que je n'ai pas encore vu. Le plus proche pourrait être une fiction à 100% animée: La traversée.

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Une double anecdote personnelle pour finir...

On se dit parfois, égoïstement, que ces conflits sont loin de nous. Pourtant, j'ai connu un Croate de mon âge qui avait vu son frère aîné partir faire la guerre, sans pouvoir donner de nouvelles à sa famille pendant un an. J'ai aussi croisé un Français qui se disait ex-membre d'une milice bosniaque et affirmait avoir du sang serbe sur les mains. Mythomanie ? Envie d'impressionner ? Réalité ? Je ne l'ai jamais su...

jeudi 15 mai 2025

Cette femme

Une nuit. Le silence. Un couple dans son lit. Lui dort. Elle non. Allongée sur le dos, yeux ouverts. Elle se lève. Quitte la pièce. Disparait du regard de la caméra. Un coup de feu. Quelques secondes de noir. Le couple réapparaît de jour. Six mois plus tôt. On sait déjà que l'histoire finira mal. Oui, Partir est bien le récit d'une conclusion !

Difficile, en évoquant ce récit, de ne pas en révéler la teneur exacte. Disons simplement, avec toute la prudence nécessaire, que le film s'articule essentiellement autour de son beau personnage féminin. L'impeccable Kristin Scott Thomas y trouve un rôle d'une complexité remarquable, dont elle s'empare avec un talent tout à fait inouï. Suzanne, cette héroïne presque malgré elle, traverse des émotions contradictoires et la comédienne incarne cela à la quasi-perfection. Cela dit, il ne faudrait surtout pas oublier ses deux partenaires masculins: Yvan Attal et Sergi López. Je préfère taire le rôle exact joué par chacun, ainsi que ce qui peut les opposer ou les rapprocher. Suspense préservé: j'espère donc vous donner envie de voir Partir. J'ai trouvé ce court long-métrage (1h30 à peine) d'une belle richesse. Quelques moments un peu caricaturaux, mais une observation fine des comportements humains exacerbés. Voilà, je n'en dirai pas plus...

Partir
Film français de Catherine Corsini (2009)
J'ai 2-3 réserves, pour être honnête, mais l'interprétation magistrale du trio Scott Thomas - Attal - López emporte ma pleine adhésion. C'est l'occasion de m'apercevoir que le cinéma de Catherine Corsini me plaît, en général (cf. La belle saison et Un amour impossible). Envie d'autres horizons ? Pour la blague mais pas que, voyez Revenir. Ou The singing club, pour la reine Kristin... que je connais très mal !

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Et afin d'en savoir plus, en remontant le fil du temps...

Vous dénicherez une ancienne (et intéressante) chronique de Pascale.

mardi 13 mai 2025

Quand Cannes cancane...

Il n'y a pas si longtemps, j'étais avide d'un maximum d'informations autour du Festival de Cannes. Vous le savez sûrement: l'événement ouvre ce mardi sa 78ème édition. Je vais la suivre d'un oeil discret. Comme chaque année, je compte en retenir le titre de quelques films intéressants, si possible venus de pays lointains ! Et j'en reparlerai...

Je ne me suis guère penché sur le nom et les fonctions des artistes invités à désigner la Palme d'or et les autres lauréats de la Sélection officielle. Que ce jury soit réuni autour de Juliette Binoche présidente m'inspire plutôt confiance, mais je n'ai fait que survoler la liste complète des prétendants à l'une ou l'autre des grandes récompenses. J'ai vu cinq des dix dernières Palmes. Et j'en ai aimé trois. Bon ratio !

Est-ce que je suis "sous influence" ? Pas totalement, mais un peu. J'estime qu'une partie de l'histoire du cinéma s'écrit sur la Croisette. D'où mes interrogations pour cette année: qui succèdera à Sean Baker comme lauréat de la Palme ? Et quel autre film après son Anora ? Évidemment, je me pose plein d'autres questions et en discuter alors avec mes amis, par blogs interposés ou en direct, reste un bonheur...

Inévitablement, je m'intéresse encore à tout ce qui se passe du côté du cinéma français. L'un(e) de nos compatriotes sera-t-elle honoré(e) après Justine Triet, il y a deux ans ? La débutante Amélie Bonnin ouvrira le Festival avec Partir un jour, qui n'est donc pas "palmable". J'ai également noté le retour de Julia Ducournau en compétition officielle pour Alpha, quatre ans après le triomphe cannois de Titane. Et si c'était plutôt le tour de Hafsia Herzi avec La petite dernière ? La France mise aussi sur Dominik Moll et Dossier 137, entre autres...

Et le glamour, alors ? Cannes n'en est jamais totalement dépourvu. D'après moi, la célébrissime montée des marches d'avant-projection démontre à elle seule que cela fait en quelque sorte "partie du jeu". Mais est-ce pour cela que mon retard est titillé chaque année ? Non. Je préfère regarder les films que rester planté devant les paillettes. Chacun son truc, après tout: à vous de décider ce que vous appréciez.

Vous noterez tout de même que, dans une interview donnée au Monde le 4 mai dernier, Iris Knobloch, la présidente du Festival depuis 2023, indiquait sobrement avoir été "la seule femme autour de la table pendant la majeure partie de (sa) carrière". Ex-dirigeante de Warner en France, elle a assuré aussi que cela avait parfois pu être un atout. Je me dis que le petit monde du cinéma gagnerait encore à évoluer...

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Et justement...

Je n'ai pas, avec ce texte, la prétention d'avoir déjà épuisé le sujet. Nous pouvons donc en reparler... ou pas, selon vos goûts et intérêts. Plan B: je vous retrouverai jeudi midi, avec un film "pas-de-Cannes" !

Une ultime précision...
Je ne suis évidemment pas le propriétaire des photos d'illustration. C'est pourquoi je les retirerai si leurs auteurs me le demandent. L'idéal serait que je trouve une solution... en amont des événements.

dimanche 11 mai 2025

L'artiste, la femme

Citation: "Camille Claudel est une grande oeuvre malade, qui pèche par ses excès, mais triomphe par son ambition et son intégrité". Critique pour Télérama, Aurélien Ferenczi voit assez juste, je trouve. J'avais envie de découvrir ce film sorti en 1988, en prenant le risque d'un décalage. Je l'ai aimé, malgré quelques réserves, et j'y reviens...
 
Avant cela, un mot pour celles et ceux qui l'ignorent: Camille Claudel, née dans l'Aisne en 1864, était la fille aînée - après la mort d'un frère encore bébé - d'un couple relativement aisé. Les historiens de l'art assurent qu'elle eut la passion de la sculpture dès son adolescence. Rejetée par sa mère, mais soutenue par son père, elle "fit carrière" et, un temps, fut à la fois la collaboratrice, la muse et l'amante d'Auguste Rodin (né, lui, à Paris, en 1840). C'est sur cette relation aussi féconde que tourmentée entre deux génies que s'attarde le film. Mais il ne s'appelle pas Camille Claudel pour rien: c'est autour d'elle que le scénario s'articule, comme pour sublimer un destin pathétique. Si vous en ignorez les contours, je me tais et vous laisse les découvrir avec le film (ou toute autre source d'information de votre choix). Cinématographiquement parlant, certains parlent d'un long-métrage voulu par Isabelle Adjani, sa star féminine, et que son compagnon aura tourné à sa demande. C'est vrai, mais ce n'est pas un problème. L'actrice aura très bien investi son rôle et le réalisateur aussi, le sien.

Voir ou revoir ce film en 2025 peut interroger sur les personnages masculins et bien sûr, au tout premier chef, celui d'Auguste Rodin. Comme vous le savez ou voyez, il est incarné par Gérard Depardieu. Je vous le dis très franchement: cela ne m'a posé aucun problème. Mais, assez logiquement, la personnalité de l'acteur du 21ème siècle rejaillit sur le sculpteur du 19ème, dont l'attitude avec les femmes correspond à celle de ceux qu'on appelle aujourd'hui les "mâles alpha". Observé à travers ce prisme particulier, Camille Claudel est un film passionnant et peut-être précurseur. Dénonciateur ? Pas forcément. De mon point de vue, c'est avant tout une ode à une femme longtemps mise sur le côté et qui mérite pourtant qu'on se souvienne d'elle comme d'une très grande artiste. À l'écran, certaines scènes parviennent à le démontrer sans grande emphase, tandis que d'autres explosent littéralement (et de façon quelque peu excessive, parfois). Au final, bilan positif: j'ai tout de même vu un grand film d'époque. L'Académie des César lui en offrit cinq. Il était nommé... pour douze !

Camille Claudel
Film français de Bruno Nuytten (1988)

Des excès, de l'ambition et de l'intégrité... oui, c'est pertinent. D'ailleurs, cela semble bien correspondre à ce qu'était Camille Claudel. Si vous souhaitez nuancer le propos, je vous réoriente très volontiers vers un autre film en bon complément: Rodin (de Jacques Doillon). J'aimerais voir Camille Claudel, 1915 de Bruno Dumont... une fois prochaine, sûrement. D'ici là, je conseille Bonnard Pierre et Marthe !

jeudi 8 mai 2025

Êtres, rêves, bêtes

Vous est-il déjà arrivé d'avoir envie de changer de vie ? Le romancier québécois Mathyas Lefebure l'a fait: ancien employé d'une entreprise de publicité à Montréal, il a connu une crise existentielle courant 2004 et l'a résolue en devenant... un gardien de brebis en Haute-Provence. Bergers adapte à présent au cinéma sa simili-biographie sur le sujet !

Je vais commencer par vous dire ce que j'ai le moins aimé: un aspect parfois trop beau pour être vrai - qui fait toutefois écho à une forme de naïveté du personnage principal - et une fin un brin expéditive. Hormis ces deux points, je ne vois pas grand-chose de très important à reprocher à ce long-métrage, joliment inscrit dans un sublime cadre de montagne. C'est bien simple: même la bande musicale de Bergers m'a motivé à suivre Mathyas et son amie Élise dans leur folle équipée sauvage. Soyez-en sûrs: ce film peut faire remonter de vieux idéaux à la surface si, bien que citadin, vous avez peu ou prou la fibre écolo. Pour autant, il ne va pas jusqu'à dire que c'est facile de prendre soin de la nature (ou en l'espèce d'un immense troupeau DANS la nature) comme on pourrait le faire de soi, même accompagné d'une proche. Est-ce que ça s'improvise ? Non. Est-ce que ça s'apprend ? Peut-être. Le scénario le laisse croire, au-delà de toute inconnue sur le terrain...

Les acteurs s'avèrent suffisamment impliqués pour paraître crédibles. Tête d'affiche, le Canadien Félix-Antoine Duval, 33 ans, m'a semblé convaincant et j'imagine en phase avec les attentes de la production. À ses côtés, il m'a plu de revoir Solène Rigot, une actrice française trop rare, qui démontre cependant de belles facultés d'interprétation. La réalisatrice, elle, s'est montrée exigeante dans sa propre manière d'agir artistique. "Il fallait que j'aie ressenti le monde des éleveurs pour pouvoir ensuite le rendre en scénario et en mise-en-scène (...). La transposition est presque de l'ordre du conte", a-t-elle mentionné. Ce travail paye: certains passages sont édulcorés, mais une attention particulière est accordée à ce monde, à l'écart des principaux sentiers battus. Cela nous aide à mieux mesurer sa diversité et sa fragilité. Cerise sur le gâteau: c'est moins plombant et bien moins moralisateur qu'un blabla politique. À vous de voir si vous êtes / serez convaincus !

Bergers
Film franco-canadien de Sophie Deraspe (2024)

Oui, la réalisatrice est québécoise, elle aussi, et son deuxième long personnel (après Antigone en 2019) est sorti chez nos chers cousins d'outre-Atlantique dès novembre dernier: une promesse pour l'avenir ! Pour la ruralité, je pense que vous pourrez apprécier Petit paysan et/ou Vingt dieux, plus récent. Et Les choses simples ? Des acteurs de grand talent (le trio Gadebois-Wilson-Gillain), mais trop de clichés.

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Alors ? Vous vous contenterez du film du jour ?

Très bien: vous en lirez une chronique fort enthousiaste chez Pascale. Vous pourrez aussi noter que Dasola l'a vite rejointe sur les hauteurs. On peut l'y retrouver en s'intéressant par ailleurs à la critique du livre.

lundi 5 mai 2025

Son honneur bafoué

Il y a deux parties distinctes dans Le joueur de go et je dis d'emblée qu'à mes yeux, la meilleure est bien la seconde - on peut s'en réjouir. Le début du film en pose les enjeux et il m'aura fallu un peu de temps pour me sentir tout à fait "en place" dans ce Japon du 18ème siècle. Le cinéma asiatique mobilise parfois nos capacités de contemplation !

Kakunoshin Yanagida est un rônin, c'est-à-dire un samouraï errant. Depuis que sa femme est morte et qu'il a choisi de quitter le service exclusif de son maître, il ne cohabite qu'avec sa fille, Kinu. Le sabre attaché à sa ceinture ne lui sert plus à se battre, mais il gagne sa vie de manière honorable, grâce à un nouveau travail: graveur de sceaux. Le titre du film le suggère: il excelle aussi au jeu de go... et refuse d'en tirer profit en pariant le reste de son argent sur ses victoires. C'est après avoir réglé un différend commercial entre deux voisins qu'il rencontre Chobei, un prêteur sur gages réputé pour son avarice. Au contact du veuf, ce dernier devient petit à petit digne de l'estime de ses concitoyens (ce qui passera par un apprentissage ludique). Mais les choses vont se complexifier - et se détériorer - par la suite...

J'en ai dit beaucoup ! La suite sera liée à la dignité et à la vengeance possible d'un ancien soldat qui aurait aussi bien pu se laisser oublier. Que dire ? Bien que classique, ce scénario est joliment mis en scène. Aucun des nombreux personnages n'est inutile à l'avancée d'un récit qui s'emballe au cours de sa deuxième heure, toute en mouvement. Certains critiques ont comparé Le joueur de go aux meilleurs opus d'Akira Kurosawa, mettant ainsi en avant un humanisme commun. Mouais... je n'ai pas franchement été convaincu par cet argument. D'après moi, nous sommes encore à des encablures des références japonaises dites classiques - je vous invite à revisiter ce patrimoine. Pour autant, pas question de nier les qualités évidentes de ce film d'aujourd'hui: visuelles et narratives, elles sont de fait incontestables. Les interprètes, eux, sont à la hauteur des ambitions d'un cinéaste méconnu en France. J'ajoute un nouveau nom à la liste des possibles !

Le joueur de go
Film japonais de Kazuya Shiraishi (2024)

Une nouvelle petite perle venue tout droit du Pays du soleil levant. C'est à se demander pourquoi les autres longs-métrages du réalisateur restent inédits sous nos latitudes. Bref... mystères de la distribution ! Je parlais d'Akira Kurosawa: c'est l'un de ses assistants qui, une année après sa mort, tourna Après la pluie à partir de l'un de ses scénarios. J'aime autant Les sept samouraïs, La forteresse cachée, Ran, etc...

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Une certitude: mon film du jour est apprécié...

C'est l'occasion de faire un saut chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

dimanche 4 mai 2025

Références

Je ne sais pas combien de films j'ai pu voir tout au long de ma vie. Pas moins de 2.760 longs-métrages figurent à ce jour sur ce blog ! Autant de jalons d'une cinéphilie inscrite dans une volonté de partage. Je n'ai vraiment aucune envie de "faire autorité" (drôle d'expression). Ce qui ne m'empêche jamais de réfléchir en termes de "références"...

Le visionnage de films anciens et de classiques renforce ma curiosité pour d'autres oeuvres, mais, a posteriori, il m'invite aussi à étudier de plus près celle que je viens tout juste de découvrir et d'apprécier. C'est ainsi qu'après avoir vu Mr. Klein, j'ai pu vérifier qu'il était cité dans Le cinéma français à travers 100 succès, un beau livre publié aux éditions Larousse en 2003, sous la plume de Bernard Chardère. Fondateur de la revue Positif, l'auteur retient l'approche chronologique et évoque le film de Joseph Losey entre deux opus que je ne connais que de - très bonne - réputation: Dupont Lajoie (Yves Boisset / 1975) et Violette Nozière (Claude Chabrol / 1978). Un sort assez enviable...

Il y a peu, j'ai eu la chance de tomber sur toute une série d'ouvrages signés Pierre Tchernia et proposant chacun une sélection subjective de 80 "grands succès" dans un genre déterminé. Je continue bien sûr de me rapporter aux fameux Annuels du cinéma, dont j'ai déjà parlé et que je collectionne depuis l'édition 2008 (en complément du blog). Aujourd'hui, j'ai donc une belle bibliothèque dédiée au septième art ! Comme ma mère le dit avec humour, je vais probablement être obligé d'aller bientôt faire un petit tour chez Ikéa. Me contenter d'infos collectées sur Internet ? Ce n'est pas dans mes habitudes, à vrai dire. Même si j'ai plusieurs autres blogs cinéma comme sources, bien sûr...

J'en reviens donc inévitablement à cette belle notion de "références". Parce que je suis d'avis que l'art en général et le cinéma en particulier forment une partie du patrimoine humain, je considère que les écrits et opinions d'autres connaisseurs enrichissent mon bagage intellectuel dans ce domaine. Pas question toutefois de tout prendre pour argent comptant: comparer les idées, ce n'est pas effacer son esprit critique. Au contraire: face à un avis différent, on peut aussi aiguiser le sien pour mieux défendre ses convictions profondes - en toute bonne foi. C'est inutile de trop intellectualiser: j'aime autant L'intendant Sansho que le dernier Indiana Jones, au final ! Et je suis prêt pour la suite...

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Pour finir, un petit calcul...
2.760 films sur ce blog, donc. En considérant que la durée moyenne d'un long-métrage est de deux heures, on en arrive à 5.520 heures. Soit pile 230 jours. Je suppose que ma passion reste raisonnable. D'autant que quelques autres plumes ont eu l'occasion de s'exprimer...

Et pour aller encore plus loin...
Si vous voulez me parler en commentaires de vos propres références pour mieux connaître le septième art, ils sont prévus pour cet usage. Livres, podcasts ou autres blogs: je reste ouvert à tous les supports. Et évidemment à tous les pays, toutes les époques, tous les genres...