dimanche 30 septembre 2012

Chronique de la zone

Sur ce blog, un grand numéro d'acteur peut en cacher un autre. C'est néanmoins le hasard qui m'amène aujourd'hui à évoquer Naked, film dont j'ignorais tout il y a encore un petit mois. Compagnon régulier de mes virées au cinéma, mon pote Philippe, lui, m'en avait parlé depuis un petit moment. Comme lui, j'ai aimé ce long-métrage doublement primé au Festival de Cannes 1993. En première tête d'affiche, j'étais à vrai dire ravi d'y voir David Thewlis, un comédien britannique méconnu, mais que j'ai trouvé plutôt bon à chaque fois que je l'ai vu. Je ne suis pas vraiment capable d'expliquer pourquoi...

Ce qui est sûr, c'est qu'ici, il donne de sa personne. Le film démarre à peine qu'on comprend déjà qu'on ne va pas se marrer. Dans une rue sombre de Manchester, la nuit, Johnny viole une femme qui finit quand même par se dégager et lui jure qu'un autre type le retrouvera pour lui régler son compte. Sans attendre davantage, le violeur décampe donc et s'enfuit jusqu'à Londres, où il finit par squatter l'appartement de son ancienne petite amie - je passe sur les détails. Naked débute alors véritablement en chronique de la zone. Johnny déambule dans les rues de l'Angleterre des réprouvés. Si le ton général du personnage - et du film tout entier - n'est pas dénué d'ironie, la réalité qui se trouve ici décrite frise souvent le sordide. Sans complaisance toutefois, la caméra navigue au coeur même d'une profonde misère urbaine. Méconnaissable, la capitale anglaise est filmée du côté obscur. Un voyage dont on ne sort pas indemne.

Tout au long du film, je me suis souvent demandé où tout cela allait mener. La réponse appartient à chacun de nous. Celle du réalisateur reste à débattre. Personnellement, j'ai tout de même cru ressentir une certaine empathie de Mike Leigh pour Johnny et ses personnages les plus paumés. Le scénario ne repose en fait sur aucune intrigue structurée, mais plutôt une suite de péripéties, heureuses ou non. Les visages ainsi croisés sont multiples, l'impression dominante presque glauque. La fulgurance de dialogues en partie improvisés sauve Naked de la noirceur absolue. Bien plus qu'un représentant parmi d'autres de l'école du cinéma social britannique, cette oeuvre forte est aussi une réflexion sur l'humanité et son devenir. L'évolution de l'homme l'a-t-il conduit à un stade de développement avancé ? Pas sûr, en fait, même si la fin ouverte du long-métrage laisse une petite porte ouverte à l'imprévisible. À vous d'imaginer...

Naked
Film britannique de Mike Leigh (1993)
Prix de la mise en scène et Prix d'interprétation masculine: Naked était donc reparti de la Croisette avec deux trophées, trois ans seulement avant que Mike Leigh ne revienne pour décrocher la Palme avec Secrets et mensonges. Il me faudrait désormais revoir quelques vieux Ken Loach pour retrouver la crème du cinéma britannique engagé. Parmi les artistes plus jeunes capables d'aborder ces thématiques sociales avec talent, je veux citer Paddy Considine et son Tyrannosaur. Pas question pour autant que j'en vienne aussitôt à oublier le superbe Fish tank de la brillante Andrea Arnold.

1 commentaire:

dasola a dit…

Bonsoir, je confirme: très grand film vu à l'époque de sa sortie. Le meilleur de Mike Leigh à ce jour avec des acteurs exceptionnels dont la regrettée Katrin Cartlidge. Je suis contente d'avoir le DVD. Bonne fin d'après-midi.