samedi 9 mars 2024

Identité(s)

Cela fera demain un an que A man a triomphé aux "César" japonais. Le film en a mis deux pour arriver dans les salles obscures françaises. Il avait d'abord été présenté dans plusieurs festivals, dont la Mostra de Venise. Cette adaptation d'un roman s'avère vite d'une intensité dramatique peu commune et, à ce titre, mérite toute votre attention.

Rie vit avec son jeune fils et sa mère depuis qu'elle a divorcé. Modeste papetière, elle a vécu un drame (que je ne dévoilerai pas). Elle a remarqué qu'un homme revient souvent dans sa boutique. Exactement le contraire d'un dragueur: un type timide, qui lui achète assez régulièrement du matériel à dessin. Un jour, il s'adresse à elle plus directement, dit s'appeler Daisuke et exprime une envie d'amitié. Doucement, mais sûrement, le duo devient un couple harmonieux. Oui, mais Daisuke, bûcheron, meurt dans un accident du travail: Rie n'a alors d'autre choix que d'organiser seule les obsèques de son mari. Elle rencontre ensuite son beau-frère. Qui ne reconnaît pas le défunt sur les photos ! J'arrête mon résumé: ce n'est que le début du film. Cette introduction pose un mystère. Plusieurs surprises surviendront au film du métrage - je crois presque impossible de les anticiper. Autant le dire tout net: A man est à mes yeux un excellent thriller. Mais ce qui est formidable, en fait, c'est qu'il est aussi... autre chose.

J'ai lu une critique qui le qualifiait de "labyrinthe psychologique". C'est assez bien trouvé. Faisons simple: le film nous parle d'identité. Qu'est-ce qui, au milieu d'un groupe, nous détermine comme individu unique ? Peut-on échapper au carcan de ce que l'on est par atavisme familial ou à l'inverse réussir à façonner une personnalité différente ? Quel poids symbolique fait peser sur nous le nom que nous portons ? Bon... je conçois que, présenté ainsi, A man peut sembler complexe. Il l'est, mais, en même temps, je trouve qu'il pose des questions potentiellement universelles et reste donc - relativement - accessible. La version originale japonaise réclame du spectateur des efforts soutenus de concentration, mais le récit y gagne en authenticité. Âmes sensibles, attention: les personnages vivent de rudes épreuves et n'avancent pas nécessairement tous vers une forme d'apaisement intime. La dernière scène nous laisse d'ailleurs face à un choix possible, ce que vous pourriez trouver délicat, voire inconfortable. Comment savoir ? En allant au cinéma, pardi ! S'il est encore temps...

A man
Film japonais de Kei Ishikawa (2022)
Un homme
, oui... et ce titre - simplissime - vaut pour une oeuvre cinématographique compliquée, mais d'une puissance étonnante. Difficile d'en trouver de comparable: j'ai juste pensé au premier film de Kiyoshi Kurosawa que j'ai pu voir, le très éprouvant Cure (1997). Réflexion faite, Profonds désirs des dieux (Shôhei Imamura / 1968) reste sans doute le film japonais le plus déroutant que je connaisse...

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Envie d'aller plus loin ?

Pascale a aussi aimé le film, sans forcément y voir les mêmes choses. Vous constaterez que Princécranoir, lui, émet davantage de réserves ! Arrivée, elle, un peu plus tard, Dasola pourrait donc... les départager.

2 commentaires:

Pascale a dit…

Je dirais même que ce film parle d'identitéS.
Et le voir en dehors de la VO me semble inconcevable.
Thriller psychologique, romance, histoire de famille, racisme, quel film !
Je n'ai pas lu la chronique du Prince car je veux rester calme. Je ne comprends pas qu'on puisse émettre des réserves sur un tel film.

Martin a dit…

Je ne sais pas si le film a été doublé en français.
Mais je sais en revanche que la VO rebute certaines personnes. Et c'est dommage...