samedi 8 février 2014

Beautés volées

Il ne faut pas se raconter d'histoires: la vocation première de ce blog demeure de parler de cinéma. Même si j'avais d'abord pensé écrire une rétrospective pour cette 1001ème chronique, je me suis vite dit que c'était aussi bien d'enchaîner tout de suite avec un nouveau film. Pique-nique à Hanging Rock m'a littéralement embarqué. Je suis souvent sensible au charme particulier des oeuvres contemplatives. J'ai d'autant plus apprécié celle-là qu'elle se déroule loin dans l'espace et dans le temps, puisqu'en Australie, début 1900. Vous m'y suivez ?

Un jour de Saint-Valentin, la vingtaine de pensionnaires d'une école de filles sort des murs de l'établissement  pour passer un après-midi dans la nature. Après le déjeuner, un petit groupe de quatre s'éloigne pour faire l'ascension d'un piton volcanique voisin. Quand vient l'heure de rentrer, trois d'entre elles ont disparu. On constate aussi l'absence d'une des femmes chargées de leur surveillance. Les recherches menées sur le site ne donnent rien. Pique-nique à Hanging Rock déploie alors son mystère. La magnificence des paysages aborigènes fait de ce décor naturel un personnage à part entière. On voudrait comprendre, mais on n'y parvient pas. Agréable au regard, cette terre lointaine paraît soudain porteuse d'une sourde menace. L'être humain y est-il véritablement à sa place ? Pas sûr. "Tout ce que nous voyons ou paraissons n'est qu'un rêve dans un rêve": le vers d'Edgar Poe cité en préambule du film paraît devoir confirmer le danger des illusions.

C'est finalement tout Pique-nique à Hanging Rock qui semble nager dans un certain onirisme. On a dit que, pour donner à ces images l'allure cotonneuse, un voile de mariée avait été utilisé comme filtre pour la caméra. La beauté diaphane des jeunes actrices fait le reste et confère au film une atmosphère unique. Il est d'ailleurs à signaler que le long-métrage adapte un roman lui-même réputé et populaire pour le mystère qu'il laisse planer sur la frontière exacte entre fiction et réalité. Si j'ai choisi d'illustrer également mon propos par la photo d'un garçon, c'est pour symboliser le fait que certains des personnages s'accrochent à cette même réalité. Eux vivent dans l'espoir d'obtenir une explication rationnelle à ce qui s'est passé. Le doute demeure pourtant, avec des conséquences violentes et désastreuses. À chacun d'apporter sa réponse. La mienne serait qu'à l'aube d'un siècle nouveau, les filles auront enfin su se libérer d'un certain corset social.

Pique-nique à Hanging Rock
Film australien de Peter Weir (1975)

C'est le deuxième long-métrage du cinéaste: vous le connaissez probablement pour d'autres oeuvres, comme Le cercle des poètes disparus, Master and commander ou The Truman show. J'aime vraiment son travail et j'ai franchement apprécié cette opportunité d'appréhender ses presque-débuts. Il y a là une certaine parenté thématique et stylistique avec Délivrance ou Duel. Les spécialistes disent aussi que Sofia Coppola a retenu la leçon pour Virgin suicides.

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Vous avez envie d'en savoir plus pour vous lancer ?

Ce n'est pas illégitime. Deux des blogs que je visite régulièrement disent leur avis: "L'oeil sur l'écran" et "Mon cinéma, jour après jour".

3 commentaires:

Princécranoir a dit…

Un film magnifique dont je fait également l'éloge sur mon blog. Je ne connaissais pas l'ancdeote du voile de mariée. Merci pour l'info ;)

Jean-Pascal Mattei a dit…

Sans doute le meilleur film de son auteur, qui rime avec les œuvres de Dario Argento et Michelangelo Antonioni : http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/pique-nique-hanging-rock-les-disparues.html?view=magazine

Martin a dit…

@Jean-Pascal:

Je ne sais pas si c'est le meilleur film de Peter Weir, mais c'est en tout cas celui qui a définitivement inscrit le réalisateur dans mon Panthéon de cinéma.

Et merci de réveiller mon envie de voir d'autres films de Michelangelo Antonioni !